Jacques Lacan, le second souffle de la psychanalyse
Freud pensait que la psychanalyse était une révolution de l'esprit, qui devait troubler la conscience du monde. Il regardait l'inconscient comme un réservoir des forces pulsonnelles, refoulées dans les profondeurs biologiques de l'âme.
Explorateur des ruses de la parole, Jacques Lacan est le seul parmi les héritiers de Freud, à abandonner ce romantisme de la science issue de Darwin, et à réveiller le génie subversif de la psychanalyse. Il fait de l'inconscient, une structure de langage, dont la logique formelle se déploie à la manière d'une flûte de Bach ou d'un poême de Mallarmé.
"Je suis celui qui a lu Freud..." dira-t-il.
- Le "sujet" lacanien et le "moi" freudien :
Si l'on veut faire le point sur le passage de Freud à Lacan et l'émergence de la psychanalyse chez Lacan, il faut bien voir que cela suppose une reconstruction totale des concepts. Par exemple le concept de "sujet". Comment caractériser le "sujet" au moment où il apparait clairement dans la doctrine lacanienne ? Le "sujet", c'est ce qui doit être pensé dans la constitution du "moi". Parce qu'avant de théoriser à fond le "sujet", Lacan s'est d'abord interrogé sur le "moi"...Chez Freud, le "moi" est un concept sans grands mystères. C'est le système perception-conscience..Chez Lacan, sous influence philosophique, au moment du fameux écrit sur le "stade du miroir", voilà que le "moi" devient le résultat de "l'autre". C'est à dire mon "moi" c'est une image de moi. C'est un "moi" spéculaire, qui se réfléchit dans le miroir de l'autre et qui m'est renvoyé pour dire les choses simplement. Qui est renvoyé à qui ?...à quelque chose d'assez énigmatique qui va bientôt s'appeler le "sujet". Le moi est donc fondamentalement illusoire ou lieu d'illusions. Voilà comment Lacan approche le "sujet".
Le "stade du miroir" est le moment durant lequel, l'enfant entre six et dix huit mois, anticipe la maitrise de son unité corporelle, par la captation de son image dans un miroir. En 1936, Lacan s'inspire de la lègende de Narcisse, condamné par les dieux à se noyer dans la contemplation de son reflet. Quand le "sujet" reconnait autrui, il parvient à la socialisation et se détache d'un monde intérieur centré sur le "moi". Quand au contraire il régresse vers le narcissisme primaire, il s'abandonne à un univers fermé, où l'autre n'existe pas.
Il faut donc voir l'apport de Lacan comme un tableau moderne. Il n'est plus dans l'univers classique des représentations. C'est en somme la peinture de Picasso, par rapport au classicisme représenté par Freud. Lacan serait donc un Freud démesuré, déformé...
- Lacan et la paranoïa :
Né à Paris le 13 avril 1901 dans une famille de vinaigriers Orléanais, Jacques Lacan était issu de la moyenne bourgeoisie catholique bien pensante. Il eut avec son jeune frère, Marc-françois, qui deviendra moine Bénédictin, une relation privilégiée. Durant ses études au collège Stanislas, il s'initie à l'oeuvre de Nietzsche et de Spinoza, puis rejette le catholicisme. Il retire de ces années en uniformme, la conviction intime que les blessures psychotiques les plus violentes, surgissent toujours à l'intérieur des collectivités apparemment soumises à la plus grande normalité. Il se sent incompris par son père, qui le destine au commerce des moutardes. Il entre ainsi dans la modernité du vingtième siècle, par la voie d'une rébellion intelectuelle.
Désireux d'explorer l'essence de la folie, dont il avait perçu les ombres dans sa propre famille, il s'oriente vers la psychiatrie. A l'hopital Sainte-Anne, il se confronte à la souffrance de l'asile et se passionne pour la paranoïa, une forme de folie tellement cohérente, que Freud la comparait à un système philosophique. Lacan fait de la paranoïa un mode de raisonnement logique, inscrit au coeur de la personnalité humaine.
On pourait s'interroger sur le thème même de la paranoïa. Cela a beaucoup compté pour Lacan, puisque ce fût le sujet de sa thèse de doctorat. La paranoïa, c'est la quête de la vérité. La supposition du paranoïaque, c'est que quel que soit le désordre des apparences, il doit y avoir quelque part un réel caché, dont lui est absolument certain, et qui donne son sens à tout ce qui a lieu. Ce réel généralement, c'est un complot ou un crime préparé contre lui. Ça, c'est donc la structure même de notre quête de la connaissance. Quand nous voulons connaitre les choses obscures, les choses cachées comme disaient les sceptiques, nous sommes nécessairement paranoïaques. Donc la paranoïa, la psychose, éclaireraient la structure même du "désir de connaitre", dont tout le monde sait depuis Aristote, que c'est le désir de la science. C'est précisément cela qui fascine Lacan. Cela veut dire que le fond de l'esprit est délire, et si le "fond de l'esprit est délire" selon la formule de Deleuze, "la vérité est au bout de cette quête délirante"...
- Les premiers cas :
En 1930, les psychiatres de sa génération, marqués par l'essor de la psychanalyse, s'intéressent autant à l'écriture du délire, qu'aux attitudes passionnelles des femmes hystériques. L'hystérie et la paranoïa, dessinent pour eux, comme pour les poètes surréalistes, les contours étranges d'une vérité convulsive, qui les renvoie aux égarements d'un monde en proie au déclin des valeurs classiques de la raison et du progrès.
En 1932, Lacan publie sa thèse de médecine, consacrée à l'étude d'un cas de paranoïa féminine. Il y raconte la destinée d'une femme persécutée, issue d'un milieu modeste. C'est l'histoire d'une employée des postes, qui rêve d'une autre vie et qui va commettre une tentative de meurtre sur une célèbre actrice de l'époque, Huguette Duflos. Elle rate son coup. Après la tentative de meurtre, elle est internée à l'hopital Sainte Anne. Confiée aux soins de Lacan, qui n'est pas encore psychanalyste, qui est psychiatre, il va en faire une description fascinante, qui va subjuguer les milieux psychiatriques et littéraires de l'époque. Ce que lacan montre dans cette histoire de paranoïa d'auto-punition, c'est qu'en frappant la comédienne, elle a frappé son idéal du "moi". Ce à quoi elle s'identifiait le plus. L'année suivante, en 1933, les soeurs Papin, domestiques dans la ville du Mans, assassinent sauvagement leur patronne. Comme dans le cas précédent, Lacan démontre que le véritable mobile du crime n'est pas la haine de classe, mais la structure paranoïaque à travers laquelle, un sujet frappe l'idéal du maitre qu'il porte en lui.
- Hegel, Kojève :
A l'hopital Ste Anne, chacun s'interroge sur les extases de ces femmes aliénées. Selon Lacan, cette folie féminine ressemble à un théatre de la cruauté, surgit d'un temps immémorial. Elle est la forme contemporaine d'une tragédie antique, revue et corrigée par la dialectique hégélienne du maitre et de l'esclave.
A partir de 1934, Lacan suit le séminaire d'Alexandre Kojève sur la "Phénoménologie de l'esprit" de Hegel, parue en 1907 et non encore traduite en français. D'origine Russe, Kojève délivre à ses auditeurs un commentaire talentueux du texte de Hegel. Il s'appuie sur des exemples concrets tirés de l'histoire politique du temps présent. Georges Bataille et Raymond Queneau, sont des adeptes de cet enseignement oral, dont Lacan imitera le style.
Ce que retire semble-t-il Lacan des leçons de Kojève, c'est l'insistance qu'a celui-ci à interpréter tout le système hegelien, en fonction de la dialectique du maitre et de l'esclave, qui s'origine elle même dans la lutte des consciences, permettait à Lacan de penser le "sujet". En effet, le génie hégélien consistait à découvrir que quand j'essaie de prendre certitude de moi-même, c'est à dire de mon existence, je suis obligé de demander la reconnaissance de cette existence à l'autre. Par conséquent, l'autre devient le maitre de mon propre être. Lacan a poussé à l'extrème la logique hégélienne, qui veut que mon discours est sa cause dans l'autre. Il le prend au pied de la lettre. Puisque la cause du discours que je tiens est toujours "l'autre", il y a un lieu de "l'autre" qui est précisément ce trésor des signifiants, où se constitue d'une certaine manière, la langue. C'est ce qui me fournie les lambeaux de discours que je vais articuler. Le lieu de "l'autre", c'est du même coup le lieu où s'organise la structure même de mon désir.
- Lacan, les femmes, la folie :
En 1934, Lacan épouse Marie-Louise Blondin, dont il aura trois enfants. Trois ans après son mariage, il tombe amoureux de l'actrice Sylvia Bataille, dont la famille d'origine juive a émigré de Roumanie. A cette époque, celle-ci est séparée de l'écrivain George Bataille, dont elle est toujours l'épouse légitime et avec lequel elle a eu une première fille, Laurence, qui deviendra psychanalyste. Pendant l'occupation, réfugiée en zone libre, Sylvia aura avec Lacan une deuxième fille, Judith, née en 1941. Après la guerre, Lacan épouse Sylvia. mais avec l'accord de Marie-Louise, il dissimule à ses enfants du premier mariage, l'existence de son deuxième foyer.
Théoricien de l'amour et de la jouissance féminine, Lacan recherchera sans cesse les rafinements d'une séduction, dont il saura décrire toutes les tromperies.
"Qu'est ce que c'est que ce quelque chose qui se répète ?...un certain mode du jouir.. " "La femme n'existe pas. L'amour, c'est donner ce que l'on n'a pas, à quelqu'un qui n'en veut pas." "Le désir de l'homme, c'est le désir de l'autre..."
Lacan avait l'art d'inventer des maximes, et de les exprimer avec humour.
Il repère quelque chose de spécifique à la femme, à la jouissance féminine, à la sensualité féminine, mais sans en faire une nature. Sans remettre l'ordre de la naturalité. Il n'assigne pas les femmes à la maternité. Il saisit quelque chose d'une folie féminine.
- Nouvelle méthode, Claude Lévi-Strauss, chaine signifiante :
La tradition de la présentation des malades, héritée de la médecine hospitalière, consistait a exhiber un patient devant un auditoir de praticiens et d'étudiants, et à lui poser des questions dont la signification profonde était censée lui échapper. Les acteurs de ce cérémonial, entrainés par des année d'enfermement, produisaient en réalité tous les symptômes que les maitres de l'asile attendaient d'eux.
Lacan brise cette clinique du regard, pour donner la parole aux malades. Il était extraordinairement courtois avec eux, ne les traitant pas du tout comme des patients d'asile, mais comme des "êtres humains"...
Donnant en parallèle ces fameux séminaires à l'hopital Ste Anne, où étudiants et praticiens, subjugués par son éloquence, sa verve, et ses démonstrations absolument uniques, avaient vraiment l'impression de participer, d'assister là, dans un mouvement inventif, à la naissance de la psychanalyse. Sentiment sans doute partagé par les premiers disciples de Freud.
Après la seconde guerre mondiale, sans renoncer à l'héritage de la philosophie Allemande, Lacan se tourne vers les structures symboliques de la subjectivité. Il s'appuie sur les travaux de l'anthropologue Claude Lévi-Strauss et du linguiste Roman Jakobson, pour faire de l'inconscient, le lieu d'une chaine de signifiants. Lévi-Strauss a eu une importance considérable dans ses travaux. Parce que le problème que résout Lévi-Strauss avec les structures élémentaires de la parenté, c'est de montrer que l'interdit de l'inceste, c'est à dire cette coupure, cette obéissance à la loi du symbolique, signifie au fond, le passage de la nature à la culture. En d'autres termes, ce n'est pas parce que l'homme a horreur de l'inceste qu'il se l'interdit, c'est bien parce qu'il le désire. Ça, Freud l'avait déjà repéré. Mais Lévi-Strauss, montre que c'est structurel des relations de parenté. On passe donc à l'organisation structurale des relations de parenté, qui détermine les structures symboliques de la société. Ces structures symboliques sont donc dominées par des régles qui sont celles du language.
La chaine signifiante, c'est donc la structure de base de l'inconscient. C'est à dire du language, du discours, tel qu'il constitue le sujet humain. Celà veut dire que quand nous parlons, nous mobilisons dans un ordre d'ailleurs absolument aléatoire, des structures, cest à dire des différences. Le language est marqué par des différences. Des différences de phonèmes, de mots...ces différences s'articulent selon une logique. Lacan parle d'une chaine, parce que les signifiants s'enchainent selon une logique et que la cure analytique doit viser a exhiber cette logique qui est propre à tous sujets. Cette chaine elle se forme sur terme absent. Elle est comme un bracelet dont le fermoir sauterait. Et cet endroit où ça saute, c'est là selon Lacan, qu'est la cause du tout. C'est ce maillon là, l'objet du désir.
- Le conservatisme freudien, la rupture :
Pionnière de la psychanalyse, Marie Bonaparte se pensait en 1950, comme la seule héritière française de Freud, dont elle célébrait pieusement la mémoire, avec l'appui de l'IPA "International Psychoanalytical Assocition" fondé par Freud en 1910. L'IPA était alors dominé par une corporation de clinitiens honorables, majoritairement anglophones et peu ouverts à la virtuosité lacaniènne.
Critiqué par les tenants de cette légitimité, Lacan quitte la société psychanalytique de Paris et participe en 1953 avec Daniel Lagache, Serge Leclaire, Wladimir Granoff et François Perrier, à la création de la société française de psychanalyse. Son amie Françoise Dolto, fondatrice d'une nouvelle approche psychanalytique de l'enfant, lui apporte son soutien. La SFP durera 10 ans et sera un véritable bouillon de culture pout toute la jeunesse de l'époque. Lacan se pose donc en refondateur ; avec la part de transgression qui l'accompagne. Il ne respecte aucune règle. Pour l'IPA, c'est inacceptable. On accepte l'enseignement de Lacan, mais qu'il reste dans l'IPA comme philosophe, théoricien, mais surtout pas comme formateur d'élèves.
Il va se trouver dans une situation qui n'a jamais été celle de Freud. C'est à dire de fonder l'école freudienne de Paris en 1964, en étant le maitre a penser, l'analyste, le chef politique. Il cumule toutes les fonctions, alors que Freud avait délégué le pouvoir à ses disciples.
Unique en son genre, l'aventure de l'école freudienne de Paris, s'achèvera 16 ans plus tard en 1980. Elle aura permis à Lacan de placer le désir d'être analyste, au coeur de la formation des didacticiens.
"L'inconscient reste le coeur de l'être pour les uns, et d'autres croiront me suivre , à en faire l'autre de la réalité. La seule façon de s'en sortir, c'est de poser qu'il est le réel. Ce qui veut dire aucune réalité. Le réel en tant qu'impossible à dire. C'est à dire en tant que le réel , c'est l'impossible tout simplement. "
il y avait chez Lacan beaucoup d'emphase, de comédie. Ces cols mao, ces fameux cigares torsadés...beaucoup de ceux qui assistaient à ses séminaires, ne comprenaient rien de ce qu'il pouvait raconter. La forme comme le fond, paraissaient inaccessibles. S'en rendant compte, il avait lancer lors d'un séminaire à Ste Anne, devant un parterre de spécialistes et d'intellectuels médusés..." Mais enfin ! Vous allez finir par l'ouvrir votre comprenoir !! "
- Les concepts de Lacan :
C'est à Rome en 1953, dans cette ville qu'il aime passionnément au point d'y retourner sans cesse, que Lacan définit les trois termes majeurs de son enseignement, lors d'un discours adressé aux membres de la société française de psychanalyse.
" Le symbolique, l'imaginaire, le réel, les trois registres par lesquels j'ai introduis un enseignement qui ne prétend pas innover, mais rétablir quelques rigueurs dans l'expèrience de la psychanalyse. "
Les trois registres par lesquels Lacan veut rétablir en quelque sorte la psychanalyse dans sa "dignité"... trois registres qui sont noués. Trois concepts fondamentaux, au sens de la plus ancienne tradition philosophique. Le platonicisme, le stoïcisme, l'aristotérisme, avaient des concepts fondamentaux. C'est assez impressionnant d'entendre la prétention à la " Fondation ".
Qu'est-ce que " l'imaginaire " pour Lacan ? ...ça va être le lieu des illusions du " Moi". Ces illusions existent, elles forment notre psyché. Nous vivons dans un monde d'illusions, de représentations, qui nous marquent à vie et qui resteront.
Le " Symbolique ", qui est en quelque sorte le primât qui nous détermine, qui fait loi. C'est la fonction symbolique au sens de Lévi-Strauss. C'est l'idée qu'on est dominé par les structures, qui peuvent être sociales, des structures de language.
Le "Réel ", échappe à toutes symboliques. Le lieu de la folie, des pulsions. L'émergence de l'illimité. Le "réel" suscite "l'imaginaire" et le "symbolique", et s'articule à eux. Lacan est un formidable réaliste et se rattache à toutes les grandes écoles réalistes de la philosophie.
- Le praticien ;
Dés 1950, Lacan avait mis en cause le rituel des séances chronométrées à 55 minutes, imposé par l'IPA, et destiné a préserver les patients et élèves en formation, de la toute puissance transférentielle des maitres. Lacan pulvérise cette règle. Il invente celle de la séance à durée variable, qui conduit l'analyste a intervenir dans la cure, par des cèsures ou des interprétations, afin que l'analysant (terme lacanien pour patient) explore plus rapidement ses fantasmes inconscients et perde moins de temps a énoncer des paroles vides.
A l'âge de 70 ans, angoissé de n'avoir pas assez de temps pour transmettre son enseignement, Lacan commence a prendre en analyse tous les disciples qui lui vouent un amour immodéré. Sans justification clinique, il transforme progressivement l'expérience de la cure, en un laboratoire de l'extrème, et finit par racourcir à quelques minutes la durée de la séance.
Lacan a en quelque sorte inscrit cette pratique jusqu'à la dissolution même de la séance. D'abord parce qu'il ne pouvait refuser personne en analyse dans cette position de maitre sollicité. Que d'autre part, sa passion lui donnait une écoute très particulière, même dans cette absence de temps. L'arrêt, parfois brutal d'une séance, devient en soit un élément important de la cure.
- Méfiance et réticence :
Il est intéressant de voir que Lacan a eu beaucoup de succés dans les départements littéraires ou cinématographiques des universités, à cause de leur amour de la théorie, alors qu'il a été marginalisé cliniquement, particulièrement dans le monde anglo-sasxon. Il y a des raisons complexes à la marginalisation clinique, ou tout le moins à la méfiance qu'il pouvait inspirer. D'abord pour une très bonne raison, sa théorie a énormément influencée le monde universitaire. Mais c'est pour de mauvaises raisons, qu'on l'a véritablement dénigré dans son travail clinique. C'était probablement un clinicien difficile, et un tas de choses ayant un lien dans le cadre de sa pratique lui ont valu une mauvaise réputation. Il y avait des rumeurs sur le nombre de suicides. L'idée même que Lacan travaillait en flirtant avec la psychose, effrayait. Sa pratique clinique même, l'image de sa conception théorique, privilégiaient en quelque sorte le coté psychotique. Cela était considéré comme dangereux et l'était peut-être. Mais quelle pratique ne l'est pas ?... Contrairement à d'autres cliniciens, Lacan avait toujours accepté de recevoir en analyse des patients psychotiques ou suicidaires. Parfois, il ne pouvait éviter le passage à l'acte.
- Les noeuds :
A la fin de sa vie, fasciné par les mathématiques, Lacan dessine des noeuds et des tresses, cherchant à formaliser en figures topologiques, les trois éléments fondamentaux de sa doctrine. Atteint de troubles cérébraux, il perd progressivement la parole devant les auditeurs de son séminaire. Chacun regarde le vieil homme silencieux, privé de cette voix fulgurente et tragique, qui avait tenue en haleine des générations d'intellectuels et de praticiens.
Dans cette dernière période, il a voullu que quelque chose, dans une sorte de pytagorisme un peu étrange, par l'usage des figures et des nombres, vient signifier, non plus simplement la rigueur des structures de l'inconscient, mais le réel lui-même. Le noeud était là pour essayer de transmettre, pas simplement le réel comme vérité ou indiscible, mais le réel comme ce qui est là dans sa plus grande nudité et sa plus grande insignifiance.
- Le désir finalement :
Il a été celui qui a le mieux, de la façon la plus moderne, interrogé le rapport de l'homme à la vérité de son désir nu. La question du réel. La question de la violence dans l'histoire. C'est l'homme d'après Auschwitz. Il a vécu ce que Freud avait pressenti, c'est à dire la capacité de l'homme d'aller très loin dans la destruction de lui-même.
Lacan c'est aussi la chute des illusions de la révolution. Qu'est-ce qui va rester, quand on sera revenu de toutes les illusions de l'engagement révolutionnaire ?. Lacan est un penseur sceptique c'est vrai. Et en même temps passionné. C'est la possibilité de croire en quelque chose, c'est à dire au désir. Donc il ne faut pas désespérer le sujet. Mais la seule chose qui peut compter, c'est l'éthique du désir, puisqu'au fond, il ne nous reste plus que ça. Ne pas céder sur son désir, c'est ça l'héroïsme moderne.
Jacques Lacan meurt le 9 septembre 1981.
" Je suis obstiné...Je disparais. "
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