L’Europe sociale est morte le 7 juin 2009
Les résultats des européennes en 2009 livrent quelques tendances générales tout en offrant un flou laissant augurer d’une Europe de plus en plus illisible et par voie de conséquence, éloignée des citoyens européens. Qui le lui ont bien rendu puisque l’abstention a été énorme.
En France, il est de bon ton de moquer les Américains avec leurs élections nationales marquées par 50 % d’abstention selon les chiffres. Bien évidemment, c’est un mauvais procès d’intention puisque ces données sont spécifiques au scrutin américain et du reste, les dernières élections présidentielles ont montré un enthousiasme sans précédent précédant l’élection du plus populaire des présidents américains depuis longtemps. Inversons les rôles. Un analyste américain sera en droit de considérer l’Europe politique comme un échec démocratique avéré. Les chiffres sont sans appel, avec en France, pays de passion politique s’il en est, 60 % d’abstention. Autant dire que les deux partis vainqueurs de ce scrutin devraient avoir le triomphe modeste. Avec 28 % des voix, l’UMP rassemble 11 % des inscrits. Quant aux deux formations suivantes, elles ne rassemblent chacune que 6.5 % des inscrits.
Conclusion. Le parti qui arrive de très loin en tête, c’est celui des abstentionnistes. Les instituts de sondages livreront sans doute quelques indices sur ces électeurs restés chez eux. Question âge, les jeunes semble-t-il n’ont pas beaucoup voté. Concernant les catégories sociales, les gens de condition modeste se sont abstenus plus que la moyenne. Ces résultats ne comptent pas dans le scrutin, universel pas essence, mais pour interpréter la vie politique, on ne peut pas refuser ces données statistiques permettant d’interpréter les raisons de cette abstention massive. D’ailleurs, il serait bon de disposer de toutes les données, pays par pays. Nous verrions apparaître une image de l’Europe et un contraste saisissant entre, l’Europe telle qu’elle est vécue et perçue, et l’Europe telle qu’elle est vendue par les politiciens. En France, si les tendances se confirment, alors nous verrions une contradiction entre l’Europe présentée comme un continent porteur d’espérance, protecteurs des plus fragiles, et le profil sociologique des abstentionnistes montrant que les jeunes ne croient pas en un avenir porté par l’Europe tandis que les pauvres et les modestes ne se sentent pas protégés par cette Europe qu’ils ne perçoivent pas du tout comme sociale. Ces considérations devraient permettre de confirmer et d’expliquer un peu les raisons du divorce entre les élites européennes, celles qui vendent l’Europe, et les populations européennes, celles qui subissent la crise, vivent en Europe mais sans y croire.
Jetons un œil sur un résultat édifiant, celui de Paris intra muros et qui concerne un bon cinquième des inscrits dans la région Ile de France, où l’abstention globale a été de 60 %. Cette région est réellement un laboratoire d’étude de premier choix puisque qu’elle offre des contrastes socio-culturels très accentués, avec des quartiers parisiens où vivent des gens aisés et des localités de banlieues où le chômage bat tous les records. Déjà un premier indice, l’abstention à Paris est de 50 % soit 10 points de moins que pour la région dans son ensemble. Les Parisiens ont plus voté que la moyenne régionale et nationale. Ils accordent près de 30 points à la liste Barnier, et 27.5 points à Cohn-Bendit, soit presque le double d’un PS laminé à même pas 15 points. Affinons notre regard en portant l’attention sur les 14ème et 13ème arrondissement, deux quartiers connus pour héberger des gens plutôt bobos, à bons revenus et à « haut niveau culturel ». Les Verts arrivent en tête avec près de 30 points, devant l’UMP et d’ailleurs, dans le 13ème, Dany met 5 points dans la vue de Barnier. Suggérons maintenant d’aller voir les résultats dans une ville de la banlieue Nord, Aubervilliers par exemple. Saisissant contraste. Près de 73 % d’abstention. Se suivent de très près dans l’ordre, le PC, l’UMP, le PS et les Verts qui ne passent pas la barre des 15 points. Et petite constatation qui a son importance, le Modem fait 8 points dans le 13ème et à Aubervilliers, comme si cette formation était sociologiquement invisible. Un détour par Sarcelles montre que les Verts ne font qu’à peine plus de 10 points, la moitié du score régional. Preuve est faite que le vote pour l’alliance écologie est un vote bourgeois, du moins en région parisienne. Dany a piqué des voix à Bayrou et surtout au PS. Le message de ces gens « dits de gauche verte » est clair. Rien à cirer des pauvres mais soyons vert-ueux et prêts à sauver la planète avec Yan-Arthus et ses potes venus d’Al Gore. Ce verdict fait sans doute cliché mais les chiffres des urnes sont avérés et livrent des tendances.
Nous le savions et le scrutin le confirme, l’Europe est en premier lieu une construction faite par les élites au service des classes les plus aisées et en second lieu, l’Europe se veut sociale et elle l’est dans les discours mais pas les actes. Les citoyens européens ne sont pas tous dupes. L’Europe prend un virage à droite, attestant à la fois la marque des bourgeois, des gens aisés, qui tirent leur épingle du jeu, parfois prennent l’Europe pour terrain de jeu. Alors que parmi les électeurs de droite, beaucoup sont séduit par des partis incarnant l’ordre, la conservation. Le déclin des partis socialistes est très accentué. Leur groupe perd en pourcentage de députés 6 points. Quant à la poussée verte, elle est avérée mais pas si fulgurante au niveau européen, la France faisant évidemment exception. On dirait que le bourgeois de gauche est versatile. En 1994 il en pinçait pour Tapie, laminant la liste de Rocard, aux présidentielles de 2007, il penchait pour Bayrou et maintenant, en quête de nouveauté, c’est Dany qui a la cote. Bref, rien de bien réjouissant pour notre démocratie. Cette frénésie verte n’est pas sans rappeler les mouvances volkisch et naturalistes dans l’Allemagne de 1900, avec déjà des doutes sur le progrès et quelque souci écologique pessimiste. La comparaison s’arrête là. Dany a su faire de la défiance face au progrès un optimisme européiste vendu avec la verte croissance. Mais il faudra être prudent et vigilant. Autant il existe un ordre conservateur et on le constate avec Sarluskony, autant il faut se méfier d’un ordre vert qui pourrait devenir assez autoritaire.
Le verdict de ce scrutin tient en une phrase, l’Europe sociale est morte. Mais a-t-elle existé ? L’Europe semble être un mensonge. Que d’incantations et de promesses. Pour l’instant, l’Europe s’en tire mal question croissance et question sociale, elle est en pleine régression. Méfions-nous des vieux démons et surveillons ce qui se passe pour que cette Europe ne vire pas vers un quatrième reich national capitaliste pacifique et démocratique mais fatal pour les déclassés de l’aventure technologique, qu’elle soit verte, sécuritaire, élitaire, bourgeoise, capitaliste, sénioriale ou sénatoriale.
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