Faut-il remettre en cause la maison individuelle ?
Dans un discours le 14 Octobre 2021, la ministre déléguée au logement Emmanuelle Wargon a fait part de tout le mal qu’elle pense de la maison individuelle. Deux jours après, face à certaines réactions des milieux professionnels, elle se ravise. Du moins partiellement en façade, car au fond elle exprimait la pensée d’Emmanuel Macron ?

La ministre se perd dans des déclarations contradictoires
Ce qui est assez surprenant, un jour (le 14 octobre 2021) la ministre, après avoir déclaré « ce rêve construit pour les Français dans les années 1970 », ce modèle d’urbanisation qui dépend de la voiture pour les relier », sont un « non-sens écologique, économique et social » (comme si la maison individuelle n’existait pas avant les années 1970). Elle rajoute ensuite : « et en même temps , comme dirait le président Macron, ce modèle du pavillon avec jardin n'est « plus soutenable » et mène à « une impasse ». Deux jours plus tard, elle se ravise et accuse en déclarant : « regretter la caricature faite de ses propos, qui ne reflète pas la teneur de son discours prononcé ». Curieuse attitude quand on sait qu’elle a bien tenu ces propos peu constructifs contre la maison individuelle, d’ailleurs cette partie de son discours sur la maison individuelle avec tout le mal qu’elle en pense fut passé à la télévision, ce que les téléspectateurs ont d’ailleurs pu voir.
Plutôt que de stigmatiser la maison industrielle, la ministre serait mieux inspirée par une réflexion qui repense l’urbanisation dans sa globalité
Repenser l’urbanisation doit certes intégrer la maison individuelle, mais aussi la problématique des concentrations de l’habitat densifié dans les centres urbains. Toute concentration d’habitat densifié en centre ville génère systématiquement de l’étalement urbain en zone rurale de périphéries. Ce qui encourage les maires de ces communes à favoriser l’habitat individuel, même si c’est parfois les plus modestes qui sont rejetés à l’extérieur des centres urbains, sans pour autant avoir accès à la maison individuelle. La ministre devrait plutôt encourager les Maires à bloquer tout nouveau permis de construire, lorsque la commune a atteint un seuil d’habitants au-delà duquel il y a incompatibilité entre quantité de population et territoire constructible disponible. Ce qui éviterait que trop souvent les maires, par révision du plan local d’urbanisme (PLU), empiètent sur les terres agricoles ou les sites protégés en déboisant pour y construire des logements. Des mesures incitatives dans ce sens pourraient être prises dans le cadre de la la dotation globale de fonctionnement (DGF) qui constitue la principale dotation de fonctionnement de l'État aux collectivités territoriales .
Madame la ministre semble ignorer les avantages de la révolution numérique pour la réduction des mobilités domicile-travail
A l’évidence, lorsque la ministre déléguée au Logement dit que la maison individuelle en lotissement, souvent éloignée des transports en commun, exige l’usage de la voiture en particulier pour les trajets domicile-travail, c’est vrai. Sans pour autant négliger ses inconvénients, car les terres rares, dont sont issus les métaux rares nécessaires au numérique sont une ressource fossile, donc épuisable, elle en oublie toutefois les avantages qui permettent le travail à distance (télétravail), évitant ainsi de nombreux déplacements en voiture. Ce qui ne peut que se développer et au lieu de remettre en cause la maison individuelle et préférer l’habitat collectif densifié, Madame la ministre devrait plutôt réfléchir aux avantages qu’offre aujourd’hui la possibilité du travail à distance et prendre des mesures dans ce sens pour le rendre le plus agréable possible.
La ministre devrait plutôt encourager les maires et présidents de communautés de communes à développer des espaces « coworking » pour faciliter le télétravail
Ces espaces « coworking » contribuent à définir un nouveau rapport au travail, par la remise en cause du « présentéisme » dans l’entrepris. Ils permettent aussi aux salariés de pouvoir travailler au plus prés de leur domicile, donc de se dispenser de l’usage de la voiture et plus confortablement qu’à leur domicile, en particulier quand ils sont en logements collectifs avec un espace restreint. De plus, cela préserve la sociabilité des salariés en offrant des avantage similaires au travail en entreprise, grâce aux échanges qu’ils peuvent avoir entre eux ( échanger en prenant le café, ou se retrouver autour d’un repas…) ce qui ne peut se faire au domicile. Ces espaces "coworking" permettent aussi aux responsables d'entreprises d'avoir de meilleurs et plus efficaces suivis de leurs salariés que lorsqu'ils travaillent à leur domicile...
Avec l’évolution du numérique, l’ordinateur quantique et de la 5 G rendue inévitable, cela devrait contribuer à une meilleure et plus équilibrée répartition de l’habitat dans les territoires, notamment grâce à des transferts d’habitat urbain trop densifié vers des zones rurales de moyenne montagne, aujourd’hui totalement délaissées. Dans ces zones rurales, la qualité de vie est certainement meilleure que dans un centre urbain hyper densifié. Ce qui suppose également de supprimer « les zones blanches » et de permettre à minima dans ces secteurs le haut débit internet.
Avec le transfert de nombreux emplois aux robots, qui par interconnexion entre eux leur font changer de statut par rapport à la situation actuelle, permettant aussi par internet de pouvoir les programmer ou les diriger à distance sans se déplacer. Qu’une ministre semble ignorer cette nouvelle situation est pour le moins surprenant… Ne s’en prendre qu’à l’étalement des zones d’habitat en "ciblant" la maison individuelle, privilégiant ainsi la notion de densification urbaine, laquelle participe à l’étalement de l’habitat dans les zones rurales de proximité, n’est pas acceptable, voire irresponsable de la part d’une ministre.
Plutôt que de privilégier la densification de l’habitat, la Ministre devrait inciter les Maires à « bloquer » les permis de construire quand il y a déséquilibre entre population et territoire
Il est évident, notamment dans les zones rurale de proximité des centres urbains à habitat très densifié, que les maires de ces communes lotissent un peu trop généreusement, tant en habitat individuel que collectif, parfois au détriment des zones agricoles ou protégées. Face à ce constat, la ministre ne serait-elle pas mieux inspirée d’inciter les maires à « bloquer » tout nouveau permis de construire quand l’équilibre Habitat - territoires agricoles et zones protégées est en voie d’être rompu ?
Ces dispositifs étant évidemment applicable aux zones urbaines, car si la densification de l’habitat dans les grands centres urbains contribue à une spéculation des loyers, elle rejette aussi les plus modestes dans les zones HLM à la périphérie de ces centres, ce qui ne participe vraiment pas à la mixité sociale.
Par rapport à l’usage contraint de l’automobile, la ministre aurait dû réfléchir aux effets de la concentration des activités, notamment de bureau, dans les grands centres urbains
Aujourd’hui, les grands centres urbains et métropoles captent l’essentiel des activités des secteurs tertiaires qui concernent plus de 75 % de la population active, en particulier celles de bureau, mais aussi diverses activités industrielles et commerciales dans des zones de proximité. Que l’habitat des communes extérieures de ces grands centres soit collectif ou individuel, leurs occupants sont ainsi contraints de parcourir quotidiennement souvent des dizaines de km entre domicile et travail très souvent en voiture et même s’ils le font avec des transports en commun, cela a aussi un coût financier, énergétique et en rejets de gaz à effet de serre.
Concernant les déplacements domicile-travail, en 2017, plus de 74 % des actifs en emploi déclaraient se déplacer pour rejoindre leur lieu de travail en utilisant leur voiture, 16 % prenaient les transports en commun et pour des distances inférieures à 5 kilomètres, 8 % avaient recours aux modes de transport doux (6 % à la marche et 2 % au vélo). En 2021, même si sa part diminue au profit des modes doux et les transports en commun. la voiture représente en moyenne encore plus de 60 % des déplacements domicile-travail. En cas de petites distances, plus fréquentes pour les habitants de communes-centres, les employés vont plus souvent travailler à pied ou en vélo, alors que les cadres ont plus souvent recours au vélo ou aux transports en commun.
Pour conclure
Il est incontestable que plutôt de privilégier l’habitat collectif densifié et « cibler » l’habitat individuel en disant tout le mal qu’elle en pense, la ministre déléguée au logement Emmanuelle Wargon ferait mieux d’avoir une analyse objective sur les contraintes de déplacement domicile-travail qui se font de l'extérieur vers les grands centre urbains et agir pour accroître et rendre le télétravail plus confortable. Mais aussi, repenser les activités professionnelles en les faisant se déconcentrer vers des zones extérieures dont elles sont souvent issues, évitant ou limitant ainsi de nombreux déplacements en voiture.
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