« Je suis CHARLIE », c’est la liberté de blasphème ! N’en déplaise aux bien-pensants de tous bords !
Une marée humaine a répondu à la barbarie, un rassemblement historique, qui a dépassé toutes les attentes aux cris de « liberté ! ». Il y a eu, dans ce grand rassemblement comme un retour du peuple, de la Nation comme communauté de destin, comme République au sens de l’appartenance à une même société fraternelle. La France frappée d’effroi a transformé l’angoisse en audace, à travers l’expression collective d’un peuple rassemblé par-delà ses différences aux échos d’universel, rejetant le terrorisme religieux qui entendait nous faire peur pour nous interdire de penser, de nous exprimer librement. Mais d’ores et déjà, on constate un détournement du sens qui y a été donné, pour revenir vers une lecture bien-pensante des problèmes soulevés, en forme de récupération.
- Manif pour Charlie 11 janvier 2015
- Liberté, égalité, fraternité, un bien commun au-dessus des différences et des religions.
Quand au JT de France 2 on récupère la manif de dimanche en la réduisant à la liberté religieuse. Un scandale !
On voit de drôles de slogans repris en exergue à la Une du site de Francetvinfo, sur la manifestation de dimanche, tel que « je suis musulman, je suis juif, je suis catholique, je suis CHARLIE »1, ou encore, soigneusement glissés dans le montage de la fin du JT de France 2 de ce lundi soir après une embrassade des représentants des différentes religions, ces mots d’une manifestante en forme de synthèse : « La France, c’est surtout la liberté d’expression de toutes les religions »2. Une lecture de l’événement à front renversé de ce qu’a défendu Charlie hebdo et qui a valu à ses caricaturistes et journalistes historiques d’être assassinés, pour avoir été un journal libertaire satiriquement antireligieux, humoristiquement irrévérencieux, et donc avant tout laïque !
Un journal qui n’avait rien à voir avec ces slogans récupérateurs, cette volonté de nous faire croire comme avant le drame que ce serait d’une concorde illusoire entre les religions dont il faudrait attendre notre salut ! Si on a manifesté pour une liberté ce dimanche, c’était avant tout pour le droit au blasphème, à la critique des religions pour laquelle ces héros de la caricature et du trait d’esprit ont laissé la vie, une liberté d’expression qui n’est rendue possible que dans un pays laïque, c’est-à-dire où la liberté de conscience est première, autrement dit le droit de croire mais surtout de ne pas croire conquis de haute lutte.
C’est la Révolution française, en brisant le lien indéfectible entre le pouvoir monarchique et l’Eglise, qui a mis un terme au délit de blasphème et à la domination religieuse de la société. Il en allait de la prise de conscience de la capacité des hommes à choisir leur destin ensemble en lieu et place qu’il leur soit dicté par un dieu. On allait alors gouverner au nom de la volonté générale et de la raison, du peuple, de la Nation. C’est du droit de pamphlet, de blasphème, dont Charlie est l’héritier et nous avec, dont nous avons commencer à reprendre conscience lors de cette immense marche, qui était sans doute le premier pas d’une nouvelle conscience commune de faire peuple autour de ces valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité retrouvées, bien commun inestimable au-dessus des différences et des religions.
Entre la liberté d’expression et le délit de blasphème, il faut choisir !
En attaquant Charlie Hebdo, on s’en est pris avant tout à la liberté d’expression, en s’attaquant à des juifs, on s’en est pris à la liberté de croire ou de ne pas croire, à la liberté de conscience, autrement dit à des libertés démocratiques qui ne sont pas négociables et que seule la République peut assurer !
Tolérer l’autre, ce n‘est pas accepter n’importe quoi ! La liberté d’expression ne peut coexister avec l’interdiction de critique des religions, comme le concept d’islamophobie y invite, avec le délit de blasphème. Il faut choisir ! La rédaction de Charlie Hebdo avait été largement accusée d’islamophobie en la désignant comme cible d’éventuels islamistes, comme Philippe Val a pu le dénoncer avec la plus grande tristesse et ce, par certaines associations s’identifiant comme de gauche ou d’extrême gauche, contribuant par là à la confusion des valeurs et à une grave fragilisation de nos principes républicains.
On crie à ne pas faire d’amalgame. C’est sûr, il faut y veiller ! Pour autant, on explique que les religions sont toutes pour la paix en dehors de quelques extrémistes, mais les religions sont aussi faites d’interdits de tous ordres dont celui de la critique de leurs dogmes. La loi à travers les libertés communes que sont la liberté de pensée, d’expression, de croire ou de ne pas croire…, en pose la limite. Les religions se sont vues imposer de respecter les valeurs et principes démocratiques de la société, ainsi invitées à se moderniser, ce qui a constitué depuis la conquête de la laïcité un acquis essentiel pour les libertés de tous. A avoir porté la liberté d’expression et d’opinion, le droit de croire ou de ne pas croire au rang des Droits de l’homme, toutes les religions et les différences, quelles qu’elles soient, s’en trouvent protégées, ce que l’on retrouve jusque dans la liberté de les caricaturer, en n’en épargnant aucune, comme Charlie a su le faire.
Ce qu’il faut renforcer à l’école, c’est l’enseignement des valeurs républicaines et non des religions.
Francetvinfo a interviewé Olivier Bobineau, sociologue des religions et de la laïcité sur le thème : La France a-t-elle manqué son rendez-vous avec l'islam ?3 Il explique que l’intégration ne fonctionnerait pas parce que nous serions face à un choc des ignorances, défendant « une notion de "créolisation" des identités, qui peut se définir comme la rencontre de différentes cultures en un lieu précis, générant de la confiance, de la paix, autour du langage et d'une interculturalité... ». Encore une fois, plus de place aux religions serait la solution, et la liberté d’expression intimée à plus de modération renvoyée au placard !
Au lendemain de cet élan républicain et citoyen, on en appelle à plus de tolérance envers les religions, pour soi-disant prévenir le risque du radicalisme religieux. Différentes voix invitent au renforcement de l’enseignement des religions à l’école, avançant qu’à mieux se connaitre nous nous respecterions mieux. On ne cesse ainsi ces dernières années d’encourager à l’école, une intégration des élèves selon leurs origines et leurs dieux, qui appuie dans le sens d’une logique des minorités qui divise et contient bien des risques. Un rapport présenté récemment au Sénat sur les discriminations qui a fait pour le moins débat, le rapport Benbassa-Le Cerf, a été un véritable brûlot dans le sens de cette dérive.
Le fait de connaitre la religion de l’autre n’a jamais empêché les guerres de religion, comme en Irlande du Nord où protestants et catholiques se sont entretués, il y a encore peu, qui connaissaient très bien la religion de l’autre ou encore, comme en Palestine, entre juifs et musulmans. Rappelons-nous encore la Nouvelle Feuille de route sur l’intégration du gouvernement Ayrault qui, au nom de mieux intégrer proposait d’abroger la loi du 15 mars 2004 d’interdiction des signes religieux ostensibles dans l’école publique et l’ouverture en grand de la discrimination positive remettant en cause le principe d’égalité. C’est de ces confusions suicidaires pour notre société, d’une crise des repères communs qui en découle, dont les extrémismes peuvent jouer et se renforcer !
La liberté, l’égalité et la fraternité, principes de la République, sont un bien commun au-dessus des différences et des religions. La valeur et la portée universelle des libertés et droits individuels, de la responsabilité commune qu’ils engagent, du bien commun précieux qu’ils représentent, dont la liberté d’expression fait partie, voilà ce qui doit être enseigné à l’école et promu dans toute la société ! Si la liberté de chacun s’arrête là où commence celle des autres, c’est aussi un bien commun-citoyen, une responsabilité commune qui relève de l’intérêt général et de la démocratie.
La liberté, un choix de société qui ne se négocie pas !
Nous avons retrouvé à l’occasion de cette inespérée manifestation, la conscience de faire société, du sens à la notion de cohésion nationale. Derrière le mot de liberté, il y avait comme un dénominateur commun qui nous a fait ainsi réagir, avec cette solennité et ce rejet absolu de tuer des hommes pour leurs idées.
La France est ce pays auquel on doit bien des idéaux démocratiques, a dit John Kerry, en réaction au drame qui a touché notre pays. Ces idéaux, il semble que l’on oublie parfois que ce sont des droits inscrits et protégés par une Constitution qui est la nôtre parce que nous en avons historiquement fait le choix, qu’il ne s’agit pas simplement d’idées à prendre ou à laisser mais d’exigences pour tous qui sont celles de la loi qui sont non-négociables. C’est ce que l’on semble parfois oublier jusqu’au sommet de l’Etat, ce qui pourtant constitue ce dénominateur commun qui, de Charlie à l’épicerie cachère de Vincennes, permet d’assurer la liberté de tous à pouvoir vivre-ensemble.
2- http://pluzz.francetv.fr/videos/jt20h.html  ;
Guylain Chevrier
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