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Accueil du site > Tribune Libre > Faire la paix avec une dictature, est-ce tenable ?

Faire la paix avec une dictature, est-ce tenable ?

A l’heure où tout le monde se félicite de la reprise des pourparlers indirects entre Israéliens et Syriens, jusqu’à justifier la présence du président syrien à la tribune du 14 juillet, une question mérite une réflexion. Peut-on réellement faire la paix avec un régime dictatorial ? Si oui, quelles sont les conditions pour que cette paix soit juste et durable pour tout le monde, Israéliens comme Arabes…

Depuis longtemps, presque depuis toujours, je suis un fervent partisan de la paix au Moyen-Orient et cela m’a toujours valu des critiques de la part de mes concitoyens syriens. Oui, je suis pour une véritable paix entre Arabes et Israéliens. Une paix qui garantirait le droit à l’existence pour tout le monde, Israéliens comme Palestiniens. Une paix qui éloignerait l’horreur de la guerre, l’odeur du sang et des bombes. Une paix qui apportera une véritable prospérité à tout le monde et qui éloignerait la misère dont souffre d’abord et avant tout les peuples arabes. Mais aussi une paix qui garantirait la dignité humaine aux peuples arabes qui subissent les pires dictatures que le monde peut connaître.

Alors oui, en tant que citoyen syrien, je me félicite de la reprise des pourparlers entre Syriens et Israéliens via la Turquie. Cela a le mérite de redonner l’espoir que nous avions eu pendant les premiers ronds des négociations à la fin des années 90. Je me souviens, cet espoir avait un effet positif sur toute la région. Les gens commençaient à rêver d’une nouvelle ère de prospérité et de changement à tous les niveaux. Il faut dire qu’à cette époque, l’espoir de la paix s’accompagnait aussi avec l’espoir d’un changement de politique à l’intérieur même de la Syrie. Assad père était en fin de vie, et le nouveau "prince héritier" paraissait nouveau, moderne et plein de promesses. Lui qui avait vécu à Londres. Et cela avait enfanté ce qu’on appelait à l’époque "le printemps de Damas" où les choses commençaient à bouger. L’on voyait des tribunes presque contestataires dans la presse locale et de nouveaux partis étaient sur le point de se constituer. Bashar el Assad avait même promis mille merveilles, à commencer par la promesse qu’en 2007, il ne serait pas le seul candidat à la présidence de la république. A l’époque, j’avais dit "Wao".

Huit ans après, force est de constater, quelle déception ! Le peu de liberté qui avait pu naître a vite disparu. Le régime a étouffé toute opposition, s’est davantage corrompu avec l’ère des nouvelles technologies et des télécommunications et a recouru aux mêmes recettes de terreur que celles de son père à savoir les assassinats et les attentats. Sans oublier les prisonniers politiques syriens et libanais qui ont davantage étoffé les prisons syriennes. Tout un parcours chaotique qui a valu au régime d’Assad fils un isolement sans précédent, lui le jeune vierge qui rêvait de séduire les Occidentaux avec ses talents d’orateurs, ironie quand tu me tiens, bien sûr. Voilà que huit ans après son ascension au pouvoir le résultat est médiocre pour ce lionceau, avec en plus plusieurs résolutions de l’ONU contre sa politique et un affront sans faille avec l’administration américaine qui l’accuse de soutenir les terroristes et le met même en plein milieu de l’axe du mal.

Que faire alors pour ressortir de cette impasse dans laquelle il s’est engouffré ? La belle affaire. Il y a la reprise de dialogue, même indirect, avec Israël, et voilà que tout le monde songe à le fréquenter à nouveau, jusqu’à l’inviter à la tribune des droits de l’homme. Bien sûr, il a pris le soin auparavant de "boucler" le dossier libanais. Pour qu’il ne soit pas un obstacle à son entrée dans la cour des grands.

La reprise du dialogue avec Israël est une très bonne chose, ça c’est une certitude. Une nouvelle donne qu’il faut encourager. Mais la question que je me pose ici est la suivante : faire la paix avec une dictature, est-ce vraiment tenable ?

Avant d’essayer d’y répondre, je souhaite rappeler que les peuples arabes sont d’abord et avant tout victimes de leurs propres dirigeants ; je dirais plutôt de leurs propres dictateurs. Ces régimes nous brandissent depuis soixante ans la peur d’Israël, comme un hochet qu’ils agitent régulièrement pour faire taire toute velléité d’émancipation. Je rappelle qu’en Syrie il y avait une démocratie dans les années 50-60. L’arrivée du parti Baas, et ensuite d’Assad père, a tué la jeune démocratie syrienne née après le départ des Français. Depuis, Assad, père comme fils, ont verrouillé toutes les portes sous prétexte de cette soi-disant guerre avec Israël. Or, depuis 1973, il n’y a pas eu de guerre directe avec Israël et/ou sur le front direct entre les deux pays. Israël n’est qu’un épouvantail que le régime brandit depuis toujours pour asseoir sa mainmise. Israël, c’est du pain béni pour lui.

Peut-on réellement croire à la volonté d’Assad de faire la paix ? Il faut l’encourager, certes. Mais je pense que ce n’est qu’une manœuvre, sinon une manière de redorer son image, de gagner du temps, de rompre son isolement. De plus, il sait qu’il ne pourra pas faire autrement s’il ne veut pas finir comme Saddam. Il espère ainsi que l’option de la paix fera fermer les yeux sur son régime de terreur. Je n’espère pas qu’il réussira. Je souhaite que les pays démocratiques, aux premiers rangs desquels la France, sauront faire les pressions nécessaires. C’est ce qu’on appelle du donnant–donnant. Si le régime syrien veut rejoindre la communauté internationale, qu’il commence par le dialogue. Avec Israël oui, mais pas seulement. Qu’il le fasse avec son propre peuple aussi ! Il peut commencer par libérer les prisonniers d’opinion, libérer la presse, donner la possibilité au multipartisme, formuler une constitution nouvelle où les droits de l’homme sont respectés. Entre autres choses, bien sûr.

Je ne pense pas que la paix puisse exister réellement sans une réelle démocratie. La démocratie y est même nécessaire pour parvenir à un véritable dialogue entre les deux peuples. Regardons le cas de l’Egypte qui a signé un traité de paix avec Israël. Force est de constater que cette paix n’a servi presque à rien, sinon à attiser encore les haines et les rancunes. Bien sûr, ça pourra amoindrir le risque direct d’un conflit et tant mieux. Encore une fois, je suis pour cette paix. Mais elle doit être plus solide, plus forte, et plus réelle. Je pense justement que, si la dictature militaire persiste en Syrie, en ayant de surcroît l’appui et la bénédiction des Occidentaux, ce sont les intégristes musulmans qui seront fortifiés davantage dans la rue syrienne, et dans le monde arabe. Cela n’est bon pour personne, ni pour les Syriens, encore moins pour Israël et les reste du monde.

L’Egypte est, encore une fois, le meilleur exemple. Trente après la paix signée, ce sont les frères musulmans qui profitent de l’existence du régime non démocratique de Moubarak. Ce dernier tient le pouvoir depuis trente ans, compte même passer le flambeau à son fils et tout cela avec la bénédiction et le soutien financier des Occidentaux. Face à cela, les intégristes sont les seuls à tenir un discours contre la corruption et la dictature. Et le peuple égyptien ne fait que les suivre, aveuglement comme trompé, hélas. Ce sera le même schéma avec la Syrie, les intégristes musulmans seront les premiers à y gagner. Et le régime brandira alors la peur de ces intégristes pour maintenir sa mainmise sur le peuple syrien. Or, pour ne pas en arriver là, il existe des solutions, à savoir entamer une réelle démocratisation progressive dans le pays. Je ne dis pas qu’il faut tout de suite évincer le pouvoir en place ou de faire appel à des forces extérieures pour déloger le régime (comme c’est le cas en Irak). Non, il faut commencer par s’ouvrir. Garantir la liberté d’expression à tout le monde. Régler les problèmes de pauvreté en combattant la corruption et la mainmise des mafias familiales qui volent les richesses du pays. C’est en ce faisant que les intégristes ne feront pas le poids et ne pourront pas peser dans la balance dans le processus de paix avec Israël. Cela ne peut pas être réglé lors des négociations israélo-syriennes, certes. Mais, au moins, ce doit être mis sur la table. Ce pourra aussi faire l’objet des pressions de la part de la communauté internationale. La paix serait plus solide et plus réelle. Rappelons-nous que la France et l’Europe aident financièrement la Syrie depuis des décennies. Ne serait-ce pas possible de conditionner cette aide par des avancés sur le plan intérieur comme sur celui de la paix ? Je suis fort étonné que personne n’y a pensé auparavant. On aurait gagné du temps depuis longtemps…


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11 réactions à cet article    



    • parousnik 20 juin 2008 17:01

      "La démocratie" n’est qu’un mirage aux alouettes... ce qui se passe en Europe avec les magouilles politiciennes pour obliger les peuples a accepter une Europe de priviléges féodaux soumise au directive terroriste étasunienne le prouve... La reprise d’un dialogue avec le Israelien n’augure rien de bon vu qu’ils ne respectent rien comme le font les étasuniens d’aujourd’hui et comme le faisaient leurs aieux annexant les territoires ...Apaches Sioux et autres...malgré les traités etc... Nous savons tous quels sont les projets de la dictature génocidaire israelienne alors faudrait peut être arréter de nous prendre pour des imbéciles....


      • charlie 20 juin 2008 17:34

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        • Hakawati de Damas 20 juin 2008 17:49

          Parousnik, je comprends votre position mais apparemment vous ne savez pas ce qu’est c’est que de vivre sous la dictature. Je n’ai pas besoin de vous faire une longue démonstration, mais le simple fait que vous puissiez vous exprimer ainsi librement, dans ce ce forum par exemple, n’est en aucun cas donné aux peuples qui subissent les vraies dictatures. En Syrie par exemple, des internautes et des bloggueurs sont jetés en prisons et sont jugés par des cours martiales et militaires pour le simple fait de s’exprimer librement. Ils sont suspectés de comploter contre le "socialisme" ou de conspiration contre la sécurité de l’état. Voyez, la liberté d’expression est un droit fondamental pour moi. Hélas, j’ai déjà remarqué qu’en Occident, on ne se rend pas compte de la chance que nous avons. Je comprends bien qu’il puisse avoir des imperfections dans le système démocratique pour les uns ou pour les autres. Mais au moins le débat n’est pas interdit et vous ne serez pas condamné en prison depuis 2004 parce que vous avez voté non au traité européen, par exemple. Puis, le vote n’est en aucun cas manipulé en Europe. Parce que sinon, dans un pays de dictature on aurait tout simplement manipulé le vote des citoyens, et sans le moindre gêne. Tenez, en Syrie, depuis 41 ans, les deux présidents, père et fils, sont toujours passés entre 97% et 99.7% des suffrages. Manipulés bien sûr. Maintenant que les dirigeants européens soient mécontents du résultat irlandais, ce à quoi vous faites allusion, c’est dans leur rôle pour ne pas dire dans leur droit. Le débat est toujours là pourtant pour savoir que faire pour sortir de l’impasse. On peut être d’accord ou pas, mais faire revoter un peuple reste malgré tout un processus démocratique. En plus, rien ne dit que les irlandais voteront oui.

           
          Quant à vos critiques de la reprise de dialogue entre Arabes et Israélien, ils montrent une fois de plus que vous n’avez pas vécu dans une région où la guerre règne depuis 60 ans au moins. Mais pour moi, le simple fait de dialoguer, figurez-vous, il me procure déjà un espoir. C’est aussi simple que ça. C’est la perspective qu’il puisse avoir une autre alternative que la guerre et le sang versé. C’est l’espoir de voir les enfants de la bande de Gaza manger à leur faim. Or cela ne peut se faire que par la paix et par le dialogue. La terreur et les armes, des deux côtés, ne marcheront pas. Sinon, que voulez-vous ? La guerre encore et plus de sang versé ? Il faut savoir choisir entre le bien, le mal et le pire. D’ailleurs, estimez-vous heureux qu’en Occident vous avez la liberté de choisir. C’est ça aussi c’est la démocratie.

          • lolita lolita 21 juin 2008 00:26

            Trêve avec le Hamas,réconciliation avec Damas.Sarko et Olmert sont en train de préparer le terrain pour un prochain bombardement de l’Iran qui aura lieu dans très peu de temps.Mais je ne pense pas que le Hamas et Damas soient dupes.Les musulmans n’ont pas la bombe mais ils savent jouer aux échecs.


            • camerone 23 juin 2008 23:38

              encore et toujours un bombardement de l’Iran ...depuis qu’on en parle ...je ne vois toujours rien venir ...ce ne serai pas plutot pour faire peur de mettre encore une fois en avant un bombardement de cette région .Car pendant ce temps il se passe des chose beaucoup plus grave dans cette partie du monde ...exemple le liban


            • Dominique Larchey-Wendling 21 juin 2008 09:55

              Je ne vois pas ce qui permet à l’auteur de présupposer que les démocraties sont pacifiques. Les conditions de la paix entre puissances comparables sont largement dépendantes d’un partage perçu comme équitable de ressources communes. Mais bien plus souvent, la paix est fondée sur la domination (d’un empire).

              Démocratie = paix est une équation absurde.

              Ce qui ne veux pas dire que les démocraties sont nécessairement guerrières non plus.

               


              • katalizeur 21 juin 2008 11:37

                @ l’auteur

                vous avez bien fait ne nous prevenir que vous etes un raconteur d’histoire, de science fiction me semble t il ?

                votre histoire dommage pour vous ne tient pas la route,


                • Iren-Nao 22 juin 2008 02:15

                  A vous ecouter, on ne devrait meme pas causer avec les mechants qui ne sont pas de bons democrates.

                  On pourrait se demander alors pourquoi on leche le cul de Bush.

                  La democratie est devenur un icone sacre, comme si elle repondait a tous les besoins ; (parenthese, sur al Jazeera une pub qui dit : la famine n’est pas du au manque de bouffe, mais au manque de democratie....manque pas d’air)

                  Dictateur ou pas la Syrie c’est aussi un peuple et un pays, pourquoi ne causerait on pas avec, au nom de quoi ? on ne causait pas avec l’URSS, la Chine, et tous les roitelets du golfe...et la liste serait longue. ?????

                  Il faut vous reveiller mon vieux, ce n’est pas a la communaute internationale de faire des "regime change" et si les peuples sont si friants de democratie, qu’ils prennent la bastille !!!

                  Et souvent quand on vire les dictateurs, les pays explosent et se dechirent car ces nations etaient des fictions.

                  aujourdhui en Syrie, et depuis un moment deja, c’est les Assads qui sont les barbeaux, il faut bien en tenir compte.

                  En Irak un dictateur a ete pendu, n’empeche que pour un grand nombre d’Irakien, Saddam ca devait etre le bon temps...

                  Salam Aleikoum

                  Iren-Nao


                  • armand armand 22 juin 2008 09:46

                    Merci à l’auteur de cet appel ’sentimental’ à une amélioration que tout être sensé ne peut qu’approuver. Il est souvent difficile de garder une position médiane entre la volonté d’imposer la ’démocratie’ par tous les moyens, dans les plus brefs délais, et le cynisme désabusé qui estime que seul un régime fort ne peut se maintenir dans certains pays du monde.

                    Envahir, déstabiliser un pays conduit aux pires violences - voyez l’Irak. Encourager une révolution sanglante, idem - voyez la France ou la Russie. En revanche, faciliter patiemment l’évolution vers plus de libertés concrètes et un rôle plus positif dans les échanges internationaux, voilà qui est peu spectaculaire mais autrement plus efficace. C’est ce qu’il faut souhaiter pour la Syrie. C’est pourquoi il ne faut pas isoler Assad - qui s’est montré particulièrement efficace dans sa manière de se rappeler au bons souvenirs de ceux qu’il tient pour ses ennemis. Quant à le renverser, le contre-exemple irakien montre bien quelles horreurs sortiront ensuite de la boîte de Pandore.

                    Quant aux discrètes négociations avec Israël sous l’égide de la Turquie, elles offrent les meilleures chances car limitées aux seuls pays historiquement concernés. Leur succès serait en plus le plus bel encouragement pour l’organisateur - quoi de mieux qu’un prix Nobel pour Erdogan en réponse à ceux qui veulement renverser le gouvernement élu de la Turquie sous prétexte de kémalisme sourcilleux !


                    • armand armand 22 juin 2008 17:25

                      Dire qu’une Turquie débarrassée de ses complèxes à l’égard de son passé ottoman est bien placée pour être un ’broker’ au Proche Orient me semble loin d’une déclaration d’amour. Ce dernier mot, d’ailleurs, appliqué à la politique, a l’air de vous poser un problème...

                      Il y a deux façons de dominer son opinion publique - la fédérer autour d’un ennemi commun, hélas, ce que nombre de pays arabes pratiquent depuis soixante ans. Mais arrive un moment où le prix est trop élevé. Ou faire la paix à condition que celle-ci soit assortie de dividendes tangibles.

                      La restitution du Golan et le retour de la Syrie parmi les pays ’fréquentables’ me paraissent une récompense suffisante.

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Nikos


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