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Accueil du site > Tribune Libre > François Fillon ou le caramel mou à la sueur du front !

François Fillon ou le caramel mou à la sueur du front !

Billet dont le sous-titre serait : Politique du mensonge et mensonge du politique à l’âge post-démocratique, ou alors : La gauche se prend un caramel après en avoir distribué aux kermesses socialistes.

Il y a quelques jours, François Fillon, jeune Premier ministre, s’est fendu d’une attaque désobligeante, vexante, à l’égard d’une gauche caricaturée comme pratiquant la justice sociale comme on offre un caramel mou à la sortie des kermesses dominicales. Une gauche au cas aggravé, qui n’aime pas la France et dénie aux citoyens la fierté d’avoir faim de réussir (Le Monde, 05/06/07). Deux mots : caramel, faim. Pour peu, l’apôtre Français de la religion économiste aurait pu prononcer une de ces maximes façonnant l’Histoire de l’humanité : « Tu gagneras ton caramel mou à la sueur de ton front ».

Pour Fillon, pour Sarkozy, pour la droite décomplexée, un bon Français est un citoyen « mort de faim ». Cette expression étant à entendre dans la sémantique des banlieues, où être mort de faim, c’est avoir la gagne, la rage de vaincre, vendre des disques ou marquer des buts, monter son petit commerce, etc. Le « mort de faim » se lève tôt. Nous voilà au faîte d’une inversion des valeurs. La société française, du temps des Trente Glorieuses, dont hérita Mitterrand, se pensait comme créatrice d’abondance et donc capable de mener une politique sociale généreuse envers les plus fragiles et démunis. Les économistes appellent cette conjoncture l’Etat providence, qui rime avec abondance. Mais en 2007, fini l’abondance. La société ne se pense plus comme créatrice d’abondance, d’où cette famine à prendre évidemment au sens figuré. Pourtant, la France est riche mais une partie importante des Français se sentent appauvris et la droite a su jouer sur ce sentiment. Sarkozy, en Moïse de l’activisme, a parlé à son peuple. Vous allez devoir suer, mais ne regrettez rien, quant aux soixante-huitards, vous ne les verrez plus, eux et leur pharaon Tonton, avec sa grande pyramide de verre. Suer, c’est le prix à payer pour ne plus être en servitude socialiste. Et si le caramel est mou, c’est grâce à votre sueur et non pas à cette fausse chaleur humaine de la dame qui tient dans sa chaude main les caramels qu’elle vous offre.

Il est fort intéressant de saisir cette inversion, voire même cette subversion des valeurs opérée par Sarkozy. Notamment lorsqu’il dénonce la pensée unique de gauche. L’analyse sémantique dévoile souvent quelques traits essentiels de l’esprit d’une époque. Cette notion de « pensée unique » sert à désigner le conformisme chez un adversaire et, d’un trait de figure rhétorique, à le décrédibiliser aux yeux de l’opinion en le faisant passer pour obtus, inapte à s’ouvrir au mouvement du présent. L’origine de cette notion, apparue en 1995 dans le langage politico-médiatique, est attribuée à Ignaco Ramonet, directeur du Monde diplomatique, grand pourfendeur de la mondialisation et du libéralisme. Jean-François Kahn, le plus exalté et survolté de nos journalistes, a même écrit un livre sur la pensée unique, paru en 2000. Puis, ce fut la reconquête rhétorique de la droite. La pensée unique de gauche que dénonça Sarkozy lors de cette campagne n’a rien d’un coup de Jarnac, inédit et inattendu. Au printemps 2001, entre les deux tours, Philippe Seguin, conduisant la liste de droite, prononça un long discours dans lequel il dénonça la pensée unique de gauche. En vain, car Delanoë conquit la mairie de Paris à la faveur d’un bilan calamiteux de son prédécesseur mais ce ne fut que partie remise. En 2002, Jospin était privé de second tour et entre ces deux élections, eurent lieu les attentats de septembre 2001, suscitant une opinion compassionnelle pour les Etats-Unis, dispensant alors de trop critiquer la politique sociale de droite.

Il serait pourtant malhonnête d’attribuer la victoire des idées de droite à une simple figure de rhétorique. L’élection de Sarkozy repose aussi sur une phase préparatoire au cours de laquelle la propagande et l’information imprègnent l’esprit des citoyens. Un curieux parallélisme se dégage entre un aspect de la gouvernance américaine et les élections françaises. Avant l’intervention en Irak, l’équipe de G. W. Bush, relayée par les médias, n’a cessé de marteler une prétendue possession d’armes de destruction massive par l’Etat irakien. Ce qui a motivé l’opération que l’on sait. Sans que les conséquences soient comparables, on aura observé, en France et sans doute ailleurs, la diffusion de chiffres peu ou prou falsifiés, sur la délinquance, sur l’inflation, sur le pouvoir d’achat, sur le nombre de chômeurs. C’est de bonne guerre comme on dit. La rhétorique de droite accusant la pensée unique de gauche ne repose pas que sur une formule. Tout un arsenal de munitions statistiques est utilisé avec quelques reportages médiatiques bien ciblés. N’a-t-on pas trouvé une arme de déclin massif dans ce coin du Périgord où un RMiste se la coule douce dans son studio, son alloc, complétée par quelques heures au noir ? L’axe du mal dans la guerre de G. W. Bush, l’axe de l’assistanat dans le combat mené par Fillon.

La gauche peut bien crier au déséquilibre des pouvoirs, il est trop tard, les idées de droite se sont largement implantées dans les esprits. Tant que l’opposition restera dans une posture, c’est-à-dire comme figure habillée d’une étiquette, la droite régnera. Seule une déconstruction rationnelle du système actuel, doublée d’une refondation d’une société traversée par les valeurs, amènera un autre gouvernement aux affaires. Le combat se joue à travers les idées et les consciences.


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13 réactions à cet article    


  • Bernard Dugué Bernard Dugué 11 juin 2007 12:20

    Bonjour, voici au titre de complément, cet extrait du discours de P. Séguin en 2001, où l’on voit la touche du parolier (H. Guaino je suppose)et l’origine de la subversion de la rhétorique de gauche. Sarkozy a interprété le même parolier récemment

    http://notre.republique.free.fr/SEGUIN01Paris.htm

    Entre ceux qui criaient « élections piège à cons » et ceux qui ont toujours préféré son avant-garde autoproclamée au peuple, le vrai, il n’y a jamais eu beaucoup de place pour le suffrage universel.

    Qui oubliera jamais que la Gauche ne voulait pas du vote des femmes de peur que ce soit un vote sous influence et qu’il a fallu le général de Gaulle pour l’imposer ? Qui oubliera jamais que la Gauche ne voulait pas de l’élection du Président de la République au suffrage universel ?

    Qui oubliera jamais que c’est la Gauche qui a imposé à Paris, Lyon et Marseille, ce mode de scrutin alambiqué où l’on peut jouer à qui perd gagne !

    Entendons-nous bien, quand je parle de la pensée unique de la gauche, je ne vise pas la gauche qui, il y a quelques décennies, parlait encore de justice sociale, de générosité et de vraie solidarité.

    Je vise cette pensée unique de la gauche que nous débitent les politiciens du parti socialiste et les intellectuels branchés qui se fichent pas mal de la justice sociale et de la solidarité nationale.

    La pensée unique c’est la pensée d’une certaine gauche qui ne sait plus ce qu’est un ouvrier et pour laquelle le chômeur de longue durée n’est qu’un pauvre malheureux qui manque de flexibilité.

    La pensée unique c’est la pensée d’une certaine Gauche qui trahit tout ce pour quoi il y a eu jadis une Gauche qui s’est dressée contre la misère sociale et la détresse humaine.

    Car cette Gauche d’aujourd’hui qui est tellement à la mode, qui est l’arbitre de toutes les élégances, cette Gauche soi-disant moderne qui impose ses valeurs, ses critères, cette Gauche des hôtels particuliers, cette Gauche des fortunes vites faites, cette Gauche qui prétend donner des leçons à la terre entière, cette Gauche là aime surtout l’argent.

    Elle l’aime tellement que non contente de capituler devant la finance, elle a pactisé avec elle, comme elle a pactisé avec la globalisation ou avec le communautarisme. La gauche a goûté à l’argent et elle s’est mise à l’aimer. L’argent, lui-même, s’est lové dans la bonne conscience de la gauche et il s’y est senti bien. Le capitaliste de gauche, libertaire et jouisseur est le produit de ce monstrueux accouplement.


    • tvargentine.com lerma 11 juin 2007 13:58

      Une fois de plus,nous lisons un article nul,d’un anarchiste qui ne vote pas,mais qui a des idées et voit des complôts partout.

      Nicolas Sarkozy et François Fillion vont prochainement de donner du travail mon ami,tu en as bien besoin,car en lisant tes articles on conprend que tu es malheureux


      • LE CHAT LE CHAT 11 juin 2007 16:00

        salut bernard ,

        la droite a aussi gagné par défaut d’opposition crédible , un peu comme si on faisait jouer l’O.L contre Istres .....


        • Bernard Dugué Bernard Dugué 11 juin 2007 16:42

          Istres peut quand même gagner, sur un match de coupe de France, mais sur le championnat national qui a commencé depuis 2002, l’UMP était mieux placé.

          Pourtant, la tactique sémantique employée par Séguin n’avait pas permis de battre la gauche à Paris


        • DD 11 juin 2007 16:22

          De grâce, ne vous prenez pas autant au sérieux ! Rassurez-vous, la démocratie a existé avant vous, et elle continuera à vivre sans vous. Non, vous n’êtes pas indispensable, vous n’êtes pas le centre du monde (je vous assure). Ne vous inquiétez pas, tout se passera bien durant les cinq prochaines années.


          • Bernard Dugué Bernard Dugué 11 juin 2007 16:39

            En êtes-vous sûr ? Et dans cette démocratie, pourrais-je acheter des caramels, rassurez-moi, je suis inquiet


          • Hub. Hub 11 juin 2007 17:47

            C’est marrant la façon dont les Sarkophiles essaient de détourner l’attention du sujet d’un article intéressant pour s’en prendre à l’auteur personnellement, sans argumenter sur la teneur de l’article. C’est plutôt rassurant car une telle attitude prouve en filigrane qu’ils sont d’accord sur le fond et que leur douleur à admettre la façon dont ils ont été manipulés se transforme en agressivité à l’égard de leur éclaireur.

            Pour ma part je trouve cet article bien écrit et plein de bon sens, bien que la manipulation des esprits soit une règle constante en politique il faut avouer qu’à l’instar de nos amis américains, exemples à suivre pour notre nouvelle équipe de travailleurs du pouvoir, ces derniers ont fait très fort.

            Entre fantasmes, vessies et lanternes l’avenir proche éclairera vite le peu de chemin parcouru vers une vie rêvée où « la faim justifierait les moyens ».


            • Bernard Dugué Bernard Dugué 11 juin 2007 20:18

              Juste remarque,

              Le résultat des élections a décomplexé les gens de droite dirait-on. En 1981, l’élection de Mitterrand a libéré les gens de gauche

              Moralité, les gens de gauche aspirent à la liberté, les gens de droite ont des complexes.

              Je sais, je pousse le manichéisme jusqu’à la caricature mais franchement, les sarkozystes le méritent, forts de leur ignorance


            • jesuisunhommelibre jesuisunhommelibre 11 juin 2007 20:27

              @ l’auteur,

              Vous dites :L’élection de Sarkozy repose aussi sur une phase préparatoire au cours de laquelle la propagande et l’information imprègnent l’esprit des citoyens.

              C’est assez amusant de voir que quand la droite gagne, c’est à cause d’un bourrage de crâne, et d’une propagande décervelante. Alors que quand il s’agit de la gauche, c’est une gloire pour le pays, la preuve d’un peuple adulte et intelligent. smiley

              Pourtant qui promet « des lendemain qui chantent », des « demain on rase gratis », des « ne vous inquiétez pas, je m’occupe de tout ».

              Et qui dit « il faut vous prendre en charge », « vous êtes en grande partie responsable de votre situation », « si vous voulez améliorer votre sort, il va falloir vous investir ».

              De ces deux discours, lequel est le plus démagogue, le plus décervelant, le facile à entendre, le plus lénifiant, le plus laudatif ?

              Comme dans tout bon polard, il faut chercher à qui profite le crime :

              Qui a intérêt a ce qu’il y ait le plus de personnes dépendantes d’allocations et d’aide ? Qui a besoin de bassin de pauvreté pour s’assurer un vivier électoral ? En clair, qui a intérêt à ce que les citoyens soient dépendant de l’état, et donc, soit pauvres ou soit fonctionnaires ?

              Et qui a intérêt (je parle, mais vous l’avez compris, d’un intérêt électoral) à ce que les personnes se prennent en charge, à ce que la maximum de travailleurs s’enrichissent ? A ce que l’initiative privée et la liberté soit une valeur prépondérante ?

              Je vous laisse répondre smiley

              Bien cordialement


              • Dan Stern Dan Stern 11 juin 2007 22:27

                Votre commentaire est intéressant (de même que l’article).

                Bien entendu on ne peut que favoriser l’initiative individuelle au lieu de maintenir comme vous dites des gens dans la dépendance.

                En revanche je ne suis pas convaincu (jusqu’à preuve du contraire) que la liberté soit du côté du pouvoir actuel, ni que la gauche agisse ou ait agi pour le maintien de la dépendance. La déclaration qu’a faite P. Devedjian après la publication du dossier, soigneusement séquestré par le ministère de l’Intérieur depuis décembre 2006, sur l’échec relatif de la police dans le 93, ne m’a pas convaincu, loin de là. P. Devedjian déclarait donc (http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-823448,36-918382@51-914171,0.html) : « Les communistes ont ancré les gens dans la misère parce que c’était aussi une manière pour eux d’asseoir leur pouvoir politique ». Cette affirmation, venant d’un potentat du 92, qui a toujours empêché la construction de logements sociaux, est très insuffisante. Je ne peux avoir confiance dans des dirigeants dont la politique consiste à laisser se développer la précarité dans le département d’à côté mais pas chez soi !

                De plus, en ce qui concerne le « maximum de travailleurs s’enrichissent », je vous invite à consulter les statistiques sur la distribution des richesses dans des sociétés libérales économiques, e.g. http://www.economist.com/world/displaystory.cfm?story_id=7055911

                Cela veut dire que le libéralisme n’est pas simplement la liberté retrouvée face aux mous tenants de l’allocation. Le libéralisme c’est aussi le combat d’un clan qui veut en finir avec des concepts gênants de solidarité.

                Bien sûr, je ne peux que souhaiter bonne réussite au nouveau pouvoir et me tromper !


              • Francois 12 juin 2007 00:42

                Ce qui est surtout grave c’est qu’une partie de la population se mettent à dire que lorsque 45% des électeurs obtiennent 80% des sièges à l’assemblée c’est dégueulasse, mais lorsque 40% des electeurs obtiennent 20 régions sur 22 c’est salutaire.

                Y a pas un hic ?


              • Francois 12 juin 2007 00:51

                Dan,

                la remarque de devedjian etait une phrase politicienne (une critique bete et méchante du camp adverse)

                Le rapport que tu cites montre à mon avis que d’une part que certains jeunes de banlieue se moquent éperdument des policiers, de la justice d’aller en prison et d’autre part l’échec de l’arret de la police de proximité.

                Je ne suis pas sur que l’abandon de la police de proximité soit partagés par l’ensemble de la droite ( en particulier par le centre droit, et ex-centriste et les villepins).


                • Stephane Klein Stephane Klein 12 juin 2007 18:07

                  Je ne suis pas entierement d’accord avec la phrase Fillon : la gauche n’entrevoit pas la solidarite comme la distribution de caramels mous mais comme la distribution clienteliste de l’argent qu’elle n’a pas gagne et dont les consequences l’indiferent... comme l’emigration des elites sur-taxees les plus capables de creer entreprises et emploi. En corollaire, il y a denegation de la realite, de la competition mondiale auquelles sont soumises les entreprises francaises.

                  Par contre la gauche a clairement et de tout temps eu un probleme avec le patriotisme assimile a l’Ordre oppressif et la droite en general. L’Internationale socialiste n’existe pas pour rien : l’international avant le national et tant pis si ca signifie tomber dans le piege russe qui sous l’ere sovietique utilisa le communisme au service de la Russie. Cette chere Marie-Georges Buffet a bien affirme recemment prefer le drapeau rouge au drapeau bleu-blanc-rouge et il n’y a pas de cloison entre la gauche de la gauche et l’extreme-gauche. La gauche a donc bien un probleme avec la France.

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