Internationalisation de la crise au Liban : en plusieurs actes
La tournure que prend la situation politique au Liban depuis le 7 mai 2008 permet d’envisager plusieurs scénarios, fruits d’une réflexion, à distance de l’interprétation officielle relayée par les médias occidentaux.
L’un de ceux-là prend en compte la décision de l’administration américaine d’en découdre avec le Parti de Dieu. Bien que catastrophiste, une telle mise en scène paraît être plausible.
- Pour éviter une guerre civile qui pointe son nez, la retenue des deux communautés : chrétienne et druze, lors d’un tel scénario, est absolument primordiale.
- L’attitude du cardinal Sfeir, d’Amine Gemayel, de Samir Geagea comme celle du général Aoun est déterminante dans la communautarisation ou non du conflit.
- L’attitude de Walid Joumblat tout comme celle de Tallal Erslane est déterminante dans la communautarisation ou non du conflit.
Toute implication, de quelque manière que ce soit, de ces deux communautés dans le conflit qui s’annonce, modifie la donne fondamentalement, en transformant le conflit éminemment politique en un conflit confessionnel plus facile à manipuler.
Précisons d’emblée pour les chrétiens, comme pour les druzes, qu’aucun bénéfice ne pourra être tiré, ni politique ni économique, si par mésaventure ils s’y impliquaient en se divisant entre majorité et opposition.
Leur pouvoir depuis trente ans fond comme neige au soleil, les accords de Taëf l’officialisent pour ceux qui ne l’auraient pas saisi.
L’internationalisation de la crise libanaise en plusieurs actes est un prélude à une intervention plus musclée visant à museler le Hezbollah en le désarmant et en portant un coup fatal à sa tête comme sur l’ensemble de sa structure.
Le Hezbollah, se laissera-t-il prendre dans ce piège qui lui est tendu ?
- Premier acte accompli qui consiste à mettre face à face dans Beyrouth des éléments armés de deux communautés que l’on veut voir s’opposer : d’un côté la communauté sunnite et de l’autre la chiite. Le but recherché est davantage la confrontation que les résultats de cette confrontation.
- Deuxième acte, délocalisation de la confrontation à l’ensemble du territoire libanais : la montagne, Tripoli, le Nord, le Békaa, le Sud.
Ceci, dans le but d’occuper le Parti de Dieu et l’armée sur plusieurs fronts à la fois.
- Troisième acte, débordement de l’armée régulière libanaise. Ceci justifie l’appel du gouvernement Siniora, relayé par les capitales occidentales, à une intervention de la ligue arabe. Celle-ci, mesurant le risque grandissant de guerre civile, que l’on veut voir évitée, se sent dans l’obligation de demander l’envoi d’une Force arabe de dissuasion pour aider l’armée libanaise à maintenir la paix civile.
- Quatrième acte, mouvement de l’arsenal de la 6e flotte américaine au large des côtes libanaises et envoi d’une coalition d’armées arabes, toutes acquises à la vision américaine. Cette entente permet à des conseillers techniques américains d’accompagner l’expédition.
Ils seront les yeux et les oreilles de Washington.
Même si cette FAD n’est pas formée ou envoyée, le résultat serait exactement le même.
De l’autre côté de la frontière Sud, Tel-Aviv met en branle Tsahal avec un mouvement de ses troupes en les massant le long de la frontière Sud, voire en la débordant légèrement.
Intensification des survols réguliers du Liban à très basse altitude par l’aviation israélienne.
- Cinquième acte, augmentation très palpable de la pression sur le Hezbollah en vue de le désarmer.
Il est acculé à réagir, sentant l’étau se resserrer, il commet la faute pour se défendre, d’attaquer.
Cette attaque sera la justification à une intervention aérienne déversant un déluge de feu sur le Liban et plus précisément sur la banlieue Sud de Beyrouth, la Békaa et le Sud Liban, de la part de l’aviation américano-israélienne, étape préalable à une intervention terrestre d’envergure.
La FAD, au cas où elle aurait été constituée, aura quitté le sol libanais juste avant l’intervention israélienne ; ceci pour éviter aux pays arabes d’être dans une position inconfortable d’être alliés de fait avec l’ennemi de toujours.
L’Iran comme la Syrie n’interviendront pas dans ce conflit, c’est pourtant eux qui sont visés par un tel scénario.
C’est au Liban que les comptes se règlent, il s’agit d’une constante depuis trente-cinq ans.
Le Liban est un pays tampon, un exutoire, un souffre-douleur à moindres frais pour les Etats-Unis, Israël, la Syrie, l’Iran, l’Arabie saoudite, l’Egypte.
- Le peuple libanais doit comprendre où est son intérêt.
- Les communautés libanaises doivent savoir où sont leurs intérêts.
- Le Libanais doit savoir où est son intérêt.
Pour l’heure, l’appauvrissement économique du pays se répercute sur une grande partie de sa population avec un chômage galopant.
Une telle situation de crise ouvre un nouveau marché économique, florissant, issu de la guerre et lucratif qui consiste à gagner sa vie en faisant la guerre.
C’est une manière de recruter des combattants de toutes confessions sans aucune autre conviction que celle de gagner sa croûte.
Le conflit majeur auquel nous assistons, et qui se déroulera encore une fois sur le sol libanais, a été préparé de longue date, à l’issue de la guerre ratée d’Israël en juillet 2006 qui a néanmoins mis à genou le Liban.
Le but de ce conflit étant double, celui de détruire le Hezbollah, le représentant majoritaire et légitime de la résistance libanaise face à Israël, et l’implantation définitive des Palestiniens à majorité sunnite au Liban.
Pour les Etats-Unis et Israël, la mise en échec de leur politique dans la région est insupportable. C’est ce qui justifie à leurs yeux, toutes les exactions qu’ils s’apprêtent à commettre.
Les politiciens qui nous gouvernent doivent savoir que l’incompétence, à leur niveau, ce qui semble être une constante, est un crime passible de la Cour martiale. Ils mettent régulièrement en péril la sécurité et la stabilité du pays et ce pour des considérations clientélistes lamentables.
Le Liban n’est pas leur chose et les Libanais ne sont pas leurs choses.
Le Liban n’est pas une dictature et ne le sera jamais. Donc nul besoin de milices.
Les milices (Fateh el Islam, Jounoud el Sham…) armées et financées directement ou indirectement par le gouvernement ou les représentants du gouvernement, constituent une véritable armée parallèle à l’Armée régulière libanaise.
Cette constatation est un flagrant délit à l’encontre du pouvoir en place de Fouad Siniora et de son assesseur Saadeddine Hariri.
L’armée libanaise est la seule garante de la sécurité des Libanais, elle doit avoir les moyens de sa mission.
Le Hezbollah, ainsi que l’ensemble des partis politiques au Liban, doivent savoir que les armes en leur possession nous conduiront tôt ou tard à la guerre. Nous venons d’en avoir un exemple.
La résistance libanaise gardera son label, son armement et sa dangerosité tant qu’il y aura occupation d’un cm2 de la terre libanaise et tant qu’il y aura menace sur le Liban.
Les armes ne sont pas des objets de décoration, elles doivent être l’outil de travail de la seule armée régulière libanaise.
Les milices au Liban doivent être bannies, interdites et chaque arme possédée par un citoyen lui sera retirée avec à la clé une sanction pour celui qui la détient.
La culture libanaise ne doit pas être la justification à de tels comportements ancestraux.
La culture libanaise ne peut pas cautionner sa propre disparition.
Le Liban en a suffisamment souffert pour que tous les Libanais le comprennent une bonne fois pour toutes.
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