L’Europe et le déclin annoncé
Heureusement, Sarkozy a appliqué la méthode qu’il convenait d’appliquer : si les Français sont assez bêtes pour avoir fait la fine bouche sur les bienfaits de l’Europe en 2005, il suffit tout simplement de les priver de repas. Celui-ci sera donc partagé entre des gourmets, c’est-à-dire nos chers parlementaires, en l’absence de ces convives indélicats que sont les citoyens.
Fort bien ! Ce pauvre Alain Duhamel s’étouffait, il y a quelques jours, sur RTL à expliquer que si le peuple ne voulait pas, le Parlement était quand même fait pour ça et que de toute manière les Français n’avaient pas voté contre le traité mais contre Chirac et Raffarin ! Et les Hollandais alors ? D’ailleurs, dans ce cas, aucun risque, donnons donc la parole au peuple !!!
Que nos politiques n’aient que mépris pour le citoyen, on l’avait déjà remarqué, mais aligner autant de bêtises dépasse décidément les normes et il serait bon de rappeler, au-delà d’un discours convenu et moutonnier, ce qu’est l’Europe et ce qu’elle nous a apporté.
Selon les partisans du Oui (l’inénarrable Jack Lang en tête), l’Europe est le sésame qui va nous guérir de tous nos maux (peste soit de l’avarice, la guérison du cancer fera partie du lot). Quand ces euro-béats ne nous abreuvent pas des bienfaits que nous a apportés Bruxelles, c’est pour nous dire que si elle ne l’a pas fait, c’est parce que des citoyens indignes de bénéficier du suffrage universel ne le lui ont pas permis. Voyons donc ce que personne ne dit.
Commençons par le domaine économique :
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Alors même que les USA protègent leur économie, l’espace communautaire a, vulgairement dit, le sphincter accueillant. Peu importe que des pans entiers de l’économie industrielle disparaissent dès lors que fonctionne le principe de libre-échange. La préférence communautaire est une idée ringarde et la disparition des prolos donnera une chance supplémentaire au développement durable.
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L’espace européen pris dans son acception la plus avancée (la zone euro) doit avoir le taux de croissance le plus bas de la planète ! Que l’on se console, c’est la preuve que le développement durable est en route !
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Des pans entiers d’une économie efficiente sont aujourd’hui délibérément dévastés par la politique communautaire : c’est le cas de l’énergie : grâce à la libéralisation du marché voulue par Bruxelles, le prix de l’électricité a augmenté de 50% en Allemagne ! Il connaîtra la même évolution chez nous ! La Commission a, à la fin des années 90, mis en place un système dont le but inavoué mais bien réel était de faire la peau du nucléaire pour lui substituer, à terme, des énergies renouvelables (il suffit de regarder le logo de la DG énergie transports à cette époque pour s’en convaincre). A court terme, la libéralisation devait permettre un développement des centrales au gaz , très juteuses pour répondre aux demandes en périodes de pointes. Eoliennes improductives et gaz dont les prix suivent celui du pétrole, on imagine le résultat.
Dans le même temps, l’agriculture est progressivement vouée aux gémonies au nom de deux principes sacrés : le libre-échange, dont un ancien commissaire européen, paraît-il socialiste (mais qui est tout sauf Lamy du peuple), est aujourd’hui le chantre, et le développement durable, la défense de la biodiversité et des agrocarburants passant quand même avant la nourriture des hommes qui, c’est bien connu, mangent trop !
Continuons
par l’international :
L’Europe est inexistante non parce qu’elle n’a pas les moyens politiques et institutionnels de son existence mais parce qu’elle est un eunuque diplomatique (que les tenants du politiquement correct s’abstiennent de dénoncer bêtement une formule dont le machisme supposé est assumé !). L’Europe est impuissante parce qu’elle est incapable de prendre la mesure des enjeux internationaux : ce n’est pas l’Europe qui a permis la chute du Mur de Berlin : « plutôt rouges que morts », tel était le slogan des pacifistes allemands. On peut récuser l’expédition irakienne de George Bush mais on ne peut soupçonner l’Amérique de ne pas avoir pris le taureau par les cornes face au terrorisme quand l’Europe était « consternée » ou « horrifiée » devant les attentats selon la terminologie chère à Jacques Chirac et dont on a pu mesurer l’efficacité. On pourrait ajouter de multiples exemples de cette impuissance structurelle et pitoyable.
Enfin qu’en est-il de la démocratie ?
L’Europe est sans doute le seul modèle politique estampillé de la démocratie où une structure, la Commission, règne depuis 50 ans sans avoir jamais rendu le moindre compte à quiconque. Formellement, la décision appartient bien au Conseil des ministres. Sauf à vouloir nous prendre pour des imbéciles, les europhiles savent bien que quand une décision est « dans la seringue », les choses sont ficelées.
Et ne parlons pas de ces règles étranges qui ont été bâties au fil des années et qui dénaturent profondément notre conception de la démocratie. Le concept de citoyen est aujourd’hui pulvérisé par des constructions héritées d’un système de discriminations positives ou de droits différentiels qui relève d’un univers qui n’est pas celui des droits de l’Homme.
Que les choses soient claires : il ne s’agit pas de remettre en cause l’idée même d’Union européenne. Une Europe forte, sur le plan économique et sur le plan international, serait une bonne chose, une Europe démocratique et pourquoi pas, bâtie sur un mode fédéral, serait souhaitable.
Mais
l’Europe que l’on a et celle qui nous est promise, c’est tout
sauf cela !
C’est,
outre la promesse d’un sous-développement durable, un
modèle politique et sociétal, une architecture du droit
qui sont extrêmement inquiétants.
En
cela, et paradoxalement, les principaux partisans du Non au référendum de
2005 ont largement participé à un phénomène
d’occultation de la réalité. En présentant
l’enjeu comme une alternative entre une Europe libérale et
une Europe sociale, ils sont largement passés à côté
du fond du problème.
L’ignorance du social est bien au cœur de l’ADN communautaire, mais cet apport génétique ne date pas des textes fondateurs, lesquels privilégiaient plutôt l’idée de préférence communautaire.
En fait, la dérive communautaire et le début de nos malheurs tiennent à une double origine :
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le choix libre-échangiste qui se développe avec l’arrivée du Royaume-Uni puis hier des nouveaux adhérents, et qui conduit à une acceptation quasi masochiste de la mondialisation ;
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le choix du développement durable, projet fumeux qui est entériné dès la fin des années 80. C’est en effet dès cette période que la Commission pose ses premiers jalons.
C’est la conjonction de ce double choix qui explique l’absence du social : à la différence de certains Etats où ce choix procède de la priorité donnée à la logique de l’entreprise, le social meurt ici par le biais d’une double asphyxie : celle, externe, qui procède des pays émergents à bas salaires, celle, interne, qui consiste à ruiner la compétitivité par des surcoûts imposés aux producteurs.
L’Europe est ainsi le premier Etat écologique (eh oui l’Europe est une république (peut-être) écologique comme il y a des républiques islamiques) en devenir, et comme il ne saurait y avoir d’écologie dans un seul pays, pas plus qu’il n’y avait de socialisme, les effets, en termes de stagnation économique et de déclin, ne vont pas tarder à se faire sentir. On sent bien, dans un pays comme la France où peuvent coexister de manière hallucinante des débats sur le pouvoir d’achat et sur le Grenelle de l’environnement, que l’allumette est vraiment près de la poudre et qu’il faut un incroyable hasard pour que tout n’explose pas.
Le hasard n’est pas un hasard. Entre un président de la République persuadé qu’il peut faire durablement le grand écart et un Parti socialiste qui est depuis longtemps sur une autre planète, il y a une sorte de connivence des politiques pour nier que nous sommes sur le radeau de la Méduse. Mais dans ce monde façonné par le politiquement correct, la Vérité est-elle encore quelque chose que l’on peut dire ?
Certains s’éveillent parfois : Thomas Ferenczi, dans un récent article du Monde nous dit que l’Europe est devenue un espace de déclin ! Si même les trous du cul du journal de référence s’en rendent compte, tout n’est peut-être pas perdu ! En tout cas les Suisses et les Norvégiens ne sont pas preneurs du caca de chat et se consolent sans problème de ne pas être membre du club !
MK
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