L’alliance de la carpe Zemmour et du lapin Soral
Vous n’y auriez pas songé, et moi non plus : l’évidence est pourtant là devant vous. Entre Soral et Zemmour, il y a plus que de la connivence. Vous allez me dire que ce monde a tendance à devenir surréaliste, pour sûr : mais à découvrir que ces deux-là sont copains comme cochon, franchement, il y a de quoi se rouler par terre. Extérieurement, l’un est un « antisioniste » déclaré et revendiqué, l’autre est le porte-parole décomplexé de la droite sioniste la plus dure. L’un est antisémite, l’autre juif. Quel peut donc être leur point commun, ce point nodal qui rejoindrait leurs parcours pour le moins elliptiques ? Et là, vous vous en doutez, c’est clair comme de l’eau de rose : si ces deux-là se rejoignent, c’est contre un ennemi commun. Si ces deux-là s’entendent, c’est sur un sujet commun : celui de leur islamophobie manifeste. Deux faiseurs de haine ensemble, qui envahissent régulièrement les écrans pour nous parler immigration, décrite chez eux comme la nouvelle « classe laborieuse-classe dangereuse » du XXI eme siècle. Une immigration uniquement musulmane, à les entendre. C’est bien l’alliance de la carpe et du lapin, leurs propos, renforcée par les éditoriaux aux lance-flammes de la furie Elisabeth Levy, venue récemment parler des « pitbulls » qui s’en prennent à son Zemmour de héros. Voici donc une étude (fort) sélective des relations bilatérales profondes des deux pousse-au-crime des médias français. La carpe et le lapin, censés incompatibles et pourtant si proches !

Les deux disent en fait exactement la même chose et n’ont pas attendu l’avocat général Bilger (aux bretelles un peu plus remontées depuis hier) pour en rajouter : dans sa préface de l’antisémite déclarée Anne Kling, Soral reprend par exemple mot à mot les termes de cette dernière. Force est de constater que c’est du Zemmour tout craché : "osons le dire, ces jeunes violents, dans une forte proportion, sont des français issus de l’immigration maghrébine et africaine, culturellement mal assimilés et socialement mal intégrés. C’est une réalité, pas un fantasme" nous dit la représentante d’extrême droite alsacienne. Mais ce n’est rien encore à côté de la préface de notre fracassé familial (Soral a été battu dans son enfance et l’a raconté avec sa sœur chez Mireille Dumas). Dans cette préface, voilà que notre lapin dégarni se met à parler exactement comme notre carpe étoilée. Un propos qui se situe politiquement quelque part, et ce n’est pas à gauche, ni au sein de la droite parlementaire. Car ne l’oublions pas, le voilà aussi à préfacer l’ouvrage de quelqu’un inscrit en 2009 en deuxième position sur la "liste de rassemblement identitaire" du mouvement "Strasbourg d’Abord" et qui écrit dans aussi "Synthèse Nationale" où l’on trouve comme par hasard Bernard Antony, du FN, Fabrice Robert, du Bloc identitaire, ou Philip Dewinter, le porte-parole du Vlaams Belang ! De quoi effrayer logiquement notre carpe aux yeux globuleux (depuis Guillon, on n’hésite plus à peindre les portraits au rouleau nous aussi !) ? Pensez-vous ! Même pas ! Dans le site de Synthèse Nationale, les images surréalistes se télescopent : l’affiche de défense de Zemmour surmonte juste celles de Pierre Sidos, Pierre Vial et "images du fascisme" !!!
Pire encore (Soral peut toujours faire pire, c’est aussi une constante chez lui) en effet un peu plus loin : "Depuis les années 70, jusqu’au 21 avril 2002 (pour faire simple)", écrit Soral dans sa préface, "le discours dominant, officiel, nous interdisait de nous plaindre des délinquants nord-africains sous prétexte qu’ils étaient jeunes (argument 68 ) qu’ils étaient différents (argument communautaro-différentialiste) qu’ils étaient pauvres (argument marxiste) et surtout que leur ressentiment légitime leur venait de l’odieuse colonisation française" écrit-il plus loin dans cette fameuse préface. On reste pantois devant la similitude de propos avec celui de Zemmour, en effet. Mai 68, communisme, "droitsdel’hommisme" comme l’a souvent dit LePen en personne, et effets bienfaisants de la colonisation façon Vanneste, beaucoup de choses sont communes aux deux. Mais là où ça devient folichon, c’est quand Soral s’en prend dans la même préface.... aux juifs, dont un en particulier, dont les patins à roulettes n’ont pas l’air de lui plaire : "un pays où un avocat français, à double, voire triple passeport, se voit chargé par un ministre de l’intérieur de nous expliquer comment s’y prendre avec nos immmigrés, lui qui rentre à peine de ratonnade en Palestine sous l’uniforme israélien." C’est évidement Arno Klarsfeld que vise Soral, dans une saillie digne des âneries des miliciens français de 1940. Soral se répandant dans la phrase d’après dans un plus nauséabond encore "le métissage, il nous en gave, le petit-fils d’officier de la Wehrmacht, mais il n’en mange pas" ....
Propos infects d’un lapin déchaîné, ayant démarré pourtant par un discours de carpe. Propos passablement antisémite aussi : le lapin glissant la méchante allusion du père de Beate Klarsfeld au passage, comme au "bon" vieux temps de "Je Suis Partout", où l’on raillait les arbres généalogiques des personnailités ! Une vilenie, procédé dont il a l’habitude en réalité. Il ne procède que comme ça, le fracassé de la vie. Remarquez, Klarsfeld et Zemmmour se sont aussi rencontrés à la télévision, chez Ruquier. Leur passe d’armes restera épisodique et purement médiatique : entre eux, il n’y aura pas d’accrochage, bien au contraire. Une ou deux griffes bien policées, et surtout l’occasion d’une charge gratuite de Zemmour contre Elisabeth Guigou : le réflexe de droite chez la carpe, qui abandonne sa mie de pain et saute sur le thème de l’immigration tel un brochet vorace pour en faire en dix secondes chrono une tribune anti-européenne digne d’un Jean Marie tout juste requinqué !
Des propos de Soral empruntés à Anne Kling, donc, une révisionniste notoire, qui s’amuse à ses heures perdues à compter les déportés, surtout les enfants : "J’ai compté sur Excel les gosses JUIFS ET NON JUIFS" annonce-t-elle sur son blog, à partir de sources incomplètes (désolé c’est elle qui effectue ce décompte, comme quoi l’usage d’Excel peut aussi cacher de belles ignominies). On sait à quoi peut ressembler cette démarche : c’est bien celle d’un Rassinier, et de ses faux tableaux, ses faux calculs et de ses vraies approximations. Heureusement qu’il y a une Eve Line BLUM-CHERCHEVSKY pour venir lui rabattre le caquet révisionniste. Anne Kling, qui reçoit en soutien à son texte celui de Pierre Sidos, le fils de François Sidos, le responsable de la Milice fusillé en 1946 et fondateur de l’Œuvre Française. Pierre Sidos, emprisonné également pendant la guerre d’Algérie pour soutien à l’OAS : on ne quitte pas d’une semelle de godillot le milieu de l’extrême droite ! Et on retombe toujours sur les mêmes !
Voilà donc les soutiens aux idées de Soral, qui se rejoignent tous sur leur islamophobie maladive ou leur négationnisme patent. Des identitaires, donc, lassés par le discours de LePen jugé trop "consensuel" (il ne peut ressortir le détail toutes les semaines, sans doute !) qui présentent le même vieux fond de panier que celui d’Eric Zemmour. C’est, avouons-le, un superbe grand écart politique et idéologique, ou plutôt une alliance d’intérêt pur et simple. Celle d’un juif et d’un antisémite qui se sont trouvés un ennemi commun sur lequel taper ensemble, ou chacun leur tour. C’est sidérant, c’est révoltant, et c’est infect. Comment peut-on se trahir soi-même au point de renoncer à une des fondamentales d’une action pour faire cause commune à ce point, par pur calcul ? L’occasion fait le larron dit-on : on a affaire à deux voleurs d’opinion avec eux, alors ! Mes deux lascars n’en ont cure en effet, de leurs divergences fondamentales de départ : leur discours, nettoyé de leur racisme mutuel, est inconsistant et se résume à une description apocalyptique des hordes islamistes venant envahir la France sans même se faire arrêter à Poitiers. A part ça, rien à dire d’autre que d’étaler le programme électoral identitaire. Heureusement qu’il reste quelques minarets ici et là en France pour leur donner l’occasion de se déchaîner ! Comme certains se déchaînent à la bombe à peinture dans les carrés musulmans des cimetières militaires.
Ils bombent à cet endroit car les synagogues ne leur suffisent plus, souvent. Pourtant, il y a bien des gens encore pour attiser leur haine antisémite qui ne demande qu’à resurgir : "Ce n’est pas systématiquement la faute de l’autre, totalement, si personne ne peut vous blairer partout où vous mettez les pieds. Parce qu’en gros c’est à peu près ça leur histoire tu vois. Ca fait quand même 2500 ans, où chaque fois où ils mettent les pieds quelque part, au bout de cinquante ans ils se font dérouiller. Il faut se dire, c’est bizarre ! C’est que tout le monde a toujours tort sauf eux". Et ce genre de propos ne sort pas d’un chapeau de magicien comme un lapin pourrait le faire : ce sont bien des propos de Soral, qui a depuis bien longtemps dépassé la ligne rouge pour devenir franchement antisémite : à notre connaissance, le territoire sioniste n’existe que depuis 1947. On n’est plus dans l’antisionisme seul dont il se targue sur les affiches de son parti ! Les voir ensemble, n’a donc rien de très surprenant : c’est donc bien un remake parfait de la fable de la carpe et du lapin.
Leur fond de commerce à tous deux ? Le bon vieux discours de l’extrême droite et de sa théorie du complot. Cette fois il serait musulman, avant il était franc-maçon, et avant encore juif : mais ça c’était avant que Zemmour ne soit cité dans les discours de Bruno Golllnisch comme étant désormais un "bon patriote", "d’origine israélite" ! La carpe mange décidément à plusieurs râteliers ; ou a été mise au menu de tous les partis d’extrême droite ! Avant que les loups se décident à ne plus obligatoirement dévorer les carpes, en écoutant au passage les sornettes débitées par les lapins. Une alliance de circonstance de plus de l’extrême droite, qui vient de découvrir que des juifs l’étant aussi désormais, il n’est peut-être plus nécessaire de préparer de nouveaux fours pour eux. Une alliance contre nature qui ne gêne ni l’un, ni l’autre, à condition de ne pas non plus trop se rencontrer, on ne sait jamais : l’instinct grégaire a ses limites. Zemmour et Soral ne s’en font pas trop à vrai dire : à ce jour, on n’a toujours pas vu de lapin dévorer une carpe. On a donc pas fini, hélas, de voir frétiller la queue de Zemmour dans nos téléviseurs, ou de voir sauter sur la scène médiatique comme un lapin désorienté Soral... les deux faux frères ennemis de la politique si copains dans la vie.
Pauvre France.
* c’est à la fin de la séquence où on apprend aussi que Soral a participé aux émissions "C’est mon choix" de Mireille Dumas "il y a dix ans"... "magnifiques émissions, dit Soral... à l’époque, Soral faisait dans la psychologie de comptoir et ça lui allait mieux, visiblement.
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