Flemmards de profs, va falloir enfin travailler vraiment si vous voulez gagner plus. Sauf que…
Quand on rappelle à un enseignant que dans le primaire il ne fait que 24 heures, dans le secondaire à peine 18 et pour certains 15 heures hebdomadaires, qu’ils ont quatre mois de vacances, c’est bienveillant d’appeler ça du travail.
Sauf qu’il y a aussi :
- la préparation des cours à renouveler à chaque changement des programmes au moins ;
- préparation et correction des contrôles ;
- remplissage des dizaines de bulletins de notes trimestriels ;
- pour le professeur principal, préparation des bilans individuels des élèves et collectif de la classe ;
- participation aux conseils de classe jusqu’à tard le soir ;
- participation aux réunions parents/professeurs jusqu’à très tard le soir ;
- participation aux réunions de préparation à l’orientation ;
- l’animation de l’association sportive pour les professeurs d’EPS ;
- l’animation de la chorale pour le professeur de musique ;
- surveillance et corrections des examens ;
- participation aux divers jurys ;
- participation aux commissions d’appel pour l’orientation des élèves.
En primaire devoir prendre les élèves d’un collègue absent en plus des siens.
Tout ça dans les obligations de service donc pas payé en plus en général. Pour les quelques-unes de ces tâches rémunérées, ramenées à l’heure de temps passé on est en dessous du SMIC très certainement. C’est de l’ordre d’un pourboire.
Dans le secondaire se rajoutent des heures supplémentaires dont une qu’on ne peut pas refuser parce qu’il n’y a plus assez de professeurs pour couvrir les besoins réglementaires. Heure supplémentaire pas bonifiée comme dans le privé.
Toutes les études faites sur le sujet le confirment, le temps de travail des enseignants est très supérieur à 35 heures hebdomadaires en moyenne sur l’année.
Mais ce n’est pas fini.
Reposant entièrement sur le bénévolat et pourtant indispensables :
- concertation entre professeurs pour harmoniser les pratiques, organiser des contrôles communs, etc. ;
- élaboration de projets pédagogiques ;
- entretiens avec les parents ;
- participation aux journées « pédagogiques » même les jours où on n’a pas cours ;
- organisation des voyages scolaires ;
- organisation des classes vertes, de neige ;
- pendant ces séjours assurer 24 heures sur 24 pour pas un sou de plus ;
- organisation des visites de musée, de site historique, d’usine, séances de cinéma, théâtre et accompagnement parfois en soirée, parfois avec son véhicule personnel ;
- visites des élèves en stage, frais de route non remboursés ;
- participation aux commissions permanentes ;
- participation aux conseils d’administrations ;
- participation aux conseils de discipline ;
- participation aux équipes éducatives pour élaborer des projets d’accueil individualisé pour les élèves dyslexiques et autres « dys » ou les élèves handicapés ;
- animation des activités périscolaires, club, atelier.
Toujours plus avec le temps passé à se documenter, à s’auto-former, à se maintenir à niveau, parce qu’en 43 ans de carrière, les connaissances évoluent.
Une autre vieille idée brillantissime pour améliorer les performances du système scolaire c’est donner plus de pouvoir aux directeurs et chefs d’établissement. Choisir et évaluer leur équipe, signaler les plus « méritants » qui recevront un complément de rémunération (c’est possible maintenant que les commissions où siégeaient les représentants des personnels ont été supprimées)... et peut-être renvoyer ceux qu’ils jugeront inefficaces ? Mais les renvoyer où ?
Un principal, un proviseur souvent était un enseignant, un professeur d’histoire par exemple. Devenu chef d’établissement, il devra choisir les meilleurs professeurs pour son établissement en mathématiques, en sciences physiques, en musique, ainsi de suite. Choisir les meilleurs professeurs d'histoire-géographie à la rigueur et encore, mais pour les autres, il n’a aucune compétence pour le faire.
Par ailleurs, puisque les experts du système scolaire dénombrent un certain nombre de professeurs dits bons dans le corps enseignant c’est qu’il y en des moins bons selon eux. Et donc malgré le flair au doigt mouillé des personnels de direction on les retrouvera dans des collèges, des lycées.
D’autant qu’un professeur peut être estimé bon dans un établissement et moins à l’aise dans un autre. Cette même différence peut être observée à des périodes différentes de sa carrière. Même chose en fonction des classes dont il a la charge : ça peut se passer bien avec l’une moins avec une autre. Tous les enseignants ont un jour ou l’autre connu ce genre de difficulté.
Alors choisir les bons sans savoir qui sera bon ou pas !!!
Donc la proposition est débile.
Autre idée loufoque de ces experts.
Envoyer les meilleurs professeurs dans les établissements en zone d’éducation prioritaire. Qui sont ces meilleurs professeurs pour eux ? Les plus anciens parce qu’ils sont plus expérimentés.
Donc un professeur qui n’a jamais fréquenté les quartiers difficiles serait quand même plus apte à y enseigner qu’un enseignant novice seulement parce qu’il a vingt ans d’ancienneté.
Habitué depuis vingt ans à ce que les élèves entrent en classe en rang et en silence, lèvent le doigt pour demander la parole, aient toutes leurs affaires en cours et fassent régulièrement leurs devoirs dans son collège ou lycée de quartier tranquille, il saura tout de suite imposer les mêmes habitudes en banlieue pauvre.
Ces fameux experts sont persuadés que, tel de valeureux soldats en mission périlleuse, ces professeurs de vingt ans d’expérience donc de presque cinquante ans d’âge, sauront relever le défi. Ils s’imaginent que non seulement ils relèveront le défi mais, hosannah, qu’ils sauront trouver les voies du miracle attendu grâce à leur savoir-faire acquis auprès d’élèves disciplinés, motivés et suivis par des parents impliqués.
Autre idée farfelue qui avait commencé à être testée il y a quelques années : faire appel à de vrais managers qui savent diriger, possiblement venus du privé, pour gérer les établissements. Comme à l’hôpital par exemple avec la prodigieuse réussite qu’on y connait.
Dans mon souvenir c’est Claude allègre en 1997 qui le premier a voulu bouleverser l’éduction nationale contre la volonté des enseignants et en les méprisant. Il se vantait de réussir à « dégraisser le mammouth ». Lui tout seul savait ce qu’il fallait faire. Un savoir du même ordre que celui qui lui a fait affirmer qu’il n’y avait pas de changement climatique.
De nombreuses tentatives stériles ont ensuite été réfrénées par l’action des personnels bien aidés par le changement de ministre tous les deux ans environ, chacun voulant infliger sa réforme.
Mais ces cinq dernières années le ministre omniscient, omnipotent, abrupt, déterminé, droit dans ses bottes sauf peut-être à Ibiza où l’on porte plutôt des tongs, a transformé le système éducatif en modèle de réussite scolaire et de lutte contre les inégalités. Mais non Parcoursup n’est pas sélectif, non le baccalauréat …
Omnipotent par la grâce de l’apathie des personnels.
Exemple.
La suppression des commissions paritaires c’est la fin du traitement équitable et transparent de l’évolution de carrière. Comment avez-vous pu laisser passer ça ?
Profs bougez-vous !
Sinon vous prenez le risque de vous retrouver comme aux États-Unis dans un système où le public est en charge des élèves des milieux défavorisés et le privé des élèves dont les parents ont les moyens de payer cher, très cher.
Trente ans professeur de mathématiques dont vingt-deux en éducation prioritaire, onze ans personnel de direction dont onze en éducation prioritaire.
Ma première chronique sur le sujet :
Sur les enseignants. Il leur sera beaucoup pardonné parce qu’ils ne savent pas de quoi ils parlent !
61 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON