L’Humain d’abord : irréalisable ? Non, indispensable
Je voudrais témoigner à mon tour.
Des trois semaines de campagne du Front de Gauche à Hénin-Beaumont, dans la 11ème circonscription du Pas-de Calais, auxquelles j'ai modestement participé, venant avant tout m'initier au porte à porte dans les cités de Libercourt, Dourges ou Hénin-Beaumont, au côté des militants communistes, ou de novices du Parti de Gauche comme moi, ou même de sympathisants venus de Marseille pour accompagner ce grand événement, y participer, pouvoir en témoigner.
Moi-même je ressors de la 17ème circonscription du Nord, qui est à 20 minutes en voiture d'Hénin-Beaumont. J'ai donc été moi aussi aspirée, emportée dans ce tourbillon, qui m'amène, dès que je le peux, sur ces terres du Bassin Minier qui est mon histoire également. Dans mon petit village natal, qui se trouve dans la 16ème circonscription du Nord, Mélenchon a fait 30% au premier tour. Dans ce village, il y a le Musée de la Mine, que j'ai visité une vingtaine de fois depuis mon enfance : que ce soit quand j'étais élève à l'école de ce village, ou plus tard quand j'y ai moi-même emmené mes élèves, ou quand j'y ai emmené des amis de passage ; j'avoue même, que c'est dans ces "profondeurs" reconstituées de la mine, que je suis allée me réfugier pour trouver un peu de fraîcheur pendant les canicules de 2003 et 2004...
Alors, voir Mélenchon, chaque jour depuis 3 semaines, arpenter, en long, en large et en travers, les rues de ce Bassin Minier ; l'écouter faire revivre cette histoire ouvrière des mineurs ; le regarder, dans les cités, parler, inlassablement, avec ces anciens mineurs, fils de mineurs, femmes, veuves de mineurs, petits-fils de mineurs, mais aussi, du même coup, avec leurs voisins, immigrés de la 1ère, de la 2ème, de la 3ème génération... C'est émouvant. "Au fond de la mine, aime-t-il à répéter dans ses discours de Méricourt, de Courrières ou de Billy-Montigny, au fond de la mine, on est tous noirs ; il n'y a pas de racisme ; et quand on se blesse, le sang est rouge."
Et voilà. Tout se tient. Voilà pourquoi c'est ici et nulle-part ailleurs, dans ce berceau du monde ouvrier et de l'immigration historique, que Mélenchon avait sa place. Cette place, ici, dans le Bassin Minier du Pas de Calais, il la mérite plus que tout autre, lui qui a mis les ouvriers et les immigrés, ensemble, au coeur de chacun de ses discours lors de la campagne présidentielle.
Car les deux sont indissociables. Et ceux qui essaient de les séparer, de les diviser, de les monter les uns contre les autres, ceux-là sont des imposteurs, des menteurs, ils leur volent leur histoire aux uns et aux autres. C'est pourquoi Mélenchon est venu ici. Lui qui la connaît, cette histoire. Il est venu la leur rendre, la leur raconter, inépuisablement. L'histoire de la Fraternité. Cette histoire qui n'est sans doute pas assez enseignée dans les écoles. Il faudra revoir les programmes, quand vous serez président, Monsieur Mélenchon.
Mais j'en viens au sujet de mon article : L'Humain d'abord. Irréalisable ? Non, indispensable.
Certes, c'est toujours assez douloureux, quand on est persuadé, au plus profond de soi-même, de l'honnêteté d'un homme, de sa valeur, de sa probité, de son humanité, c'est toujours douloureux de le voir bafouer, calomnier, conspuer. Cependant, je veux ignorer tous ces coups bas qui pointent les contradictions de Mélenchon, ses compromissions, ses prises de position, bref, son humanité. (Oui il est franc-maçon, et alors ? J'en connais des Franc-maçons, même si je n'en suis pas, et ils ont bien le droit, ce n'est pas interdit que je sache. Etc...)
Car Mélenchon, avant d'être Mélenchon, c'est un Parti, le Front de Gauche, et ce Parti, c'est un programme, L'Humain d'abord.
Alors au lieu de viser l'homme, visez plutôt les idées qui flottent au-dessus de sa tête, qui sortent de sa bouche quand il parle, qui déflagrent dans l'air du Pas de Calais telles des coups de grisou, des coups de tonnerre, des coups de foudre.
Eh bien, ces idées, elles sont inattaquables.
Allez-y. Visez un peu. L'Humain d'abord. Ca ne nous changerait pas un peu, ça ne nous ferait pas un peu de bien, après Le Fric d'abord, L'Argent d'abord, qui est le refrain qu'on nous chante depuis 5 ans. Une de mes amies, qui est DRH dans une entreprise du Nord, m'a expliqué que son patron gagnait des sommes colossales (je n'ai pas retenu, trop de zéros), et qu'il allait bientôt partir : en effet, il a accompli sa mission, qui était de licencier une partie du personnel, et donc il a obtenu une promotion, dans une entreprise plus grosse, où sa nouvelle mission sera de licencier encore plus de personnel, et où il gagnera encore plus d'argent, etc. Ce qui fait la valeur d'un patron de nos jours, du moins dans les grosses entreprises, c'est sa capacité à virer le plus possible de gens, en faisant le moins de remous possible. Ceux qui arrivent à faire cela, ils gagnent des fortunes.
C'est ça, le capitalisme.
Que nous disent les gens quand on fait du porte à porte ?
L'autre jour je suis tombé sur un monsieur, comme il y en a tant, au bout du rouleau. Il a commencé a travailler à 14 ans. Il travaillait dans les Travaux Publics. Il a pris sa retraite à 60 ans. 756€. Son travail, très physique, lui a bousillé le dos. Il a du mal à marcher. Son loyer : 300€. Sa mutuelle : 100€. Les charges. Il est invalide à 40%, mais il m'explique que pour avoir une aide il faut y être à 80%. Il n'a donc aucune aide. Il n'a pas les moyens d'aller boire une bière dans un bistrot. "Parce que si je rencontre des copains, il faudra leur payer un coup, et là ça va m'emmener à des 20€, 30€, et là je ne peux pas." Il voit rarement ses enfants et petits enfants. "Ils habitent sur la côte et l'essence pour aller les voir c'est de plus en plus cher." "Et puis les petits enfants, c'est bien beau, mais je peux pas aller les voir les mains vides, il faut leur acheter des jouets."Et pour couronner le tout, me dit-il, quand il a pris sa retraite, sa femme, qui avait 10 ans de moins que lui, l'a quitté. Pour un qui était un peu plus riche. "Parce que les femmes, il leur faut un peu d'argent, quand même." "C'est une vie, ça ? Tout le temps dans cet appart, à rien pouvoir faire parce que j'ai pas un rond, vous trouvez que c'est une vie ?"
Quand je suis rentrée chez moi, j'ai regretté de ne pas lui avoir dit que quand il avait ouvert la porte, j'avais vu un bel homme, grand, mince, avec un beau visage, un peu voûté à cause du mal de dos, la voix un peu étouffée par l'indignation, la colère, le découragement, les vêtements un peu rapés... Mais un bel homme auquel je n'aurais pas donné 62 ans.
On n'a pas parlé politique. Mais avant de refermer la porte il m'a dit qu'il avait voté Mélenchon.
Et pourtant, il m'a quand même glissé un petit mot sur "ces petits Maghrébins qui roulent dans des décapotables"...
En bas de l'immeuble, je raconte ça à un copain militant communiste qui s'en va le raconter à Mélenchon, qui lui dit : "Ah mais ça c'est du trafic, attention, nous on n'a jamais défendu les traficants, hein..."
Voilà pour le monsieur qui votait Mélenchon.
Alors pour ce Monsieur, s'il vous plaît, Monsieur Mélenchon, dépêchez-vous d'être président pour mettre "le smic à 1700€ et pas de retraite en dessous du smic". C'est urgent, vite !
Et pour doubler, tripler, décupler les effectifs de la police, pour faire la chasse aux petits délinquants et surtout aux gros traficants !
Et maintenant, la dame qui votait FN. C'est pas compliqué, les gens qui votent pour le FN, ils nous disent tous la même chose : ce qui les bouffe, c'est de se lever le matin pour aller travailler et de voir qu'il y en a qui ne vont pas travailler et gagnent autant qu'eux. Du moins c'est ce qu'ils disent. A cause des AIDES SOCIALES. "ILS ont des aides pour tout : la santé, le logement..." ILS, ce sont les "assistés". C'est à dire les "immigrés". Car le plus souvent il se trouve que les deux catégories se recoupent.
Réponse de Mélenchon dans son discours de Billy Montigny : peut-être qu'il y en a quelques-uns qui profitent, mais c'est une minorité.
Alors, Monsieur Mélenchon, quand vous serez président (vite !), dépêchez-vous d'augmenter les salaires, pour que les gens qui travaillent n'aient plus besoin de haïr ceux qui ne travaillent pas, leurs semblables, leurs frères : comme il y aura une plus grande différence entre les revenus du travail et les montants des aides sociales, il n'y aura plus de jalousie, donc plus de haine, plus de sentiment d'injustice, plus de racisme. Plus de Front national.
Parce que c'est ça qui la fait prospérer, la Le Pen. C'est ça son fonds de commerce : la misère. La misère de ceux qui travaillent. Les salaires de misère. D'ailleurs elle ne propose pas d'augmenter les salaires, car ça la ferait disparaître. Elle préfère supprimer les aides sociales et virer les immigrés. Comme ça il y aura toujours des gens payés des misères, à qui elle trouvera bien un nouveau bouc émissaire à haïr.
Bon. Et je n'ai pas encore parlé de la planification écologique. Ni de la VIe République. Ni du partage des richesses. A suivre...
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