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L’Histoire, chimie mentale

Antiesclavagisme et Colonialisme

« Et voilà comme on écrit l’histoire ; puis fiez-vous à Messieurs les savants » Voltaire
 
Un auteur perspicace Paul Valéry (1861-1945) a dénoncé, dans « Regards sur l’Histoire », cette discipline scolaire reproduite dans les colonnes des journaux ou servant de cadre aux scénarios cinématographiques, comme de la chimie mentale ; une sorte de laboratoire où l’on forge des êtres artificiels, et que l’on utilise comme des excitants ou des alcools pour créer une ivresse. Ce serait une forme d’idolâtrie que renverserait l’unité de la raison humaine soucieuse de cohérence, de saine logique et avant tout d’apaisement.
 
C’est pourquoi de nombreux jeunes gens se détournent de cette demi-science, car pour être historien il faut mesurer et aussi interpréter, ce que Voltaire, qui créa l’expression, nommait « la philosophie de l’Histoire ». Mais l’on ne rencontre que des prédicateurs qui enseignent une histoire comme on énoncerait les règles d’une langue. On « écrit l’Histoire » et on la redit sans avoir été forcément un témoin, et même ce dernier peut s’abuser et prendre ce qui lui est suggéré d’avouer pour ce qu’il a vu.
 
Je prendrai l’exemple de l’histoire de l’esclavage : on entend parler de la traite négrière ou du commerce du « bois d’ébène », pour désigner la servitude des Africains, substituée au travail forcé des Indiens succombant sous les tâches des premiers envahisseurs basques et autres. Il y a une question de mesure et d’honnêteté à en parler : la responsabilité des esclavagistes n’est pas en cause. Celle des Africains qui vendirent leurs compatriotes doit l’être ; c’est ce que pensait Voltaire. Il a raison, comme sur de nombreux points. « Un peuple qui trafique de ses enfants est encore plus condamnable que l’acheteur ». Comparez avec l’attitude du Japon qui a toujours refusé un maître étranger, fût-il religieux, et mérita de ceux qui le convoitaient l’épithète de cruel que démentira toujours la finesse de son art !
 
D’après certaines estimations le chiffre des Noirs déportés serait autour de 12 millions pendant quatre siècles, dont plus de la moitié, soit 7 millions pour le dix-huitième, le soi-disant « siècle des Lumières ». Les pertes pendant la traversée auraient été de 20%. Ce qui fait une perte en hommes de 2 millions cinq cent mille. D’autres chiffres sont donnés qui avoisinent une centaine de millions, mais ils sont polémiques et contredisent la raison même. « Qui veut trop prouver, ne prouve rien ».
 
Cependant une chose est à remarquer : de toutes les puissances maritimes de l’époque, l’Espagne seule n’a jamais participé à la traite des Noirs. Il est intéressant de voir comment l’Église s’est conduite et je remercie de ces indications l’érudit bruxellois Pierre Moreau, amateur de la Revue des Chercheurs et des Curieux, qui les a publiés dans un cahier catholique qu’il éditait, à tirage limité.
 
Prenons quelques Papes. Enea Silvio Piccolomini ou Aeneus Sylvius, Pie II (1405-1464). Soulignons, comme l’école de la Nouvelle Chronologie du professeur Anatoli Fomenko le ferait remarquer, qu’il porte le nom d’Enée fondateur de Rome, chose étrange pour le 210ème pape ! En parlant de la servitude imposée aux Noirs, ce Pape condamne dans une lettre ce « crime énorme » (magnum scelus) et ordonne des interdictions religieuses -ce qu’on appelle des « censures ecclésiastiques » - à l’endroit des « scélérats qui enlèvent des néophytes (nouveaux convertis) pour les faire esclaves. »
 
Il ne visait donc, direz-vous, que des chrétiens réduits en esclavage. Mais certains Papes sont allés plus loin. Alexandre Farnese devenu Paul III (1468-1534), dans une bulle du 2 juin 1537, prononce la condamnation absolue de la servitude « des hommes de toute race, et non seulement de ceux qui se sont convertis au christianisme, mais encore de ceux qui vivent en dehors de la foi chrétienne ». Ils devront « jouir de leur liberté, rester maîtres d’eux-mêmes, et il ne sera permis à personne de les réduire en esclavage ».
 
La liste des Papes qui condamnent l’esclavage est longue. Urbain VIII en 1639, le pape Benoît XIV (Bull. Benedicti XIV, const. 38, t.I. pp. 123-125), plus récemment Grégoire XVI en 1839 (Acta Gregorii Papae XVI, 1901,t.II, pp.387 et sq.), Pie IX ( voir Pillolet, Les missions catholiques françaises au XIXème siècle, tome V, Afrique, 1902, p.478), enfin Léon XIII en 1888 (voir Leonis XIII Acta, t.VIII, pp. 169-192 ; tome X, 1891, pp.192-196 ; ibidem,pp.312-318.)
 
Une attention portée aux mouvements de la colonisation africaine fait ressortir que c’est une campagne systématique contre l’esclavage qui a justifié l’œuvre dite civilisatrice définissant moralement et juridiquement la colonisation, émanation des Droits de l’Homme, en termes laïques.
 
Celui qui mena cette campagne en vraie croisade fut le cardinal français et archevêque d’Alger et de Carthage, directeur aussi des Écoles d’Orient, Christian Lavigerie. A Bruxelles, à la cathédrale Saints Michel et Gudule, ce prélat fit un sermon pro-colonial, le 15 août 1889, qu’on dirait maintenant islamophobe, à propos de l’esclavage dans le Haut-Congo.
 
Ce qui lui valut une réponse très pertinente de l’ambassadeur grec de l’Empire ottoman ; homme remarquable, chrétien orthodoxe, de la célèbre famille des Caratheodory de Constantinople (son fils Constantin, né à Berlin, sera un mathématicien allemand de grand talent par application de la géométrie notamment à la thermodynamique en 1909, et est décédé à Munich).
 
Cet Alexandre Caratheodory, ministre de Turquie, avait soutenu une thèse de droit à l’Université de Paris « De l’erreur en matière civile d’après le droit romain et le code napoléon » (1860). Il avait donc autorité pour réfuter Lavigerie sur le terrain juridique, mais ce dernier traita, moins en homme d’Église qu’en auxiliaire du colonialisme cet homme qui ne vivait pas dans la sphère coloniale laïco-ecclésiastique, la seule capable aux yeux du Cardinal de comprendre la situation de l’Islam, son danger pour l’œuvre à accomplir.
 
Le Cardinal Lavigerie, dans une lettre au quotidien libéral l’Indépendance Belge qui avait publié la protestation diplomatique turque faite au nom de la communauté musulmane, répondit insolemment au diplomate grec de l’Empire en récusant toute interprétation du Coran faite par un Chrétien, alors que lui-même s’autorisait de proférer des accusations ouvertes contre l’Islam : « Sachez que, depuis plus d’un demi-siècle, et pendant que nos regards étaient fixés sur d’autres contrées, le mahométisme envahissait, peu à peu, sans bruit et avec une persévérance qui ne s’est pas lassée, la moitié de l’Afrique ».
 
C’est une déclaration de guerre. Nous passons de la réprobation de la servitude imposée par les négriers, et de leur punition, à une croisade plus générale contre les Musulmans. La citation précédente, comme la suivante sont extraites d’une Conférence bruxelloise sur le sujet. Lavigerie aggrave l’accusation : « Mais je ne puis m’empêcher de dire aujourd’hui, parmi les erreurs si funestes à l’Afrique, la plus triste est celle qui enseigne, avec l’Islam, que l’humanité forme comme deux races distinctes : l’une, celle des croyants, destinée à commander, l’autre, celle des infidèles, comme ils l’appellent destinée à la servir. Or, dans cette dernière, les Noirs (les nègres, selon une expression alors non péjorative) tiennent pour eux le dernier rang, le rang même des animaux. Parvenus par leurs conquêtes jusqu’au centre d’un continent peuplé de noirs, les musulmans se sont donc mis à l’œuvre que justifient leurs doctrines. De proche en proche, les bandes esclavagistes créées par eux, ont avancé dans l’intérieur, venant du Maroc, du pays des Touaregs, de la Tunisie, sur Tombouctou et les contrées qui entourent le Niger, de l’Égypte et de Zanzibar sur la région des lacs, et enfin, aujourd’hui, jusqu’au delà du Haut-Congo, et presque aux confins des possessions anglaises et des colonies du Cap ».
 
L’Angleterre et la France étaient les deux puissances coloniales, et les États-Unis n’avaient pas encore occupé les Philippines qui les feraient entrer en conflit avec les Moros musulmans dans le sud du pays ! Restait l’Allemagne ! A cette époque, déjà, les relations s’amélioraient entre l’Allemagne et tous les pays musulmans, et dans les révoltes de Fez le 16 avril 1912, les Allemands résidents seront épargnés par les Marocains soulevés. Cette sympathie était si forte que onze ans après le sermon de Lavigerie, l’Empereur et Roi de Prusse Guillaume II - dont l’épouse donnerait le nom à des œuvres charitables à Jérusalem, en particulier à une école pour jeunes filles arabes - restaurerait à ses frais, à Damas, le tombeau de Saladin et déclarerait dans le toast porté au maire de Damas qui le recevait, le 8 novembre 1898, qu’il se considérait comme le protecteur « du sultan et des trois cent millions de musulmans épars dans le monde ».
 
C’est ce qui permet d’apprécier cette phrase de Christian Lavigerie : « C’est de l’Afrique qui devient allemande, que sont parties, depuis des années, que partent encore maintenant les bandes des musulmans pourvoyeurs de bétail humain » (Documents sur la fondation de l’œuvre antiesclavagiste par le cardinal Lavigerie, Saint Cloud, 1889, page 202.) Pareille islamophobie avait donc justifié une démarche diplomatique officielle de protestation turque ottomane au près du Roi des Belges. Cet antiesclavagisme islamophobe justifiait tous les excès de la colonisation, lesquels réunis ne pouvaient atteindre un tel degré de noirceur que celui présenté médiatiquement.
 
« En février 1888, le cardinal Lavigerie avait fait entendre au Pape une plainte émouvante dans une lettre sur l’esclavage : « Quatre cent mille hommes en sont victimes. En vingt-cinq années, qui paraissent la moyenne de la vie africaine, cela fait dix millions. »
 
« Le 15 août » explique le journaliste et plus tard réfugié de la collaboration germano-belge en Argentine, Pierre Daye en évoquant ce que nous avons plus haut présenté comme un appel à la croisade antiesclavagiste « le cardinal vint à Bruxelles. Il eut une entrevue avec le Roi, puis parla à l’église de Sainte-Gudule. Sous les voûtes de pierre grise, du haut de la chaire Renaissance, toute couverte de sculptures et au pied de laquelle étaient rangés des nègres en uniforme, le cardinal à la barbe blanchissante, vêtu d’écarlate, sut faire pleurer la foule... L’effet produit fut immense ; le ministre de Turquie, Caratheodory Effendi, crut nécessaire de protester officiellement contre ces paroles hostiles à l’Islam. » (p.308)
 
Le roi des Belges Léopold II réunit une Conférence Antiesclavagiste Internationale qui s’ouvrit le 18 novembre 1889. « Dix-sept puissances avaient envoyé des délégués. La Conférence s’était tracée pour programme d’étude la suppression graduelle de la traite des noirs et de la clôture immédiate des marchés alimentés par cette source, ainsi que de la répression du commerce des spiritueux et des armes à feu. La Conférence allait durer très longtemps, avec des interruptions. En fait, elle se prolongea jusqu’au 2 avril 1892 » ( voir Pierre Daye, « Léopold II », Fayard, Paris, 576pp., p.316).
 
Elle proposait l’abolition de la traite négrière, cependant que le travail forcé allait ensuite prendre des proportions extrêmes dans la colonie congolaise, propriété du Roi.
 
Il faut toujours manipuler l’histoire comme des produits chimiques en laboratoire, avec précaution !

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24 réactions à cet article    


  • JJ il muratore JJ il muratore 27 novembre 2010 06:45

    @ Dortiguier. Merci pour ce rappel de quelques vérités historiques qui, pour n’être ni secrètes ni enfouies, ont pourtant disparu de la mémoire collective et du « schéma » de représentation de l’esclavage. Autant chez les Africains que chez les Européens.
    Une remarque sur le choix de la photo « en noir et blanc » qui accompagne votre texte : on y voit les deux maîtres blancs, sûrs d’eux, imposer à l’objectif le triste spectacle de trois noirs aux visages tourmentés et honteux, tout à la fois effrayés et dégoûtés. Ils tiennent des mains coupées...elles sont noires.
    Quatre siècles de bulles papales rappelant l’exigence morale de la dignité humaine pour un tel résultat !
    Pitoyable !


    • Croa Croa 27 novembre 2010 23:10

      « Ils tiennent des mains coupées... »

      Il y a donc de forte chances que cette scène ait été prise au Congo Belge puisque ce genre de pratique y avait cours, comme celle de faire aligner des noirs pour en abattre plusieurs avec une seule balle !



      • Pie 3,14 27 novembre 2010 13:04

        Voilà un article bien étrange...

        L’auteur est adepte des pittoresques thèses du mathématicien russe Fomenko sur la « nouvelle chronologie » ; un gloubi-glouba complotiste qui fait débuter l’Histoire vers l’an 1000 et invente un empire de la Horde d’Or dont la Russie est la centre. Il va sans dire que Fomenko n’a aucune légitimité dans le monde des historiens si ce n’est comme pitre.

        Après une introduction laborieuse dont le but est de nous dire que l’Histoire est une « demi-science » et les historiens tous des imbéciles, l’auteur écrit un article...d’Histoire.

        Armé de cette logique implacable « Dortiguier » se lance dans une « étude » des rapports entre la colonisation et l’esclavage au XIXème. Ce thème bien connu des historiens a fait l’objet de nombreux articles et ouvrages mais l’auteur préfère nous faire croire qu’il vient d’inventer l’eau chaude et ne source rien ni ne cite personne.
        Pourquoi s’embêter avec les règles de base d’une « demi-science » n’est-ce-pas inutile ?
        Le discours, fortement moralisateur, sans souci de contextualisation, mal structuré est censé dénoncer les « manipulations » de l’Histoire.

        Il montre surtout la pauvreté intellectuelle d’un auteur qui fait de l’Histoire comme Monsieur Jourdain fait de la prose.
        C’est mimie chantal au pays de la chimie mentale.


        • herbe herbe 27 novembre 2010 14:50

          Merci pour ces précisions !

          Ce que j’en tire comme leçon majeure c’est encore un choc d’un modèle économique contre d’autres valeurs.
          Effectivement il n’y a pas à ostraciser l’un ou l’autre parce qu’il était de tel ou tel groupe ethnique ou géographique. En fait on retrouve dans tous les groupes des adhérents et des opposants au système ( il a fallu une guerre civile aux Etats Unis pour une sortie). en France un des opposants au système fut un député politicien Alsacien

          aujourd’hui nous avons un autre système économique avec ses prédateurs d’un autre genre et qui font des dégâts encore plus énormes (mais comme on est à encore à discuter de qui est coupable et qui était victime du système précédent ...) et ses serfs eux aussi d’un autre genre (parfois (souvent ?) volontaires...) et aussi ses opposants eux aussi d’un nouveau genre qui ont à combattre ces prédateurs formidable hydre des temps moderne ...


          • Croa Croa 27 novembre 2010 23:20

            « avec ses prédateurs d’un autre genre »

            Non ce sont toujours les mêmes !

            à Bordeaux nous honorons toujours le Ministre de la Marine Portal (un cours porte son nom) qui était esclavagiste parce que cela faisait partie « des impératifs économiques » de l’époque.


          • herbe herbe 28 novembre 2010 11:13

            Ah oui Croa !

            Vous prêchez un convaincu, mais force est de reconnaitre que il y a au moins deux changements :
            1 Le système s’est considérablement peaufiné et adapté, qui à part exception se réclame ouvertement esclavagiste de nos jours ? (et pour cause ce système officiellement aboli de façon légale ne se pratique plus que dans l’illégalité)

            Et pourtant, hélas il s’agit au fond toujours de servitude.

            2 Sous couvert de liberté, égalité, fraternité (affichés d’ailleurs partout même sous les caméras de vidéo surveillance !!! ) énoncés et donnés comme vertu dans tous les discours des « maitres », on pratique tout l’inverse. Il n’y a plus cette identification immédiate possible comme ce fameux « code noir ». Le vice se pare de vertu (extrême habilité de faire passer un vice pour une vertu : http://sergecar.perso.neuf.fr/cours/devoir7.htm)

            Malgré tout aujourd’hui comme hier beaucoup ne sont pas dupes et peuvent légitimement s’indigner :
            http://www.telerama.fr/livre/resistons-a-l-indifference-avec-stephane-hessel,62826.php


          • Dortiguier 27 novembre 2010 17:16

            Je profite de l’occasion de cette réponse pour remercier mes lecteurs, et puisqu’ils ont réclamé des sources, je les communique : la première citation de Voltaire, en exergue, est une lettre à Madame du Deffant de 1766. L’idée de chimie mentale est bien de Valéry, dans son regard sur l’Histoire et c’est son que je reprends ici à mon compte. Evidemment, je suis de tempérament et de discipline philosophique et je répondrai que chaque jour mes mains remercient l’eau chaude de couler, et donc l’inventent en quelque sorte, c’est-à-dire la « trouvent ». Je maintiens l’intérêt des découvertes de Fomenko, qui a entamé ses études historiques en 1973, en même temps que ses propres travaux de mathématiques qui en font un génie en son genre, mais surtout
            j’attire l’attention sur son équipe d’une trentaine de personnes ! Il a en
            Allemagne, Gabowitz et d’autres qui n’ont rien, à les examiner, de rigolos.

            Je livre encore mes sources, que j’ai données pour ce qui est du
            Cardinal Lavigerie, et en ce qui touche le biographe et africaniste belge,
            Pierre Daye, dont j’ai sous les yeux le livre sur S.M. Leopold I, que je cite
            avec précision. Mais je ne veux pas, selon la règle de l’honnête homme, trop
            écraser le lecteur par l’érudition. Les textes d’Agora sont des échanges
            d’idées et aussi une certaine confiance entre gens qui pour cette raison
            réclament le titre de citoyens, citoyens aussi de la République des Lettres.
            C’est un auteur anglo-américain qui est la source des chiffres cités : Ph.
            Curtin,The Atlantic Slave Trade, A census,1968. Les documents de Lavigerie se trouvent sur internet, d’où je les ai tirés


            • Dortiguier 27 novembre 2010 17:17

              Je reconnais avoir passé un certificat de morale et de sociologie à
              l’université, où je fus reçu du reste (en seconde session) premier, et c’est de là que me vient ce ton de morale qui est encouragé par la littérature philosophique, car comme dit Rousseau ceux qui traitent séparément morale et politique (ici politique de la colonisation et de l’esclavage), n’entendront rien ni à l’une ni à l’autre.

              Je vois que l’expression de demi-science est mal comprise, parce que je n’y ai pas insisté. Elle n’est pas péjorative ; l’Histoire est une science humaine, non pas exacte au sens de la physique, car il y a une part de reconstruction subjective. C’est pourquoi Voltaire qui est notre premier historien moderne, dit que l’historien est un disciple des sceptiques grecs. J’ai voulu montrer que l"enfer est pavé de bonnes intentions, et qu’en l’occurrence Lépold II a eu le sentiment qu’il agissait pour le bien, comme aujourd’hui ceux qui bombardent tel ou tel peuple pensent aussi de même ! Je fais appel au forum
              pour qu’il réagisse.


              • jullien 27 novembre 2010 17:51

                un certificat de morale ? Pourriez-vous donner plus de précisions ?


              • Firenza 27 novembre 2010 18:19

                «  Lorsque, en 1920, la sociologie devint pour la première fois une matière secondaire obligatoire à l’université, il s’agissait d’un certificat « morale et sociologie » accessible aux étudiants de philosophie. Pendant quarante ans, ce certificat demeura la seule formation officielle en sociologie. Ce n’est qu’en 1958 que fut rompu le lien institutionnel unissant la morale à la sociologie et que celle-ci se transforma en matière principale à part entière. La parenté entre les deux était donc un trait important et relativement durable de la sociologie française. » http://agone.revues.org/index118.html

                 

                 


              • Firenza 27 novembre 2010 18:26

                « La sociologie existait dans la philosophie. A cette époque
                là pour avoir une licence, il fallait avoir 4 certificats. Et il y avait un
                certificat obligatoire de « Morale et de Sociologie » pour avoir une
                licence d’enseignement, c’est-à-dire une licence permettant de passer l’agrégation. »

                 

                « La reconstruction de la sociologie française. »1945-1965. Francis Farrugia




                 


              • jullien 27 novembre 2010 20:20

                @Firenza
                Merci beaucoup.


              • Dortiguier 27 novembre 2010 17:19

                Je citerai enfin, en apprenti historien, ce passage de l’historien
                Robertson, Histoire d’Amérique, tome IV, livre VIII, page 142, traduction française 1780, cité par Charles Périn, « De la richesse dans les sociétés chrétiennes », Lecoffre, Paris-Lyon 1868), tome I, page 337, note 3 - toutes références dues à mon ami Pierre Moreau cité dans l’article :

                « Du moment qu’on envoya en
                Amérique des ecclésiastiques pour convertir les naturels, ils supposèrent que
                la rigueur avec laquelle on traite ce peuple rendait leur ministère presque
                inutile. Les missionnaires, se conformant à l’esprit de douceur de la religion
                qu’ils venaient annoncer, s’élevaient aussitôt contre les maximes de leurs
                compatriotes à l’égard des Indiens, et condamnèrent les repartimientos, ou ces
                distributions par lesquelles on les livrait en esclaves à leurs
                conquérants, comme des actes aussi contraires à l’équité naturelle et aux préceptes
                du christianisme qu’à une saine politique. »

                Les dominicains, à qui l’instruction des Américains fut d’abord confiée,
                furent les plus ardents à attaquer ces distributions. En 1511, Montesino, un
                des plus célèbres prédicateurs, déclama contre cet usage dans la grande 
                église de Saint-Domingue, avec toute l’impétuosité d’une éloquence populaire.
                Don Diego Colomb, les principaux officiers de la colonie, et tous les laïques
                qui avaient entendu ce sermon, se plaignirent du moine à ses supérieurs ; mais
                ceux-ci, loin de le condamner, approuvèrent sa doctrine comme également pieuse
                et convenable aux circonstances.

                « Les dominicains, sans égard pour ces considérations de politique et
                d’intérêt personnel, ne voulurent se relâcher en rien de leur doctrine, et
                refusèrent même d’absoudre et d’admettre à la communion ceux de leurs
                compatriotes, qui tenaient les Indiens en servitude ».

                Le fait mentionné que seule l’Espagne n’a pas participé à la traite
                négrière, se trouve chez le même auteur PH.Curtin. Il est cité par l’africaniste Bernard Lugan, dans « Afrique : l’histoire à l’endroit » (Perrin, Paris, 1989,p.134, note 1.) Lugan est souvent trop partial, mais il est informé.

                 


                • Pie 3,14 27 novembre 2010 20:33

                  A l’apprenti historien,

                  Sachez qu’il n’existe pas de « demi-science » (les sciences humaines) et de vraie science ( la physique ou les mathématiques). La démarche scientifique peut s’appliquer dans tous les domaines. Lisez pour vous en convaincre les écrits de Karl Popper qui font autorité dans ce domaine.

                  Vous utilisez les sources n’importe comment. Vous mélangez témoignages du passé, comme celui de Voltaire qui n’est en rien « le premier historien » et travaux d’historiens comme celui de Curtin. Vous les traitez de la même façon sans aucune méthodologie.

                  Un historien travaille avec des sources, c’est-à-dire des données contemporaines du sujet qu’il étudie. Il évalue l’authenticité, la fiabilité, le contexte et analyse le contenu de chaque source qu’il croise avec les autres et relativise son intérêt. Il fait aussi l’historiographie de son sujet en épluchant tout ce qui a été déjà écrit par d’autres historiens.
                  L’Histoire est une science, réfutable comme toutes les sciences encore faut-il en appliquer les règles.

                  Vous utilisez les écrits de P Daye qui n’est pas un historien mais un des fondateurs du Rexisme ( un fascisme à la mode belge), condamné à mort en 1945, déchu de sa nationalité en 46, mort en Argentine en 60...Les autres références renvoient à un passé fort daté, Robertson 1780 cité par Périn 1868...


                  Il existe pourtant des écrits plus sérieux et récents sur la question.Je vous suggère quelques lectures :
                  P Montagnon, Dictionnaire de la colonisation, Gallimard, 2010.
                  JP Tardieu, La traite des noirs entre l’océan indien et Montevideo ( fin XVIII début XIX), l’Harmattan, 2010.
                  A Memmi, l’Homme dominé, Gallimard, 2010.
                  M Vaïsse, l’Histoire coloniale en débat en France et en Grande-Bretagne,A versaille éditeur,2010.
                  P Weil, S Dufoix, L’esclavage, de la colonisation et après..., Puf, 2010.

                  Vous, l’adepte des thèses farfelues de Fomenko ne maîtrisez même pas les rudiments du travail historique et encore moins l’historiographie de votre sujet.
                  Vous voulez débattre, commencez par apprendre.


                • Abderraouf 27 novembre 2010 20:52

                  Pour mettre Pie 3,14 en colère, il faut se lever de bonheur. Que l’auteur visiblement réveillé à l’aube, en soit ici ... remercié.

                  Même bibi c’est dire... sait, que les sciences dites humaines dont des ... sciences et qu’elles ont, ou qu’elles devraient avoir une exigence de rigueur ne tolérant aucune approximation, aucun fantasme, aucune improvisation.

                  Il est des gifles qui au delà de l’ego peuvent être salutaires et faire beaucoup de bien et c’est de moi que je parle.


                • Dortiguier 28 novembre 2010 09:28

                  Pour préciser l’ article sur la servitude africaine, je signale que Pierre Daye qui fut en effet, comme je l’ai indiqué , forcé à l’exil en Argentine pour collaboration -qui fut très importante en Belgique- est remarquable comme africaniste.Il a témoigné de l’état du Congo et des Grands Lacs, dans des ouvrages à succès et a lui-même parcouru les lieux.

                  J’apprécie la remarque d’un critique qui fait le rapprochement entre les mains coupés de la
                  photographie et les pratiques cruelles locales .L’intérêt historique de cette photographie est de montrer un spectacle si affreux que durant la première guerre mondiale, c’est d’après l’exhibition de pareilles mains qu’est née la légende des mains coupées des enfants par les Allemands en Belgique.Pareille accusation donna lieu à des excuses publiques après la guerre. Mais l’origine de cette affreuse légende, dont André Gide parle dans son journal, est le Congo belge. Je puis citer même l’auteur anglais qui en a abondamment parlé, ou
                  je laisse ce soin à des spécialistes...."


                  • Pie 3,14 28 novembre 2010 11:04

                    Le but de mon intervention n’est pas de vous couper le sifflet, vous avez parfaitement le droit de parler des choses qui vous intéressent.

                    Seulement évitez de dire n’importe quoi (Fomenko),n’étalez pas ce mépris injustifié envers une science que manifestement vous ne connaissez pas.

                    Plutôt qu’écrire : je vais vous parler des manipulations de l’Histoire, dites je vais vous parler de mes lectures et de ce qu’elles m’inspirent, c’est plus modeste, c’est plus honnête et beaucoup plus proche de la réalité.


                  • ali8 28 novembre 2010 11:47

                    veuillez aussi consulter :

                    www.africamaat.com

                    et en particulier le rôle des juifs pendant le commerce du bois d’ébène smiley


                    • Dortiguier 28 novembre 2010 12:06

                      J’ai dans cet article défendu sur un exemple l’opinion bien connue de Valéry qu’il y a une « chimie mentale », une synthèse artificielle qui met en doute la validité absolue des jugements en histoire. Ceci est une opinion que j’estime fondée, évidemment mon opinion est subjective, mais je pense que cette subjectivité, en d’autres termes cette relation à un univers personnel est le propre de l’historien. Et qu’il ne peut pas, qu’il n’a aucun moyen de l’imposer à autrui, comme un scientifique impose à autrui les conséquences d ’une hypothèse, la ncessité d’une démonstration.
                      J’ai pris l’exemple de l’esclavage, dans non pas une synthèse historique (qui est un art d’enseigner), mais une analyse, qui est celui de découvrir. Le lecteur de ma contribution,
                      tout comme moi-même, pénètre, c’est du moins mon vœu, dans un univers subjectif, celui du colonisateur ; c’est pourquoi j’ai évoqué ce sermon bruxellous de Lavigerie, car c’est celui qu’ont entendu les Bruxellois, celui que lisent les lecteurs catholiques d’une œuvre dont j’ai cité la source.
                      Comment est-il possible d’écrire une œuvre objective de la colonisation ? Je n’y crois
                      guère.Allons plus loin, est-il possible de porter un jugement historique, en disant : voilà ce qu’enseigne l’histoire ?
                      Je signale que la méthode est relative à l’objet.
                      Dans la réponse, je relève deux erreurs : quand je dis que Voltaire est le premier historien moderne, dand l’Histoire de Charles VII et Le Siècle de Louis XIV, c’est une idée générale que j’ai reçue de mes collègues qui sortaient de l’École des Chartes ; que je pourrais nommer.
                      Je dis bien historien moderne, qui use de méthodes de recoupement etc.Mais pour moi
                      la règle pemière est le motto : avez vous un texte ? Un document ?J’ai présenté un
                      tel document, celui de Lavigerie.
                      Quant à pierre Daye, il faut dire qu’il a laissé un bonne biographie de Brazza. Donc ses opinions ne sont pas à prendre en compte, sinon, c’est de la censure soviétique où l’on biffait régulièrement les noms des opposants.
                      Quant à Fomenko, je persiste à penser que le traiter comme un enfant, pourrait se revéler être dangereux. Cf.ceux qui ont ainsi traité Jésus !!!!


                      • Dortiguier 28 novembre 2010 18:37

                        Rectificatif : l’Histoire de Charles XII, roi de Suède" de Voltaire et non de Charles VII


                      • Dortiguier 28 novembre 2010 18:39

                        Rectificatif : « l’Histoire de Charles XII, roi de Suède » de Voltaire, et non de Charles VII.


                      • LE CHAT LE CHAT 28 novembre 2010 17:40

                        très bon article qui rappelle utilement la responsabilité des musulmans dans la traite des esclaves, et dont on n’est pas prêt de voir un jour la moindre repentance , il suffit de voir comment ça se passe actuellement au Soudan pour s’en convaincre ! les sultans de Zanzibar et d’Oman ont bati des fortune grâce à ce trafic !


                        • Dortiguier 28 novembre 2010 19:00

                          Le Cardinal Lavigerie accuse, vous l’avez bien relevé, l’Islam de favoriser
                          l’esclavage. Et il récuse la défense de l’Islam par le contantinopolitain orthodoxe
                          grec, diplomate de l’Empire ottoman : nous sommes là en pleine polémique
                          religieuse, marquée par une islamophobie analogue à celle d’aujourd’hui .

                          Le seul moyen de l’arrêter serait de réunir un comité qui examinerait
                          les livres sacrés du monothéisme et trancherait sur lequel des trois rites
                          favorise, par sa doctrine, formellement, diplomatiquement, si vous 
                          préférez, l’esclavage, la servitude des infidèles. Je ne crois pas que
                          cela soit possible. Ce serait un produit explosif, et nous revenons donc par là
                          à la « chimie mentale » !

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