L’électeur est-il un gogo ?
Gogo : homme crédule et niais, facile à tromper. Telle est la définition du Petit Robert. Dans cet esprit, depuis le 6 mai 2007, l’électeur français a entendu tout et le contraire de tout. Il y en a eu pour tout le monde. Nous devrions donc être contents. Que nenni, car tout et son contraire, touche finalement notre sacro-saint portefeuille. Et là, chaque électeur, dont nous sommes naturellement, se demande si les politiques le prennent pour un gogo... comme d’habitude. Quel est donc le motif de notre questionnement un peu courroucé ?
Nicolas Sarkozy promettait durant sa campagne monts et merveilles, croissance, baisse d’impôts, plus de travail, plus de salaire et la fameuse rupture d’avec le passé - entendu politicien bien sûr. Même les électeurs de Ségolène y ont peut-être cru malgré leur défaite. Après tout, il était jeune, vif et tellement dynamique, le nouveau président. Il semblait si différent des autres, des anciens.
Mais, le vent commence à tourner dès l’annonce des 15 milliards de cadeaux fiscaux faite en juillet. Cadeaux qui avaient une cible finalement assez réduite. Le Conseil constitutionnel ayant refusé le cadeau principal attendu par cinq millions de Français. Celui qui aurait permis de déduire ses intérêts d’emprunt durant cinq ans. Le motif du refus est simple, voire très basique : une loi n’est jamais rétroactive. Comment Nicolas Sarkozy, brillant avocat de formation et de profession, pouvait avoir ignoré, durant toute sa campagne, ce point de droit si élémentaire et, le promettre quand même ? Sur cinq millions de Français qui comptaient sur cette mesure, combien avaient voté Sarkozy, uniquement pour cela... et l’énergie de son porteur ? Ont-ils été pris pour des gogos ?
Puis, le vent continue à tourner quand, début septembre, la ministre Christine Lagarde annonce imprudemment que les caisses sont vides et qu’un plan de rigueur est inévitable. Dès le lendemain, sur ordre de Nicolas Sarkozy, François Fillon dénonce les propos de sa ministre. Qui dit vrai ? La ministre bien sûr, car sa compétence n’a jamais été mise en doute alors qu’elle était présidente du plus grand cabinet d’avocats de la planète, à New York ! Mais, nouvelle en politique, elle ne sait pas ce qu’il faut surtout ne jamais dire à l’électeur. Gogo oui, mais à prendre avec précaution, une certaine discrétion et une constance nuancée dans le propos. Il ne faut pas dire par exemple "plan de rigueur". Les mots d’ "ajustement conjoncturel" sont plus pertinents. Il ne faut pas dire "expulsion" mais "éloignement" car, ce mot moins précis, sorti de son contexte, peut même être sympathique. La ministre Lagarde doit donc rapidement apprendre les mots du dictionnaire du bon politique. Le politique, celui qui dure, bien sûr. Qui dure et dure encore. Des décennies. Dans le cas contraire, le retour de bouton, celui du gogo, est souvent frappé d’un bon sens foudroyant. Poussant, alors, le ou la politique à réapprendre son vocabulaire pour avoir ses chances, la prochaine fois.
Malgré cela, François Fillon, pourtant politique et politicien averti et brillant, a décidé d’ignorer le conseil qu’il venait justement de prodiguer à sa ministre des Finances. Après l’avoir désavouée publiquement, il va, le 21 septembre 2007, aller dans son sens et même renchérir : la France est en faillite ! La sortie des 15 derniers milliards d’euros, a vidé les caisses. Catastrophe ! Le mot "faillite" n’est pourtant pas dans le fameux dictionnaire. Un plan d’austérité est donc bien prévu. Ainsi, l’électeur, gogo ou pas, est prévenu. Seule la date de mise en œuvre du plan est encore à déterminer.
Les coups de bouton vont donc bien succéder aux imprudents cadeaux fiscaux. L’électeur a finalement encore été pris pour un enfant, un demeuré, un gogo, à qui on peut dire une nouvelle fois et en quelques jours, tout et son contraire. Qu’importe disait en privé un grand personnage, un très grand, de la Ve République : "l’électeur est un veau". Il suffira simplement, la prochaine fois, de lui faire encore des promesses. Des toutes nouvelles naturellement. Totalement inédites, afin qu’il y croit à nouveau... le bougre !
Oui, en France, l’électeur semble être habitué à cela. Déjà en 1981, on lui avait promis la lune. En plein boum du chômage, on avait même créé un ministère du Temps libre. Deux ans plus tard, c’était la mise en œuvre d’un plan de rigueur sans précédent, et la déconnexion des salaires de l’inflation. En 1995, on lui annonce, à droite, la fameuse "réduction de la fracture sociale" agrémentée, à gauche, du trop fameux "travailler moins pour que la France gagne plus" !
Quand donc nos politiques feront-ils table rase de la phrase d’Aristide Briand qui disait à propos de l’un de ses collègues politiciens : "il est capable de mentir même quand cela est inutile" ?
Alors, Monsieur le président, inutile de nous mentir. Nous ne sommes pas des gogos !
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