L’abolition de la prostitution est-elle un progrès ?
Le sujet revient régulièrement sur le tapis et si l'on met de côté la probable volonté politique de le jeter régulièrement en pature aux citoyens comme un os à ronger - à défaut de lui donner parole sur des sujets bien plus essentiels-, il n'en reste pas moins un vrai sujet de société.
Les deux bords s'affrontent et il faut bien en convenir : Aucune des deux positions n'est vraiment défendable. Soit elle est pragmatique et elle renonce à un idéalisme peut-être illusoire, mais néanmoins essentiel car générateur de progrès. Soit elle se place sur le plan des principes, de l'idéal, et refuse une partie de la réalité.
Soyons pour l'abolition de la prostitution, et nous voilà accusés de bigoterie - comme vient de le publier un article caricatural de rue89-, mais surtout de ne pas reconnaître le travail des prostitués et de le précariser encore davantage en punissant leurs clients potentiels.
Soyons contre, et nous voici complices d'un métier qui reste dégradant, aliénant, et avilissant. Car soyons honnêtes : aimerait-on voir sa fille, par exemple, devenir prostituée ?
2 députés, un de l' UMP et une du PS, ont décidé de proposer un projet de loi visant à punir d'amendes les clients des prostitués.
Personnellement, après tout ce que j'entends des débats, je suis pour et je vais dire pourquoi.
Déjà, je trouve assez aberrant l'accusation de vieux fonds catholique des pro-légalisation, de " retour à la police des moeurs" comme le dit Elisabeth badinter, envers ceux qui sont contre.
Les premières à s'élever contre la prostitution sont justement les féministes et en général, ce ne sont pas vraiment des catholiques, puisqu'elles s'élèvent contre tous les condtionnements qui entravent l'émancipation des femmes. La lutte contre la prostitution relève de la même lutte que celles qui consistent à posséder son corps : le droit à l'avortement, par exemple. Et ce n'est pas parce qu'il y aurait encore quelques convaincues anti-IVG ou contraception qui ponderaient 9 ou 10 enfants dans leur vie, qu'on doit pour autant en faire une loi générale. Parmi ces pondeuses, combien le revendiquent et en fait sont soumises à leur mari, à leur famille, leur éducation, etc... En d'autres termes, malgré les petits 10% de prostituées qui font ce travail librement, par choix, on peut bien sûr mettre en doute cette soi-disant liberté... Le point commun de ceux qui sont contre la légalisation est sans doute d'abord, avant un quelconque fond catho, le refus de l'avilissement de la femme, et la conscience aigue, - juste, à mon avis- que la prostitution est avant tout une aliénation, un acte traumatisant, même chez celles qui se targuent du contraire. C'est indigne de l'être humain. On ne vend pas son corps pour de l'argent comme si on allait travailler à l'usine ou au bureau tous les matins. Pardonnez moi l'expression mais on ne se fait pas " passer dessus" plusieurs fois par jour, comme ça, sans dommage. Le point de vue des psychologues et des psychanalystes est d'ailleurs sur ce point assez unanime. Il y a beaucoup de souffrance au départ pour en arriver là. Même chez celles qui s'en défendent, qui paraissent fortes et l'assumer...allons un peu au delà des apparences, par pitié ! Quand j'entends olivier Py ou M. Caubère, artistes, hier soir invités à l'émission de frédéric taddei, faire semblant d'ignorer cet état de fait, cela me scandalise assez. Personnellement, je préfère de loin la politique de la suède qui tente de lutter contre la prostitution qu'aux pays bas où les jeunes femmes sont exposées en vitrines comme des objets avec 15 types vicelards devant, qui tirent des langues de grand méchant loups...
Le vieux crédo qui consiste à pointer du doigt les "contre" de réacs cathos est non seulement injuste - on peut trouver la prostitution indigne de la femme, non ? sans être catho...- mais on pourrait renvoyer le compliment à ceux qui sont "pour" qui me paraissent bien plus hypocrites.
Déjà, l'époque est beaucoup moins catholique aujourd'hui...les maisons de passes, les bordels, etc...ont existé, que je sache, dans une france beaucoup plus conservatrice et catholique qu'aujourd'hui...où tout était bien rangé, à la bonne place...la petite famille modèle d'un coté, qui allait à la messe, et les putes que l'on allait voir de temps en temps. Le vice, d'un coté, et la vertu de l'autre, tout cela bien séparé et bien caché, et institutionnalisé puisqu'autorisé.
Cette hypocrisie commence déjà par les mots employés...tous ceux qui vont voir les prostituées et les défendent, et qui tiennent maintenant, par on ne sait quel rattrapage obscur de vertu, à les appeler les "travailleurs du sexe".
Appelons un chat un chat : on appelle ca une "pute". On disait même " putain" auparavant. Une prostituée, c'est une pute, c'est à dire une femme qui vend son corps pour de l'argent et qui, dans 95% des cas, n'a pas pu faire autre chose, par faiblesse que l'on ne doit d'ailleurs pas juger. Chacun a son histoire et sa souffrance personnelle. Et à tous ceux qui se targuent d'être libéraux et modernes, tous ceux qui défendent le travail du sexe - " sexwork is work", comme un travail qui serait un travail comme un autre, que diraient-ils, tous ces clients, si demain leur femme ou leur fille avaient décidé d'être pute pour gagner leur vie ? Après tout, puisque c'est un travail comme un autre ?
La vérité, c'est que ceux qui défendent la prostitution défendent d'abord leurs pulsions et leur assouvissement sexuel, avant tout, et qu'ils se cachent derrière leur petit doigt - j'ai pas dit autre chose mais j'aurais pu-. Si demain, oui, leur fille ou leur femme décidait de devenir pute, ils se poseraient alors là les BONNES questions.
A savoir pourquoi elles font cela, qu'est ce qui a pu faire qu'elles en soient arrivées là, etc...etc...et ils le vivraient, assurément, comme un vrai choc et ils auraient raison.
Pour ma part, et la politique étant une oeuvre de civilisation, de progrès, il m'apparait plus que légitime, de faire reculer, diminuer à maximum la prostitution qui reste un état indigne.
Après, bien sûr, quelles lois appliquer pour ne pas précariser davantage les prostituées est une question essentielle. Mais, et tout le monde est d'accord là dessus, le but est quand même au départ de casser les réseaux de prostitution de filles étrangères qui sont de vraies esclaves et qui constituent...90% de la prostitution.
Pour les autres, qui sont donc indépendantes et l'ont librement choisi - qu'elles disent...je ne leur jette pas la pierre à elles mais à leurs clients qui font semblant de les croire-, la question est plus difficile. Mais responsabiliser autant leurs clients qu'elles ne le sont, elles, me parait une bonne chose.
Elisabeth badinter avait dit à ce sujet que l'état n'avait pas à intervenir à partir du moment où deux adultes étaient consentants, quant à la commercialisation du corps d'une prostituée. J'ajoute au passage qu'elle est pour les mères porteuses rémunérées. En termes de liberté, pourquoi pas ? mais ce n'est pas parce qu'on est adultes d'une part et consentants de l'autre qu'on est libre pour autant. Cela me parait manquer de la plus élémentaire psychologie, tout de même !
Dans le cadre des mères porteuses, comment ne pas croire que ce sera, pour certaines femmes, un vrai crève coeur de donner leur enfant après avoir accouché, même si, à priori, elles n'en voulaient pas au départ ?
Je m'éloigne du sujet mais l'état, bien sûr, a une responsabilité morale dans tout cela. En ce cas, on pourrait alors excuser le travail rémunéré malhonnêtement en dessous du SMIC ? après tout, un patron et un employé sont deux adultes consentants, quant à la commercialisation d'un service ou d'un travail rendu. Pourquoi l'état interviendrait, alors ?
Il intervient parce que c'est du devoir moral de l'état de défendre les gens, quand bien même, ils seraient à priori consentants. Un travailleur au noir va accepter la situation parce qu'il n'aura pas le choix. Parce qu'il a aura besoin de bouffer, de se loger, parce qu'il n'a pas de papier.
Et que dire alors de la prostitution étudiante qui explose ? là aussi, on peut parler d'adultes consentants alors qu'en réalité, on sait très bien que c'est la misère des étudiants qui les amènent à cela puisque cette réalité là n'existait pas il y a encore 10 ou 15 ans.
Je reste convaincu, que malgré la soi-disant conscience et liberté des prostituées, il n'en est rien et que l'état doit agir, en fonction de cela, et non au nom d' une soi-disant liberté illusoire.
A ce titre, on pourrait aussi se poser la question du proxénétisme, interdit, en france.
Et pourquoi, alors ? si une femme décide, d'elle même, de vendre son corps et qu' un tiers lui propose une clientèle, un réseau, qu'elle n'aurait pas, quel mal y aurait-il à cela ?
Cela démontre une certaine incohérence.
La vérité, c'est que les pro-légalisation de la prostitution, en se targuant de vouloir faire sauter les hypocrisies, se heurtent à l" anormalité" de la prostitution qui leur pète à la figure dès qu'on va au fond des choses.
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