KANAKY : Colons ? Mais pas colons… Puisque français
… C’est grosso ça. On ne peut pas les accuser d’être des colonisateurs puisqu’ils sont sur un territoire français. Et comment donc, des français établis depuis des générations, les caldoches ou les blancs, pourraient-ils coloniser d’autres français, les Kanaks ? Et pourtant…
Lorsque la France prend possession de la Grande Terre, que James Cook avait dénommée "Nouvelle-Calédonie", le 24 septembre 1853, elle s'approprie un territoire […] qui n'était pas vide. La Grande Terre et les Iles étaient habitées par des hommes et des femmes qui ont été dénommés Kanaks. […] Ce territoire du Pacifique devient une colonie pénitentiaire en 1864, date d’ouverture du bagne calédonien, envisagé comme une alternative à caractère rural face au mouroir guyanais. (France, pays des droits de l’homme) Trente mille bagnards furent ainsi condamnés à des travaux forcés et déportés avec l’obligation de rester sur place en s’installant dans des fermes pénitentiaires, une fois la peine purgée, conformément à l’idée de « régénération du criminel » alors portée par la France.[i]
Quant à aujourd’hui, rien n’est simple sur le caillou. L’appeler Nouvelle-Calédonie ou Kanaky, tout dépend d’où on se place sur l’échiquier de l’ile. Le peuple Kanak occupe ce territoire depuis la bagatelle de trois mille ans, les « autres » sont arrivés au maximum il y a cent cinquante ans. Donc, pas étonnant que le peuple originel se sente pousser dehors, d’autant que l’ile est délimitée en deux parties : la partie nord, la moins développée économiquement, et qui regroupe une société Kanake structurée autour d’une organisation coutumière propre. Le clan est la base de cette organisation. Les clans se réunissent en tribus, au sein de districts coutumiers, eux-mêmes regroupés en aires coutumières. Le territoire est découpé en huit aires coutumières, créées par les Accords de Matignon en 1988 et dont le fonctionnement institutionnel est fixé par la loi organique de 19 mars 1999. Ceci étant posé, regardons maintenant ce qu’il se passe.
Tout ça a en fait débuté en avril 2024. On parle de manifestation de trente mille personnes à Nouméa, la capitale, pour une ile qui compte dans les 280.000 habitants ! Les médias français n’ont pas pris la peine de relayer cette info, seul France24 outremer. Le sujet ? Le dégel électoral. D’un point de vue extérieur, cet élargissement du corps électoral peut paraître légitime : le principe d’universalité et d’égalité du suffrage étant au cœur de tout régime démocratique Il faut considérer que tout citoyen français résidant en Nouvelle-Calédonie depuis dix ans puisse voter aux élections locales n’apparaît donc pas de nature à susciter une telle opposition. Toutefois, nombre d’éléments à prendre en considération viennent nuancer cette évidence. Tout d’abord, le souvenir encore prégnant d’une politique d’implantation de colons suscite chez les Kanaks une crainte légitime relative à la composition ethnique du territoire, qui contribue à expliquer l’ampleur des mobilisations actuelles face à la réforme. Celle-ci est alimentée notamment par un sentiment de déclassement de la population kanake qui souffre d’inégalités. En effet, malgré la logique de rééquilibrage sous-tendue par l’accord de Nouméa qui s’est matérialisée par l’amélioration des infrastructures, l’urbanisation, la construction de collèges, de lycées, d’hôpitaux, de fortes inégalités perdurent au détriment de la population kanake. Il y a aussi en 2020 une grande disparité dans les sans-emplois : 19,7% pour les Kanaks comparés aux 9,7% pour les non-Kanaks.[ii] De plus, cette crise a pris corps dans un climat politique tendu, dans un contexte de défiance des indépendantistes, et plus particulièrement d’une grande partie de la population kanake, à l’égard des autorités de l’État, considérées comme partiales, et des élus loyalistes dont seule l’aile la plus radicale participe aux discussions. Par ailleurs, en considérant que seules les formations politiques formant un groupe politique au congrès de la Nouvelle-Calédonie pouvaient décider de la composition de la délégation participant aux négociations, le gouvernement a contribué à exclure de celles-ci les loyalistes les plus modérés comme Calédonie Ensemble ou encore certains élus du parti Les Républicains, laissant la cheffe de file de la droite Sonia Backès, loyaliste et présidente de la province Sud, ou encore le député Renaissance Nicolas Metzdorf durcir les négociations.
La décision de passer en force a été justifiée par le gouvernement par la nécessité d’avancer dans les négociations afin de ne pas avoir à différer trop longtemps les élections provinciales qui auraient dû avoir lieu en mai 2024. Mais pour qui connaît la Nouvelle-Calédonie, le temps est un élément essentiel dans le cadre des négociations. Cette précipitation, bien macronienne, a fait que l’ultimatum imposé par Gérald Darmanin quant au calendrier du dégel du corps électoral aura définitivement eu raison d’une paix civile si difficilement acquise et préservée au prix de concessions réciproques permanentes. En tout état de cause, cet avis du Conseil d'état (Fabius sera vraiment l’épine dans le pied de la 5ᵉ) a permis au gouvernement de développer une rhétorique consistant, lors des débats parlementaires, à rabâcher le caractère antidémocratique d’un corps électoral devenu scélérat en lui opposant les principes d’universalité et d’égalité devant le suffrage, le leitmotiv « un homme égal une voix » comme postulat de la démocratie étant sans cesse réitéré… Appliquer « des principes » à une population qui ne peut culturellement les reconnaître, est la voie royale à une recolonisation qui ne porte pas son nom. La venue de macron, au lieu d’apaiser n’a fait qu’empirer les choses car, il n’est pas question de revenir sur le vote des deux assemblées, donc un statuquo, soutenu par trois mille policiers envoyés de France et des tanks… Du macron, aidé par toutou Darmanin.
Pour résumer, ce sac de nœuds. Les corps législatifs de métropole ont décidé, pour un territoire situé à 17.000 km, pour des populations disparates, qui, depuis toujours, ont pu trouver un équilibre par des révoltes, conclues par de longs palabres où chacun a mis du sien afin que la vie soit possible. Malheureusement, avec un gouvernement macronien, qui ne prend en compte aucun argument, aucune spécificité locale, la bombe allumée ne fera que s’étendre, car il en va du futur d’un peuple, celui des Kanaks qui de facto, si le corps électoral s’élargissait se retrouveraient en grande minorité, et ainsi devraient subir le joug, de français « importés », aidés par les blancs natifs qui déjà détiennent tous les pouvoirs économiques. Et comme vue dans la vidéo jointe, il y a un racisme bien assumé, et surtout, au travers ce que disent les émeutiers, de devenir des étrangers tout juste admis sur la terre de leurs ancêtres. Pour un Kanak, les ancêtres sont toujours là, et il faut les honorer, les respecter et les faire vivre.
J’admets qu’il est difficile d’émettre un point de vue sur une situation aussi inextricable et si lointaine, j’ose croire que ce n’est que la vision qu'ont pas mal de gens en France métropolitaine, mais je ne peux l’affirmer, ce ne sont que spéculations. Point.
Georges ZETER/mai 2024
Merci à BLAST. Vidéo :
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