L’entrée du Royaume-Uni dans l’Union Européenne faisait-elle partie d’un plan ? (première partie)
Alors que depuis des semaines l’on nous bassine jusqu’à plus soif avec ce que certains appellent le Brexit, qu’en bon français nous devrions tous, et sans exception SVP, appeler « la sortie du Royaume-Uni (de l’U.E.) », l’on se garde bien — et pour cause — d’aborder certains aspects qu’il vaut mieux cacher au bon peuple, français en l’occurrence : il s’agit notamment du débat politique sur l’opportunité ou non pour la France de sortir de l’Union Européenne. Débat absolument interdit sur les médias dominants.
« Circulez, y a rien à voir ! » comme aurait dit Coluche.
Mais s’agissant de la sortie du Royaume-Uni (R.U.), puisque celle-ci est d’actualité, il y a une autre question taboue : elle concerne les aspects linguistiques de cette affaire.
A priori ce second point, que nous allons exposer ici, pourrait apparaître comme étant de la fiction. Peut-être même que certains lecteurs, pourtant bien au fait de tout se qui se trame dans notre dos, avec toute la désinformation dont l’oligarchie euro-atlantiste est capable, auront du mal à nous suivre sur cette question. Et pourtant…
D'autres, totalement victimes du système, ou bien en étant ses porte-voix, nous taxeront de complotistes... Peu importe. Après tout, c’est leur droit, et nous en acceptons le risque au nom de la liberté d’expression. Et ce d’autant plus que nous allons parler d’une guerre dont on ne parle jamais, une guerre de l’intelligence, une manipulation des savoirs, un formatage des cerveaux. Cette guerre dont les protagonistes sont des maîtres en la matière, une guerre moderne qui peut se résumer ainsi : utiliser tous les moyens pour imposer l’anglais à la Terre entière, et ce pour le seul bénéfice du pays qui a décidé de devenir l’empire : nous avons nommé les États-Unis d'Amérique (EUA) — et aussi leur supplétif, le Royaume-Uni.
Nous sommes à la fin de la Seconde Guerre mondiale, les EUA sont un des quatre alliés vainqueurs de cette guerre. Trois sont dans le camp occidental, le quatrième étant l’URSS, qui de fait est celui qui aura été la cause principale de la défaite du IIIe Reich.
En effet, c’est bien dans les steppes de la Russie qu’Hitler a perdu la guerre. Et on voit mal comment, et pourquoi, l’Armée rouge n’aurait pu continuer de saigner à blanc la Wehrmacht, et ce au moins jusqu’à Berlin (N.B. : Rappelons que le 6 juin 1944 le front de l'Est se trouve revenu en gros au niveau des positions tenues par les deux belligérants le 22 juin 1941, date du déclenchement de l’Opération Barberousse, et qu’en certains endroits l’Armée rouge est même déjà au-delà, vers l’Ouest).
Le débarquement du 6 juin 1944, ouvre le second front. Ce fameux second front que Staline réclamait depuis bientôt trois ans. Et, contrairement à ce que chantait Michel Sardou, si les Ricains n’étaient pas là, nous serions tous non pas en Germanie mais en URSS. Du moins à la fin de 1945.
Mais l’histoire en a décidé autrement.
Donc, quatre vainqueurs.
S’agissant des trois premiers alliés, deux ont la même langue en partage. Quant à l’autre, la France, il a quasiment disparu de la scène internationale pendant quatre ans, et il s’en est même fallu de peu pour que notre pays terminât la guerre dans le camp des vaincus, compte tenu de l’attitude de Vichy. Mais par chance, un homme providentiel, Charles de Gaulle, permit à notre pays de sauver son honneur et de figurer du bon côté de la table, lors des signatures de fin de conflit. Du bon côté de la table grâce aussi au sang des Français, mais également à celui des troupes issues de l’empire colonial, il ne faut jamais l’oublier.
Or, à cette époque deux langues ont un rayonnement international, et sont de fait parlées sur les cinq continents. Il s’agit de l’anglais et du français.
Pour les dirigeants états-uniens, c'était insupportable : il fallait mettre un terme à cette parité, c'est-à-dire évincer le rival. La diffusion mondiale de notre langue faisait trop d’ombre à l’anglais. Et aussi à leurs intérêts.
Comment faire alors, pour ne pas heurter les oppositions, inévitables à l’époque, et être efficace ? Agir tout simplement dans la discrétion et miser sur le temps, c'est-à-dire sur le remplacement des générations, afin que peu à peu quelque chose d’impossible, d'inacceptable au départ puisse apparaître comme normal par la suite ; autrement dit coulant de source pour les générations à suivre. En sorte, un plan caché, secret, sur cinquante à cent ans.
On sait maintenant que c’est exactement comme cela qu’agirent les EUA s’agissant de l’imposition de l’idée comme quoi il fallait créer une Union Européenne, avec une monnaie unique. Dans le secret.
Il suffit d’écouter les politicards actuels pour entendre les poncifs du style : « L’UE, c’est la paix depuis 1945 », « Le but de l’UE, c’est de faire contrepoids aux EUA », etc.
Or, tout cela est factuellement inexact.
Les journalistes aussi. Pas plus tard que le 8 juin 2016, David Pujadas déclarait sur France 2 (à 20H28) que « le débarquement des alliés en Normandie, le 6 juin 1944, [était le] tournant de la guerre... »
Là encore, c’est faire peu de cas des batailles de Stalingrad, de Koursk, etc.
S’agissant du rôle des EUA dans la construction européenne, des textes prouvent désormais tous leurs agissements dans l’ombre, à la suite du déclassement d’archives tenues secrètes pendant vingt ans
Oui on le sait, mais après coup. Et toujours trop tard, du moins bien tard. Le mal est déjà fait. Et reconnaissons-le, c’est assez bien joué de la part de nos prétendus amis états-uniens. Quand on voit la cohorte de Français qui de bonne foi sont aujourd'hui totalement acquis à l'anglais, allant pour certains d'entre eux jusqu'à ne plus être capables de tenir une conversation autrement qu'avec des mots anglais — alors que les mots français existent, et qu'ils les connaissent — on ne peut dire qu'une chose aux Amerloks : Chapeau, les gars ! Vachement bien joué, les mecs !
(N.B. : Nous reviendrons bien entendu sur cette situation, et sur ses conséquences, dans la prochaine partie)
(Photo d'une diapositive extraite d'une conférence de François Asselineau, le président fondateur de l’UPR, lui qui se garde bien de parler des sujets qui nous intéressent aujourd'hui, à l'image, reconnaissons-le, de tous les hommes politiques français. Pourtant le monsieur se déclare attaché à la défense de la langue française... Serait-il lui aussi une victime de ce plan secret ?)
De Gaulle, qui toute sa vie s’est fait une certaine idée de la France, le savait-il ? Probablement pas, puisque c’était secret. Gageons qu’il subodorait quelque piège, et c’est sans doute une des raisons qui le conduisirent à mettre son véto à la poursuite des négociations avec la Grand-Bretagne, une fois que cette dernière eut décidé en 1961 de vouloir entrer à son tour dans la Communauté économique européenne, comme on disait à l’époque.
Alors pourquoi imposer l’anglais ?
Peu de gens en ont conscience, mais comme l’a très bien dit la linguiste Henriette Walter, « une langue, c’est une vision du monde ». Nous avons tous un cerveau formaté par les structures syntaxiques de notre langue maternelle. Un Français ne voit pas exactement les choses de la même façon qu'un Russe, un Allemand, un Anglais ou un Chinois. C'est ainsi.
Et les EUA l’avaient bien compris : en imposant l’anglais ils voulaient — et ils sont en passe d’avoir réussi — façonner le monde à la mode anglo-américaine, afin de mieux le dominer.
C’est le professeur Robert Phillipson qui a découvert toute cette affaire. Linguiste britannique, il a pu avoir accès à des archives du British Council et notamment au rapport secret de l’Anglo-American Conference qui eut lieu à Cambridge en 1961.
Selon Wikipedia, il y eut un rapport final. Et public. Mais Phillipson découvrit qu’il y en eut un autre, secret celui-là.
Alors que dit ce rapport secret ?
Écoutons Robert Phillipson :
« L’anglais pour transformer l’univers des étudiants » : Une clarification du rapport de la conférence anglo-américaine de 1961
Dans mon livre Linguistic imperialism (L’impérialisme linguistique), publié par Oxford University Press en 1992, j’analyse comment l’anglais est devenu si puissant à travers le monde. Le livre rend compte d’un nombre substantiel de documents politiques britanniques et états-uniens relatifs à la promotion de l’anglais comme instrument clef de la politique étrangère.
Les stratégies politiques des EUA pour établir leur domination mondiale sont explicites depuis les années 1940. Des subventions massives sont venues du gouvernement états-unien et du secteur privé. Par exemple, au milieu des années 1960, la Fondation Ford finançait des projets pour renforcer l’anglais dans 38 pays. Un livre récent sur la « guerre froide culturelle » décrit les activités de la CIA en Europe pour essayer d’influencer les universitaires, les journalistes et le monde culturel.
Le British Council était l’instrument majeur pour la diplomatie culturelle et l’enseignement de l’anglais à l’échelon mondial. Depuis les années 1950 il existe une stratégie britannique pour faire de l’anglais une « langue mondiale », la principale seconde langue partout où il n’est pas déjà la première.
La nécessité était évidente pour les Britanniques et les Américains de coordonner leur implication dans le développement de l’enseignement de l’anglais à l’échelon mondial. L’infrastructure universitaire pour « L’anglais en tant que seconde langue » et la nouvelle spécialité de « Linguistique appliquée » avaient besoin d’être construites en partant pratiquement de zéro. Les gouvernements devaient réduire l’élément de concurrence entre les deux pays qui, comme l’a dit George Bernard Shaw, sont « séparés par une langue commune ». Les EUA et le Royaume-Uni poursuivaient en gros des buts similaires. Il leur fallait échanger des informations sur la formation des enseignants, le développement des programmes et le matériel pédagogique, et sur leur politique d’enseignement scolaire et universitaire.
Les actions britanniques furent discutées lors d’une conférence à Oxford en 1955, à laquelle le gouvernement états-unien fut invité à envoyer des délégués. Une conférence eut lieu à Washington en 1959, à laquelle assistèrent cinq participants britanniques. Voir le rapport détaillé publié par le Centre de Linguistique Appliquée, Actes de la conférence sur l’enseignement de l’anglais à l’étranger. (Mai 1959).
La conférence suivante se tint à Cambridge en 1961, encore avec la participation des EUA. Contrairement à la conférence de 1959, aucun rapport ne fut produit à destination du public. Un rapport interne confidentiel fut écrit pour le British Council, dont j’ai reçu la permission de citer des extraits dans mon livre. La finalité du rapport était de démontrer que le champ de l’enseignement de l’anglais dans le monde était en train d’acquérir une respectabilité universitaire des deux côtés de l’Atlantique, et méritait une augmentation des subventions gouvernementales. Ce rapport n’était pas destiné à une large diffusion. Il est donc plutôt plus franc et plus explicite sur les finalités politiques que ne le seraient des spécialistes des langues discutant de sujets professionnels. Les principaux participants sont donc cités pour ce qui suit :
L’enseignement de l’anglais à des locuteurs non natifs peut transformer de façon permanente toute la perception du monde de ceux qui l’étudient. Si et quand une nouvelle langue devient vraiment opérationnelle dans un pays sous-développé, le monde des étudiants s’en trouve restructuré. Un Ministère de l’Éducation – sous la pression nationaliste – peut ne pas être bon juge des intérêts d’un pays... Un esprit nationaliste pourrait ruiner tout espoir de l’anglais comme seconde langue. L’anglais est devenu non seulement le représentant de la pensée et des sentiments contemporains du monde anglophone mais encore un vecteur de toute la tradition humaine en voie de développement : du meilleur (et du pire) qui ait été pensé et ressenti par l’homme depuis que l’on écrit l’histoire.
C’est là une raison d’être de l’impérialisme linguistique de l’anglais, pour tous, et tout le temps. Celui-ci prétend que l’anglais est la seule langue dont le monde moderne ait besoin. Il affirme que des pays nouvellement indépendants peuvent, pour des raisons nationalistes, manquer de jugement au point de résister à l’anglais, et qu’en de tels cas, on doit passer outre leur volonté. Ceci dans l’intérêt politique et commercial des pays anglophones.
Cette politique représente un plan pour étendre à l’échelon mondial les politiques de monolinguisme qui furent conduites au Royaume-Uni et aux EUA aux dix-neuvième et vingtième siècles (politiques qui réussirent à restreindre mais pas à éliminer la diversité linguistique). La position a été plus ou moins similaire en France depuis la Révolution. Les efforts français pour promouvoir le français comme langue mondiale, en concurrence avec les Britanniques et les États-uniens, sont présentés dans Daniel Coste, Aspects d’une politique de diffusion du français langue étrangère depuis 1945, matériaux pour une histoire (Hatier, 1984).
Le lecteur jugera du caractère quelque peu arrogant employé par les rédacteurs de ce rapport, notamment avec la phrase suivante : l’anglais est la seule langue dont le monde moderne ait besoin.(sic)
En mai 2009, j’ai pu entrer en contact avec Robert Phillipson. Il m’a fort aimablement répondu par courriel, et en français SVP, ce qui suit :
« Routledge [c’est son éditeur] a pris contact avec des maisons d’édition françaises après la parution de mon livre en 2003, mais sans succès. Une des raisons dont je me souviens était que le sujet était déjà bien étudié par des écrivains français, ce qui n’est pas du tout le cas. »
C’est ainsi qu’aucun des livres écrits par Phillipson, (Linguistic Imperialism (1992), English-Only Europe (2003) et (Linguistic Imperialism Continued (2009) n’est encore disponible en français. Les thèses défendues par ce linguiste britannique, dérangeraient-elles quelques tireurs de ficelles en France ?
(Fin de la première partie.)
Photo du chapeau : François Ier et un extrait de l'Édit de Villers-Cotterêts, qu'il promulga en août 1539 pour ordonner que tous les documents officiels fussent désormais rédigés « en français et non autrement », et François Hollande faisant un discours le 8 août 2013 devant une entreprise française sans s'émouvoir du fait que la communication de cette entreprise française baptisée Ixblue se fasse en anglais. En sorte, d'un François à l'autre...
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