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L’affaire Kerviel

A peu près tout ce monde émet des doutes sur l'ignorance de sa hiérarchie, laquelle avance un argument apparemment solide, elle compare Kerviel à un employé de banque de base qui tape dans la caisse avec astuce, mais qui finit toujours par se faire piquer. Seulement voilà, les enjeux ne sont pas de la même taille, il s'agit dans l'affaire Kerviel, de Salles des marchés donc de prises de positions qui échappent à l'entendement du grand public et des journalistes

La responsabilité de la banque.

Que ce trader soit un escroc, c'est évident, un tricheur et un champion de la débrouille et de la dissimulation soit, (avec des moyens ultra rudimentaires, trois bouts de ficelle et Photoshop) mais qu'un service de gestion de patrimoines , malgré (et grâce) à une technologie sophistiquée ne maîtrise pas ce genre d'agissement, est aberrant et c'est là que la Socge est responsable. Elle permet ou laisse la possibilité à l'un ou à ses spécialistes de faire mumuse avec de telles sommes, qui sont rappelons-le, virtuelles pour le commun des mortels.

En première instance, selon le président du tribunal « les carences de la Société générale ne sauraient exonérer un trader de ses devoirs professionnels » Carences ! C'est si vrai que la banque a déjà été condamnée lourdement, un blâme et une amende de quatre millions d'euros par la Commission bancaire pour les défaillances dans ses systèmes de contrôle à l'époque.

Pour les juges dans sa condamnation de Kerviel , la banque est donc absoute, car grugée par son employé, malgré plus de 74 alertes concernant son poste de travail. Et un rapport d'audit qui parle d' "environnement général" ayant conduit à des "dépassements fréquents de limites de risques dans le service de Jérôme Kerviel. Résultat,

Le juge d'instruction n'épargnait pas non plus la Socgé dans son rapport. On y apprend que le portefeuille de Kerviel avait fait l'objet d'examen sans trouver à redire. Que des décisions avaient été prises, comme virer son supérieur puis de laisser Kerviel seul. Sa hiérarchie a simplement sauté à l'instar de son supérieur direct. Ensuite, il souligne l’ignorance dilatoire des avertissements de la bourse de Francfort.

Lorsque Kerviel solde une transaction qui débouche sur un solde positif, -un million d'€ en une seconde, en utilisant l'astuce des délais nocturnes, de la compensation par des prises de position "off shore", agrée par la hiérarchie, celle-ci ne s'affole pas et lui offre même des "bonus" faramineux. Ce Kerviel, que je n'arrive pas à trouver sympathique, avait obtenu ainsi un paquet de fric, mais en voulait le double.

Autre point discutable, la perte de 4,9M. Certains avancent que cette perte n’est pas imputable à JK, elle proviendrait de l’opération catastrophe de dénouement des positions, gagnantes ou non d'ailleurs.

Devant une telle catastrophe, le dilemme est grand :

a/ On vend discrètement, ce qui est en contradiction avec la loi, c'est-à-dire lentement avec le risque d'augmenter la perte en cas de baisse des cours

b/ Eviter ce risque en liquidant en une seule fois, ce qu'exige la loi et le bon sens.

Autre chose qui me turlupine, si la banque a perdu tant de fric, qui l'a gagné ? Les banques étrangères et leurs clients via leurs traders.

Enfin, il faut remettre les choses à leurs places, Kerviel n'a pas volé de pauvres, il a joué dans un monde, je le redis virtuel, celui de la spéculation outil indispensable du système financier, moteur du capitalisme. Par contre, cette perte comptable a une réalité, c'est l'ensemble du personnel qui a payé les pots cassés, ne serait-ce que sur les primes de bilan, le complément annuel du salaire des employés de banque. (1)

L'ex-trader comparaît en appel et le réquisitoire est toujours de cinq ans de prison ferme, peine « exemplaire et dissuasive ».« Votre décision sera exemplaire et dissuasive », a dit à la cour l’avocat général en le qualifiant de « pervers et manipulateur ». Sur l’aspect des dommages et intérêts, une somme astronomique impossible à rembourser et a rappelé qu’il ne lui appartenait pas de se prononcer.

S’il n’a jamais nié avoir perdu le sens des réalités, le prévenu affirme en revanche que ses supérieurs savaient ce qu’il faisait et l’encourageaient même à prendre des risques. Aujourd'hui, il va plus loin, en se disant victime d’une machination : la Société Générale l’aurait utilisé comme fusible pour masquer ses pertes dues aux « subprimes », les crédits hypothécaires américains à l’origine d’une crise financière mondiale en 2008. Je parie que cet argument va tomber à l'eau.

Il se trouve que j'ai été dans ma modeste "carrière" pendant quelques temps responsable du service du marché spéculatif de la bourse dans ma boite. Je connaissais tous les mécanismes de ce marché dont certain fonctionnent encore,(Vente à découverts, primes, pieds-de-primes etc) lequel a évolué toujours dans la sphère spéculative avec des techniques qui m'échapperaient. Or, il est impossible, surtout actuellement, qu'une hiérarchie directe ignore les opérations quotidiennes, à moins que celles-ci soient positives, qu'elle s'en félicite et laisse faire, pour le moins, sinon l'encourager. La surveillance est constante, ne serait-ce que par la ribambelle de chefs et sous-chefs des contrôles et autres peigne-culs de l'inspection générale qui se feraient une gloire d'épingler un collègue.

Je pense que les acteurs de cette affaire sont co-responsables et qu'un seul va payer, si j'ose dire. Jugement en Octobre........

(1) Kerviel, visiblement épuisé, diminué après un malaise en plein milieu de la plaidoirie, lance une dernière fois : « Je demande pardon aux salariés du réseau de la Société Générale. Ils ont souffert d'un système auquel j'ai participé, que je n'ai pas mis en place (...)


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10 réactions à cet article    


  • Jean-Pierre Llabrés Jean-Pierre Llabrés 30 juin 2012 08:34

    Extraits du jugement de première instance

    I- La saisine du tribunal :
    A) Le cadre opérationnel de Jérôme KERVIEL
    B) Le mode opératoire dénoncé
    1) Le processus ayant conduit à la découverte de positions litigieuses :
    [...]
    3) L’analyse des réponses fournies par Jérôme KERVIEL aux écarts constatés lors des arrêtés mensuels et trimestriels :
    [...]
    * les anomalies d’août à décembre 2007 :
    [...] Page 16

    En décembre, Jérôme KERVIEL avait saisi des forwards face à Click-Options et avait dû changer de contrepartie en utilisant le courtier BAADER afin d’éviter les réconciliations intra-groupe. Mais l’absence d’accord de collatéral (Collateral Security Agreement) avec ce courtier engendrait une prise en compte en terme de risque maximum, ce qui avait conduit à faire remonter l’opération dans le système de calcul des engagements déterminant le ratio de solvabilité bancaire à hauteur de 2,4 milliards d’ERC (engagement risque de contrepartie).

    La découverte des faits conduisait la Société Générale à réagir dans l’urgence et de lancer des investigations complémentaires.

    C) Les initiatives prises par la Société Générale
    1) Le débouclage des positions  :
    [...]

    ====================================

    Deuxième partie : motifs du tribunal
    I - Sur l’action pénale
    A) Sur le délit d’abus de confiance
    [...] Page 54

    [Attendu]...que c’est précisément la mise en œuvre de l’un des contrôles internes de la banque, dans un schéma d’opération jusque là jamais utilisé par Jérôme KERVIEL (achat-vente de forward face à une contrepartie externe dépourvue d’accord de collatéral) et pour des montants encore inégalés, qui a permis dans un premier temps de mettre un terme à la fraude et dans un second temps, à force d’investigations démultipliées, d’en circonscrire le périmètre ;
    [...]
    B) Sur le délit d’introduction frauduleuse de données
    [...]


    • Emmanuel Aguéra LeManu 30 juin 2012 14:13

      Et la faute à qui s’il fut possible à Kerviel de faire appel à un courtier « non-agrée » ? A lui-même ? Elle est bien bonne, celle-là. Merci d’avoir extrait ces lignes, je n’ai pas eu le courage d’y plonger...


    • ALasverne ALasverne 30 juin 2012 13:11

      "il a joué dans un monde, je le redis virtuel, celui de la spéculation outil indispensable du système financier, moteur du capitalisme."

      Une seule phrase, et tout un raisonnement semblait-il pesé, toute une logique, toute une conception rigoureuse du réel apparaissent soudain ce qu’elles sont : du baratin pour cacher les dents.


      • Emmanuel Aguéra LeManu 30 juin 2012 14:09

        Vrai. Quand la dualité réel/virtuelle est mise à bas, le rêve disparait et l’horreur apparaît. Or le rêve est le carburant de notre société, Kerviel devient le démon démystificateur, icônoclaste et amoral... lol... Tout le monde sait bien que les banques sont des chefs d’œuvre, que dis-je... des Temples, de moralité, pardi !


      • Emmanuel Aguéra LeManu 30 juin 2012 13:59

        Cette affaire ne m’intéresse pas au niveau ou elle semble intéresser les tribunaux et les média dans leur chasse au(x) responsable(s).
        Elle m’intéresse cependant car elle met en évidence le fossé gigantesque, à la limite de l’imaginable, entre les situations de fin de mois de la majorité et les déboires d’une banque, qui soit dit en passant est censée « garder » (?) . Non seulement la subsistance change d’échelle mais sa mesure en devient impossible, impalpable.
        Je suppose qu’à l’instar du chauffeur pressé qui plante son camion, du paparazzi déloyal qui vole son cliché ou du politicien se perdant en mensonges de campagne, Kerviel a repoussé les limites de l’efficacité au-delà des « règles de l’art »... Le Chauffeur sait ce que le retard lui coûtera en engueulade et en primes et le paparazzi a faim, et Paris-Match ne lui demandera pas comment il a obtenu les images qu’il fourgue. Kerviel, comme Nick Leeson avant lui, a fait le bonheur de sa hierarchie avant que celle-ci réalise... l’irréalité de la situation. Aveugle dans les méthodes, celle-ci était pourtant supposée savoir compter, c’est convenons-en, la moindre des choses pour des banquiers.
        Pourtant, non : L’appât du gain devient trop fort et l’incrédulité devant des malversations possible s’efface alors à l’approche du gain facile... Le gain facile, celui qui tourne la tête des chercheurs d’or qui y laisse leur vie contre la chimère et le refus de revenir en arrière, au constat de pauvreté, au royaume de la mesure, du mesurable et du mesuré, le gain facile qui vide les comptes et remplit les PMU en débuts de mois, celui qui fait jouer au foot ou chanter des millions de gosses avides de célébrité, donc de fric. Des stars, du fric, voilà le but, la puissance, donc, rien d’autre.
        « celui qui n’a pas de Rolex à 50 ans », (merde, ça lui avait échappé... scusez m’sieurs-dames), voilà donc où nous en sommes. Et le Sarkozy (toujours en liberté, celui-là, que foutez-vous messieurs les procureurs ?) avec souvenez-vous, ses intentions post-politiques affichées de « gagner beaucoup d’argent » en cas de défaite...

        Le véritable profit n’est pas mesurable. Ceux qui le mesurent son tous des Kerviel.
        A l’usine !
        Pardon, j’oubliais... leurs petits jeux les ont fait disparaître... Bon alors, au jardin.

        Rien à voir, mais je voulais dire un mot des petits profits : l’autre jour à la télé, interview d’un gars de PSA-Aulnais qui craignait la fermeture de son usine (confirmée aujourd’hui, merci PSA, d’avoir gardé le secret jusqu’à la fin des élections), pestait contre la mauvaise gestion du groupe, avant de remonter dans sa voiture... étrangère. Ben que voulez-vous, elles sont moins chères.
        Les petits profits, vous-dis-je !
        Il n’y a pas de petit profit, disait-on : on peut aujourd’hui rajouter : Y’a que des grosses gamelles.

        Nous sommes TOUS des Kerviel. Quelqu’un a dit un jour (pas de nom, ça influence les réactions...) :
        « Si l’on gagnait de l’argent par le travail, ça se saurait ».
        Condamner Kerviel vaut mieux que condamner un société amoralisée, non ? L’acquitter en deviendrait un acte éminemment écologique au sens étymologique su terme. Car, responsable ou non, s’il est coupable, nous le sommes tous. Mais il est vrai que nous sommes déjà enfermés dans nos prisons « reptiliennes ».

        Petit exemple illustratif:Je pêche ceci sans réfléchir et complêtement au hasard sur le côté de la page d’Agoravox


        • Emmanuel Aguéra LeManu 30 juin 2012 14:04

          J’oubliais... Tout-à fait d’accord avec vous, Nounours ! smiley


        • fred74 fred74 30 juin 2012 13:59

          Bonjour,

          En d’autre temps Capone avait eté épinglé pour fraude au fisc, il est loin ce temps là.

          Aujourd’hui nous avons des gérome Kerviel à la pelle, mais ce qu’il y à de plus risible est que tout le monde ce fou de ce monsieur, et de ce qu’il a fait.

          Seule , la masse médias s’y intéresse car elle pense occuper la plébe avec les fonts de poubelle.
          Cet argent que les banques perdent , ne sont que le leur, elles sont assurées pour les pertes engendrées alors qu’on arrête de nous les .....il n’y a peu être que les quelques initiés que l’on trouve intéressé, car eux veulent savoir comment il a procédé.

          J’ai dans l’idée que ces trucs à lui ne sont pas prés d’être publier.

          Il parle de ces pertes, mais combien leur a-t-il fait gagner avant çà  ? Mais c’est moins spectaculaire et moins sexy , et surtout moins vendeur de torchon.


          • CARAMELOS CARAMELOS 30 juin 2012 16:03

            Jerome KERVIEL est un pur produit de la manipulation et de la spéculation. C’est un individu plus attiré par son propre intérêt que par celui de son employeur, qui ne vaut pas mieux . Mettons nous à la place des « petits » porteurs puis à tous les contribuables qui doivent aujourd’hui avec leur impôt renflouer une banque en déroute par le fait de truands ! A) KERVIEL doit être condamné au maximum, emprisonné et ses biens saisis. La SG doit être poursuivie ses dirigeants du moment condamnés et écroués, leurs biens saisis. Quant à la « banque » ( on pourrait employer un autre qualificatif) - elle doit être mise dans l’obligation de rembourser et de dédommager l’Etat et les contribuables ! Je sais c ’est un peu naïf de ma part mais tellement réaliste !


            • calimero 30 juin 2012 21:23

              C’est un individu plus attiré par son propre intérêt que par celui de son employeur

              Là dessus il a bien raison. Se tuer au travail au nom de je ne sais quelle valeur pour que des actionnaires se fassent un maximum de pognon ça n’a pas de sens.


            • jef88 jef88 30 juin 2012 16:19

              - nationaliser les banques
              - pénaliser lourdement la spéculation
              l’ensemble dans le monde entier .....

              possible !
              après un séïsme financier  !!!!!!!

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