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Accueil du site > Tribune Libre > L’éthique individuelle : un bien d’utilité publique (...)

L’éthique individuelle : un bien d’utilité publique ?

En des temps où l’éthique a plutôt tendance à servir de « moraline » pour soulager la conscience des décideurs de tout poil, une fondation reconnue d’utilité publique a réussi à faire entendre aux plus hautes instances de l’Etat un message simple : il est urgent de travailler collectivement au développement de la conscience éthique individuelle.

La Fondation Ostad Elahi - Ethique et solidarité humaine a récemment célébré ses dix ans d’existence. Cet événement doit retenir notre attention. Avec le recul, et pour avoir suivi un certain nombre d’activités de la Fondation ces dernières années, l’originalité de cette institution m’apparaît plus nettement, en même temps que son absolue singularité dans le paysage contemporain. En des temps où l’éthique, quand elle ne se confond pas purement et simplement avec une langue de bois édifiante, a plutôt tendance à servir de « moraline » pour soulager la conscience des décideurs de tout poil, amateurs de chartes et de comités consultatifs, cette fondation reconnue d’utilité publique a réussi à faire entendre aux plus hautes instances de l’Etat, mais aussi et de plus en plus, auprès d’un public large et motivé, une chose à la fois évidente et décisive : le développement de la conscience éthique est, pour chacun, un enjeu pratique.

J’insiste sur ces deux termes : « conscience » (individuelle) et « pratique » (individuelle). C’est là, dans la reconnaissance publique des enjeux concrets de l’éthique individuelle, que réside tout l’intérêt de l’entreprise, et c’est ce que fait bien voir un petit film de présentation réalisé par la Fondation :
 

 

Il est question de la recherche en éthique, de son enseignement et de sa diffusion. Mais il ne s’agit pas, une fois de plus, de réfléchir en termes généraux à de nouvelles normes d’action collective, pas plus qu’il ne s’agit d’examiner les théories éthiques existantes d’un point de vue strictement philosophique ou universitaire (ce qui est sans doute nécessaire par ailleurs). La Fondation se propose d’aller « au fond des choses » : chacune de ses activités – des guides pratiques publiés dans la collection « Ethique au quotidien » à L’Harmattan, aux journées de la solidarité humaine qui ont lieu chaque année autour du 11 septembre – apparaît en ce sens comme un « module de sensibilisation à l’éthique ». C’est de l’agit-prop éthique, si l’on veut, mais doublée d’une véritable ambition de recherche collaborative, qui touche aux racines humaines (anthropologiques, psychologiques, morales, spirituelles) du problème. Quel est ce problème, et pourquoi nous concerne-t-il tous ? On peut le formuler très simplement : l’humanité est éthiquement – et pas seulement politiquement, économiquement, socialement – « dysfonctionnelle », comme diraient les Américains.

S’il est bien question de « pratique », on comprend par ailleurs qu’il ne s’agit pas de relayer simplement des initiatives charitables, humanitaires ou autres, qui relèvent généralement des formes sociales ou socialisées de l’éthique et de la solidarité. Plus profondément, j’ai le sentiment que, depuis dix ans, cette fondation, avec l’aide de ses différents partenaires et collaborateurs, œuvre à dégager les conditions d’une prise de conscience individuelle du caractère réellement vital de l’éthique. Bahram Elahi, son président, l’affirme sans détour : l’objectif principal de la fondation est d’« inciter les hommes à avoir un comportement éthique, par pure humanité », et ce afin « qu’ils se rapprochent et se tolèrent mieux [entre eux] ». Ce n’est pas rien ! Et si les notions qui circulent ici et là dans les discours et les présentations (« éthique », « solidarité », « spirituel »), de même que les moyens mis en œuvre (colloques, séminaires, enquêtes, entretiens, publications, bourses et prix) n’ont rien de particulièrement révolutionnaire en soi, l’orientation générale me paraît, quant à elle, absolument nouvelle.

Dans le contexte houleux des débats sur la laïcité, n’y a-t-il pas quelque chose de réjouissant, en tout cas de rafraîchissant, à voir un ancien responsable des fondations au Ministère de l’intérieur, un conseiller d’Etat, ou encore un professeur émérite de philosophie à la Sorbonne, évoquer avec enthousiasme le projet d’une fondation portant le nom d’« un magistrat » qui fut aussi « un philosophe », « un penseur, un sage », « une grande figure du spirituel » – et qui plus est iranien ! Les interlocuteurs officiels, ceux qui ont eu, à l’époque, la responsabilité d’évaluer le dossier de la Fondation pour lui accorder la reconnaissance d’utilité publique, sont unanimes à reconnaître qu’il y a là quelque chose d’inhabituel et de particulièrement stimulant. Comme le dit le conseiller d’Etat Marcel Pochard, placer au cœur des questions l’enjeu de la « compréhension entre les êtres à leur niveau spirituel », « c’était une approche très nouvelle ». C’est le moins qu’on puisse dire, et c’est précisément là ce qui faisait, selon lui, « son très grand attrait pour le Conseil d’Etat »… Le philosophe émérite parle quant à lui d’un « spiritualisme concret », « incarné dans notre époque », et encore – dans la langue de Hegel qu’il maîtrise comme nul autre – d’« une éthique qui se réfléchit et qui s’adresse en sa réflexion à tous ».

Il faut dire que, contrairement à d’autres initiatives qui pourraient sembler partager la même vocation, la démarche de cette fondation est délibérément non dogmatique et déliée de toute attache confessionnelle particulière. Dans le discours prononcé à l’occasion de la cérémonie du dixième anniversaire, Bahram Elahi évoque « une éthique universelle, praticable par tous, quelles que soient leurs croyances et leur origine » :

 

Je recommande à ceux qui voudraient voir à quoi correspond, concrètement, une telle démarche, un petit tour sur le site de la Fondation, à la rubrique « L’Ethique, parlons-en ! ». Ils y trouveront une vingtaine d’entretiens vidéo sur des thèmes aussi divers que la dignité, la maîtrise de soi, la gratitude, la persévérance, la motivation, la vie de couple ou le rapport à la mort. Des personnalités issues de différents domaines, de Claudie Haigneré à Bernard Stiegler en passant par Guy Bedos ou Anne Roumanoff, y sont invités à s’exprimer en leur nom, en sondant leur expérience personnelle, sur la signification et l’importance qu’ils accordent à un terme (« éthique ») qui, reconnaissons-le, est de plus en plus galvaudé. Une brochure en retranscrit quelques morceaux choisis. Elle s’ouvre (« A comme Action ») sur cette parole forte du philosophe Ali Benmakhlouf : «  On pense toujours qu’il faut faire le bien mais, parfois, il faut simplement éviter quelque chose qui perturbe  ». Voilà déjà un beau programme de recherche en éthique : comprendre ce que signifie, en chacun et pour chacun, « ce qui perturbe ». N’est-ce pas justement sur cette prémisse que s’est développé le projet d’Ostad Elahi, celui d’une éthique qui serait une « médecine de l’âme » ?

La diversité des voix représentées par les vignettes vidéo et les entretiens manifeste aussi ceci : s’il est urgent de réfléchir collectivement aux enjeux individuels de l’éthique, aucun discours d’autorité, aucune idéologie constituée ne peut se substituer à une réflexion et un engagement personnels. Comme le dit justement Bernard Stiegler dans l’un de ces entretiens : « L’être éthique est un être absolument singulier. Personne ne peut lui donner sa loi. Il est toujours, à un moment donné, confronté à une situation où il n’y a pas de règle. Il faut qu’il se débrouille, il faut qu’il invente ». Voilà ce qu’on peut espérer de la Fondation Ostad Elahi : qu’elle nous aide à trouver un peu de courage, et surtout de nouvelles idées, pour inventer.

Crédit image : La convergence éthique


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26 réactions à cet article    


  • clostra 18 mai 2010 10:13

    L’éthique est une démarche ce qui la différencie de la morale. Ne pourrait-on dire que l’éthique est une expérimentation morale. Elle autorise les essais et les erreurs.
    Voici le débat éthique sur lequel j’ai débuté ma journée :
    Afficionada des bains quotidiens qui provoquent la détente, voire la méditation, est-il préférable de « gaspiller » de l’eau ou de la polluer avec des molécules pharmaceutiques ?
    (évidemment, je garde ma réponse mais je m’attends un jour à l’arrivée de la police de l’EAU (chaude de surcroît) qui trouve ses sources (d’eau ? de gaspies, de gros soussous ?) dans un fichier dérobé à ma compagnie des Eaux.
    Si on regarde bien les politiques (les tendances) actuelles, aucune place n’est faite au « libre arbitre », une énorme place est faite aux palabres de toutes sortes : « vous voyez, je suis éthique puisque j’organise, je reçois, je participe aux débats éthiques »
    Dans l’éthique, la place est faite au débat.
    Le reste est sous vidéo surveillance...


    • Immyr Immyr 18 mai 2010 12:48

      Ostad Elahi... un nom revenu de ma jeunesse. Quand j’appartenais encore au courant des Ahl Haqq (ceux de la vérité pour traduire textuellement)... Pour ceux qui ne connaissent pas, courant soufi, très optimiste et très humaniste (Ostad Elahi y appartenait).

       Les Ahl Haqq, croient en une évolution du monde pour résumer leur philosophie. Une évolution spirituelle touchant tout être vivant ou non (dans mon courant des Ahl Haqq car il y en a plusieurs). Le corps est éphémère, l’âme éternel, classique dualisme. Tout évolue, et chaque âme, rudimentaire dans les choses inorganiques, évoluera pour atteindre un stade organique, évoluera dans l’échelle de la vie organique pour arriver à l’homme, et continuera encore et toujours son évolution pour arriver à dieu. A ce moment, l’âme sera éveillée et prendra conscience de sa propre existence, et pourra choisir de rester dans l’UN, la vérité qu’est dieu ou revenir sous forme physique d’un être éveillé sur la terre. La Vérité est synonyme de dieu bien sûr dans la métaphysique Ahl Haqq smiley Vous remarquez qu’il n’y a pas de paradis et d’enfer. Qu’il y a une notion de karma. Qu’il n’y a pas d’involution dans l’évolution. Quoique chacun fasse, un jour il arrivera à la vérité. C’est la vitesse de ce voyage qui diffère entre les personnes mais à l’échelle de l’éternité, le temps ne diffère que d’un clin d’oeil. J’ai laissé de côté la philosophie métaphysique de mon ancienne communauté de pensée en découvrant le gnosticisme et en découvrant bien des élèments de la grâce des gnostiques, mélangés à l’islam et à l’hindouisme. Ce qui est normal vue la chronologie des évènements, la fuite des gnostiques vers l’orient, l’apparition de l’islam et la proximité géographique de l’iran avec l’inde, qui en fait un melting pot d’idées et donc de religions.

       Je n’ai jamais eu de problème avec l’éthique humaniste prônée par les Ahl Haqq. J’ai juste un problème philosophique à mêler dieu dans l’éthique. L’éthique est un comportement d’immanence, la transcendalité sous-jacente en la matière, entraîne un problème d’immuabilité. Je m’explique. L’éthique, est pour un temps donné, selon une philosophie donnée, dans une situation donnée. Elle est immanente. La transcendance divine et autre introduit la notion, d’un bien en soi, d’un mal en soi, de comportements qui ne puissent changer quelque soit la situation. Bon, j’avoue qu’avec les Ahl Haqq, étant donné leur philosophie très particulière, ou peut-être par mes racines, j’ai un peu moins de mal car dieu n’est pas personnifié, et n’est qu’un réservoir de spiritualité... une vision panthéiste des choses. Mais bon, c’était juste à préciser.

       Amicalement.


      • Clouz0 Clouz0 18 mai 2010 12:51

        Tiens, un post qui arrive à passer.

        C’est curieux parce que certains autres ne parviennent pas à rester plus de 3 secondes.

      • Immyr Immyr 19 mai 2010 10:01

        @Perseus


         oui. Assez troublant. En plus nous sommes sur un débat participatif, où on peut se donner les moyens de dialoguer et de questionner les sources !!! Il faut toujours avoir les avis des divers partis en présence qu’on soit ou qu’on soit pas d’accord, tant que ça reste dans les règles de la politesse.... Ce serait le comportement le plus « éthique » je pense.

      • L'équipe AgoraVox L’équipe AgoraVox 19 mai 2010 14:40
        En ce qui concerne ce document anonyme, prétendument attribué à la Miviludes, à notre connaissance il n’émane pas de cette institution. Sinon on ne s’explique pas pourquoi il n’est pas sur papier à entête de la Miviludes ou pourquoi on ne le retrouve ni sur leur site, ni sur aucun de leur rapport passés ou présents...

        Si nous avons supprimé certains commentaires c’est que le contenu de ce document anonyme est diffamatoire. Mais c’est surtout que par expérience, connaissant le profil de certains « posteurs » (toujours cachés derrières leurs multiples pseudos anonymes), on sait que le but est uniquement de troller et de faire dévier le débat dans le but de décrédibiliser AgoraVox.

        AgoraVox a été accusé et continue d’être accusé de faire partie de prétendues « sectes » anthroposophiques, soufis, larouchiste ou même des françs-maçons et bien entendu d’être pro-Dieudonné, pro-Israël, pro-arabe, antisémite, antiscientologue, anticapitaliste... etc.

        Un média libre énerve et du coup on essaie de le décrédibiliser comme on peut mais souvent sans beaucoup de fondement. Comme on le répète souvent, on ne peut pas plaire à tout le monde quand on permet à tout le monde de s’exprimer...

      • Voris 19 mai 2010 14:55

        C’est assez insolite l« Equipe d’Agoravox avec le label »je soutiens Agoravox« . Non ?

        Voris
         »Je soutiens Voris"


      • Immyr Immyr 19 mai 2010 16:01

        A propos de milivudes et la fondation Elahi, j’ai trouvé un article sur le site de Backchich mettant quelque peu les choses à leur place : Lien


      • Clouz0 Clouz0 19 mai 2010 16:57

        Well,


        Enfin un commentaire assez clair de l’équipe d’Agoravox.
        Un peu tardif tout de même.


      • clostra 18 mai 2010 16:59

        L’« être éthique » serait donc celui qui conduit sa vie selon ses règles qu’il définit en fonction des situations, c’est un peu « l’homme debout », c’est un peu Jésus de Nazareth (le Christ est le sort qui lui fut réservé à cette occasion) qui remplace tous les commandements divins (ceux qui soustendent nos Lois) par un seul (« aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés en amour et en vérité »).
        Probable que l’« être éthique » est voué à un piètre destin sur cette terre.


        • Le péripate Le péripate 18 mai 2010 17:52

          L’éthique ?

          Il s’agirait déjà d’être moral. J’ai bien peur que cette bourdieuserie ne vise qu’à nous faire oublier ce mot : la morale.


          • Immyr Immyr 18 mai 2010 18:18

            La morale se rapporte au concept de l’action humaine qui concerne les sujets du juste et de l’injuste, également désignés sous le nom « bien et mal ».

            L’éthique est une discipline philosophique pratique et normative dans un milieu naturel et humain. Elle se donne pour but d’indiquer comment les êtres humains doivent se comporter, agir et être, entre eux et envers ce qui les entoure.

             Une éthique qui induit une morale => immanente (si je suis maso et que mon épouse est sado, notre comportement peut être tout à fait éthique si nous sommes tous les 2 consentant, et la morale est sauve)

             Une morale qui induit une éthique => souvent transcendante (si la morale dit que battre son prochain n’est pas bien, même si je veux qu’elle me batte, elle ne le fera pas, et on va avoir 2 beaux frustrés dans l’histoire smiley )

             Amicalement.

          • Le péripate Le péripate 18 mai 2010 18:24

            Merci.... smiley

            Tout cela est juste et vrai.

            Et donc des crânes d’oeufs nous présentent une attitude normative fruit de leurs recherches comme un bien public.

            Quel beau cadeau. C’est déjà Noël.


          • Immyr Immyr 18 mai 2010 19:42

            Exactement la même chose qu’avec les gens se comportant avec une éthique.


             Si l’absence d’éthique ne va pas à l’encontre de la loi, on n’en fera rien => sinon bien des politiciens, de financiers et autres seraient déjà punis. La seule sanction sera l’avis du peuple, s’il est au courant, mais on voit bien comment les gens se torchent avec. Ou un article enflammé sur Agoravox qui aura comme seule conséquence de leur en toucher une sans bouger l’autre smiley

             Si l’absence d’éthique va à l’encontre de la loi, ils sont punis s’ils se font prendre.

             Si une conduite éthique ne va à l’encontre de la loi, on n’en fera rien => sinon un article dithyrambique sur Agoravox qui pourra leur faire plaisir.

             Si une conduite éthique va à l’encontre de la loi, ils sont punis s’ils se font prendre.

             => conclusion : avoir ou ne pas avoir de conduite éthique, aura comme seule conséquence la façon dont les gens considèrent les uns les autres et se sentent en harmonie dans leur relation avec autrui.

             Après chacun fait son choix.

          • Grasyop 19 mai 2010 05:55

            À l’auteur,

            Votre propos me paraît contradictoire : d’un côté, vous dénoncez à juste titre « des temps où l’éthique a plutôt tendance à servir de « moraline » pour soulager la conscience des décideurs de tout poil » ; d’un autre côté, vous faites l’éloge du « projet d’Ostad Elahi, celui d’une éthique qui serait une « médecine de l’âme ». Moraline pour soulager la conscience, éthique qui serait une médecine de l’âme, n’est-ce pas la même chose ?


            • Christian Wolff 19 mai 2010 09:40

              Eh bien si, l’auteur répond quand on l’interpelle directement ! Donc @Grasyop, voici ce que j’ai envie de dire. « Moraline » est un terme que je reprends à Nietzsche, et qui me paraît bien convenir à l’usage social qui est généralement fait du discours éthique (commissions, chartes, labels éthiques, etc.) : comme la morphine, la moraline est destinée à nous soulager un peu, à nous donner bonne conscience en enrobant de mots généreux des initiatives sympathiques et nécessaires (action humanitaire, commerce équitable, développement durable), mais qui ne nous engagent pas vraiment à titre individuel. C’est du soin palliatif, si on veut. Ca n’a donc rien à voir avec une action réellement thérapeutique, qui attaque les problèmes à leur racine. La « médecine de l’âme », c’est autre chose : ça suppose d’abord une compréhension réelle des mécanismes qui sous-tendent nos dispositions éthique (ou non-éthiques !). Aucune moraline ne peut y suppléer. Ensuite, c’est une démarche individuelle, personnelle (bien qu’elle puisse faire l’objet d’une prise de conscience collective et d’une recherche collaborative - c’est le sens de mon article…). On décide de soi-même ; on n’a pas à attendre qu’une commission de sages émette des recommandations ou nous fournisse un cadre normatif, même si on peut prendre conseil ou inspiration chez ceux qui ont travaillé sur la question…


            • Immyr Immyr 19 mai 2010 09:43

              @ l’auteur


               Désolé smiley Comme j’avais trouvé l’article intéressant, j’avais regardé votre fiche pour voir vos autres articles et j’avais été surpris d’absence de commentaires de votre part.

               Amicalement.

            • Grasyop 19 mai 2010 06:08

              L’illustration de l’article parle d’éthique appliquée, alors ne restons pas dans des questions purement théoriques, et demandons-nous quels sont les problèmes éthiques concrets les plus importants de notre société.

              Pour moi, la question morale majeure de notre temps, c’est clairement la question de notre rapport aux animaux : nous tenons très peu compte, dans la société actuelle, du sort que nous infligeons aux animaux que nous faisons naître, grossir à marche forcée, et mourir pour nos besoins ou plutôt notre petit confort. Qui se soucie de la vie de ces animaux ? Est-ce vraiment moral de les traiter comme des objets ?

              Et pour vous, concrètement, quel est le problème moral le plus important aujourd’hui ?


              • Immyr Immyr 19 mai 2010 08:42

                @Grasyop


                 malheureusement je ne pense que l’auteur vous répondra. Si vous regardez ses stats, vous verrez qu’il ne poste jamais de commentaires... 

                 Je pense que vous avez raison dans le sens qu’une des questions morales de notre temps est notre comportement envers les animaux. Je ne sais si c’est LA question majeure mais surement UNE des questions.
                 
                 Le problème ici aussi, est la philosophie sous-jacente à la réflexion éthique. 
                 En tant que dualiste on peut se poser la question de l’âme immatérielle des animaux. Les Hindous, en tant qu’une des sources des religions dualistes, ont répondu par le positif. Nous voyons l’éthique qui s’ensuit : végétarisme, végétalisme, respect des animaux en tant qu’être vivant et leur destruction qu’en cas de protection de notre propre espèce.

                 Si nous nous mettons dans la perspective que l’homme étant donné son intelligence et sa conscience est le sommet de la création, et le joyau de cette dernière, on peut deviner que son éthique différera sensiblement car les animaux n’ayant pas d’âme, ils ne sont là qu’en tant qu’êtres inférieurs et exploitables. On peut trouver une MORALE dans la vision dualiste, pour dire de ne pas être inutilement cruel envers ces derniers mais ils restent des êtres inférieurs selon ces critères.

                 La philosophie classique en passant par des penseurs tel que Montaigne et Spinoza, octroyait aux animaux une différence de degré mais non de nature. 
                 
                 Dans une vision moniste et matérialiste, l’absence d’âme, et l’unicité du corps fait de l’animal un égal, au point de vue métaphysique, de l’homme. Attention, je ne dis pas que les matérialistes sont tous des amis des animaux, ou que les dualistes des ennemis de ces derniers. Je refère seulement aux éthiques que telle ou telle philosophie engendre.
                 
                 Après la philosophie, le reste est une question d’éducation, de corps de chacun etc...
                 Personnellement bien que matérialiste, je ne suis végétarien. J’ai diminué de beaucoup ma consommation en viande, j’essaye autant que possible d’utiliser les filières bio dans ma consommation de viande (si je ne peux éviter ma cannibalisme autant éviter qu’ils souffrent lors de leur vie). Bref, je n’ai pas encore pu prendre la décision de passer le pas (mais je ne désespère pas smiley, le corps et les désirs changeant dans le temps, on peut espérer que les motivations changent).

                 Le penseur moderne que j’apprécie le plus sur cette question reste sans doute Peter Singer qui est un penseur matérialiste et utilitariste radical, qui se pose même les questions qui fâchent : quelle est la valeur comparée de la vie d’un homme ou d’un animal... et les réponses ne sont pas ce que l’on croit smiley

                 Amicalement.

              • Christian Wolff 19 mai 2010 10:05

                Le problème moral le plus important aujourd’hui ? C’est à la fois simple et forcément général (chacun doit faire le travail de mise au point pour lui-même). Je dirais que le problème majeur, c’est l’intempérance.
                Le mot sent peut-être un peu la moraline (qui rime aussi avec naphtaline) : c’est le vocabulaire du catéchisme. Mais on peut le comprendre en termes plus modernes, moins directement normatifs : nous n’avons plus aucune idée de ce que peut impliquer une véritable culture de nos désirs.
                Je m’explique. Nous sommes très cultivés à certains égards (pas forcément au sens de la culture générale, mais au sens de la civilisation : culture technique, matérielle), mais tout à fait incultes dans la gestion de notre capital le plus propre : nos pensées, nos affects, nos désirs. Nous les laissons se développer n’importe comment, comme des herbes folles, dans le plus complet dérèglement, en alternant des phases d’hyperexcitation et de dépression (la dépression au sens clinique n’en est qu’un symptôme particulièrement vif).
                Vous trouvez ça un peu abstrait ? Est-ce que je passe pour un triste sire si je dis (par exemple) que notre civilisation est massivement obsédée par le sexe ? C’est un fait. Vous me direz qu’elle l’a toujours été, et c’est probablement vrai. Mais les prothèses techniques avec lesquelles nous fonctionnons (télévisions, nouvelles technologies de communication et d’information, etc.), relayées par des industries du divertissement collectif omniprésentent, intensifient le problème. Ce n’est qu’un exemple (et un peu bateau, je le concède). Je ne dis pas que c’est le problème principal, mais seulement le plus massif. Et ce ne serait d’ailleurs pas un problème si cette focalisation de nos désirs ne rétrécissait pas aussi notre champ de conscience, en nous empêchant de développer d’autres compétences et dispositions qui restent en jachère.
                Le problème est général : on a développé une hypertrophie des sens et de l’intellect, tout en négligeant la régulation affective. il faut donc apprendre à mettre nos désirs en culture, à les organiser. Ce qui ne veut pas simplement dire : maîtriser ses passions, même si ça implique en effet l’invention de nouvelles disciplines, dans le cadre de ce que Foucault appelait le « souci de soi ». Que le retour aux Anciens, à la morale stoïcienne ou épicurienne, soit à la mode chez les philosophes et dans le grand public amateur de philosophie, c’est le signe que quelque chose bouge : on voit bien qu’on ne peut pas continuer comme ça.
                Voilà ce que je propose. Quant aux animaux, bien sûr, mais la cruauté massive de notre traitement des animaux revient à ce que je pointais  : à la fin, c’est un problème de sensibilité. Nous avons collectivement émoussé nos affects, nous avons développé une forme de dureté de coeur envers le règne vivant en général. C’est probablement une condition du progrès matériel, mais le problème est qu’en réalité nous ne nous en rendons même plus compte. Il y aurait, de ce côté, tout un apprentissage à faire de notre relations aux animaux, et plus généralement aux non-humains.
                La « médecine de l’âme » nous renvoie nécessairement à une écologie générale (écologie de l’esprit et des corps).


              • Grasyop 20 mai 2010 14:55

                Christian Wolff,
                (Je connais vaguement le nom de ce philosophe ; qu’a-t-il dit d’intéressant ?)

                Si je vous comprends bien, l’objet de la morale est pour vous un cheminement intellectuel personnel, un travail sur soi dans le but d’une élévation spirituelle, et cette élévation spirituelle est une fin en soi.

                Pour moi, elle n’est qu’un moyen. Pour moi, il existe une notion objective de bien et mal (rendre les gens (et animaux) heureux, c’est bien ; les faire souffrir, c’est mal), et la morale consiste à rechercher le bien. La tempérance, ou l’ascétisme ne sont admirables, selon moi, que dans la mesure où il permettent d’atteindre ce but. Je me méfie du narcissisme d’une quête spirituelle conçue comme une fin en soi.


              • Grasyop 20 mai 2010 15:26

                Immyr,

                Le problème de l’esprit est un problème difficile, voire insoluble, mais je ne suis pas sûr que la manière d’y répondre change quoi que ce soit à la question animale. Sauf à être incohérent, par exemple dualiste pour les humains et monistes pour les animaux non humains. Qu’on soit moniste, dualiste, ou autre, il n’y a aucune raison de traiter l’esprit humain différemment (en nature) de l’esprit des autres animaux. (On est tous le produit du même arbre évolutif, non ?)

                (J’ai été moniste matérialiste longtemps, mais je ne le suis plus, la lecture de ce texte m’ayant convaincu que cette position conduisait à des absurdités. Je n’ai pas de théorie de remplacement.)

                J’adhère totalement à la philosophie utilitariste, mais je préfère l’originale, de Mill, à celle de Singer. Je suis toutefois conscient que l’utilitarisme ne peut-être qu’un idéal, un point de mire à viser, et qu’à moins d’être suicidaire, on ne peut pas appliquer l’utilitarisme à la lettre. Concernant le végétarisme, je ne suis pas à 100 % végétarien non plus, mais presque. Je ne cherche pas le purisme, juste à éviter autant de souffrances que je peux raisonnablement le faire, dans le cadre de ma vie actuelle.


              • Luc Paul ROCHE Luc Paul ROCHE 19 mai 2010 17:19

                Cher collègue

                A moins que je n’aie rien compris à votre article, il me semble que vous êtes plutôt favorable à cette fondation ; je crains en ce qui me concerne de ne point partager votre sentiment...

                Entre la bobo-poujadiste Roumanoff, qui n’a guère renouvelé les grands classiques de « l’humour » antifonctionnaire, le bouillant Bedos converti en redresseur de torts anti-Zemmour, le bobo fumeux Stiegler qui soutient une position complètement subjectiviste dans la citation que vous donnez de lui...

                Par ailleurs, cette fondation, si j’en crois l’intervention de Immyr n’est pas complètement dénuée de mysticisme, mais, pragmatique aussi, elle constitue également une machine à vendre de petits guides pratiques chez L’Harmattan...

                Tout cela produit en moi une méfiance instinctive

                Bref : je retourne à la Critique de la raison pratique

                LPR

                PS
                Sans compter que le label « utilité publique » est décernée par des pouvoirs politiques dont le moins qu’on puisse dire est qu’il n’ont pas toujours démontré leur sens profond de l’intérêt général...


                • Immyr Immyr 19 mai 2010 18:39

                  Je ne saurais pas mieux dire (excepté que j’ai un peu de mal avec Kant smiley )


                   Amicalement.

                • Christian Wolff 19 mai 2010 23:46

                  Une « machine à vendre »… des petits livres sur l’éthique publiés par L’Harmattan…

                  Diable ! Si c’était là une manière de faire fortune, j’en aurai déjà écrit quelques uns. 

                  Non, sérieusement, si le sujet vous intéresse (et il doit bien vous intéresser, si vous pratiquez le bon père Kant), je peux vous recommander quelques uns des titres qui figurent dans les collections de cette fondation. Il y est question, par exemple, d’une éthique des petits actes (notion intéressante : qu’est-ce qu’un « petit acte » ?) ou encore d’un défaut qui fait un peu honte à ceux qui y sont sujets - la jalousie (comment la vaincre ? mais d’abord, comment la détecter ?).

                  Votre message en tout cas me suggère une chimère amusante : le Bobo mystique, le Soufi des Batignolles. Personnage très louche, en effet ! Il se trouve pourtant que nous vivons dans un monde où coexistent des gens comme Guy Bedos, Bernard Stiegler et Bahram Elahi. Il y en a même qui lisent Kant ! Et tous parlent d’éthique, parce qu’ils la vivent. Qu’est-ce qu’on peut faire de cette diversité de fait ? L’ignorer simplement ? Livrer le mot « éthique » à une pluralité irréductible d’interprétations particulières ? Car j’imagine que vous ne songez pas à refuser d’emblée au comique et au philosophe toute compétence à parler d’éthique, sous prétexte qu’ils plairaient aux « bobos »… Pour ma part je cherche plutôt les effets de cohérence et de convergence ; et comme je crois que l’éthique n’est pas une espèce naturelle, j’ai tendance à penser qu’elle doit faire l’objet d’une construction commune. Or je ne vois aucune raison de me méfier a priori d’une entreprise qui cherche à construire, justement, un espace où différentes voix (et pourquoi pas celle des bobos eux-mêmes ?) puissent être entendues et discutées du point de vue d’un problème commun.

                  Quel est ce problème ? J’ai tenté de le dire : la question est de savoir comment l’éthique individuelle peut se traduire en pratique. Chez Kant, une fois dégagés les principes de la moralité, c’est plutôt du côté des textes sur l’éducation ou dans la Doctrine de la vertu qu’on trouve de quoi se nourrir. Mais on y trouve finalement développées les intuitions morales les plus convenues, et on reste sur sa faim. Je n’ai rien contre la morale convenue, d’ailleurs : c’est un début. Mais il me semble que l’enjeu est de savoir s’il y a de l’invention en morale, si on peut développer de nouveaux outils pour la réflexion et pour l’action dans une perspective de transformation de soi. 
                  Or qu’il faille de toute manière inventer en la matière, parce que personne ne peut décider à notre place, ça n’a rien de particulièrement « subjectiviste » : je crois même que c’est le fond de la pensée de Kant. A moins que vous pensiez que la raison pure (pratique) ait la capacité de fournir, prêts à l’emploi, des contenus moraux universellement applicables ? Si vous arrivez au bout de votre lecture (le livre n’est pas trop épais), vous verrez que ce n’est pas possible.

                  Pour finir, et au risque d’avoir l’air de faire la morale, je dirais que la prudence est une vertu mais que la méfiance est un vilain défaut. Et pour le coup je serais volontiers pragmatiste : ne critiquons pas par principe ; jugeons sur pièces !

                  respectueusement,
                  CW


                  • clostra 23 mai 2010 12:42

                    « ne critiquons pas par principe ; jugeons sur pièces ! »

                    Mes souvenirs sur Kant sont un peu lointains et je vous prie de m’en excuser.

                    Il me semble que la critique et/ou le jugement n’ont de sens que s’ils se rapportent à la vérité. Or ils ne sont qu’un approche de la vérité.

                    L’être éthique serait celui qui aime la vérité. La vérité se suffit à elle-même, elle s’éxonère du jugement et donc de la critique, elle est thérapeutique (c’est d’ailleurs comme ça qu’on la reconnaît)


                    • ccrriiccrrii 23 mai 2010 15:13

                      L’éthique individuelle : un bien d’utilité publique ?

                      ou

                      L’éthique publique : un bien individuel ?

                      ou

                      L’éthique utile : bien individuel ou public ?

                      Je retourne tous les mots dans ma petite tête de novice, mais je n’arrive pas à voir poindre une once de différence...

                      Pouvez-vous m’aider ?

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