Il faut un Grenelle de l’économie pour sauver le capitalisme !
Ou bien un Grenelle du capitalisme pour sauver l’économie ! Il y eut récemment un Grenelle de l’écologie pour examiner des problèmes, certains sérieux et d’autres moins. La planète serait en danger. Que ce soit avéré ou pas, la prise de conscience a conduit la convocation de divers acteurs pour réfléchir à ces questions. Et le capitalisme, ne serait-il pas en danger ?
Le capitalisme en danger, une blague certainement, que s’amuseraient à raconter deux octogénaires russes dans un HLM pourri construit sous Brejnev, après avoir enfilé une bouteille de mauvaise vodka. Le capitalisme n’est pas menacé. Mais, au fait, c’est quoi le capitalisme ? Convenons que c’est un système qui permet la production et l’échange d’une masse considérable de bien, en générant des profits indispensables, utilisés pour rémunérer l’argent placé, alors que ce qui est investi un jour est censé produire dans le futur des biens et de nouveaux profits. Selon où l’on se place, on ne voit pas les mêmes choses. Le citoyen du monde économique, son objectif c’est de travailler, de gagner de quoi faire vivre sa famille et construire son existence en usant des biens et services accessibles selon sa solvabilité. Certains sont pressés d’acheter des biens et font des crédits, d’autres préfèrent épargner pour avoir une réserve en cas de besoin ou de désir soudain. Maintenant, plaçons-nous de l’autre côté. L’entrepreneur privé a un objectif, faire prospérer son entreprise ou, à défaut, éviter la faillite. Et le monde de la finance, c’est encore autre chose. Un banquier ne connaît pratiquement rien du fonctionnement de l’entreprise et encore moins de l’existence des gens. C’est normal, son job est de répondre à des demandes de financements, de crédit, de placement, et de faire en sorte que des profits soient dégagés. Il fut un temps où on parlait des banques à travers les déposants, les épargnants, les transactions, les placements. Puis, subitement, est arrivée l’ère des produits financiers, proposés aux particuliers, aux entreprises, aux collectivités. La banque est devenue une entreprise qui finance les entreprises, mais qui est elle-même une entreprise avec sa logique propre de développement, faire des profits et satisfaire aussi ses clients qui veulent des profits. De là est sans doute parti le déraillement du système***. Une machine à vendre des produits pour faire du profit. Une finance de casino déconnectée partiellement de l’économie réelle.
Mais les banques centrales ne sont pas exemptes de reproches, elles qui ont accordé des liquidités faciles pour réaliser des opérations de grande envergure, délivrer des crédits et des tas de produits dérivés dont ces fameuses subprimes titrisées dont on ne sait même pas où elles sont logées. C’est amusant, on dirait l’argent de la vieille, plus personne ne sait où elle a planqué ses lingots. Il y a un vice de forme majeur dans le fonctionnement de la banque centrale, du moins en Europe. C’est qu’elle a vocation à contraindre l’inflation or, par on ne sait quel impératif de calcul, le prix des logements et les loyers sont exclus du calcul de l’inflation. La bulle immobilière est pour une bonne part responsable de la crise financière actuelle. Les responsables, ce sont autant les banques que les politiques qui ont laissé, pour satisfaire on ne sait quels intérêts, la création de cette bulle, avec des aides complices comme la loi Robien chez nous en France, et les lois qui ont précédé. Sans compter le manque de réactivité des politiques publiques, sur le logement social, sur le prix des terrains, que le gouvernement aurait pu exproprier, car quand il s’agit de faire passer des lignes de TGV, il n’hésite pas. L’inconscience des gouvernants a conduit à la crise actuelle (aux Etats-Unis et en Europe). Avec un système financier organisé autour des banques centrales dont les liquidités ont servi de monnaie pour miser. Les uns, peu nombreux ont beaucoup gagné, les autres, nombreux, ont bien perdu. La banque Lehmann a tout perdu, parce qu’elle a servi de caution morale aux autorités. Il fallait qu’une banque crève, pour sauver les autres. Les propriétaires de logement à crédit ont tout perdu eux aussi. Ce système financier dynamise l’économie paraît-il. En est-on certain ? Et s’il permet à une minorité de monter matériellement, est-ce légitime de laisser ce système qui met de plus en plus de gens sur le bord de l’existence ?
Voilà les questions qui pourraient être débattues dans un Grenelle de l’économie, et bien d’autres, afin d’examiner un autre fonctionnement du système financier. Certes, pas une révolution, mais quelques aménagements essentiels, avec des petits détails. Ce n’est pas simple. Ce n’est pas comme le Grenelle de l’environnement, avec des taux de CO2, des emballages plastiques, des déchets, rien que du prosaïque. La crise des subprimes, elle est due aussi à l’avidité de consommation des Américains. Qui, pour la première fois, sortent du rêve et comprennent que leur mode de vie excessivement matériel ne peut plus perdurer dans le contexte actuel. C’est aussi cela le ressort du Grenelle de l’économie. Bien plus utile, plus vaste et englobant que le Grenelle de l’environnement qui paraît gadget à côté d’une réflexion sur les fondements et les finalités de notre système économique. Que de questions en suspens que ce billet n’a pas la prétention de poser car, même s’il le voulait, il ne le pourrait pas. C’est d’ailleurs le but d’un Grenelle que de rassembler un nombre conséquent de participants aux intérêts divergents, aux positions complémentaires, pour réfléchir sur l’avenir du système économique qui vient d’être secoué par un sacré cyclone dont il est l’unique origine.
Et maintenant, droit au but dans la vérité. Pourquoi cette idée de Grenelle n’a pas germé alors que la crise est connue depuis un an par les médias et les autorités ? Et que depuis un mois, le cyclone financier est passé de la catégorie 2 à la catégorie 4. J’ai bien une petite idée. Le Grenelle de l’environnement, ça ne remet pas en cause le système et les dispositifs de profit dont se servent les élites, dont Nicolas Hulot fait partie. Par contre, ça met la pression sur les citoyens, les petits, les sans-grade, à qui on offre un peu d’argent de poche, le bonus écologique, et ça fait payer une petite taxe aux possesseurs de véhicules polluants et c’est moral, genre "Oui Oui lutte contre le réchauffement". Puis "Oui Oui n’utilise pas de gobelets en plastique, collecte l’eau de pluie, ne met pas ses appareils en veille, paye son éco-taxe, trie ses déchets, se loge dans du HQE, etc". Tout autre serait un Grenelle de l’économie qui mettrait les élites politiques et financières au centre du dispositif et face à leur responsabilité. C’est un autre rapport de force. Mais ces gens-là préfèrent sans doute s’arranger entre eux. Voter des crédits pour maintenir le système au lieu de voir comment en changer les règles, notamment avec le cœur du cyclone, la banque centrale et la demande de monnaie. Je n’en dis pas plus. L’obstacle pour changer l’économie n’est pas d’ordre technique, mais politique. Un rapport de force. Une antienne marxiste, mais qui est revisitée. Deux capitalismes s’affrontent.
Quant à nos amis Américains, et les classes moyennes déprimées, le « plan Obama » va leur venir en aide alors que le plan Paulson protège les classes supérieures. Et les perdants, les saisis, les précaires, les chômeurs, les licenciés, les marginaux, ils subissent les effets du cyclone financier. Bref, c’est comme quand Katrina est passé. Ce sont les pauvres qui ont le plus subi à la Nouvelle-Orléans. Telle est la loi universelle de l’homme. Les uns dominent, les autres subissent. Il n’y aura pas de Grenelle de l’économie parce que cet événement serait transgressif par rapport à cette loi universelle. Et les médias ne parleront pas de cette idée, parce qu’ils respectent la loi, étant devenus les valets de cette loi et non pas les législateurs. Ce faisant, ils ont la possibilité de participer aux Etats généraux de la presse et de s’en remettre au président du système qui va tenter de les sortir de l’ornière où ils se sont mis.
*** Annexe I : pour ne pas alourdir ce texte, un exemple, Natixis, créé par la Banque populaire et le réseau des caisses Ecureuil, vaste entreprise protégée par le monopole du livret A (avec le livret bleu du CM pour être précis) des Caisses d’épargne, un vieux système datant de 1814, pour servir l’épargne populaire. Natixis est une banque d’affaire créée sur le modèle américain avec l’appui des profits réalisés sur le livret A. Natixis a joué au casino et son action ne vaut plus rien. Les actionnaires se sont fait pigeonner comme avec Eurotunnel. Par ailleurs, je connais bien un employé de la Caisse d’épargne qui m’a confié récemment les dérives de cette institution dont les consignes données par la hiérarchie sont de faire du profit quitte à se servir sur les gens. On ne respecte plus le client m’a-t-il confié, avant de foutre le camp non sans avoir extorqué, c’est de bonne guerre, des indemnités de départ. C’est cela qui m’a frappé. Le client est instrumentalisé, sauf bien sûr s’il connaît aussi bien les produits financiers que son interlocuteur et sait parer à toutes les formes d’arnaques légales. Combien ont placé leurs épargnes dans des produits dynamiques et se sont retrouvés des années après avec moins d’argent qu’au départ. C’est cela aussi, une certaine idée de la banque, de l’éthique, de l’honnêteté. Nul n’a décrété que la finance doive obéir à la loi des profiteurs et des escrocs. C’est une question centrale du Grenelle de l’économie. Comment protéger le capitalisme des voyous qui s’en servent et le dévoient ?
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