Gêne dans la laïcité
Il est contraire aux principes fondateurs de notre société de porter une atteinte globale contre un groupe. Il est contraire aux principes fondateurs de notre société de se sentir gêné par l’altérité (la différence, pour le dire avec un mot plus courant). Il est contraire au principe fondateur de notre État laïque qu'il se sente gêné par une religion, quelle qu’elle soit. Le titre de Le Point n°2094 du 1er novembre 2012 viole tous ces principes et pourtant ne fait pas l'objet, à ma connaissance, de demande de réparation. Cet article est une lecture critique de l'article d'Anne-Sophie Mercier de ce numéro de la page 68 à la page 73. Les passages en italiques sont extraits de l'article d'Anne-Sophie Mercier.
La laïcité est un principe qui concerne l'État, et seulement l'État. C’est une contrainte pesant sur l'État en vue du libre choix religieux des citoyens.
Il est contraire au principe de laïcité de l'État de considérer qu’un groupe humain gêne les autres, voire gêne tout le monde sauf eux. La façon d’accabler les musulmans, dont la plupart sont citoyens français est faite, bien sûr je dirai, « à l’envers » : le Point n’écrit pas qu’ils gênent, ni qui ils gênent ; le Point les charge, eux, en les considérant comme « sans gêne ». Alors qu'en République démocratique, tout le monde vit sans gêne, ou avec le moins de gêne possible.
Extraits de l’article 1er de la constitution : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. »
Un État laïque n’est pas un État de citoyens laïcs, comme un État religieux est l’État de citoyens (ou sujets ?) de la religion d'État, comme c'était le cas dans l'Ancien Régime en France. L' État laïque n’a pas à commander un comportement « laïque » aux citoyens qui le composent, comme un État religieux commande une religion à ses citoyens-sujets. Le comportement « laïque » des citoyens n’existe pas. Du point de vue de l'État et de sa laïcité, il n'y a pas d'imam républicain qu'il faudrait défendre contre d'autres imams. Il n’y a pas de personnes, ni de comportements des personnes, « contrevenants à la laïcité » : la laïcité est un attribut de l’État et non un attribut du citoyen, encore moins un attribut qui prendrait seulement la forme de devoirs. La laïcité ne peut pas être une contrainte qui pèse sur le citoyen. C’est une contrainte qui pèse sur l'État et qui libère le citoyen.
La laïcité de l’État est une égale considération à toutes les religions, une indifférence régalienne, une neutralité positive (au sens des psychologues). Neutralité : les religions sont toutes pareilles. Positivité : L’État est favorable à leur expression et à leur pratique, sans jugements de valeur. La laïcité de l’État n’est pas l’opposition de l’État aux religions, et encore moins à une seule.
L’État n’a pas en prendre en considération la valeur religieuse que certains citoyens donnent à un vêtement, pour en contrôler le port !
La loi de mars 2004, dite de « l'interdiction du foulard » a renversé la laïcité et a conduit à donner le nom de laïcité à son contraire : la laïcité de l'État est devenue une obligation tombant sur le citoyen de se montrer « laïque » dans l'espace public et de garder sa religion pour l'entre-soi. Cette loi transforme les citoyens en sujets, et renonce ainsi à 2000 ans d'histoire. D'autre part, elle ne peut pas fonctionner, la demande faite aux citoyens-sujets de se couper en deux de façon schizophrénique est impraticable. Cette loi nous a fait entrer dans la confusion, la perte des repères. Et ce numéro du Point en est un exemple supplémentaire. Anne-Sophie Mercier écrit : il a fallu légiférer en 2004. Mais non, il n'a pas fallu, ce n'était pas une obligation. C'est un choix politique qui augmente les problèmes et crée de nouveaux pommes de discorde. Les fronts se multiplient : c'est prévisible, c'est contenu dans le renoncement à la laïcité qu'accomplit la loi de mars 2004.
J'appellerai la laïcité de l'État, laïcité-arbitrage et son inverse qui a bien diffusé dans la société laïcité-athéisme-public. Il est certain que ce reversement de la laïcité est contre-productive, par rapport aux intentions de ses promoteurs ; mais ce n'est pas le problème principal, le problème principal est qu'elle est le renoncement à nous-mêmes.
« Le Point » et Anne-Sophie Mercier sont à fond dans la laïcité-athéisme-public, croyant être dans la laïcité-arbitrage, historique, civilisationnelle. Sans voir que l'une est la négation de l'autre. Je ne mets pas en cause la sincérité de cette journaliste. Comme tous les idéologues, elle considère que, si les actes naissant de ses idées ne donnent pas le résultat escompté, cela provient des autres, (des « opposants », qui mettent beaucoup de forces et de ténacité) et d'un manque de sérieux, d'attention des « partisans » (qui ne voient pas la gravité du danger). Il faut donc « en remettre une couche ». C'est le marqueur idéologique le plus fort : il faut persévérer, insister ; il faut renforcer ce qui ne marche pas » ! Les idéologues n'arrivent pas à capter la réalité, (il faudrait dire le réel).
Anne-Sophie Mercier se plaint de la difficulté de distinguer culturel et religieux ! C'est un « étonnement » qui laisse pantois ! Elle appelle la laïcité-athéisme laïcité à la française et déplore qu'elle entre en conflit avec les lois européennes sur la non-discrimination ! Il n'est pas aisé de recourir en permanence au bras de fer. Certes non, nous avons en principe choisi le discours et la loi pour résoudre nos difficultés. Et non le bras de fer. Il faut revenir à des bases saines.
Anne-Sophie Mercier écrit que la question du port des signes religieux à l'école n'est pas réglée. Et comme il est urgent de faire pour l'entreprise ce qui ne marche pas à l'école, elle agrée la proposition d'insérer dans le Code du travail d'un article autorisant les entreprises à intégrer dans leur règlement intérieur des dispositions relatives aux tenues vestimentaires, au port des signes religieux et aux pratiques religieuses. Et finit son article là-dessus.
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