Jojo le gilet jaune, sur son rond point, qui veut du soleil !
. "Jojo le gilet jaune" est un livre de Danielle Sallenave, écrivaine et académicienne. "J'veux du soleil" est un film-reportage de François Ruffin, député de la France insoumise. Ces deux oeuvres ont le mérite de reconnaitre l'autenticité et la légitmité d'un vrai mouvement populaire, lié aux creusements vertigineux des inégalités, bien loin des caricatures que certains médias et hommes politiques martellent. C'est l'urgence et un sentiment d'indignation qui ont poussé ces deux personnalités connues à prendre stylo et caméra, et j'ai voulu, en hommage envers leur travail, unir les deux titres, pour composer celui de cet article.
Populisme ! Le mot est lâché comme un crachat dès que certains médias et politiques évoquent les gilets jaunes. La condescendance se conjugue au mépris, quand nos gouvernants voulent cacher leur inquiétude devant cette nouveauté, que personne n’attendait plus. Beaucoup dans le pays, même sans participer aux manifestations,, ont été et restent sympathisants des gilets jaunes..
Faut croire qu’ils ont reconnu dans ce mouvement, détonnant, n’employant pas les recettes habituelles de la contestation, et développant des codes étranges, quelque chose susceptible de changer la vie. Si les manifestations en centre ville ne sont pas nouvelles, le code vestimentaire, et la volonté de ne pas se définir en mouvement structuré et vertical, avec des leaders représentatifs, ont bousculé les repères, affolé les analystes, déboussolé la récupération politique.
Bien qu’amateurs en matière politique, et vus souvent comme des nigauds et des frustes par des soit disants brillants intellectuels et philosophes, tel Luc Ferry, appelant un temps la troupe à sévir, les gilets jaunes ont obstinément remis le couvert de l’intervention sauvage, et ont su utiliser des moyens de résonances modernes et audacieux. L'impact de ceux ci est d'autant plus parlant qu'ls jouent avec des mythes identifiables. J’en vois au moins trois principaux, se catalysant l’un avec l’autre.
-Le mythe de l’île, et de la solitude, de l'exclusion, symbolisé par ces ronds points, au centre duquel personne ne va. Ce sont pourtant des verroux de circulation. L'occupation de ces no man's land ramène ces lieus et leurs occupant astucieusement au centre de la cité
- Le mythe du SOS : Inesthétique, volontairement voyant, le gilet jaune, avec ces bandes fluo, est la veste qu'on porte temporairement quand on est en panne. En l'endossant à longueur de journée, les manisfestants proclament leur infortune constante et leurs difficultés d'une manière renversante. Ils refusent la honte qui les maintenait auparavant à l'écart, et proclament l'injustice, déplaçant la cause comme inhérente au système
-Le mythe de la cabane : Un toit qu’on installe au dessus de sa tête, symbolisant le retour aux sources, l’enfance, les projets, les grandes vacances. Humble, précaire, servant de base minimum au repos du guerrier, mais investie richement de projets et de vie collective. C’est une construction éphémère qui appartient à tous ceux qui déposent leurs rêves, leurs revendications, et leur énergie. C'est une cabane de chantier pour un monde à reconstruire. Et les paroles d’une vieille chanson résonne tout à coup dans nos têtes. « Allons les gars réveillez vous... On va en mettre un coup ! »
Alors on saisit pourquoi nos gouvernants ont peur comme jamais de ce mouvement inédit. Il joue autant sur l’intelligence que sur l’émotionnel, et les ressorts de notre propre histoire . Déverrouiller ces verrous de l’inconscient collectif n’était pas évident à trouver. Ce mouvement des gilets jaunes, a eu plus d’astuces et d’inventivité que des communicants experts en démagogie et en manipulation. Mais sans son authenticité, et la légitimité évidente de ses revendications, jamais il n’aurait été audible.
C’est l’insolente augmentation des inégalités qui a été son terreau. A l’heure où le cas Carlos Gohn, et son parachute doré en flammes, résonne comme le comble de l’imposture libérale, les sciences économiques, chiffres à l’appui pointent comment cette crise de société, survenue entre riches de plus en plus riches, et pauvres de plus en plus pauvres, est une charge hautement explosive. Quant celle-ci se produit, tous semblent curieusement étonnés. De la même façon que si l'Etna venait demain à rentrer en irruption, se moquant du déni des habitants de Naples, trop habitués au panache de fumée, et aux mises en garde des vulcanologues !
Il y a une étrange contradiction à voir cette gauche bien pensante, et des artistes trop bien nourris, appelant depuis des lustres la révolution, mais regardant subitement ailleurs, quand elle survient, comme s’ils s’étaient habitués à trop de confort. Alors ils se lâchent, protégent leurs intérets, et s'allient avec les maitres qu'ils critiquaient hier. Le gilet jaune fait office en fait de révélateur. En enfilant sa tenue, il fait tomber le masque bien pensant de l’autre, le révolté de salon, cramponné à une vieille guerre, d'où il garde une posture et une fausse légitimité d'ancien combattant. . Ainsi Romain Goupil https://bit.ly/2UyYiFX  ; et Dany Cohn-Bendit, https://bit.ly/2UK0krQ  ; critiquant ce mouvement en pointant son risque de dérive totalitaire, et montrant clairment où sont maintenant leurs maîtres et leurs intérets.
On peut s’étonner toutefois que des gens formés en science politique, se servent de cas particuliers, certes lamentables, pour ternir le sens général d’un mouvement de protestation, englobant une somme très hétérogène de personnes, ou aucune, prise individuellement ne fait sens et vérité pour les autres. Les propos les plus lamentables ne sortent pas que de quelques frappadingues, habillés opportunément de jaune, et qu’il est aisé de se servir à toute fin de manipulation. Il suffit d’écouter la déclaration lénifiante de Jacques Marolissian, député de la république en marche, traitant Jerôme Rodriguez, une des figures des gilets jaunes, de « débile profond ». https://bit.ly/2VYm53Q .
Tous les régimes totalitaires savent qu’il faut salir celui qu’on veut tuer ! Et cela ne se fait malheureusement pas de façon symbolique, quand on sait que Jérôme Rodriguez a perdu gratuitement un œil, victime d’un tir de flash-ball, alors qu’il se tenait à l’écart de toute agitation. La manipulation est ainsi patente, quand par effet de zoom une parole raciste, antisémite, outrancière, sort d’un hurluberlu habillé d’un gilet jaune, et est aussitôt amplifié par les médias à but de systématiser !. .
Ce gilet n’est aucunement un uniforme obligatoire lié à une mission, comme chez les policiers qui reçoivent eux, des ordres, et se plient à des instructions. C’est pour cette raison que Genvièvre Legay, cette militante de 72 ans, gravement blessée par une charge de police à Nice, lors d’une manifestation, a voulu porter plainte non contre le policier, qu’elle a identifié comme un lampiste, mais contre son donneur d’ordre.
Cette affaire a condensé en elle même toute l’absurdité de la répression, des non dits, et des arrangements boiteux, mettant la démocratie en berne. https://bit.ly/2GsIU9a . Ne parlons pas des paroles lénifiantes du chef de l’état, se permettant honteusement de faire une leçon de morale à cette vieille dame, espérant au bout d'un long diatrible paternaliste que « Cela lui servira de leçon ! »…
Il faut bien pourtant sauver le soldat Macron, et ses sorties fracassantes, semblant sortir d'un spectacle, à coté desquelles Sarkozy semble avoir eu un langage de diplomate. Ainsi, Cohn-Bendit qui surligne et force le trait de quelque parole malheureuse d’un gilet jaune, en parlant alors de danger totalitaire, cherchant à effrayer les chaumières, se montre tout à fait indulgent devant les déclarations irresponsables du chef de l’état. Il transforme Macron en une sorte d’apprenti en politique, et excuse ses maladresses :." Il est passé par un trou de souris, et bien maintenant il découvre l'ampleur de la politique, et ce n'est pas une honte..."., Macron devient ainsi par la grâce de l'oracle Dany ,le démiurge chez qui l’erreur d’appréciation serait la marque de son innocence, et de sa valeur. Un vrai travail de communicant, pour un trafic de vases communicants.. !.. https://bit.ly/2Gk6CnW
« En 68, on se battait contre un général au pouvoir, les gilets jaunes demandent un général au pouvoir ! » https://bit.ly/2V97u8A A lâché encore Dany le rouge, ou ce qui en reste, au micro de Lea Salamé, sur France inter, le 4/12/18…...Ce qui est sûr c’est qu’il a perdu le sens de la formule et du timing. L’esprit du Kairos, aussi. Le « kairos » étant chez les grecs anciens une sorte de sublimité d’action, lié à l’opportunité et au flair, une sorte de moment de grâce.. La vie transforme le plus souvent les révoltés en "bourgeois" aux préocupations de notaires, comme dans la chanson de Jacques Brel. Bien peu s'inspirent de Victor Hugo qui royaliste en ses jeunes années, finit républicain !
Il faut saluer l’invitation en ce 20 Avril celle de Danielle Sellenave, au micro de France-inter, remplissant ainsi au mieux sa mission de service public, liée à la pluralité des opinions.
https://bit.ly/2VVDU3j  ; Écrivaine et académicienne, Danielle Sellenave est l’auteure de « Jojo le gilet Jaune » Un titre qui est sorti de la bouche du président Macron... Un livre de rappel à l’ordre de ce qu’est la France, non pas une royauté, mais une république, où les valeurs d’égalité sont les socles de notre culture. Aussi, cette dame, qui n’oublie pas ses racines, s’est émue et indignée en entendant le chef de l’état déclarer finement :
« Jojo le gilet jaune a le même statut qu’un ministre ou un député ! »…. https://bit.ly/2vhr43M  ;  ; Elle en fut si révoltée qu’elle en fit donc ce petit livre, qui sonne comme un écho de l’indignation de Stephane Hessel en son temps. Cette sortie affligeante de bêtiseest d’autant plus étonnante qu'Emmanuel Macron avait précisé quelques minutes auparavant, qu’il ferait dorénavant attention à ne pas sortir de petites phrases malheureuses…. Chassez le naturel, il revient au galop. "Manu en costard assis sur son trône !" Avait encore fait des siennes ! ...
François Ruffin, le député de la France insoumise, après « Merci patron », a sorti cette fois ci un reportage, issu des rencontres faites sur les ronds points. Ca s’appelle : « J’veux du soleil ! »
Malgré une bien faible couverture médiatique, ce film, par effet de bouche à oreille, fait un carton dans les salles. « Avec ce film, on on veut construire de l’empathie, en montrant la beauté de ce qui se passe sur les ronds points. On met en mouvement les gens par les émotions ! » https://bit.ly/2PkMsOZ
Un film qui ne passera pas pour le Noël de l’Élysée, c’est sûr ! François de Rugy a twité rageusement un commentaire, en bon ministre de l’écologie réactif à tous les poisons insidieux susceptibles de nous empoisonner ! Car les pesticides prennent 1000 formes. On connaissait les bidons de roudup. Mais les films de Ruffin semblent bien pire !
“Si c’est un succès quand votre film fait 20.000 spectateurs, qu’en est-il quand 500.000 citoyens participent à un débat et remettent des contributions”, a-t-il lancé rageusement sur le réseau social, mardi soir, en référence au grand débat qui s’achève. »
Merde la mère Ubu !.... Pour le moment, on en est à plus de 33 000 entrées….. Et le film apparaît en vingtième position au box office, pour un budget insignifiant !...Pas mal vu le handicap de départ, et le nombre de sorties en salle chaque semaine, financées par l'avance sur recettes, ! Sans doute que ce reportage, caméra sur l'épaule, réalisé dans l’urgence, et tenant de la sympathique cabane de rond point où tout le monde parle à la fois, a t’il des imperfections. Mais il ruisselle de vie. C’est une fresque sociologique n’ayant rien à voir avec les craintes totalitaires de Cohn-Bendit, pas plus qu’avec un dépliant touristique du pays de la douce France.
Surtout il a le mérite de donner la parole et 100 visages a ces exclus, nous ressemblant beaucoup, ne correspondant pas à l’archétype habituel, au portrait robot du descriminé officiel de banlieue exclusive. Pas plus qu'il ne colle à l'image de débile ou de beauf aviné, alcoolique, antisémite, que Castaner et sa bande ont collé sur le portrait robot du gilet jaune, et qui inviterait à rentrer d'urgence les gosses, quand ils arrivent.
Le mépris du pauvre surtout quand il est provincial vient de très loin dans notre culture.. Ce simplet est un vieux travers de la culture française. Il n’y eut pas que le noir pour dire « Y a bon Banania ». Bécassine, qui a de grands yeux, mais pas de bouche, est son pendant Breton. A partir des années 90, un ensemble de comiques plus ou moins bons vont faire fortune en grossissant le trait du « beauf » que Cabu dressa, au point d’en faire une appelation. « Les Deschiens » renforcèrent le trait du plouc largué de la modernité, ne connaissant rien des codes de la réussite, ne pouvant finalement ne s'en prendre qu'à lui-même !.
Ces baffes sont bien davantage envoyées vers une certaine classe sociale, que vers les happy few parisiens. Si pris isolément ces spectacles sont inoffensifs, leur nombre, et leur potentialisation transforment insidieusement l'inconscient collectif. . Osera t’on faire un spectacle des « Deschiens » sur un rond point, entre cabane à frites et feu de palettes ? Cela ferait plaisir sans doute à certains marcheurs autoproclamés de transformer le rebelle en clown, et de lui envoyer des gaz ! La crise a établi des diagonales du vide, un peu partout dans le pays.
Ruffin n’a pas eu envie de faire une fiction, tant la réalité semblait la dépasser !. Pas besoin d’acteurs appartenant au gotha, et payés comme des grands patrons, pour jouer des situations qui leur sont étrangères. Ceux des ronds points se sont retrouvés dans cette lutte, qu’ils n’espéraient plus ! Cela a remodelé des fiertés, et des prises de décisions, bien mieux souvent que des stages de pôle emploi. Maintenant ils savent qu’ils ne sont pas seuls, une chose qu’ils ne sont pas prêts d’abandonner. Et c’est la raison pour laquelle le mouvement continue !
« Cours camarade ! Le vieux monde est derrière toi ! » Aurait peut-être dit Dany, à l’époque où il était rouge, et n’avait pas encore ce petit ventre rond..
« On est comme de la pâte dentifrice qu’est sortie du tube ! Ca sera difficile maintenant de nous faire entrer ! » A sortit ainsi brillamment une manifestante à Toulouse, lors de l’acte 23 des gilets jaunes…
« Une fois le poussin sorti de sa coquille d’œuf, il est difficile de le refaire retourner dedans ! » Semblait répondre en écho une manifestante dans les rues d’Alger.
Ce qui est sûr, c’est que l’avenir est ouvert, avec au choix un renforcement de la répression, aboutissant à un clivage de la population, une remise en question des fondamentaux de la république, et même de la démocratie, ou alors une remise à plat des paradigmes ultra libéraux qui nous gouvernent, et montrent les dents.
Mais un rond point, ça ne sert pas qu’à tourner, encore et encore. A un certain moment, il faut prendre une direction. Souhaitons que ce sera celle du soleil, et non du pays des brumes !
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