L’antiracisme moderne : une faute
Imaginons : nous sommes un groupe de copains qui jouent au foot dans un parc. Nous avons posé nos marques de but. Un autre groupe vient alors sur l’espace que nous occupons. Que se passe-t-il ? Cela grince. C’est comme ça, à l’échelle d’un pays comme d’un groupe de copains. Est-ce du racisme ?
Mais qu’est-ce que le racisme ?
Je lisais l'affirmation suivante sur un blog :: « L’axiome selon lequel les espaces du racisme s’élargissent à mesure que l’identité nationale se contracte est confirmé dans un nombre grandissant de pays. » Il faudrait s’entendre sur le terme de racisme. Je prends la définition de Wikipedia, assez claire :
« Le racisme est une idéologie qui, partant du postulat de l'existence de races humaines considère que certaines races sont intrinsèquement supérieures à d’autres. »
On peut se demander si c’est le mot race en lui-même qui dérange, ou plutôt l’idée que certains groupes seraient supérieurs – avec ce qui en découle : volonté de domination, exploitation, aliénation de l’identité, suppression des droits naturels fondamentaux. C’est d’évidence la deuxième proposition qui dérange.
Race, ethnie, type, ne sont que des catégories parfois utiles, qui n’impliquent pas automatiquement de supériorité et de subordination, pas plus que les sexes et les genres entre eux.
De même la notion d’identité nationale n’implique pas une volonté de domination sur l’autre, ou une tentative d’aliénation de son identité ou de suppression de ses droits naturels fondamentaux. Il y a là un amalgame abusif. On peut revendiquer sa différence et son appartenance sans aliéner celle de l’autre.
Différence et identité
On a en Suisse les romands et les alémaniques, concurrents et concitoyens, comme en France on a des régions très différentes et concurrentes. Il n’y a pas de racisme pour autant. Il y a différence, oui. Terme mal vu semble-t-il, alors même que toute l’évolution libérale dans la société est fondée en particulier sur la reconnaissance de la différence. Sans différence, pas d’identité. Sans identité, pas d’individu responsable de ses propres actes, pas de pays administrable.
La différence commence par la frontière du corps : la peau. Toucher physiquement sans le consentement est possiblement une agression, de nos temps. Nous devons donc admettre que l’altérité suppose le respect de la limite et qu’il doit s’en suivre un apprivoisement.
Aimer l’autre sans discernement, sans d’abord respecter une distance que l’on réduira progressivement, n’est pas souhaitable. C’est ne pas reconnaître à l’autre son altérité. L’amour inconditionnel se passerait du nécessaire apprivoisement mutuel ? C’est un colonialisme émotionnel. Il faut changer cette croyance de l’accueil automatique, sans aucune discrimination (au sens originel du mot). L’égalité n’est pas au-dessus du respect.
Les stratégies antiracistes actuelles génèrent du racisme par la stigmatisation de toute parole non conforme, et par le forçage à aimer et accueillir. Elles n’enseignent pas le respect. Elles poussent à l’interdit et à la peur d’être non conforme. Elles moralisent le débat, l’enferment et l’annulent, alors que l’apprivoisement le rend nécessaire. Elle rendent suspecte toute déclaration de différence. Il y a même là un paradoxe : une organisation comme la Licra défend à la fois le droit à la différence (plaidoyer pour la diversité culturelle) en refusant l'assimilationisme, mais refuse aussi le droit à la différence.
L’antiracisme tel qu’il est pratiqué aujourd’hui est une parole de gendarme. On ne pourrait que se soumettre. Pourtant les idées antiracistes, auxquelles j’adhère, sont largement acceptées par la majorité des populations européennes. C’est donc autre chose qui se joue. Ceux des antiracistes qui ne veulent pas se laisser enfermer dans cette posture de gendarme se retrouvent soudain traités de racistes par quelques ayatollahs de circonstance. Il y a à la fois le besoin narcissique de certains d’être dans le Bien, et une bataille idéologique entre un camp qui veut être la mesure morale du monde et un autre camp qui récuse ce monopole de la morale.
Nous sommes fondés sur la différence : notre culture de liberté, notre droit basé sur le consentement, l’antiracisme originel, la décolonisation même. Nous reconnaissons et affirmons le fait que l’autre n’est pas soi. Nous agissons ensemble par consentement et contrat mutuel reconnu et exprimé. Aujourd’hui l’antiracisme s’est inversé, par je ne sais quelle opération mystérieuse. Aujourd’hui c’est en son nom qu’on stigmatise, qu’on exclut, qu’on lynche médiatiquement. De ce point de vue l’antiracisme moderne est une faute morale et une manipulation de l’opinion. Ce qui s’impose malheureusement aujourd’hui est le sophisme de l’opposition, qui consiste à dire que l’opposé d’une affirmation (je m'oppose à ce que vous dites) aboutit obligatoirement à son contraire. Cette mise en clivage n’est qu’une tentative totalitaire que nous devons dénoncer sans relâche si nous croyons encore en la liberté.
La différence a ceci de précieux que les relations sont l’objet d’un contrat. Elles sont donc basées sur le respect mutuel. Il faut donner des signes clairs de ce qu’est le respect. Et de ce qu’il n’est pas.
Par exemple des réfugiés musulmans déclarent vouloir imposer la charia dans un centre pour réfugiés allemands. Ils agressent verbalement ou physiquement des réfugiés chrétiens, sans que les autorités ne reconduisent à la frontière ceux qui propagent cette charia et cette violence. On est en droit de garder une distance par rapport à eux, et par rapport au ventre mou de l’antiracisme officiel.
Bien sûr tous ne sont pas pareils. Il ne doit pas y avoir plus d’intégristes parmi les réfugiés qu’ailleurs. On ne sait d’ailleurs pas précisément comment cela s’est produit, on n’y était pas. On peut aussi tenir compte de la déstabilisation de l’exil, de la surpopulation des centres, pour comprendre des replis identitaires que l’on pourrait aussi qualifier de racistes. Et de la difficulté à organiser des cultes de deux religions dans le même espace. Il ne s’agit donc pas de généraliser. Mais ce n’est pas à nous de comprendre : c’est à eux de s’en expliquer. Notre rôle est d’envoyer des signaux très clairs pour éviter toute reproduction ailleurs.
Autre exemple : un lycée de Bavière recommande aux élèves filles de ne plus porter de jupes courtes et délocalise des cours à cause de la présence proche d’un centre de réfugiés syriens, « pour ne pas causer de malentendu » dit son directeur en rappelant les différences culturelles avec les réfugiés d'origine musulmane. Quel malentendu ? Est-ce du racisme de sa part de considérer les musulmans syriens comme des agresseurs sexuels potentiels, ou seulement la démonstration que la différence n’est pas sans risque et que cela demande apprivoisement ? Je ne dis pas que ce directeur a tout faux. Je suis d’accord de m’habiller normalement si je reçois quelqu’un chez moi. Mais ici, passé un premier temps, les jeunes collégiennes ne sentiront-elles pas ces limitations comme une oppression culturelle due aux réfugiés ? Et combien de temps l’accepteront-elles ?
On peut, on doit aussi poser à l’autre ces questions fondamentales, qui à la fois reconnaissent notre réalité et respectent la sienne :
« Qui es-tu et que me veux-tu ? »
Pendant longtemps je donnais par principe ma foi à l’humain. Puis j’ai appris à ne pas croire en l’autre sans preuve ni vérification de sa bonne foi, enfin autant que possible.
Le respect est pour moi au-dessus de l’égalité. Il est fondateur du véritable antiracisme. Et le respect est réciproque ou n’est pas. Il ne saurait y avoir de capitulation sur ce point.
Comment sortir de cette pauvreté intellectuelle moderne ? De tant de confusion ? « Liberté, liberté » invoquerait le poète haïtien Saint-John Kauss ! Et Démosthène ajouterait : « Libre est la race des poètes ».
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