Haro sur les candidats !
Alors que Nicolas, candidat unique de son parti, vient d’être adoubé par les adhérents UMP et que Ségolène poursuit son début de campagne à l’étranger, les médias, la blogosphère en tête, frémissent et bruissent à en devenir un capharnaüm. L’impatience longtemps contenue laisse place maintenant à une exaltation hyperactive pour cette campagne présidentielle qui ne nous a pourtant réservé aucune surprise jusqu’à présent.
La France se passionne, les citoyens se gavent et sont gavés de politique plus que jamais, dans les unes ou les journaux télévisés,et quand vient le temps de faire un tour sur la Toile, c’est loin d’être fini : avis, opinions, ressentis, mises en perspective, essais d’analyse, critiques. Et ceci depuis un bout de temps. En effet, depuis que l’on sait que Nicolas Sarkozy est un possible candidat à la présidentielle, pas une semaine depuis un an et demi n’est passée sans que nous ayons eu droit à un sujet sur la présidentielle de 2007. Au point que cela en devient indigeste pour certains. Le nombre de sujets consacrés à l’évènement majeur prochain s’est doublé, voire triplé, par rapport à la présidentielle précédente.
On veut le programme ! titre l’équipe de C dans l’air pour une de ses émissions. Ainsi pourrait-on résumer tout simplement l’attente des Français. Une attente qui parfois frise l’irrationalité, qui décortique chaque intervention, qui retourne dans tous les sens le moindre mot prononcé. Et qui atteint le ridicule sans complexe avec un Nicolas qualifié subitement de xénophobe ou raciste et une Ségolène vue ni plus ni moins que comme une incapable, une opportuniste, et qualifiée pour le meilleur (ou le pire) de sainte vierge, jouant ainsi sur un registre ironique fort déplaisant. Les candidats ne sont pas en reste, loin de là, mais sont bousculés par cette folle frénésie avec un moindre mal. Il faut dire que les deux champions captent à eux deux toute l’attention. Un coup de feu des projecteurs qu’on a expliqué par une manipulation des médias, un grand complot des élites contre le peuple et j’en passe. Une sauce qui n’a pas pris sur les Français, friands consommateurs de cette actualité. Les deux personnages devenus véritables icônes de la vie politique française suscitent controverses et discussions sur tous les autres espaces de discussion, en famille, dans la rue, sur Internet, même au bon vieux café du coin. Les gens rongent leur frein et ne trouvent finalement qu’à mordre ici et là, à lancer de véritables polémiques sur des sujets qui n’avaient pas l’occasion de l’être. Dernier exemple en date, le fameux concept de « bravitude » qui a déclenché une formidable source d’inspiration pour les journalistes et blogueurs les plus chevronnés partant dans un lyrisme surprenant ou des propos à charge qu’on peut sans peine qualifier de disproportionnés. Nicolas n’aura pas été en reste, étant de même sujet à controverse.
Un buzz médiatique par ci, un buzz par là. On pourrait dire qu’il n’y a plus de buzz tellement la scène médiatique buzze de partout. Les artistes que sont les citoyens s’emparent du sujet, en font tout un plat, attaquent, critiquent, condamnent pour en définitive s’en prendre à un nouveau morceau d’un aspect plus savoureux. Qui attrapera le plus gros poisson sera élu pêcheur de la journée. On trouve sans peine des articles plus pamphlets que chroniques. Les rédacteurs d’Agoravox aiment à se prendre pour Emile Zola et avec solennité titrent leur œuvre "lettre ouverte" ou jouent dans le registre de la provocation. Bien souvent interpellés par une possible nouvelle croustillante, nous nous précipitons vers cet amas de tribunes libres qui se révèlent bien plus décevantes qu’autre chose. Où l’on apprend que « Kärcher » ou « bravitude » sont des mots qui n’ont pas plu, où la tenue vestimentaire de l’une fait hurler au massacre de la laïcité et la taille de l’autre n’attire que quolibets et railleries. N’ayant pas de programme sous la dent, on ne fait qu’avec ce qui veut bien être jeté en pâture.
L’art de l’instantané a pris le dessus sur toute forme de raison. La politique devrait être un appareil photo numérique où l’on peut choisir, sélectionner et supprimer, ou, à la manière d’une télé, un objet à zapper sans vergogne. Internet plus que partout ailleurs est une arène où les gladiateurs se battent contre des épouvantails. Pour la mise à mort, baissez le pouce.
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