Itinéraire d’un météore, première partie
Dans le panel tranlucide, voire complètement transparent que représentent les ministres du gouvernement Fillon, on est en droit aujourd’hui de se poser des questions sur les critères de choix réels qui ont été retenus par le président Sarkozy, tant certains paraissent hors casting. Les nominations récentes ne sont pas là pour dissiper le malentendu. Comme le dit en résumé Libération ces derniers temps « Bernard Laporte secrétaire d’Etat aux Sports, c’est un peu comme si Didier Barbelivien (autre pote de Sarkozy) était nommé ministre de la Culture ».
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Des ministres déjà tous passés au second rang, tant le président actuel tint à tirer la couverture à lui, n’en laissant pas un seul assister en son nom propre aux obsèques de personnages aussi importants pour la vie politique mondiale qu’un patron pêcheur, un pompier, un cardinal ou et un comédien d’un âge certain (je n’offense pas leur personne, je relativise celle de la présence présidentielle). Tous, sauf... une, citée régulièrement comme première de la classe, propulsée en avant par le maître du haut château, j’ai nommé Rachida Dati, bombardée désormais accompagnatrice de voyages présidentiels en terre chérifienne ou chinoise. Une Rachida colérique et cyclothymique, qui n’aura mis que trois mois pour se mettre à dos l’ensemble de la profession dont elle a la charge. Une Rachida Dati surprotégée par un président qui en a fait un emblème... un peu trop vite, comme tout ce qu’il fait, en définitive (sauf son divorce !) en oubliant que la dame brune présente elle aussi sa belle part d’ombre. Remarquez, l’excuse qu’il pourra toujours ressortir, dans quelques mois, si les relations entre le garde des Sceaux et les juges se dégrade davantage, c’est que c’était son ex-femme qui avait insisté pour qu’elle hérite de ce poste, à la place de Brice (Hortefeux), ce vieil ami de toujours, contraint ce jour-là de manger son chapeau de rage. Il n’était pas le seul, Patrick Devedjian étant le tout premier de liste espéré, à lui de ne pas se la mettre trop à dos désormais. Si on y ajoute le prédécesseur au poste de garde des Sceaux, Pascal Clément, lui aussi vert de rage, la coupe est pleine. Notre nouveau président à l’art de diviser... y compris jusque dans ses troupes. C’est ça, régner, sans doute. Et Rachida la novice de partir à l’assaut de son ministère avec derrière elle trois ennemis jurés. Son cas « exemplaire » mérite d’être étudié avec précision c’est pourquoi je vous invite à lire cet article approfondi en deux parties, la seconde dans quelques jours... si vous le voulez bien.
Première partie : du travail de nuit à Veolia
Zones d’ombre
En fin d’année maintenant, en effet, chez Albin Michel, un livre sulfureux devrait sortir, dont le sujet est... Rachida Dati. Enfin, si tout se passe normalement (et si l’ire présidentielle ne fond pas sur les coupables d’un tel crime de lèse majesté !) . À l’intérieur, des révélations, dont on a déjà quelques bribes d’idées, à avoir entendu la dame dans le téléviseur dominical. Le problème en effet, c’est que depuis une autre dame est partie de l’Élysée, après que l’on a aussi entendu pendant des semaines qu’il ne s’agissait que de « rumeurs », qui se sont révélées... véritables. Or quand est-il du cas Dati et des « rumeurs » dont elle s’est faite elle même l’écho en annonçant ce dimanche-là un livre contrefeu qui a tardé à s’écrire (il est sorti le 6 novembre dernier) ? Tout simplement que ses différents CV accolés, ou les différentes versions entendues et véhiculées, dans la presse ou sur le net, de son CV ne « collent » pas exactement les unes entre elles, laissant planer un doute pernicieux sur sa carrière. Dans plusieurs articles de presse récents, l’actuelle garde des sceaux a été présentée comme « bardée de diplômes ». Nous dirons ici que l’emphase journalistique, tout encline à pencher en faveur de cette représentante directe de la France « d’en bas »... ou présentée comme telle, est allée un peu vite en affaires. On est donc loin du compte en définitive : on n’en décompte réellement que... trois, dûment répertoriés sur le site officiel de son ministère, récoltés en 12 ans d’études universitaires (de 1987 à 1999) ou post-universitaires. Ne figurent effectivement que les 2 maîtrises reconnues (soit BAC+4) et indiscutables, et un succint « École nationale de la Magistrature ». « Bardée » de trois diplômes, on est bien dans l’excessif, là, la concernant. Enjolivons, enjolivons, il en restera bien quelque chose dirons-nous. En fait, c’est toute sa biographie enjolivée qui est sujette à caution, ne lui déplaise , et trop de zones d’ombre de sa vie subsistent alors qu’elle est désormais sous les feux des projecteurs médiatiques.
Cosettisation
Passons rapidement sur les années pré-universitaires, étalées ici et là avec moult relents de Cosette. La jeune Rachida, lycéenne à l’école catholique « Le Devoir » à Chalon-sur-Saône pour résumer, « fait des ménages pour payer ses études et aider ses onze frères et sœurs (l’Express) » : un jour vendeuse de cosmétiques (l’éternel Avon, le Tupperware du maquillage) un jour aide-soignante, un autre dans un supermarché, etc. Cet aspect l’honore, bien entendu, et personne ne conteste ses facultés de jeune travailleuse acharnée. Le problème c’est qu’on lui fait dire avoir travaillé ainsi avant 16 ans, voire parfois à 14 ans, ce qui est alors interdit par la loi. À force de vouloir en rajouter sur la cosettisation du personnage, on a un peu trop forcé le trait, semble-t-il : que ce soit du fait de la presse ou du fait de la personne elle-même qui n’a pas démenti les allégations ou les approximations élogieuses. Et ce, dès le début de son accession au pouvoir. À trop vouloir réer une sainte icône, on sème le doute dans les esprits. Pour El-Watan, par exemple « À 16 ans, elle occupait un poste à plein temps d’aide-soignante la nuit pour payer ses études ». Or c’est rigoureusement impossible, même avec l’antériorité légale : le travail de nuit pour les femmes est interdit. Le texte l’autorisant n’a été promulgué que le 9 mai 2001. « Tout salarié, homme ou femme, peut travailler la nuit. Seule exception : les jeunes de moins de 18 ans pour lesquels le travail de nuit est, en principe, interdit. A noter que des mesures particulières de protection s’appliquent à la femme enceinte travaillant de nuit et que certains salariés du secteur des transports relèvent de dispositions particulières ». Auparavant, en 1987, la loi Séguin l’autorisait, certes, mais à condition qu’il y ait accord de branche ou de l’entreprise, et on retombe alors sur l’interdiction incompressible de travailler de nuit avant 18 ans. La loi sur le travail des mineurs n’a été modifiée que le 6 février 2006. Née en le née le 27 novembre 1965, Dati a 18 ans révolus en fin d’année 1983 seulement, date à laquelle... elle entre en faculté à Dijon. Le plein temps de nuit à 16 ans est donc soumis à forte caution, et c’est d’ailleurs ce que dit son propre livre, qui situe la période travail de nuit plus tard. L’hagiographie officielle varie encore, puisqu’on trouve aussi cette version « Standardiste et aide-soignante dans une clinique privée, elle glane la presse abandonnée dans les salles d’attente ». Pour en faire des fiches sur les personnes qu’elle n« hésitera pas plus tard à rencontrer. Là encore, pour passer le concours d’aide soignante il faut avoir 17 ans ( »Conditions d’admission : Le candidat doit être âgé de 17 ans au moins à la date d’entrée en formation..« ). Une clinique privée hors la loi qui aurait employé une future garde des Sceaux sans diplôme, ça ne manque pas de sel ! Aide-soignante (non diplômée, et donc pas aide-soignante ?) ou simple standardiste ? De jour ou de nuit ? La vérité c’est qu’il faut attendre plus de 18 ans pour la voir tenir ses postes, disons entre 1983 et 1987, les 4 années de sa première maîtrise en économie, donc. L’année aussi, 1987, où elle entre dans le monde actif, paraît-il. On attendait donc avec impatience le livre nous délivrant les explications à cet imbroglio de CV, ou en dissipant les doutes. Il est sorti depuis, et là-dessus, il n’y a que fort peu de choses dedans. Comme si on n’avait pas voulu ou su répondre à l’image pieuse un peu trop vite fabriquée.
Dans son livre, »je vous fais juge« (chez Grasset), on a beau chercher, en effet, il n’y a qu’une allusion sur la période (p.116) »j’ai été standardiste aise soignante de jour, aide-soignante de nuit« dit-elle, après être entrée dans le bureau du directeur sans y être invitée. La clinique citée nommément est à Chalon et s’appelle Sainte-Marie. On a bien le lieu, mais toujours pas le diplôme d’aide soignante, passable qu’à 17 ans ! Les journaux ont dû trop en faire, ou le journaliste convoqué (Claude Askolovitch, du Nouvel Obs, voir son blog au titre étrange) ne pas poser les bonnes questions. Ou Rachida Dati de s’apercevoir qu’on en a un peu trop dit, et elle pas assez. Elle a travaillé dur, certes, mais ne souhaites plus en parler »je préfère dire mon parcours moi-même, ne serait-ce que pour éviter les clichés« (p.19). Résultat, du premier épisode (avant les 18 ans) , on reste sur sa faim. Seul un rappel p.121 précise que les dates données au départ ne sont pas les bonnes : »j’ai continué à travailler en clinique jusqu’à ce que je vienne à paris, en 1987« . »Dans des cliniques, donc, à Dijon, la nuit, et à Chalon le week-end, la nuit encore« . Travail de nuit, certes donc, mais bien après 18 ans révolus, jusque 22 ans donc.Il semble bien qu’on aie un peu trop forcé le trait, question 14-18 ans.
Chalandonette
Mais revenons-en aux études : un bac obtenu au rattrapage selon certain, avec mention AB pour d’autres sources (toujours ce flou !), à 17 ans et demi (donc en 1983), certes, mais un Deug de Sciences-Eco en trois ans : des études ralenties ou laborieuses par le fait de devoir travailler, sans nul doute. En version officielle , ça donne »après le Bac, je suis parte à Dijon en fac de médecine d’abord« ... »J’avançais à l’énergie, à la patience et à l’espérance« . Selon son livre, toujours, elle échoue alors en médecine »j’ai réalisé que c’était une erreur« . Selon l’auteur, c’est pour assurer un avenir moins incertain qu’elle choisit alors Economie »avec un DEUG d’économie, je pouvais être assistante ou comptable (p.122). Selon elle, toujours, un professeur lui a demandé de choisir entre « mon travail et mes études » (p.123). On reste dans le flou pour ses débuts véritables dans le monde du travail : selon certains, « Un Deug d’économie en poche, elle est embauchée comme comptable à la direction financière de Elf », en 1987. Un Deug en 1987 après avoir obtenu le bac en 83, ça donne 4 ans d’études pour un cursus normal de 2 ans. Si bien que les deux maîtrises incontestables obtenues le seront « plus tard » (2 années de plus, dont logiquement en 89, ou au rythme habituel... pas avant 1991, ce que finira bien par confirmer l’université Paris II, pour la première seulement des deux maîtrises). Elle devient auparavant, selon la thèse officielle, « chargée d’études auprès de la direction comptabilité-finance du groupe Elf-Aquitaine », où elle est introduite grâce à Albin Chalandon, rencontré à la hussarde lors d’une réception à l’ambassade d’Algérie. Une rencontre elle aussi racontée partout en long et en large, qui se résume au fait que le pauvre Chalandon lui aurait mis le jour même « le pied à l’étrier », convaincu en une seule rencontre par son profond charisme. Certes, et pourquoi pas. Dans le livre de Rachida Dati « c’est la part irrationnelle du destin » que cette rencontre (p.128). Rachida Dati est très imprégnée de la notion de mektoub, semble-t-il. « Il m’a dit qu’il pourrait m’aider à trouver un stage en entreprise »(p.132). Il lui offrira un cadau inattendu, Place vendôme : les « livres économiques de Raymond Barre ». « Il m’a fait recevoir chez Elf_aquitaine, et là j’ai décroché un emploi de comptable » (p.135). Chalandon, en 1987, a déjà 67 ans, l’âge de la retraite a déjà sonné pour lui. Celle d’un pétrolier (il a dirigé le groupe ELF) devenu ministre de la Justice (tiens tiens, ça doit donner des idées) malgré de nombreuses accusations de corruption (procédé largement poursuivi par ses successeurs chez ELF/Total, tel Loïc le Floch Prigent). À savoir aussi que Rachida, ce jour-là a frappé à la bonne porte : l’épouse de Chalandon n’est autre que Catherine Nay, auteur entre autre d’un « Pouvoir nommé désir », ouvrage sur « l’irrésistible l’ascension de Sarkozy, écrit », je cite « après vingt ans d’études à la loupe du microcosme politique ». Le lien avec le futur de la carrière de Rachida est donc tout trouvé, mis on ne l’a pas beaucoup évoqué jusqu’ici dans la presse. Le 20 octobre dernier, Catherine Nay recueille pour la presse les confidences de... Cécilia Sarkozy pour évoquer sa rupture de couple. Chez la Chalandonette, son surnom venu tout seul, pour l’instant, pas de fissure de cœur apparente (à part peut-être... voir plus loin la rubrique mariage). Pour l’instant donc, Rachida est munie d’un seul diplôme, celui de sciences économiques, obtenu en 1988. Elle débute chez Elf le 1er janvier 88. Il lui faudra encore trois ans pour obtenir la maîtrise du même nom. Dans le livre, cela devient « : Quand des journalistes s’en ont enquêter pour savoir si, par hasard, je n’aurais pas volé ou acheté mes diplômes, ils sont dans le soupçon. Ils alimentent cette idée que seuls les installés sont légitimes ». Nulle envie ici de faire de procès d’intention. Mais nulle envie non plus de laisser la désinformation s’installer. Nous pensons au contraire que tout le monde à le droit de réussir. Là où nous pouvons émettre des remarques ou des réserves, ce sont sur les méthodes employées.
La plume lègère
Dans ses relations avec Chalandon, son premier mentor, Rachida Dati fait dans l’admiration sans bornes « Elle lui écrit tous les jours » affirme Le Point. Avec confirmation dans le livre : « pendant deux, trois ans » (p.34). « Des lettres d’amour, d’amour filial » (Le Point) , confesse en souriant l’ancien garde des Sceaux, qui sera présent le jour de la passation de pouvoir, invité par Rachida, un geste élégant s’il en est et que l’on peut mettre à son crédit. Rachida écrit beaucoup, semble-t-il. Aux gens qu’elle aime. Parfois aussi aux gens qu’elle n’aime pas (cf. lire attentivement le droit de réponse). Parfois même aussi avec des fautes d’orthographe, la rédaction sous l’emprise de la colère l’expliquant sans doute. On n’ose imaginer de lien avec une autre faute d’orthographe désormais célèbre. Grâce aussi à Albin Chalandon, Rachida rencontre Pierre Bousquet de Florian qui dirigera la DGSE en juillet 2002 (la Direction de la surveillance du territoire, le contre-espionnage). Il a aussi été de 1986 à 1988, le chef de cabinet du ministre de la Justice... (Albin Chalandon, encore lui !), et est aujourd’hui cité dans l’affaire Clearstream... Il est également accusé ouvertement et nommément par le président actuel d’avoir fait une enquête sur les comptes occultes sans le dire... au ministre de l’Intérieur de l’époque, à savoir le même personnage. Au début de l’été, celui qui a « poussé » le plus Rachida Dati vers le judiciaire, selon les dires de la dame concernée, s’est révélé le roi du... broyeur à carnets de notes compromettant. On ignore encore ce que va faire le garde des Sceaux actuel de cette révélation tardive. Un article de loi précis le concerne, pourtant (voir plus loin). On peut imaginer aussi, connaissant l’art de circonvoluer de notre président, que la nomination surprise de Dati à ce poste n’est qu’un réponse indirecte du berger à la bergère, à savoir le contrôle complet de l’affaire Clearstream, où son ennemi juré De Villepin apparaît de jour en jour de plus en plus en mauvaise posture, à louvoyer entre carnet de notes broyé et Blackberry égaré on ne sait où. Avec Bousquet de Florian, ancien mentor de Dati, impliqué jusqu’au cou dans l’affaire Clearstream, Sarkozy tient une bonne mèche à détonation lente. Chez ELF , elle était « agent de maîtrise » dit le livre, p.142. Voilà qui va un peu vite en besogne. Entrée simple comptable en 87, elle y reste 2 ans. Et en deux ans seulement devient cadre. Chapeau, mais on ne sait pas comment elle passe en aussi peu de temps à un poste à responsabilités. Chez Elf, comme ailleurs, ce n’est pas fréquent. Quel talent !
Un certain goût du luxe
Certains sites lui rajoutaient aussi un « diplôme de l’Institut supérieur des affaires » (dans le groupe HEC), « grâce auquel » paraît-il elle aurait débuté comme documentaliste au sein du groupe immobilier Arthur Lloyd (1984-1987). Ce diplôme est aujourd’hui nié par la concernée. Explication donnée aujourd’hui seulement « Disons qu’elle est partie sur un différend avec l’école ». Tiens tiens. Se faire payer un MBA et ne pas le passer, je ne sais pas ce qu’on doit en penser, ni ce que Lagardère (père) a pu, en son temps, en penser. De la reconnaissance, sans doute. Une entreprise immobilière « d’entreprise » très « jet-set », que cette Llyod, bien implantée sur la Côte d’Azur (à Saint-Trop’). On peut y chercher, pourquoi pas, la naissance du goût du luxe qu’affiche depuis longtemps Rachida Dati : on lui prête le port ostensible d’une montre « modèle cadran nacré » provenant de la place Vendôme, chez Chaumet. À feuilleter le catalogue Chaumet, on se retrouve assez loin des prix du Prisunic de son enfance : 9 000 euros la ClassOne, modèle W06002 094. Le président, lui jouant dans la cour des Rolex mythiques. Daytona (rendue célèbre par Paul Newman, en 1969 dans le film « Wining ») ou Breitling Navitimer. À 4 880 euros au catalogue. Chaumet, horloger, ou... le joaillier « branché » DinVanh : . Sa biograhie « officielle » ajoute « qu’à 25 ans, elle portait déjà du Saint-Laurent et du Balenciaga ». Montres, chaussures (qu’elle collectionne), tailleur Dior ou... bracelet poil d’éléphant très tendance. « Au poignet de Rachida Dati », écrit Le Point, « un lien de cuir retient deux cœurs enlacés. Comme Simone Veil, qui lui a offert des boucles d’oreilles quand elle a été nommée ministre de la Justice (« Elle m’a dit : je sais que vous n’avez plus votre mère, alors c’est moi qui vous fais ce cadeau »), Cécilia Sarkozy lui a offert un bijou discret assorti au collier Dinh Van, présent de l’une de ses filles ». Depuis, sans rire, au catalogue Dinh Van, la nouveauté ce sont les... menottes !. Dinh Van fait aussi dans le bracelet cordon. Un modèle similaire à celui porté par un certain président qui en intrigue tant certains ? Une mode lancée il ya 20 ans déjà par Alain Delon ! Quand à visiter les prisons en Dior, nous dirons que c’est une faute de goût caractérisée. Remarquez, Dior et la prison.... Il est vrai que la dame, à l’image de son président, s’est depuis largement fourvoyée depuis dans la jet-set. Juste le temps de croiser un adversaire politique. À son débit, il faut avouer que le PDG de Dior est... très intéressé par le Maroc « la terre de ses ancêtres ». Rentrée d’angleterre, elle « travaille un peu pour une entreprise textile dans l’Aisne appartenant à Albin Chalandon » (p.143).. Elle y revient (p.157) : « il y avait une anomalie comptable qe j’ai découverte. Après cela Albin Chalandon a voulu me confier la direction de son entreprise ». On croît rêver, là. L’entreprise c’est Texmaille, dans l’Aisne, à Moy. En 2002, l’entreprise battait de l’aile, Aujourd’hui, c’est fini, et on dépollue déjà le site. Pour Rachida Dati, ne pas accepter ce poste a été vécu par elle-même « comme une trahison ».
Rachida et les entremetteurs
En 1990, à 25 ans, deuxième rencontre marquante, donc, pour Rachida. Elle rencontre Jean-Luc Lagardère (le père de l’actuel) et se fait embaucher illico à la « direction de l’audit » chez Matra. Et ce la suite d’un entretien express obtenu à l’occasion de la remise du prix de « la fondation de la vocation le 11 décembre 1989 », décerné à sa sœur aînée, Malika, toute aussi méritante donc que Rachida. (Chez les Dati, les filles travaillent, ce sont les garçons qui vont en prison). Même technique qu’avec Chalandon, donc, et même résultat sinon plus, puisqu’elle réussit à se fait offrir un MBA par Lagardère, une situation déjà évoquée ici, un Lagardère peu avare de l’argent gagné avec les stocks-options que son fils dilapidera quelques années plus tard. « Chez Matra (...) j’étais un cadre parfaitement anonyme, pas un membre de la direction » explique -t-elle à Askolovitch. « . Albin Chalandon faisait de même ». Si l’on comprend bien les aveux de la Garde des Sceaux, ses deux mentors étaient des hommes un peu isolés, qui ne souhaitaient que d’avoir quelqu’un qui les écoute. Souvent, arrivé à un stade de pouvoir, en effet, on se sent totalement isolé. Rachida Dati a donc joué les confidentes, écoutant ce qu’ils voulaient bien lui raconter. Belle histoire, sans nul doute. Mais qui laisse un goût amer : finalement, ce n’est pas pour son intelligence ou sa clarté qu’on la choisit : non, c’est parce que c’est la seule à supporter leurs litanies. Et là, nous avons un élément fort du procédé Rachidien. Rester en retrait, écouter, fort peu participer, mais laisser croire qu’on est en empathie totale. Elle est fasciné par le pouvoir, et eux lui expliquent les arcanes du pouvoir, car ils ne peuvent se confier à d’autres. De tous temps les pouvoirs en place on eut besoin de confidentes. La pression qui s’exerce sur eux est trop forte, il faut qu’une personne l’absorbe. Le procédé est totalement passif. Il suffit d’être là, et d’écouter. Encore un peu, et notre ministre aurait pu être un simple dictaphone des malheurs des grands de ce monde.
De Lagardère (père) elle passe à Attali, directeur de la BERD, pour un rôle similaire d’auditrice, le genre d’emploi qu’elle a privilégié durant toute sa carrière. Un auditeur, par définition, est recruté sur entretien d’embauche et son savoir-faire, les diplômes étant un plus, ou un minima. Selon Attali, c’est lui qui la repère cette fois : si tu ne viens pas à Lagardère, tu tombes sur Attali, c’est bien connu : « Je l’ai emmenée avec moi à Londres pour travailler à la BERD et je crois qu’elle s’y est beaucoup épanouie, que ça l’a changée. Rachida Dati m’avait touché par son parcours, sa volonté de réussir. » Jacques Attali adore tirer la couverture à lui, c’est de notoriété publique. Encore un peu, et Tonton lui devrait tout. L’explication qu’en donne Rachida est similaire, à un détail près « Quant à Jacques Attali, c’est quelqu’un qui est intervenu à un moment difficile de ma vie et qui m’a tendu la main ». La date correspond à une autre, celle la reliant à un épisode douloureux de sa vie privée (voir plus loin) : en fait un mariage raté, survenu en 1992 (elle a alors 27 ans). Attali nous a déjà tout fait, mais celui de redresseur de cœur façon Feux de l’amour, c’est un rôle nouveau pour lui, le prophète visionnaire de supermarché accusé régulièrement de plagiat. Nous reviendrons plus loin sur l’épisode mariage, le seul étalé en long et en large sur le livre de l’interview. Des postes d’auditeur, où il n’y a pas de concours à passer, mais souvent un simple entretien, nous dirons en ce qui la concerne, réalisé au culot (qu’elle en a un monstre, personne ne le nie, et surtout pas elle-même). Rien ne précisait jusqu’ici, avant l’article de L’Express si le MBA avait ou non été obtenu, et le démenti de sa conseillère en communication a mis fin aux suputations. Au total, ses emplois d’auditeurs sont tous assez restreints dans le temps. A croire qu’elle se lasse de les entendre, ou que ses mentors n’ont plus rien à lui raconter. après Matra, après la Berd, c’est à l’Éducation nationale qu’on la retrouve comme « conseillère » au cabinet du ministre de l’Éducation nationale... François Bayrou (de 1995 à 1997). L’origine du contact ? Albin Chalandon, encore lui et toujours lui, prêt une ultime fois à placer sa protégée préférée à la prose journalière (au point de vouloir s’en débarrasser ?) :
"J’étais ministre de l’Éducation, je venais de faire la circulaire sur le voile islamique et je cherchais des médiateurs. Albin Chalandon m’a parlé de Rachida Dati. Je l’ai rencontrée, je l’ai trouvée intelligente, vive", dit Bayrou. Du foulard, elle passera donc au Kärcher, serait-on tenté de dire aujourd’hui. C’est fou aussi ce qu’on recrute dans les ministères sans demander les diplômes. Dans le livre, pas un mot sur Bayrou. Pourquoi, on ne sait pas. En tout cas, il n’a pas joué le même rôle que Chalandon, c’est sûr. Le Béarnais est -il moins charitable ? Mais cela ne lui suffit pas à étancher sa soif d’ascenseur social : en effet : elle est encore à l’Éducation nationale, sous les ordres indirects de Bayrou qu’elle écrit pour la première fois à Nicolas Sarkozy, on est alors en 1996. Et le rencontre à Neuilly "juste comme cela" dit-elle (traduire : pour ajouter une marche de plus à l’escalier qui mène à la gloire). En fait, Rachida Dati a pris l’habitude de taper à toutes les portes : c’est "comme ça" d’ailleurs qu’elle passera juste à côté du PS (et d’Attali, pas encore passé sarkozyste). Ou plutôt qu’au PS on ne la remarquera pas (ce qui aujourd’hui est plutôt vu comme une bonne chose !). En 1996, où elle obtient son second diplôme, une maîtrise de droit, après avoir été recrutée sous le procédé de la "VAE", la validation des acquis professionnels et l’équivalence qu’elle délivre, autrement dit l’obtention d’une équivalence de licence de droit, grâce à ses douze années de travail qui précèdent. Une seconde maîtrise donc, sans avoir eu à passer véritablement la licence. Le procédé n’a rien de scandaleux, et permet surtout aux personnes qui ont dû durement travailler de reprendre leurs études. Trois années seulement d’interruption sont nécessaires, et en 1993, à 28 ans, elle les a déjà largement ... en ayant travaillé (de jour) à... 16 ans. Le diplôme de maîtrise de droit, un simple mémoire, donc, qui la propulsera plus tard vers la magistrature, est donc obtenu avec une équivalence de licence d’entrée, et non un examen d’entrée réussi, seul le mémoire est jugé. A ce stade, on a donc une licence en économie, obtenue par examen, et une licence de droit obtenue par un mémoire après une équivalence de diplômes réels. Soit deux diplômes. Cela donne dans sa bouche "j’ai eu la chance de réussir des études"(p.156). Certes, mais tout le monde ne réussit pas aussi bien à obtenir un diplôme de cette manière. Surtout la seconde. Pour ce quvi est du futur, à cette date, Rachida Dati à engrangé une seule année de droit, donc. Et une maîtrise.
Repérée par Roger Hanin, rencontré le même jour que Chalandon elle est approchée plus tard par Bernard Kouchner dès 1993, et figure même sur l’ébauche de la liste PS de Rocard aux élections européennes de 1994. Manger à tous les rateliers ne l’indispose pas : aujourd’hui, on appelle ça "de l’ouverture" chez son président préféré. Peu importe l’étiquette, semble-t-elle vouloir dire, pourvu que j’accède à l’ivresse (du pouvoir). Comme quoi ces deux-là ne se sont pas rencontrés par hasard : ce qui les dévore, c’est LEUR ambition personnelle, rien d’autre. Quitte parfois à aborder les problèmes par des détours inattendus : l’amitié sincère qui naît assez vite entre elle et Cécilia Sarkozy n’est pas feinte, mais elle n’est pas non plus sans arrière-pensée. Le meilleur moyen, à l’époque, d’approcher Sarkozy, c’est en effet... sa femme (ce n’est plus vraiment le cas aujourd’hui). Et celle qui a découpé depuis des années tous les magazines people pour mettre en fiches les personnes à contacter le sait bien. Depuis, on sait quels étaient leur liens : "Rachida c’est ma sœur", etc, etc. Pour la petite histoire, vingt ans après, Roger Hanin, beau-frère de Mitterrand, annonce qu’il votera... Sarkozy. C’est sa belle-sœur, Danielle Gouze, épouse Mitterrand, qui a dû être contente en l’apprenant. Elle ne doit pas "faire partie de la race des seigneurs", sans doute, elle. Dans son livre, cela devient " Ma vie n’est pas du folklore, ni Cosette, ni Cendrillon" (p.14). Peur être, mais à relire ce qui vient d’être écrit, il semble bien que notre Garde des sceaux, sans avoir été une souillon, aît laissé traîner à plusieurs reprises sa chaussure de vair au bon endroit. Ne manque plus, en 1994, que le carrosse et le prince charmant pour que le conte de fée des chaumières se réalise entièrement.
Histoire d’eau
Revenons en 1994 : entre-temps elle est passée également au "secrétariat général du bureau d’études sur le développement urbain" à la Lyonnaise des eaux, où elle se lie étroitement avec Henri Proglio, le PDG de Veolia Environnement (ex- Vivendi), deux des sœurs de Rachida Dati travaillent par ailleurs chez Véolia, ce qui expliquerait le pourquoi de cet atterrissage "lyonnais", à moins que les sœurs ne soient arrivées après, ce que l’histoire ne dit pas. Rachida a bien compris l’art de se faire recommander, ou d’utiliser les relations, ici Simone Veil, déjà, pour parvenir à ses fins et à son ambition démesurée. S’y ajoute Marceau Long, le vice-président du Conseil d’État de l’époque, rencontré lui aussi au culot : "j’ai cherché ses coordonnées dans l’annuaire" (p.146). Les liens avec le groupe Veolia sont très particuliers en effet, et pèsent fortement désormais sur ses nouvelles fonctions. Des liens révélés par un cliché de Paris-Match, au Fouquet’s, où les deux personnes cités sont côte à côte et semblent particulièrement bien se connaître. On prête à Rachida Dati le fait d’avoir présenté en tête à tête à Nicolas Sarkozy notre PDG de Veolia, jusqu’à alors fervent chiraquien. Et de lui avoir aussi fait entrouvrir la terre natale de son père, à savoir le Maroc. Chez Veolia, on trouve aussi Alain Marsaud, qui a été chef du Service central de lutte antiterroriste au Parquet de Paris dans les années 80. Lui aussi cité dans l’affaire Clearstream, ce qu’il n’a pas apprécié, se mettant en tête aussitôt de déposer une proposition de loi visant à interdire les lettres et documents anonymes dans le domaine de la preuve judiciaire. Cette proposition figure aujourd’hui dans celles.... de la garde des Sceaux Rachida Dati. Marsaud a gardé l’habitude du secret, semble-t-il, parfois à ses dépens. Battu aux dernières législatives, Marsaud a depuis rejoint le groupe Casino. Il y sera conseiller du propriétaire du groupe un certain Jean-Charles Naouri (l’ancien directeur de cabinet de Pierre Bérégovoy). Selon Wikipedia, Naouri, "on le trouve régulièrement aux avant-postes des plus grandes fortunes du pays, à la tête d’un patrimoine de plusieurs milliards d’euros". Pour ce qui est des liens exacts de Rachida Dati avec Henri Proglio, qui semblent bien faire partie d’une certaine omerta journalistique, nous nous en remettront à la petite phrase assassine signée Pelletier et Pontaut, toujours dans ce numéro 2938 de L’Express, page 76 : "cette jeune femme (...) qui partage la vie d’un grand patron". Les gens qui étaient au Fouquet’s ont remarqué que ce soir-là, des grands patrons célibataires, il n’y en a pas. Il y a bien Henri Proglio, 1,68 m, ancien militant d’Occident, mais il est toujours officiellement "marié, deux enfants". La loi sur la vie privée s’arrêtant à l’entrée du Fouquet’s, depuis le 6 mai, on en conclura donc... rien. "L"exposition publique n’autorise pas tout", dit Rachida p.17 (à propos de photos personnelles empruntées par des journalistes dans sa famille). On veut bien la croire, et ne pas comprendre l’acharnement de photographes américains à la poursuivre cet été dans un bateau, ou visiblement, elle a cherché à se cacher. Vie privée, vie publique : Rachida Dati est en bateau avec le président qui lors du lancement de sa campagne a instrumentalisé sa femme et leur fils, mais on ne peut le prendre en photo l’été, en vacances. Va falloir demander des explications à Mireille Dumas, là.
Or ces liens existants disons d’amitié vont bientôt lui poser de sérieux problèmes : Henri Proglio est impliqué dans une histoire bien ténébreuse qui devrait l’amener à comparaître devant la justice. Le 12 octobre dernier, ses bureaux ont été perquisitionnés. Un ancien cadre licencié du groupe, Emmanuel Petit affirme depuis 3 ans qu’une commission de 18 millions de dollars a été versée par Veolia pour obtenir un contrat de 200 millions aux Émirats arabes unis, ce qui lui a valu personnellement d’être molesté, chez lui, au cutter, avec sa famille, pour l’avoir énoncé haut et clair (voire renvoyé de Veolia sous ce prétexte, après s’être fait menacer de mort). L’affaire, qui met en cause d’autres personnes, sent le soufre : parmi elles, Alexandre Djouhri, un milliardaire franco-algérien installé à Genève, un proche de la famille Delon. L’affaire se passait en novembre 2004 : Mohamed Ajroudi, un Franco-Tunisien représentant du prince Al-Waleed (neveu du roi d’Arabie saoudite), venu négocier le contrat (et la commission), en est venu aux mains avec Alexandre Djouhri, dans les salons feutrés du George V. Un cas plutôt rare de négociation qui achoppe de la sorte (et dans cet endroit !). La plainte avec constitution de partie civile, obligeant le doyen des juges d’instruction à ouvrir une information judiciaire, a été reçue en mars 2006. Et c’est donc Rachida Dati, qui, selon la presse suisse (le numéro du 19 mai de La Tribune de Genève) "connaît bien Alexandre Djouhri" installé à Genève, qui devrait en hériter au plus haut de la hiérarchie judiciaire. Pour l’aider à démêler l’écheveau, ou oublier ses liaisons dangereuses, voire faire un peu moins désordre, Rachida Dati bénéficie des lumières de Patrick Ouart, apprend-on juste après sa nomination. Manque de chance, l’homme, un ancien conseiller d’ Edouard Balladur, est aujourd’hui au conseil d’administration de LVMH et ancien de Suez, mais il a été également mis en examen... en Belgique, en 2006, pour une tentative d’intrusion chez le concurrent de Suez, Electrabel. Avec Laporte, Santini, Proglio, Djourhi, notre garde des Sceaux va voir son bureau s’encombrer dans les jours à venir, c’est évident. Tout cela ne nous dit pas encore comment elle est arrivée, dans ce bureau, en place de Pascal Clément, son prédécesseur, qui a encore du mal à avaler la couleuvre. Pas trop grave, dirons-nous, les renforts arrivent : on apprend récemment que Rachida Dati vient d’engager dans son nouveau cabinet... François, le propre fils de Claude Guéant (Premier ministre véritable, Filllon jouant les utilitaires). Il saura peut-être lui conseiller la marche à suivre avec l’ancien patron de la DST, Pierre de Bousquet de Florian, et son fameux carnet de notes broyé (voir plus haut). Laisser inculper pour destruction de preuves (et l’article 434-4 du Code pénal qui va avec) son plus fervent ancien supporter, on ne voudrait pas être à sa place. Bousquet de Florian est aujourd’hui redevenu simple préfet, des Hauts-de-Seine, remplacé depuis par un proche de Nicolas Sarkozy, Bernard Squarcini (surnommé "le squale") : le tout par la grâce du précédent ministre de l’Intérieur de l’époque... Nicolas Sarkozy, bien entendu ! Il est vrai aussi que notre homme avait fait, en un autre temps, un autre crime de lèse-majesté en indiquant que les émeutes de 2005 n’avaient rien à voir avec l’islamisme, contredisant ouvertement la thèse sarkozienne du mouvement organisé. Les récentes émeutes prouvent que notre homme n’avait pourtant pas tort.
C’est ainsi que s’achève cette première partie, la fois prochaine, nous commencerons la deuxième par "la vie des clubs et de la nuit".
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