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Accueil du site > Tribune Libre > L’Arche : Entre les bourreaux et les victimes

L’Arche : Entre les bourreaux et les victimes

Meïr Waintrater, Directeur de la rédaction de L’Arche, le mensuel du judaïsme français, signe dans le n°613 de juin 2009, un éditorial très fort sur l’impossible « équilibre de traitement » dans les médias entre les bourreaux et les victimes. Ce texte lui a été inspiré par ses échanges avec un grand média national à propos de la mise en ligne d’un article portant sur la candidature turque à l’Union européenne. En effet, l’article en cause comportait (et comporte toujours) des liens vers des sites turcs francophones qui ne défendent pas seulement la position turque sur l’Europe mais qui sont surtout dédiés à la négation du génocide arménien. Ce fait avait attiré l’attention du Collectif VAN qui, dès le 26/05/2009, avait protesté auprès du média concerné en mettant M. Meïr Waintrater en copie.

Le Collectif VAN remercie ici Meïr Waintrater pour avoir exprimé en privé et en public cette « solidarité des naufragés » sans laquelle aucun combat ne peut aboutir. [Dossier L’Express Article 2] :



Légende photo : Couverture de L’Arche, le mensuel du judaïsme français. N°613 de juin 2009.


Editorial

Entre les bourreaux et les victimes

Le site internet d’un grand média national a mis récemment en ligne un dossier portant sur la candidature turque à l’Union européenne. Dans ce dossier, où étaient exposés très légitimement les arguments des « pour » et des « contre », figuraient des « liens » vers deux sites turcs francophones. Or les deux sites en question ne défendent pas seulement la position turque sur l’Europe ; ils sont aussi, et surtout, des foyers actifs de négation du génocide qui fut commis à partir d’avril 1915 sur la population arménienne de l’Empire ottoman.

La chose a attiré l’attention du Collectif VAN (Vigilance arménienne contre le négationnisme), qui a protesté auprès du média concerné. Ayant reçu une copie de la correspondance, j’ai jugé nécessaire de m’exprimer à mon tour. Cela a entraîné un échange de courriers privés dont je voudrais tenter de tirer ici une leçon publique.

Loin de moi l’idée de jeter la pierre à ce média (c’est pourquoi je n’indique pas son nom). Quand son rédacteur en chef écrit que sa position sur le génocide arménien « est sans ambiguïté », je ne mets pas une seconde sa parole en doute. Mais quand il affirme traiter la question du génocide arménien « avec équilibre », j’éprouve un sentiment de gêne.

L’équilibre est un grand principe journalistique, hélas trop peu respecté, qui consiste à faire entendre les points de vue les plus divers, pour éventuellement conclure ou laisser le lecteur se forger sa propre opinion.

Mais s’il est vrai qu’au nom de l’équilibre on doit donner la parole à tous, il est du devoir de chaque média de « qualifier » les sources extérieures auxquelles il renvoie ses lecteurs, en précisant leur positionnement, voire leur fiabilité. La presse écrite le fait généralement. Cependant, sur des sites internet pratiquant le recours systématique aux « liens », cette règle de bonne conduite est le plus souvent absente ou inopérante.

Par ailleurs, l’« équilibre » n’est pas un principe sacro-saint. Pourrait-on, au nom de l’équilibre, répartir également le temps de parole, ou l’espace éditorial, entre les racistes et les non-racistes ? Non, bien sûr. La quasi totalité des médias n’y songeraient pas. Et sur les forums de discussion d’internet, qui sont pollués par des propos racistes, les rédactions sont censées veiller au grain.

Le principe de l’équilibre pose problème sur d’autres sujets que le racisme. De sujets essentiels à notre vie en commun. Ainsi, qu’il s’agisse du génocide des Arméniens, ou de la Shoah, ou du génocide des Tutsi au Rwanda, il me paraît impossible de maintenir ne serait-ce qu’un semblant d’équilibre entre les bourreaux et les victimes.

Jadis, aux débuts des grands débats radiophoniques, la caricature de l’équilibre journalistique s’énonçait ainsi : « Cinq minutes pour les Juifs, cinq minutes pour Hitler ». Maintenant, à l’heure d’internet, cela risque de devenir : « Deux clics pour les Arméniens, deux clics pour Talat Pacha ». (Talat Pacha, un dirigeant du mouvement des « Jeunes-Turcs » qui fut notamment ministre de l’intérieur au sein du gouvernement ottoman, joua un rôle central dans le génocide des Arméniens.)

Bien sûr, la liberté d’expression doit être préservée, et la presse doit faire son travail en toute indépendance. Mais certains discours sont inadmissibles parce qu’ils remettent en cause des valeurs fondamentales sans lesquelles il n’y a pas de société humaine. Le discours raciste et antisémite en fait partie ; la négation des génocides aussi, et pour les mêmes raisons.
 
Meïr Waintrater
L’Arche n°613/juin 2009


Lire aussi : Dossier « L’Express » - 4 autres articles préparés par le Collectif VAN,
à lire avec attention :



Propagation du racisme et du négationnisme sur internet

Génocide arménien : Meïr Waintrater sur radio RCJ

La "Solidarité des naufragés" n’est pas un vain mot

L’Express : le négationnisme, un point de vue comme un autre ?


Le Collectif VAN conseille également la lecture de cette étude :

La Négation du Génocide Arménien sur Internet - Par Gilles Karmasyn

Revue d’histoire de la Shoah, no 177-178, janvier-août 2003


Moyenne des avis sur cet article :  1.57/5   (21 votes)




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12 réactions à cet article    


  • MarcDS MarcDS 4 août 2009 16:14

    Je n’ai visité que turquieeuropeenne.eu, et j’ai peut-être mal regardé ; toujours est-il que je n’ai trouvé aucune négation du génocide arménien sur ce site. A moins que les appels à la réconciliation des deux peuples (qui sont eux mis en exergue) ne soient considérés comme tels ?


    • Serviteur Serviteur 4 août 2009 18:39

      "Par ailleurs, l’« équilibre » n’est pas un principe sacro-saint. Pourrait-on, au nom de l’équilibre, répartir également le temps de parole, ou l’espace éditorial, entre les racistes et les non-racistes ? Non, bien sûr. La quasi totalité des médias n’y songeraient pas. Et sur les forums de discussion d’internet, qui sont pollués par des propos racistes, les rédactions sont censées veiller au grain.« 

      (Je réagis juste à cet extrait, l’article en lui même étant suffisamment équilibré à mon gout).

      Réaction donc :

      1) l’équilibre devrait être un »principe sacro saint" en tout chose ça éviterais pas mal d’emmerde à notre espèce.

      2) Répartir également le temps de parole entre racistes et non racistes conduirait inéluctablement a la disparition du racisme puisque dans un débat le non raciste a tellement plus d’argument à avancer que le raciste (qui grosso modo s’en tiendra à des variations : mais il est différent de moi heurk ! ) + le non raciste sera dans une position moralement favorable qui lui permettra de dominer le débat.

      3) Sur internet si la censure des messages racistes est la règle c’est plus pour des questions de légalités (merci à toutes ces merveilleuses lois qui empêche la confrontation directe avec les porteurs d’idées nauséabondes) que par souci de protéger les victimes ; on passe un coup de blanc sur ce qui nous dérange et on continue sans attendre plutôt que de s’arrêter et de mettre le raciste le nez dans ses déjections.

      Voilà c’était mon opinion sur un détail de l’article, je sais pas si ça vaut grand chose mais c’est la mienne smiley.


      • Walden Walden 5 août 2009 09:11

        Je serais assez d’accord si malheureusement les esprits n’étaient pas si perméables aux arguments irrationnels (qui constituent l’essentiel du contenu des propos racistes), et si davantage de hérauts de la raison s’attachaient à démonter l’absurdité des messages racistes : or on entend trop souvent les contempteurs du racisme s’en tenir à des pétitions de principe (faute de moyens réthoriques ?) - ce qui fait malheureusement le jeu du discours victimaire de l’extrême-droite.


      • Bois-Guisbert 5 août 2009 10:17

        Répartir également le temps de parole entre racistes et non racistes conduirait inéluctablement a la disparition du racisme puisque dans un débat le non raciste a tellement plus d’argument à avancer que le raciste

        C’est loin d’être sûr, parce que les arguments du raciste reposent très souvent sur l’image que les cibles du racisme donnent d’elles-mêmes. Et là, pour approvisionner le débat pratiquement à l’infini, il suffit de reprendre des faits rapportés quotidiennement par les médias...


      • Walden Walden 5 août 2009 10:44

        « (...) les arguments du raciste reposent très souvent sur l’image que les cibles du racisme donnent d’elles-mêmes (...) il suffit de reprendre des faits rapportés quotidiennement par les médias... »

        De fait, on ne saurait plus simplement souligner que « l’image des cibles du racisme » n’est pas donnée par elles-mêmes, mais bien par les médias... puis bien sûr par les amalgames que font les racistes à partir de clichés largement véhiculés.


      • Bois-Guisbert 5 août 2009 16:02

        n’est pas donnée par elles-mêmes, mais bien par les médias...

        C’est quand même difficile de les obliger à s’autocensurer... Parce que la censure stricto sensu requerrait des structures extrêmement lourdes...


      • Walden Walden 5 août 2009 09:31

        Apparemment vous n’avez pas compris que cet article ne focalise pas sur « la shoah », mais pose la question de l’impossible équivalence entre parole des bourreaux et des victimes de génocides ?

        D’autre part, si mettre en avant « la shoah » pour justifier aujourd’hui des actions violentes, qu’elles soient militaires ou de colonisation, n’est pas acceptable, à l’inverse, le propos qui consiste à mettre en avant des dérives actuelles du sionisme pour prétendre occulter le crime contre l’humanité constitué par la « solution finale » (sous le prétexte réïtéré « qu’il s’est passé il y a 60 ans »  !) apparaît absolument odieux. En se souvenant de ce proche passé, il ne s’agit pas de « faire culpabiliser » (à moins d’avoir des raisons pour ça ?), mais de rappeler à tous que ce qui est possible une fois reste toujours possible.

        A part ça, sur les lois qui prétendent faire primer l’autorité figée du Droit sur le rendu de l’Histoire en mouvement , je suis d’accord : elles se fourvoient complètement. La recherche de la vérité historique ne peut être conditionnée par une position dictée officiellement. C’est d’autant plus inadéquat que les arguments négationnistes ne tiennent pas debout face aux quantités de témoignages recueillis qui attestent de la réalité de l’extermination dans les camps.


      • deniz 4 août 2009 23:18

        Je proteste l’utilisation de Agora vox pour la propagande Arménienne

         

        A la fin ça devient insupportable cette haine des turcs

         

        Agora vox doit IMMEDIATEMENT cessé de publier ce genre d’articles

         

        Mais où va-t-on ainsi


        • ALEXANDER 5 août 2009 00:32

          Des articles toujours aussi étranges


          • King Bounty 5 août 2009 11:07

            j ai décidé , moi , aussi, de ne plus accorder le moindre crédit a la l hypothèse de la shoah tant que les historiens ne seront pas libre d etudier cette periode et de publier leurs travaux !
            Et inutile de me menaçer de poursuites sionistes je vous e.....de !!
            Comme j e....de les lois consacrées a cette periode !!


            • W.Best fonzibrain 5 août 2009 13:09

              trop raison bounty,sans liberté ça ne sert à rien de penser



              • John Eastwood 2 John Eastwood 2 5 août 2009 15:30

                Tout à fait d’accord avec l’auteur, un journaliste ne peut pas traiter avec équilibre les deux acteurs d’un génocide.

                Un journaliste doit respecter cet équilibre pour commenter un match de football par exemple ou un duel de politiciens en pleine campagne, mais ils ne peuvent respecter ce même équilibre quand un puissant écrase un faible.

                Le collectif VAN doit donc user de ses bonnes relations pour que la France cesse d’aider l’armée Israélienne dans son génocide contre les Palestiniens et refuse d’accueillir à nouveau les dirigeants de ce gouvernement sur son sol tant que l’expansion continue et que le négationnisme de ce génocide perdure dans les médias.

                Il n’est pas normal que les seuls articles qui sortent sur ce sujet soient directement écrits ou au mieux censurés par les services de presse de ce gouvernement assassin qui veille à ce qu’aucun journaliste ne puisse faire son travail.
                 
                La dernière attaque de GAZA n’était ni UNE RIPOSTE, ni DE LA DEFENSE, mais bien une attaque meurtrière qui rentre dans la stratégie d’expansion d’Israël et du génocide de la culture islamique. Cette guerre contre des réfugiés aura tué plus d’enfants que de rebelles armés, d’ailleurs aucune douille n’a été trouvée dans le camp exterminé, la preuve que nous parlons bien d’un génocide.

                La moitié des soldats Israéliens tués (5 personnes) ou été tués par leurs propres tirs. Ils se tuent autant par erreur autant que leur ennemi ne les tue, et ils veulent le rôle de victime ?

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