Fonds de pension et misère des bas-fonds
Les oriflammes et les mystifications des politiciens ne nous feront pas oublier les horribles flammes de l’extinction des solidarités.
Avez-vous
une idée de ce que représentent, à travers le monde, les fonds de pension ? En
capitalisant leur épargne pour assurer leur future retraite, quelques 300
millions de terriens confient 18 000 milliards d’euros à quelques dizaines de
milliers de gestionnaires financiers. Plus de la moitié de ces épargnants se
trouvent aux USA. Les autres sont des nouveaux riches des pays émergents et une
minorité d’européens. (1)
Ainsi
donc, des millions de petits capitalistes ordinaires doivent être distingués
des grandes fortunes internationales qui ne représentent en fait que quelques
milliers de personnes à travers le monde. Le capitalisme financier se fonde sur
un capitalisme populaire, se plaisent à dire certains commentateurs. Il y a de
quoi rire de cette soi-disant démocratisation car ces fonds ne sont la
propriété que d’un humain sur vingt-deux !
Le
problème, écrit J. Peyrelevade, est que les gestionnaires de cette colossale
manne financière « imposent leurs vues aux dirigeants des quelques milliers
d’entreprises cotées, dirigeants qui ne sont plus que les serviteurs dévoués
d’une machinerie irrésistible... » Et il ajoute que ces gestionnaires n’hésitent
pas à censurer les patrons rebelles.(2) Ne soyons pas naïfs ! Les financiers
d’un côté, et les dirigeants d’entreprise de l’autre, ont tout intérêt à
s’entendre...
De
plus, la capitalisation boursière de ces entreprises représente 44 000
milliards d’euros, c’est-à-dire plus de 105 % du PIB annuel mondial. Ces
multinationales jouent évidemment un rôle prépondérant dans l’évolution
économique. Par ricochet, leurs décisions agissent au niveau national et local.
Leur maîtrise des emplois, la dépendance de leurs sous traitants et du tissu
socioéconomique environnant, et enfin l’influence sur les décideurs politiques
sont indiscutables. Leurs choix d’investissement ou de délocalisation, leur
lobbying à Bruxelles, ou auprès des gouvernements et
leurs possibles manipulations médiatiques laissent donc peu de marge de
manœuvre aux États et aux citoyens en général.
Les
fonds de pension et d’investissement, en particulier anglo-saxons, et ceux qui
se développent maintenant en Chine, en Inde, au Japon, dans les pays arabes ou
en Europe, vont donc s’imposer de plus en plus. Les futurs retraités européens,
adeptes de dispositifs par répartition, ont donc du souci à se faire face aux
exigences des futurs retraités, créateurs de rentes par capitalisation.
Et
ne croyez pas que les possesseurs économiques européens vont décourager le
développement de ces dispositifs individualistes ? Au contraire, bien
évidemment, ils en profiteront ! En France, les banques, les assurances, les
mutuelles l’ont bien compris et nous proposent déjà des solutions.
Le
hic est que le versement de retraites par répartition est ancré dans les
esprits. La solidarité marque l’histoire de l’Humanité : celle des familles ou
des communautés villageoises, celle des Sociétés de secours mutuels du XIXème
siècle, celle des groupements mutualistes ou de la Sécurité Sociale du siècle
dernier, etc. Ces institutions sont la preuve de l’importance et de la
constance de cette valeur universelle. N’oublions pas aussi que les niveaux de
salaire d’une majorité de la population ne leur permettent pas de capitaliser.
85 % des français ont un niveau de vie mensuel inférieur à 2000 €. (3)
On
voudrait néanmoins, nous faire admettre que cette forme de solidarité par
répartition est obsolète, qu’elle ne correspond plus aux règles de l’économie
contemporaine. Libre à vous de croire à la compétition inter individuelle qui
consiste à s’approprier des avantages sans se soucier de la situation de ses
voisins d’ici ou d’ailleurs. Les actions de charité seront toujours là pour
soulager votre conscience !
Nous
ne pouvons donc que constater l’amplification d’une fracture socioéconomique.
D’un côté, et depuis le XIXème siècle, une concentration financière et
décisionnaire entre les mains de nouveaux acteurs institutionnels. De l’autre,
une population que l’on a intérêt à laisser dans l’ignorance de ces mutations
en cours. La majorité des programmes télévisuels ou politiques nous prouve
cette double réalité ! Mais ne sont-ils pas intimement liés idéologiquement et
financièrement ? Un grand entrepreneur français du bâtiment l’a bien compris.
Et, en Italie, M. Berlusconi a
poussé le bouchon encore plus loin, peut-être même trop car la justice de son
pays s’occupe de son cas.
Maintenant,
on saisit mieux la mystification électorale qui centre l’attention sur l’hymne
national et sur le drapeau français. C’est bien la preuve que les évolutions
mondialisées échappent à nos politiciens et qu’ils ne leur restent plus qu’à
agiter les étendards d’un autre temps.
A
nous donc d’imposer des actes. Nous ne nous en sortirons qu’avec un projet
européen solidement coordonné : le développement de partenariats avec les pays
du tiers-monde, l’endiguement du capitalisme sauvage des pays émergents et
enfin le partage, entre le plus grand nombre de citoyens, des droits et des
devoirs, des responsabilités et des avantages issus du progrès. Il est vrai que
ce n’est pas facile de mettre en place les nouvelles règles de ces changements,
surtout quand on est en position dominante et que l’on risque d’y perdre
quelques plumes.
C’est
pourquoi l’alternative des retraites par capitalisation se développe dans un
contexte entretenu de guerre économique, comme une sorte de fuite en avant.
Elle n’apportera qu’une solidarité de pacotille dans la course aux profits à
court terme, permettant aux gestionnaires de fonds d’augmenter leur puissance.
La journaliste Claire Gatinois nous décrit clairement le métier de ces nouveaux
« golden boys ». (4)
En
attendant, une part grandissante des plus values est destinée à la rémunération
des fonds de pension et d’investissement, au détriment de la rétribution des
efforts des travailleurs. Nous devons nous attendre à des jours sombres pour
une majorité de personnes exclues du système. Méfions-nous de la souffrance et
de la misère qui s’expriment dans des actes désespérés et destructeurs. Les
livres d’histoire sont remplis de ces désastres. Les
banlieues de novembre 2005 nous l’ont aussi rappelé.
Vive
la Démocratie qui assure la Liberté ! Vive la République qui garantit l’Egalité !
Et vive la France qui partage la Fraternité !
(1)
Etude de l’IFRI sur « le capitalisme financier en France et en Allemagne
» - mai 2006 sur www.ifir.orgwww.ifir.org
(2)
J. Peyrelevade, Le capitalisme total, Paris, Seuil 2005
(3)
Alternatives Économiques n° 254, 01/2007. Richesse et Pauvret : état des
lieux.
(4)
Le Monde du 27/03/2007, l’article de Claire Gatinois sur « Les fonds,
acteurs majeurs de l’économie de l’économie française. »
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