Islam et terrorisme : au-delà de l’indignation
ISLAM ET TERRORISME : AU-DELÀ DE L’INDIGNATION
Nous, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, que nous soyons ou non de culture musulmane devons agir. Nous sommes des centaines de millions à condamner systématiquement et, bien souvent, avec émotion, chaque attentat perpétré au nom d’Allah. Toutefois, une même phrase se retrouve sur presque toutes les lèvres, tel un leitmotiv pour se convaincre :
« _ Ça n’a rien à voir avec l’islam !
Ainsi, toute analyse individuelle et collective est définitivement écartée. Le débat est clos avant même d’être entamé.
_ Circulez. Il n’y a rien à voir !
_ Les attentats jihadistes sont l’œuvre d’individus sectaires et ignorants ayant déformé le message du Coran. »
Accepter cette affirmation en guise d’unique explication implique d’une part, d’occulter tous les passages coraniques qui posent des problèmes manifestes aux droits humains et aux libertés fondamentales et, d’autres part de dénier l’influence du milieu social et culturel sur tout individu.
En droit romain, n’est responsable d’un acte que celui qui le commet. Les auteurs d’attentat demeureront toujours les responsables de leurs ignominies.
Toutefois, soyons honnêtes ; écartons toute couardise et osons l’écrire et le dire : le Coran possède un côté obscur, terrain fertile pour vivifier et propager la haine, le sexisme, le racisme, l’homophobie et l’autoritarisme. Dans tous les pays où l’islam s’est imposé comme religion d’État, l’homosexualité, l’adultère, les relations sexuelles hors mariage, la liberté de conscience et l’apostasie sont sévèrement punis par une justice rendue au nom d’Allah. En outre, conformément aux préceptes coraniques et aux hadiths du prophète Mohammed, lors d’une succession, les héritiers reçoivent le double des parts échues aux héritiers de sexe féminin ; cependant que le témoignage d’une femme ne vaut pas celui d’un homme. Dans ces pays, les journalistes, les artistes et de simples citoyens qui abordent le sujet sacré de la religion font l’objet de poursuites judiciaires qui se concluent, par trop souvent, par des condamnations à des peines de prison ferme, des châtiments corporels, voire des pendaisons.
Étant né au Maroc, au sein d’une famille musulmane, je fus confronté, très tôt dans mon existence, au tabou de la religion. Je ne suis pas le seul. D’autres personnes, nées à Ryad, Le Caire, Rabat, Paris ou Sydney, ont grandi en percevant les homosexuels tels des pervers, au mieux des malades à soigner, par la contrainte physique s’il le faut, les femmes des êtres par nature inférieurs aux hommes et l’islam la religion suprême et ultime.
Suivant La Fatiha, la sourate la plus usitée lors des prières et cérémonies religieuses – mais aussi profanes –, les Juifs, qui « ont encouru la colère » d’Allah, sont des ennemis et, les chrétiens des « égarés » qu’il faut ramener dans le chemin de la seule vraie foi, par la force si nécessaire.
Depuis plus de soixante ans, de Casablanca à Djakarta, des centaines de millions de citoyens de culture musulmane rêvent de vivre enfin en démocratie. Au moment des indépendances, et sous le prétexte bien commode qu’il fallût sortir leurs pays du sous-développement, tous les dirigeants de ces nations, sans exception, confisquèrent le pouvoir et privèrent nos grands-parents et parents de leurs libertés pour lesquelles pourtant nombre d’entre eux s’étaient battus avec force et courage.
Cependant, peu ou prou, tous les pays de culture musulmane optèrent pour le parti unique. Partout, le népotisme, le clientélisme, la corruption et l’autoritarisme devinrent des modes de gestion des affaires de la nation. Dans les rares pays qui adoptèrent le multipartisme, celui-ci se confondait avec le tribalisme et le régionalisme.
Tous ces États s’autoproclamèrent défenseurs de la foi musulmane, des intérêts des peuples arabes et de la cause palestinienne contre la menace « impérialo-sioniste ». Les cuisantes défaites affligées par Tsaha[1]l aux armées arabes en 1967 et 1973, les massacres de Sabra et Chatila, les deux guerres du Golfe et le démantèlement de l’Irak contribuèrent à instiller dans les esprits que le temps des croisades était de retour et que l’heure de l’affrontement avec l’Occident avait sonné.
Parce qu’ils prétendaient conduire leurs nations sur le chemin du développement et, surtout et avant tout, parce qu’ils constituaient un gage de stabilité politique pendant la guerre froide et après la chute du mur de Berlin, les dirigeants des pays de culture musulmane ont pu réprimer avec une violence inouïe, recourant à la torture, aux « disparitions forcées » et aux exécutions extrajudiciaires, toute forme de contestation.
Au vrai, depuis les indépendances, tous les pays où l’islam est religion d’État ont toujours vécu sous des régimes autoritaires, islamistes et nationalistes. Toute critique envers les institutions – étatiques ou religieuses – y est considérée comme un acte de sédition, de traîtrise. En outre, le culte du martyr et le sacrifice de soi pour défendre la patrie face à l’ennemi sont poussés à leur paroxysme et le nationalisme exacerbé.
Bien plus, de Hassan II à Khadafi, en passant par Nasser, Bourguiba, Ben Ali, Sadate, Moubarak, Saddam Hussein, Assad père et fils, Mohammed VI, les émirs du Golfe, tous les dirigeants arabo-musulmans du XXe et du XXIe siècles usèrent, et usent toujours, d’un paradigme religieux. Présidents, ministres et monarques d’aujourd’hui, à l’instar de ceux du siècle dernier, parsèment leurs discours de références au prophète Mohammed et de citations du Coran.
Pourtant, depuis fort longtemps déjà, tous ces dirigeants sont débordés sur leurs flancs par des salafistes usant d’une rhétorique islamiste plus rigoriste, appelant à un jihad mondial. Ce discours attire les jeunes, nés ou non dans des familles ou des pays de culture musulmane. Il séduit car il constitue une réponse – certes nihiliste – à une question demeurée sans réponse : existe-t-il un ailleurs possible, un autre mode de vie que celui créé par la société de consommation ?
https://fr-fr.facebook.com/Youssef.Jebri
https://twitter.com/youssef_jebri
© Youssef Jebri, décembre 2015.
[1] L’armée israélienne.
13 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON