GÉNIE NOIR
LA PLACE DE L’HOMME NOIR DANS L’HISTOIRE
Il y a quelques temps, non informé de l’apport scientifique et technique des noirs à l’humanité, un grand poète (Aimé Césaire) a ébruité ceci :
Ceux qui n'ont inventé ni la poudre ni la boussole
Ceux qui n'ont jamais su dompter la vapeur ni l'électricité
Ceux qui n'ont exploré ni les mers ni le ciel mais ceux sans qui la
terre ne serait pas la terre.
C’est par cet hymne que je viens ici empreint d’une humilité certaine, vous faire contingence d’innombrable âmes noires ayant apportées contribution à la science et à la technique modernes. Il s’est agi de comprendre comment l’homme peut intervenir au niveau moyen qui est le sien, et auquel j’appartiens.
Force est de constater que, très peu de travaux à ce sujet ont été accomplis, mettant en évidence la valeur de la diversité du génie des créateurs noirs. A l’image des braves « tirailleurs Sénégalais », ces scientifiques noirs sont soigneusement « oubliés » par le monde bien que leurs inventions soient d’un usage quotidien. Néanmoins j’ai été moi-même affranchi sur le fait que des noirs ont réalisé des inventions ou découvertes scientifiques de premiers plans.
A cette circonspection les propos de Guy Sorman prennent tout leur sens : « Au total, la variété infinie de l’espèce humaine n’interdit à aucun peuple ou sexe particulier d’accéder aux plus hautes sphères de la connaissance, à condition peut-être qu’un nombre suffisant, à l’intérieur de ces peuples ou de ces sexes, reçoive les moyens de se former, puis de travailler. »
Le mathématicien René Thom est plus caustique en déclarant : « La science, n’est jamais hors de la société, au contraire, elle est toujours un fait socio-politique ».
A travers cette échappée, on admet amplement que multitude d’éclairés noirs aux Etats-Unis par exemple soit limité et que ces derniers soient inconnus du grand public. Plusieurs éléments viennent clarifier cette singularité. Tout d’abord, la communauté scientifique a perpétuellement esquissé l’image d’un univers clos, hermétique ; ensuite, le macrocosme de la danse, la musique, la politique, le sport, se prêtent mieux, semble-t-il, aux éloquents moyens de communication de masse. En effet qui n’a jamais entendu parler de M. JORDAN, CARL LEWIS, M. JACKSON ou autre NELSON MANDELA ?
Mais sait-on que ce fut le noir américain Garrett A. Morgan qui élabora les feux de circulation automobile ? Qu’importe, il convient ici d’imputer cela aux médias qui ont plutôt des préoccupations mercantiles, dans l’éloignement des hommes et femmes de science du public en général. Un rapport de l’UNESCO a captivé l’attention sur leur implication et leur prépotence. Finalement, révérencieux de l’idéologie dominante dans les sociétés occidentales et particulièrement aux Etats-Unis, les médias sont inaudibles dans l’exposition de ces scientifiques noirs. Occulter les travaux de l’homme noir peut être assimilé à une forme de violence symbolique. Elle immobilise en échec ses appétences ou entreprises d’identification à des modèles légitimes et participe à anéantir sa propre estime et sa confiance en lui-même. Cependant il faut souligner de nos jours, le concept de « race », en filigrane dans mon allégation, est déshérité de base scientifique. Cette attestation repose sur les témoignages d’éminents spécialistes. Albert Jacquard accrédite « il se révèle impossible de classer les différentes populations humaines en races, à moins de décider arbitrairement leurs affectations, ce qui prive la conclusion de tout lien avec la réalité. Selon le niveau de précision que l’on cherche à respecter, on peut finalement énoncer soit qu’il n’y a pas de races dans notre espèce, soit qu’il n’y en a qu’une : l’humanité, soit qu’il y en a autant que d’humains, soit que le « concept de race n’est pas opérationnel pour notre espèce ». Les avancées de la génétique ont amené le professeur Arnold Munnich, à émettre des réquisitoires : « La carte des gènes est la même chez tous les hommes d’hier et d’aujourd’hui, quelles que soient leur ethnie, religion, couleur de peau, de yeux ou de cheveux. Le décryptage du génome(Le génome est l'ensemble du matériel génétique d'un organisme. Il contient à la fois les séquences codantes, c'est-à-dire celles qui codent pour des protéines, et les séquences non codantes. Chez la majorité des organismes, le génome correspond à l'ADN présent dans les cellules. Cependant, chez certains virus appelés rétrovirus (par exemple le VIH), le matériel génétique est de l'ARN) prive les idéologies racistes de tout fondement scientifique. » Dans une plaquette parue en 1978, l’UNESCO a regroupé des notes d’experts de différentes nationalités sous le titre général, « Déclaration sur la race et les préjugés raciaux » (http://portal.unesco.org/fr/ev.php-URL_ID=13161&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html). J’ai relevé quelques morceaux qui m’ont semblé stupéfiants : « Tous les êtres humains appartiennent à la même espèce et proviennent de la même souche. Ils naissent égaux en dignité et en droits et font tous partie intégrante de l'humanité ». « Les différences entre les réalisations des différents peuples s'expliquent entièrement par des facteurs géographiques, historiques, politiques, économiques, sociaux et culturels. Ces différences ne peuvent en aucun cas servir de prétexte à un quelconque classement hiérarchisé des nations et des peuples. Le préjugé racial, historiquement lié aux inégalités de pouvoir, se renforçant en raison des différences économiques et sociales entre les individus et les groupes humains, et visant encore aujourd'hui à justifier de telles inégalités, est totalement injustifié. »
« Persuadée que l'unité intrinsèque de l'espèce humaine et, par conséquent, l'égalité foncière de tous les êtres humains et de tous les peuples, reconnue par les expressions les plus élevées de la philosophie, de la morale et de la religion, reflètent un idéal vers lequel convergent aujourd'hui l'éthique et la science, Persuadée que tous les peuples et tous les groupes humains, quelle que soit leur composition ou leur origine ethnique, contribuent selon leur génie propre au progrès des civilisations et des cultures qui, dans leur pluralité et grâce à leur interpénétration, constituent le patrimoine commun de l'humanité. »
Je ne peux que m’incliner devant cette production. Se référant à Blumenbach, Humboldt, Hérodote, Schoelcher entre autres, Anténor Firmin (né en Haïti en 1850, est avocat. Il fonde le parti libéral. Diplomate, membre de la Société d’Anthropologie de Paris, il participe aux débats sur la division de l’espèce humaine en races supérieures et races inférieures. D’où sa contribution : De l’égalité des races humaines. Il retourne en Haïti en 1888 où il joue un rôle politique de toute importance. Ministre des Finances, candidat à la présidence, il est contraint à l’exil jusqu’à sa mort en 1911) éreinte le cloisonnement, le compartimentage, la hiérarchisation des « races » humaines et observe la perfectibilité de celle-ci.
L’aphorisme défendue par Anténor Firmin allait à contre-courant de la pensée des plus illustres savants de l’époque (tel que Paul Broca).
Soulignons la pertinence de son plaidoyer au sujet de l’égarement de penseurs comme Renan, Spencer, Kant, Quatrefages dans la conclusion de son livre (De l’égalité des races humaines) : « En y réfléchissant, peut-être bien des savants européens, convaincus jusqu’ici de la supériorité de leur sang, seront-ils surpris de constater qu’ils ont été les jouets d’une méchante illusion. La situation actuelle des choses, les mythes et les légendes dont a bercé leur enfance et qui ont présidé à la première éclosion de leur pensée, les traditions dont leur intelligence a été continuellement nourrie, tous les entraînait invinciblement à une doctrine, à une croyance que les apparences semblent si bien justifier. » Il a invariablement réfuté le schème de race que nous persistons à employer par commodité de langage.
Il existe quelque chose comme la responsabilité pour des évènements auxquels on n’a pas pris part ; on peut en être tenu pour comptable. Au surplus on n’est ni ne se sent damnable de choses qui se sont élaborées si on n’y a pas activement contribué. C’est un instant prééminent qu’il convient de mentionner au moment où nombre de bons libéraux blancs consentent ressentir des sentiments de culpabilité à propos de la question noire. La culpabilité, à la différence de la responsabilité, caractérise toujours, elle est fermement individuelle. Elle renvoie à un acte, pas à des velléités ou à des desseins.
Les savants et inventeurs noirs auxquels je fais référence ici n’ont pu échapper à l’arbitraire, mais demeurent selon moi les plus éminents de par leur parcours et des obstacles d’ordre social ou racial rencontrés. En me penchant sur cet article, j’ai voulu à la fois exalter la mémoire de quelques brillants scientifiques, relever quelques vérités et rendre une certaine légitimité, si tant est que tout cela s’impose ici. Dans la mesure où ce sujet aura réussi à ébranler tant soit peu ce qui reste des prénotions dans nos sociétés dans lesquelles hélas, le racisme est encore ardent, tout sera satisfaction.
Lewis Howard Latimer
Né à Chelsea (Massachusetts) en 1848
Appartient à une famille d’esclave qui a fui la Virginie pour s’installer à Boston en 1830. Après quelques temps, un esclavagiste répondant au nom de James B. Gray se rend dans cette ville et revendique comme sa propriété Georges Latimer, père de Lewis. Mais vit deux abolitionnistes se porter à sa défense en achetant sa liberté pour quatre cents dollars.
Lewis Latimer se distingue par sa polyvalence : se tâtant à la poésie, s’exerçant au dessin et à la peinture.
Non seulement Latimer s’était révélé un dessinateur hors pair, mais il prendra part à de nombreuses inventions qui contribueront au progrès, notamment dans le domaine de l’électricité. Ses travaux à la compagnie Thomas Edison présentèrent un aspect extraordinaire. Il a considérablement bonifié la lampe à incandescence créé par Thomas Edison en 1879, ce qui instaurera une nouvelle ère de l’électricité aux Etats-Unis et plus tard dans le monde. Son innovation consistait dans la fabrication et le montage des filaments de carbone caractérisant cette lampe. En 1881 Latimer et Joseph U. Nichols reçurent un brevet pour leur lampe électrique. Latimer se vit décerner en 1882 un brevet pour le filament de carbone. Ceux exploités dans la lampe d’Edison étaient composés d’éléments divers et fonctionnels, mais de plus ou moins bonne qualité. Contrairement, la méthode de Latimer permit la production de filaments de carbone de qualité supérieure et d’une longévité beaucoup plus importante. Une invention qui fut attribué à la compagnie d’Edison est le globe pour lampe électrique à arc, breveté en 1882.
A cette époque les lampes à arc étaient montées en série. Quand une lampe s’éteignait, toutes les autres suivaient. Latimer, lui, plaça ses lampes électriques à arc de façon que la panne de l’une ne nuise au bon fonctionnement des autres. (Absolument génial). Il fut chargé de la supervision de l’installation électrique des villes de Philadelphie, et Montréal.
En 1890, Latimer publia le premier manuel sur le système d’éclairage électrique des Etats-Unis (Incandescent Electric Lighting). Il mourut des suites d’une longue maladie en 1928.
Granville T. Woods
Né à Columbus (Ohio) en 1856
Il s’est formé à la lecture des livres sur l’électricité. Aux environs de 1881, avant d’ouvrir sa propre manufacture. Il travailla comme pompier dans le Missouri. Il s’intéressa à l’énergie thermique. En 1884, il demanda le brevet pour l’amélioration de l’appareil de chauffage central qui lui fut décerné. Il inventa ensuite un transmetteur téléphonique confirmé par un autre brevet. L’avantage de ce dernier réside dans sa grande efficacité : les sons émis sont plus distincts et plus puissants. Il était alors possible de communiquer sur une plus longue distance qu’auparavant. Il mit au point un appareil mixte combinant la télégraphie et le téléphone, appelé « telegraphony ». Grâce à cet appareil, il n’était plus nécessaire d’être un télégraphiste expérimenté pour envoyer des messages. (Abolition du morse). Il enchaîna par le « railway telegraph » qui permet la communication entre un train en marche et la gare ou entre les trains eux-mêmes. Il fonda sa propre entreprise la « Woods Electric Company ». En 1896 il fabriqua le « rhéostat » remplaçant celui qu’on utilisait au théâtre pour éteindre graduellement les lumières. L’ancien présentant des défauts : surchauffe de sa résistance, perte d’énergie électrique sous forme de chaleur, les théâtres n’étaient pas à l’abri d’incendies. Le rhéostat de Woods se caractérisait par sa fiabilité. De plus il économisait 40% d’énergie. En 1901, un brevet lui fut attribué pour sa réalisation la plus brillante sans doute, baptisée « third rail ». Le métro de la plupart des grandes villes, New York par exemple, l’utilise encore.
Il procéda ainsi. Il installa parallèlement une série de conducteurs d’électricité tout le long de la voie ferrée, des collecteurs fixés au sol. On contrôlait l’électricité au moyen de commutateurs électromagnétiques reliés auxdits conducteurs et à la source d’alimentation. Il vendu son brevet à la General Electric Company en 1901. 1902, 1903, 1905 représentent des périodes de recherches intenses qui l’amèneront à la création du frein automatique à air comprimé qu’achètera la « Westinghouse Air Brake Company ». Il y aura aussi, le frein électromécanique (1887), un interrupteur automatique de circuits électriques (1889), une couveuse artificielle (1890).
Otis Boykin
Né à Dallas (Texas) en 1920
Etudie à l’université de Fisk et l’institut de technologie d’Illinois. On lui doit plusieurs inventions, l’une des plus remarquables est un régulateur pour simulateur cardiaque (pacemaker). Il est important de mentionner également un type spécial de résistance qu’on utilise dans les postes radio, les téléviseurs, les ordinateurs, et d’un composant électronique qu’on trouve dans les missiles guidés et les ordinateurs IBM
Philip Emeagwali
Né au Nigéria en 1954
Il bénéficia d’une bourse d’admission à l’université de d’état de l’Oregon où il fut bachelier en mathématiques en 1977. Il obtint une maîtrise en génie civil en 1981.Puis un doctorat en informatique de l’université du Michigan en 1994. Sa contribution à la science se révèle importante. Il créa en effet des logiciels capables de résoudre des problèmes jugés jusque-là insoluble. La structure informatique qu’il élabora permit à 65000 processeurs fonctionnant simultanément d’exécuter un nombre phénoménal de calculs en un laps de temps extrêmement court. Cette performance n’avait jamais été réalisée auparavant. Il inventa une technique de récupération de pétrole par l’élimination des fuites dans les réservoirs. S’appuyant sur des calculs électroniques, ce procédé fut largement utilisé par l’industrie pétrolière qui en tira des avantages économiques certains. Il reçut en 1989 la Gordon Bell Prize de l’Institute of Electrical and Electronics Engineers dans le domaine informatique, on considère ce prix comme la plus haute distinction pour un savant.
Mark Dean
Né à Jefferson (Tennessee) en 1957
Si nos ordinateurs sont aujourd’hui multifonctionnels, c’est en grande partie aux travaux du Dr Dean. Il brillait déjà en mathématiques dès les classes élémentaires. Bachelier en génie électronique de l’université du Tennessee 1979, il passa en 1982 sa maîtrise dans cette discipline en Floride à l’université Atlantique. Puis en 1992, il obtint son doctorat de l’université de Stanford. Ses travaux ont conduits à plus d’une trentaine de brevets, notamment celle en collaboration avec Dennis L. Modler. Il s’agissait de la création d’une architecture appelé « industry standard architecture, ISA system bus ». Cette invention à permit l’utilisation des périphériques que nous connaissons : modem, imprimante, scanners, disquette, terminal etc. Elle élargit le champ des fonctions de l’ordinateur sur le plan technique et sur celui de son application dans les domaines administratif, industriel, social.
William Edward Burghardt Du Bois
Né à Great Barrington (Massachussetts) en 1868
Très jeune avec sa mère dans cette petite ville, car son père avait abandonné la famille.Après d’excellentes études secondaires, il entra à l’université de Fisk de Nashville (Tennessee). Grâce à une bourse, il fut admis à Harvard. Conscient du problème racial de son pays, il soumit en 1891 un mémoire de maîtrise intitulé « The suppression of the African Slavery Trade from Africa in the United States ». Du Bois séjourna deux ans en Allemagne et voyagea à travers l’Europe. De retour aux Etats-Unis il professa au Wilberforce College en 1895, il, soutint une thèse de doctorat à l’université Harvard qui la publia l’année suivante sous le titre The suppression of the African Slavery Trade from Africa in the United States. Il enseigna l’économie de 1934 à 1944 à l’université d’Atlanta. Il a publié de nombreux ouvrages dont « The Negro » (1915), « The study of negro problem » (1897), « Black folk, then and now » (1939). Il fut un des principaux pionniers de l’historiographie afro-américaine. Tiré de sa thèse The suppression of the African Slavery Trade from Africa in the United States, salué comme du plus grand travail intellectuel qu’un noir ait accompli Jusqu’ici. De sa thèse à son livre « Black Reconstruction in America » (1935), la perspective s’est élargie. Black Reconstruction in America envisage la question de l’esclavage des Noirs américains dans le contexte plus global de l’exploitation par l’occident des peuples noirs du monde. Mais d’après Magali Bessone, l’ouvrage qui marqué l’entrée de Du Bois dans le monde des leaders Noirs du vingtième siècle est « The Souls of Black Folk » paru en 1903 à Chicago. Il fut couronné d’un succès notable.
Cheikh Anta Diop
Né à Dakar (Sénégal) en 1923
Après ses études secondaires à Saint-Louis et à Dakar en 1945, il arriva à Paris où il assista au cours de philosophie de Gaston Bachelard. Il étudia également la chimie au laboratoire du collège de France et au laboratoire Curie. En 1956 il enseigna ces deux disciplines aux lycées Voltaire et Claude Bernard à Paris. Sa thèse sur l’origine nègre de l’Egypte ancienne fut refusée à la Sorbonne. En revanche en janvier 1960 il y soutint avec succès sa thèse de doctorat d’Etat en lettre. Elle parut aux éditions Présence Africaine sous le titre : l’Afrique noire précoloniale et l’Unité culturelle de l’Afrique noire. De retour au pays il s’adonna à l’enseignement et à la recherche. Il créa avec la collaboration du CNRS de Gif-sur-Yvette, le laboratoire du radiocarbone de Dakar. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages de premier plan comme, « La pigmentation des anciens Egyptiens », « La métallurgie du fer sous l’Ancien Empire Egyptien », « Histoire primitive de l’Humanité : évolution du monde Noir », « Nation Nègres et culture », « Antériorités des civilisations Nègres : mythe ou vérité historique. », « Civilisations ou Barbarie ». « Egyptien ancien et les langues négro-africaines modernes » (1988). Cet ouvrage posthume est préfacé par le professeur Théophile Obenga. Les premiers œuvres de Diop avaient soulevé de vives réactions dans les milieux intellectuels, c’est qu’elles éclaboussèrent une idéologie tout à fait particulière décrit par Fabrice H. Wane :
« Anthropologues et historiens africanistes, égyptologues traditionalistes, pour la plupart français et occidentaux, semblent encore pétris de terribles préjugés : l’infériorité de la race noire, le prélogisme de la mentalité primitive, l’exclusion du monde africain noir de l’histoire universelle…. Cheick Anta Diop va prendre le contre-pied théorique de ce milieu solidement établi dans l’enceinte même de l’université française. D’abord par la présentation de sa thèse, qui sera refusée, ensuite par la publication de « Nations nègres et culture » (1954) Cet œuvre sonne comme un coup de tonnerre dans le ciel tranquille de l’establishment intellectuel : l’auteur y fait la démonstration de l’Egypte ancienne était négro-africaine.
Il faudra attendre plus de vingt ans pour qu’une grande partie de ses théories se trouve confortée, à la suite du colloque international du Caire en 1974, organisé sous l’égide de l’UNESCO et réunissant parmi les plus éminents égyptologues du monde. Et vingt ans encore pour qu’il soit pris acte de son œuvre après sa disparition. Certaines idées de Diop, principalement l’historicité des sociétés africaines, l’antériorité de l’Afrique et l’africanité de l’Egypte, ne sont plus discutées. Le nom de Ckeick Anta Diop « restera à jamais attaché à la renaissance de l’histoire de l’Afrique. Ses travaux ont permis de lever le voile sur des pans entiers du passé de l’Afrique, permettant en même temps de combler de graves lacunes dans la connaissance de l’évolution générale de l’humanité » dixit Mahtar M’Bow, directeur de l’UNESCO (1974 à 1986)
Garrett A. Morgan
Né à Paris (Kentucky) en 1877
Une autodidacte pure souche mais animé d’une conscience sociale et politique très aigre. Septième d’une famille de onze. Il quitta la ville à quatorze ans pour Cincinnati, puis passa le reste de sa vie à Cleveland. Après avoir travaillé chez Roots and McBride comme metteur au point, en 1907, Morgan ouvrit son atelier privé de réparation de machines à coudre. C’est là qu’il inventa le premier fixateur pour cheveux appelé G.A. Morgan Hair Refining Cream. Depuis 1913 jusqu’à aujourd’hui la G.A. Morgan Refining Company offre ses services à Cleveland. L’année 1912 fut décisive puisqu’il inventa le capuchon de sûreté connu plus tard sous le nom de masque à gaz toxiques, ce masque ne gênait nullement sa respiration. Cette invention allait être d’une très grande utilité et servir à des fins diverses. Outre les pompiers, les soldats américains, durant la première guerre mondiale, eurent recours au masque à gaz de Morgan. Le masque est efficace pour la protection des ingénieurs, des chimistes et de ceux qui sont exposés à des vapeurs nocives ou à la poussière émanant de corps sur lesquels ils sont obligés de travailler. En juillet 1916, une terrible explosion a lieu dans un tunnel à Cleveland à plus de quatre-vingt-dix mètres sous le lac Erié. Trente-deux hommes s’y trouvaient. Ils risquent de mourir asphyxiés à cause de la poussière et des gaz toxiques. On s’adressa à Morgan qui, accompagné de son frère Frank et muni de son masque à gaz, pénétra dans le tunnel et transporta les blessés sur son dos. Il réalisa une autre invention dont la portée universelle ne laisse aucun doute : les feux de circulation automobile.
L’histoire raconte que Morgan avait assisté à un accident impliquant une automobile, un cheval et un cabriolet. Le conducteur de l’automobile s’était évanoui. Le cheval grièvement blessé et on dut l’abattre. Deux personnes éjectées du cabriolet. Témoin de cet accident Morgan fut bouleversé. Peu de temps après, il conçut et construit le système de feux de circulation en usage actuellement dans tous les pays du monde. Il obtint des gouvernements britannique, et canadien des brevets pour cette invention. Ses droits d'auteur ont vendus à la General Electric Corporation pour 40000$, une somme considérable à cette époque.
Cheick M. Diarra
Né à Nioro (Mali) en 1952
Il se distingue d’abord par son multilinguisme. Il parle cinq langues (Bambara, Français, Anglais, Arabe et le Russe). Il se rend en France après ses études à Bamako où il poursuivit au lycée Cachan. Diplômé en mécanique, il émigra aux Etats-Unis. A l’université Howard à Washington, de 1980 à 1982, il suivit des cours mécanique spatiale tout en préparant sa maîtrise en ingénierie aérospatiale. Sa thèse s’intitulait « Shuttle Tethered Sub-satellite » ou STS et portait sur la commande de satellites reliés à la navette par un câble. Intéressée par ce sujet, la NASA lui avait accordé une bourse. Il analysait dans sa thèse, Shuttle Control Laboratory Experiment, les théories sur la commande des plates-formes en orbite. Il fallait trouver la façon de donner aux plates-formes en orbite une position prédéterminée en un minimum de temps et avec un maximum de précision sans que celles-ci subissent de déformation. En 1987 l’université Howard lui conféra le titre de docteur. Sans négliger ses recherches, Diarra dispensait, à l’université de l’état de Californie, des cours de dynamique avancée à des ingénieurs déjà employés dans l’industrie aérospatiale. En tant qu’ingénieur et mathématicien, Diarra participe à la mission Mars Pathfinder (1997), mais aussi à cinq autres missions spatiales, Magellan (1989), Mars Observer (1993), Galilée (2003), Ulysse (1990-2009). Concernant la mission Mars Pathfinder, Diarra fut chargé d’effectuer des calculs de manière à établir les paramètres des manœuvres de navigation. Les Européens devaient ensuite vérifier ses propositions au moyen de leurs propres logiciels. Diarra écrivit un algorithme capable de fixer les deux meilleures dates pour procéder à deux manœuvres, et de minimiser, par conséquent, la quantité de carburant nécessaire. La sonde rencontrera Jupiter et produisit exactement les résultats escomptés.
On pense entre-autres à :
Daniel Hale Williams (1856-1931) pratiqua la première opération à cœur ouvert
William A Hinton (1883-1959) fut le premier Noir à avoir professé à l’université Harvard, il mettra au point le test du dépistage de la syphilis appelé « Hinton test for syphilis ». Premier Noir à écrire un manuel de médecine aux Etats-Unis.
Louis Tompkins Wright (1891-1952) médecin chevronné et farouche défenseur de l’égalité raciale. Obtint son doctorat de médecine à l’université Harvard en 1915, il créa l’hôpital de Harlem et centre de recherche sur le cancer.
Charles Richard Drew (1904-1950) directeur d’athlétisme et professeur de biologie, il inventa le plasma qui rend possible la transfusion du sang.
Patricia E. Bath (1949) elle mit au point le laser pour l’extraction de la cataracte, elle perfectionna ses méthodes en y ajoutant l’usage de l’ultrason.
Benjamin S. Carson (1951) neurochirurgien hors du commun, obtint une bourse d’études à Yale university puis son doctorat à l’université du Michigan. Fut le premier à tenter une « hémisphérectomie ». (Enlever la moitié gauche du cerveau) ce qui comportait des risques énormes : paralysie, aphasie, mort. il fut à l’origine de la séparation de deux frères siamois reliés par l’extrémité céphalique. Il est décoré de plusieurs prix d’honneurs.
Arnold Hamilton Maloney (1888-1955) étudie à l’université de Columbia et obtint une maîtrise en science(1910) puis deux ans plus tard fut diplômé en théologie. Il reçut un doctorat en pharmacologie à l’université d’Indiana en 1931. Il découvrit un antidote contre la surdose de barbiturique en constatant que l’usage de la picrotoxine (https://fr.wikipedia.org/wiki/Picrotoxine) éradiquait ces symptômes
Il commande de faire un bref aparté sur l’Afrique par mention de quelques généralités. Car bien souvent on a une forte inclination à circonscrire l’histoire de ce continent à l’ère de la traite négrière. Mahtar M’Bow, ancien directeur de l’UNESCO a écrit : « Longtemps, mythes et préjugés de toutes sortes ont caché au monde l’histoire réelle de l’Afrique. Les sociétés africaines passaient pour des sociétés qui ne pouvaient avoir d’histoire. »
Grâce à l’archéologie, on sait que l’Afrique ancienne recelait des trésors culturels d’une envergure inestimable. Des investigations paléontologiques ont permis, d’après des spécialistes comme Yves Coppens, Brigitte Senut, Martin Pickford, de démontrer les origines africaines de l’homme. Berceau de l’humanité, l’Afrique a connu l’utilisation de métaux (le cuivre, le fer et leurs alliages) plusieurs centaines d’années avant Jésus-Christ. Des découvertes au Niger, au Nigéria, au Cameroun, au Gabo, au Congo, au Zaîre (RDC), au Burundi, au Rwanda ont attesté ce fait. Par ailleurs, des observations ont mis en évidence la fabrication, en Afrique de l’Ouest, de longues et étroites bandes de tissus en coton qui remontent au X et XIème siècles de notre ère. Outre l’Egypte, d’autres peuples africains possédèrent leur propre système d’écriture bien la tradition orale jouât un rôle prédominant dans les sociétés africaines.
L’Afrique occupe, en superficie, le deuxième rang, après l’Asie, parmi les continents de notre planète. Elle constitue l’un des endroits les plus riches du globe. On estime à 40% du total terrestre son potentiel d’énergie hydraulique. Ses ressources minières foisonnent : l’or, le diamant, la bauxite (est une roche latéritique blanche, rouge ou grise, caractérisée par sa forte teneur en alumine Al2O3 et en oxydes de fer. Cette roche constitue le principal minerai permettant la production d'aluminium), l’uranium, le cobalt (Le cobalt de structure électronique [Ar] 4s2 3d7 est le second élément du huitième groupe secondaire, ce métal de transition fait partie du groupe du fer. Le corps simple cobalt a des propriétés physiques assez voisines de celles du fer et du nickel. D'un point de vue chimique, il est moins réactif que le fer. Le cobalt est aussi un élément du groupe 9, dont les trois premiers Co, Rh et Ir constituent le groupe du cobalt. Des minéraux naturels de cobalt, sous forme de peintures, émaux ou vernis, sont utilisés depuis la plus haute Antiquité, en particulier vers - 2600 avant J.-C. en Égypte ou dans les civilisations de Mésopotamie ayant donné naissance à Babylone. Ainsi l'archéologue retrouve des décors bleus sur des poteries ou vaisselles de terre cuite), le fer, le phosphate, etc. Ces affluences colossales de l’Afrique continuent d’attirer le contrôle du continent. A l’instar de la majorité des pays du tiers-monde, l’Afrique a vécu ce qu’on nomme l’exode des cerveaux. Ainsi multitude de ses scientifiques travaillent-ils en occident, pour sa plus grande infortune.
Je ne peux m’abstenir pour clore cette chronique, de vous invoquer un extrait de « Race et Histoire » de Claude Lévi Strauss ( né le 28 novembre 1908 à Bruxelles et mort le 30 octobre 2009 à Paris, est un anthropologue et ethnologue français qui a exercé une influence majeure à l'échelle internationale sur les sciences humaines et sociales dans la seconde moitié du XXe siècle. Il est devenu notamment l'une des figures fondatrices du structuralisme à partir des années 1950 en développant une méthodologie propre, l'anthropologie structurale, par laquelle il a renouvelé en profondeur l'ethnologie et l'anthropologie en leur appliquant les principes holistes issus de la linguistique, de la phonologie, des mathématiques et des sciences naturelles) :
« Soyons donc assurés que, si la révolution industrielle n’était pas apparue d’abord en Europe occidentale et septentrionale, elle se serait manifestée un jour sur un autre point du globe. Et si, comme il est vraisemblable, elle doit s’étendre à l’ensemble de la terre habitée, chaque culture y introduira tant de contributions particulières que l’historien des futurs millénaires considéra légitimement comme futile la question de savoir qui peut, d’un ou de deux siècles, réclamer la propriété pour l’ensemble »
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