Il n’avait pas le droit de le faire
On vous a toujours dit ici que le système W.Bush était à prendre avec des pincettes, car il évoluait toujours sur les marges de la légalité. Sa double élection, entâchée de manipulations électorales sans nom (en Floride en 2000, en Ohio en 2004), sa décision inique d’envahir l’Irak après ce qui s’avère être une manipulation onusienne et une campagne de propagande mondiale éhontée sur de prétendues armes terrifiantes (WMD), ses techniques de blocage de nominations de magistrats ou la suppression sans vergogne de mails compromettants par son administration ont fait du gendarme du monde un cow-boy sans foi ni loi, et non un justicier en croisade contre les infidèles terroristes. Bush se voulait être un John Wayne redresseur de torts, il se révèle un Marlon Brando chef de gang, un outlaw complet, un bandit véritable, qui a franchi la barrière des lois à plusieurs reprises.
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La dernière en date vient enfin d’être révélée : le 12 juin dernier, la Cour Suprême des Etats-Unis, par cinq voix contre quatre, a déclaré illégale la détention de prisonniers à Guantanamo dans la forme actuelle de leur absence de droits fondamentaux. C’est la troisième fois juridiquement que l’on s’attaquait à son statut particulier, et c’est la bonne. Dans un arrêt, "la Cour a décidé que les prisonniers ne pouvaient pas être privés de leur droit à contester leur captivité devant un juge civil. " nous indique le Monde. C’est le retour à l’Habeas Corpus, ignoré par deux décisions du Congrès américain en 2005 et 2006, et une claque magistrale infligée au fondement même de la fameuse "guerre antiterroriste" , qui avait pour principe avant tout d’outrepasser les droits individuels ordinaire au prétexte d’une excuse supérieure. Et cette décision est lourde de conséquence, car, outre d’infliger un camouflet à une administration qui se croyait tout permis, elle remet en cause le fondement même de l’existence de Guantanamo !
Tout le monde s’était étonné de ce choix en 2001 : il existait suffisamment de prisons sur le territoire US pour qu’on puisse s’attendre à juger les gens sur son propre territoire et non ailleurs. Alors pourquoi Guantanamo ? Parce qu’il s’agissait dès le départ d’une zone de non-droit ! Un endroit du monde ou "les garanties constitutionnelles ne s’ appliquent pas", selon les directives officielles d’alors, ce qui permettait en même temps toutes les exactions, dont les tortures. Dont ne sont pas privés les gens de la CIA, qui se sont empressés d’en faire disparaître en 2005 les preuves en passant à la broyeuse les cassettes vidéos compromettantes. Comme cela ne suffisait pas, Bush, le hors-la-loi, en a créé d’autres, de zones où l’on peut torturer en toute quiétude : dans d’autres pays, où les prisonniers étaient envoyés par une noria de jets Gulfstream (ou autres) déguisés en avions de tourisme, ou à fond de cale de bateaux, comme l’a révélé une enquête récente . L’USS Bataan et l’ USS Peleliu étant les deux bateaux-prisons cités dans le rapport. Avec des témoignages accablants de marins US ou de prisonniers eux-mêmes : "One of my fellow prisoners in Guantánamo was at sea on an American ship with about 50 others before coming to Guantánamo ... he was in the cage next to me. He told me that there were about 50 other people on the ship. They were all closed off in the bottom of the ship." Tout lui a été bon pour outrepasser les droits élémentaires des prisonniers, dont certains, comble de l’ironie, se sont révélés n’être pour rien dans cette histoire ou être victimes d’une erreur administrative, par confusion de nom ou homonymie. L’histoire affligeante du photographe de l’agence Associated Press, Bilal Hussein, est encore dans toutes les mémoires. Il avait détenu à Camp Cropper, près de Bagdad.
Mais le sytème Bush ne pouvait s’arrêter à ce genre de "détails". Parti dans une logique nauséabonde, il ne pouvait a conduire que jusqu’au bout, comme toute bonne dictature a pu le faire avant lui. Quand au nombre de prisonniers, il est effarant : De son propre aveu, le gouvernement américain détient actuellement 26 000 personnes, sans leur avoir fait de procès, dans des prisons secrètes, et certaines informations laissent à penser que 80 000 personnes sont passées par ce système de traitement depuis 2001. Auxquels on peut ajouter ceux de la prison officielle de Bagdad, sans plus de droits protégeant ses incarcérés. La plupart sans savoir exactement pourquoi ils étaient là. Un rapport d’Amnesty tente de faire le détail des emprisonnements :
"selon le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), quelque 60 000 prisonniers étaient détenus par la FMN et les forces de sécurité irakiennes en novembre. La plupart d’entre eux étaient maintenus en détention illimitée, sans inculpation ni jugement, pour des raisons de sécurité. En octobre, le responsable des prisonniers au sein de la FMN a déclaré que les forces de la coalition détenaient quelque 25 000 personnes, notamment au camp Bucca (dans le sud du pays), au camp Victory et au camp Cropper (près de l’aéroport de Bagdad). Il a précisé que parmi ces prisonniers figuraient 840 mineurs et 280 étrangers, la plupart originaires de pays arabes ". Une fois encore, aucun respect de l’individu et de ses droits fondamentaux.
Et pour cela il aura donc fallu mentir, mentir et encore mentir. En 2004 déjà, le 22 juin, W.Bush déclarait : "We do not condone torture. I have never ordered torture. I will never order torture. The values of this country are such that torture is not a part of our soul and our being." En avril 2004, le monde découvre avec effroi les images de la prison d’Abou Graib. Le 13 janvier 2008, Mike McConnell, le chef du renseignement américain, reconnaît que ses services on utilisé le "waterboarding", technique de torture connue, pour interroger des prisonniers et obtenir avec des "renseignements significatifs". "« Est-ce que nous avons obtenu des renseignements significatifs ? Et comment. Énormément ! Est-ce que cela sauve des vies ? Énormément ! Nous avons obtenu des informations incroyables ». Mais pour lui, la torture à l’eau n’en étant pas une, de torture, l’honneur est sauf... Ce doit être une distraction, sans doute, on n’a pas toujours l’occasion de rigoler avec des prisonniers que l’on interroge : il aurait fallu le demander en France, à Aussares. ("à fort Bragg, Mr Aussares apprend la torture aux officiers américains" dit Vergès). Le 7 février, l’administration US est obligée de s’excuser pour les déclarations de Michael Hayden, chef de la CIA qui venait de reconnaître devant les sénateurs US l’usage du waterbording en 2002 et 2003 contre Khalid Sheikh Mohammed, Abu Zubaydah and Abd al-Rahim al-Nashiri, tous trois emprisonnés à...Guantanamo. Et torturés ailleurs, seul Mohammed al-Qahtani l’ayant été sur place.
Pour ce qui est de Guantanamo, on peut ajouter à l’enfermement d’autres formes de non respect des droits qui tournent à la perversion pure et simple. Un article récent expliquait comment se tenait le procès, en ce moment même des principaux auteurs, parait-il, des attentats contre le WTC. On y apprend avec effarement que la cour martiale, car c’est un procès militaire et non civil, qui se tenait n’avait aucun témoin direct. Les journalistes présents étaient enfermés dans une salle attenante au procès, dont les débats étaient retransmis par circuit de télévision, et pas n’importe comment. pas un direct, mais un différé, le juge en charge des débats à la cour ayant la possibilité d’interrompre et de reprendre la diffusion quand bon lui semblait. On est en droit de se demander à quoi pouvait bien servir cette énième aberration. Pour les officiels de l’armée US, c’est évidemment pour "raisons de sécurité" et impossibilité de "divulguer ainsi des secrets d’état". Et encore une fois, le comportement du pouvoir en place laisse planer le doute sur ce qu’il pourrait y avoir à cacher... à croire qu’il le fait exprès ! Sachant que l’un des principaux inculpés semble bien incapable d’avoir organisé le détournement d’avions et l’effondrement des deux tours, les spéculations vont bon train sur le bon usage du différé des délibérations de ce procès qui ne ressemble à rien, sinon à se trouver vite fait un ou deux coupables qui en savent trop, et qu’il serait bien tentant d’éliminer physiquement au plus vite. Le spectre du procès de Saddam, expéditif et hors normes, plane sur ce simulacre de jugement. Or là aussi, la décision des juges devrait bloquer instantanément la tenue du procès. Déjà, en 2004, un juge avait tracé le chemin : l"ennemi combattant" jugé, devait l’être en respect des Conventions de Genêve, dit la justice offcielle US. Et bien au final se sera non : l’équivalent US du ministre de la justice, Michael Mukasey, proche de W.Bush sinon sa marionnette véritable a déjà annoncé qu’il s’asseyait sur la décision du juge. Le pays fonctionne donc bien de façon hors-la-loi depuis le 12 juin dernier. Et continuera dans les semaines à venir ses procès truqués.
Dans d’autres pays, on crierait à la dictature pour l’organisation de tels simulacres de procès. Tout se passe comme si l’administration de la Maison Blanche voulait rapidement maintenant se débarrasser des hommes les plus encombrants pour elle. Sans leur permettre de trop parler. Dans cette précipitation à encore une fois vouloir "finir le travail", plane l’ombre de révélations possibles, en particulier sur l’organisation des attentats du 11 septembre. Où de plus en plus se dessine le plan d’une manipulation d’un groupe qui n’avait pas les moyens de produire pareils dégâts, et que l’on aurait laissé faire en allant même jusqu’à lui faciliter la tâche de façon assez phénomènale. Il y a en effet désormais trop de similitudes entre un Mohammed Atta et un Lee Harvey Oswald, l’assassin manipulé au fusil en mauvais état et à la balle rebondissante. Le tout venant d’un président qui, deux ans avant le 11 septembre, claironne déjà partout qu’il souhaite attaquer l’Irak. Pour une raison ahurissante. Pour lui, c’était la seule clé pour sortir de l’ombre trop pesante de son père comme il l’avoue à un proche : "It was on his mind. He said to me : ’One of the keys to being seen as a great leader is to be seen as a commander-in-chief.’ And he said, ’My father had all this political capital built up when he drove the Iraqis out of Kuwait and he wasted it.’ He said, ’If I have a chance to invade·.if I had that much capital, I’m not going to"... A quoi tient le désordre mondial...
En France, la décision des juges US a été faiblement commentée. Or pourtant, le rappel comme quoi « les lois et la Constitution sont conçues pour survivre et rester en vigueur en période d’exception », fait diantrement écho à la décision récente de Rachida Dati de justifier des mesures d’exception similaires, en particulier sur les droits des journalistes à protéger leurs sources. Les juges américains nous donnent une leçon de sagesse, à rappeler que l’exception ne peut enfreindre la règle, et que le droit n’a pas à écouter les sirènes de la mode ou celles d’une politique qui s’écarterait du respect des droits de l’homme garantis par la constitution. Un système Sarkozien qui cherche avec retard à imiter un système Bushien qui s’effondre ne présage rien de bien sur nos futures institutions. Sur la prochaine base navale en Mer Rouge, il faudra veiller à ce qu’il n’y aît aucun centre de rétention, aucun charter de Falcon à prisonniers et aucun navire de la Navale avec à bord des gens suspectés de terrorisme. A force de lorgner sur un pouvoir comme Nicolas Sarkozy peut le faire, on en arrive à redouter un phénomène d’imitation sinon de mimétisme. Le jour où notre président s’étranglera avec un bretzel ou chutera d’une Segway, méfiance. Quand on commence à faire dans la flagornerie et le rond de jambe, tout devient possible. Comme le disait le slogan de campagne de Nicolas Sarkozy, grand ami de W.Bush, celui qui a fait la guerre uniquement pour vaincre l’image d’un père qui l’avait dénigré toute son enfance. Et a TOUT fait pour y parvenir. Toute similitude....etc,etc. Le remaniement en profondeur préconisé par le Livre Blanc présenté aujourd’hui ne présage rien de bon : on y préconise la création d’une force intérieure de 10 000 hommes pour "répondre à une crise majeure". Certains y verront une aide médicale en cas de séisme ou d’accident nucléaire, mais d’autres pourront y voir le spectre d’une force de police supplétive en cas de problème social grave. Si on y ajoute le "renseignement", on est en plein dans les pas du Homeland Security, qui, aux Etats-Unis, par exemple, chapeaute le travail des gardes-côtes. A quand donc un Guantanamo français ?
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