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Accueil du site > Tribune Libre > Karl Marx aurait-il soutenu la loi travail !?

Karl Marx aurait-il soutenu la loi travail !?

« Mais en général, de nos jours, le système protecteur est conservateur, tandis que le système du libre-échange est destructeur. Il dissout les anciennes nationalités et pousse à l'extrême l'antagonisme entre la bourgeoisie et le prolétariat. En un mot, le système de la liberté commerciale hâte la révolution sociale. C'est seulement dans ce sens révolutionnaire, Messieurs, que je vote en faveur du libre-échange. » 

Karl Marx, Discours sur la question du libre-échange, 1848

Source : http://www.proletaire.altervista.org/marxisme/actualite/21-oct-2017.php



Cette question semble facile. A peu près tout le monde connaît son nom, un très grand nombre de gens sait qu'il est l'un des personnages le plus important de l'histoire du communisme, c'est une grande figure du mouvement ouvrier, et une partie encore assez importante de la population connaît le nom de certains de ses livres comme le manifeste, le Capital. Une partie plus restreinte de la population a lu au moins un de ses livres. Ceux qui ont lu vraiment son oeuvre ne se croient pas à tous les coins de rue, et ceux qui l'ont comprise encore moins. 

Aujourd'hui, je vais parler d'un texte de Karl Marx, Discours sur la question du libre-échange datant de 1848. 

Il faut remettre dans le contexte. A l'époque en Angleterre, il existait une loi des céréales qui mettait une taxe à l'importation de blé étranger. Cette taxe profitait aux propriétaires fonciers, les restes de l'artistocratie anglaise, tandis que la bourgeoisie, les free-traders (libre échangistes), vantaient les mérites de la liberté du commerce, ils voulaient abolir la loi sur les céréales. La bourgeoisie avait besoin alors de convaincre le prolétariat qu'il profiterait de cette mesure. Tout ce qui profitait à la bourgeoisie serait profitable aux ouvriers (ce qu'on appelait alors la fameuse théorie de la "main invisible", c'est du "gagnant-gagnant" diront certains !). 

Marx démontre de façon impitoyable que le libre-échange signifie pour le prolétaire plus de misère et de souffrance. 

 

« Pour nous résumer : dans l'état actuel de la société, qu'est-ce donc que le libre-échange ? C'est la liberté du capital. (...) Messieurs, ne vous en laissez pas imposer par le mot abstrait de liberté. Liberté de qui ? Ce n'est pas la liberté d'un simple individu, en présence d'un autre individu. C'est la liberté qu'a le capital d'écraser le travailleur. » 

Karl Marx, Discours sur la question du libre-échange, 1848

 

Rappelez-vous la fameuse "libération des énergies" de Macron. Marx démontre sans détour que non seulement le capitalisme ne profite pas au prolétariat, mais que bien plus, il est la cause directe de sa misère. 

Mais alors, Marx aurait donc en toute logique du appeler à voter contre l'abolition de la loi des céréales. 

 

« Mais en général, de nos jours, le système protecteur est conservateur, tandis que le système du libre-échange est destructeur. Il dissout les anciennes nationalités et pousse à l'extrême l'antagonisme entre la bourgeoisie et le prolétariat. En un mot, le système de la liberté commerciale hâte la révolution sociale. C'est seulement dans ce sens révolutionnaire, Messieurs, que je vote en faveur du libre-échange. » 

Karl Marx, Discours sur la question du libre-échange, 1848

 

Marx, après avoir dénoncé de façon très claire la véritable nature du libéralisme économique, vote en faveur du libre-échange. 

Evidemment quand on a peu lu Marx, cela semble surprenant. Etait-il un traître à la cause ouvrière ? 

La réponse est que Marx ne considérait pas la victoire du communisme comme une succession d'acquis sociaux. 

 

« Toutes les classes qui, dans le passé, se sont emparées du pouvoir essayaient de consolider leur situation acquise en soumettant la société aux conditions qui leur assuraient leurs revenus propres. Les prolétaires ne peuvent se rendre maîtres des forces productives sociales qu'en abolissant leur propre mode d'appropriation d'aujourd'hui et, par suite, tout le mode d'appropriation en vigueur jusqu'à nos jours. Les prolétaires n'ont rien à sauvegarder qui leur appartienne, ils ont à détruire toute garantie privée, toute sécurité privée antérieure. » 

Karl Marx, Le manifeste du parti communiste, 1847

 

C'est que Marx considérait de toute façon que le prolétariat ne pouvait pas améliorer durablement et définitivement sa situation sous le capitalisme. On ne peut pas avoir la capitalisme sans la misère. Donc Marx ne faisait pas dans la charité ou la compassion aux ouvriers. 

Il était très critique envers les socialistes de son époque, qui eux au contraire, croyaient à la possibilité de guérir le capitalisme de la misère sociale par des réformes. Il les traitait d'utopistes, et voici ce qu'il disait d'eux : 

 

« ils ne voient dans la misère que la misère, sans y voir le côté révolutionnaire, subversif, qui renversera la société ancienne. » 

Karl Marx, Misère de la philosophie, 1847

 

Karl Marx ne croyait pas à la réforme du captalisme. Etre exploité avec des chaînes dorées ou non, ça reste des chaînes, et les lois du capitalisme ramènent de toute façon tôt ou tard à la misère. 

Karl Marx misait donc beaucoup sur la misère, produit inévitable du capitalisme, comme transition express vers la révolution. Un cynique diront certains, ou un authentique communiste, puisqu'il préférait la liberté pour les ouvriers que l'esclavage confortable. Et la liberté devait passer d'abord par la misère. 

 

« dans son mouvement économique, la propriété privée s'achemine d'elle-même vers sa propre dissolution (...) en engendrant le prolétariat en tant que prolétariat, la misère consciente de cette misère morale et physique (...) la misère qu'il ne peut plus éviter ni retarder, la misère qui s'impose à lui inéluctablement — expression pratique de la nécessité —, le contraint directement à se révolter contre pareille inhumanité ; c'est pourquoi le prolétariat peut, et doit nécessairement, se libérer lui-même. Or il ne peut se libérer lui-même sans abolir ses propres conditions de vie. Il ne peut abolir ses propres conditions de vie sans abolir toutes les conditions de vie inhumaines de la société actuelle, que résume sa propre situation. » 

Karl Marx, La sainte famille, 1844

 

Aujourd'hui, Karl Marx aurait sans doute vu dans les loi travail une attaque contre le prolétariat, et il les aurait aussi dénoncé comme telles. Mais sans doute, il n'aurait pas menti aux ouvriers en leur vendant la promesse qu'il était possible de sauver des "acquis" au sein du capitalisme. 

Il aurait sans doute applaudi Macron et la bourgeoisie, les laissant allumer lentement le bûcher de la révolution à leur propre insu. 

Il aurait vu dans la situation actuelle le début d'une ère révolutionnaire. 

Il aurait été optimiste, car la misère amène la révolution, donc la possibilité de se débarasser complètement de la misère. 

Car, comme il disait dans son manifeste : 

 

« Avant tout, la bourgeoisie produit ses propres fossoyeurs. Sa chute et la victoire du prolétariat sont également inévitables. » 

Karl Marx, Le manifeste du parti communiste, 1847

 

Ceux qui crient après Macron (syndicats, mouvements, etc.) veulent-ils la révolution ou sont-ils là au contraire pour empêcher à tout prix qu'elle arrive ? 

Voilà la question que devraient se poser ceux qui défendent aujourd'hui réellement l'intérêt du prolétariat. 

Source : http://www.proletaire.altervista.org/marxisme/actualite/21-oct-2017.php

Analyses communistes => http://www.proletaire.altervista.org


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6 réactions à cet article    



    • Jean-Pierre Llabrés Jean-Pierre Llabrés 18 janvier 2018 07:55

      « une alternative résultant de sa propre réflexion » sur la Bourgeoisie, ...

    • Aristide Aristide 15 janvier 2018 12:15

      Voilà une question qu’elle est bonne. 


      J’en ai une aussi. Est ce qu’Ulysse aurait participé à l’America Cup ?

      • Luniterre Luniterre 15 janvier 2018 19:40

        .

        Dans le contexte de l’époque, le capitalisme était encore dans une phase ascendante, et le mouvement ouvrier aussi... Karl Marx estimait donc manifestement qu’une révolution était possible dans un avenir proche, contrairement à ce que prétendent certains « théoriciens » genre Wertkritik et autres « marxiens » de salon...

        La lutte de classe devenait chaque jour plus aiguë, et le fait d’exacerber les contradictions semblait assez logiquement le meilleur moyen de faire avancer le processus.


        A notre époque le capitalisme amorce, depuis la crise de 2008 notamment, une phase régressive dont il ne semble pas pouvoir sortir autrement que par des expédients en réalité précaires et provisoires, ou par une conflagration extensive, qui pourrait tout aussi bien l’emporter lui-même, du reste.


        Dans ce contexte la « défense des acquis » est effectivement une bataille d’arrière-garde, vouée à l’échec, de toutes façons.


        C’est en ce sens que le « vote » de Karl Marx redevient en quelque sorte d’actu...


        La volonté politique de construire une alternative ne peut revenir qu’à a suite de la perte des illusions réformistes, plus caduques que jamais.

        https://tribunemlreypa.wordpress.com/2017/11/22/front-social-un-echec-salutaire/


        https://tribunemlreypa.wordpress.com/2017/11/18/aux-portes-du-palais-18-novembre-2017-la-marche-du-siecle/


        https://tribunemlreypa.wordpress.com/2018/01/03/la-societe-de-larnaque-un-theme-de-reflexion-pour-2018/



        Luniterre





        • CN46400 CN46400 16 janvier 2018 08:32

          Lorsqu’il y a quelques mois l’Humanité a sorti ce texte de l’oubli, cela a produit quelques effervescences dans les milieux du PCF. Ceux qui, inconsciemment, avaient oublié que la pensée de Marx n’était pas circonscrite à un peuple, des peuples ou même un continent, mais concernait l’espèce humaine dans sa totalité, sont un peu tombés de l’armoire.

           Pourtant, là comme ailleurs, le raisonnement de Marx ne perd rien de sa luminosité. De même que la baisse tendancielle du profit oblige « l’infime minorité bourgeoise » a adapter la surface des marchés où elle compte vendre les produits, que les forces productives qu’elle contrôle, produisent en de toujours plus grandes quantités ; « l’immense majorité prolétarienne » voit là, grandir, les moyens toujours plus capables de satisfaire ses besoins. Simplement, le libre échange mondialise la contradiction capital-travail et pose l’hypothèse communiste, la satisfaction de tous les besoins, à ce niveau et rien qu’à ce niveau. C’est ce que disait Fidel Castro lorsqu’il critiqua Kroutchev qui avait annoncé le communisme, en URSS, pour 1980, en faisant remarquer qu’on ne peut, sur la Terre, faire cohabiter « le paradis communiste » avec « l’enfer capitaliste ».

           Par contre, peuvent coexister, et même coopérer, des nations, ou groupes de nations plus ou moins socialisées (à chacun selon son travail) avec le capitalisme à partir du moment où la bourgeoisie, de ses nations, ne contrôle plus l’état. Et c’est à partir du moment où ces nations contrôleront l’essentiel de la force de travail mondiale que la problématique du communisme (à chacun selon ses besoins) sera posée. Avec tous ses prolongements, plus d’armée, plus d’état, plus de frontières etc...

           C’est donc pour cela que Marx, « pour hâter la révolution » votait le « libre-échange », et bien sûr pas pour « décaféiner » sa pensée !


          • Luniterre Luniterre 16 janvier 2018 10:29

            @CN46400

            Très bonne observation :

             "Par contre, peuvent coexister, et même coopérer, des nations, ou groupes de nations plus ou moins socialisées (à chacun selon son travail) avec le capitalisme à partir du moment où la bourgeoisie, de ses nations, ne contrôle plus l’état. Et c’est à partir du moment où ces nations contrôleront l’essentiel de la force de travail mondiale que la problématique du communisme (à chacun selon ses besoins) sera posée. Avec tous ses prolongements, plus d’armée, plus d’état, plus de frontières etc... « 

            Effectivement, il y a là une pensée à priori frappée au coin du bon sens, si l’on veut bien considérer qu’une nation dont l’économie fonctionne selon le principe »à chacun selon son travail« est déjà, en réalité une nation socialiste au sens défini par Marx comme »première phase« du communisme, ou »phase de transition" entre capitalisme et communisme.

            Une phase ou l’équilibre et le développement des échanges économiques est planifié et régulé en fonction de la valeur-travail, selon le principe de base défini dans la Critique du Programme de Gotha, et qui est en réalité parfaitement en adéquation avec les développements actuels de la technologie et de l’informatique :

            https://tribunemlreypa.wordpress.com/2018/01/12/democratie-proletarienne-et-planification-socialiste-le-role-de-linformatique-et-de-linteractivite/

            Luniterre

             

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