L’hymne national breton au Stade de France
La question s’était posée depuis que l’on sait que la finale de la coupe de France de football opposera deux équipes bretonnes (Rennes et Guingamp) samedi 9 mai : l’hymne national breton pourra-t-il être joué ? L’accord a été donné et le "Bro Goz ma Zadou" résonnera dans le stade mais ce sera hors caméras de télévision et bien avant d’entonner la Marseillaise, ce qui est normal puisque ce chant est l’hymne de la République une et indivisible.
L’affaire pourrait bien choquer quelques parisiens ou les Jacobins de l’ultra république française. Une explication s’impose donc. Ce papier n’a pas pour objet d’exalter le nationalisme dont son auteur n’est pas adepte. Avis aux footeux : il n’y sera pas question de football non plus. Le sujet est juste historique et culturel. Une occasion pour les non bretons de mieux connaître la Bretagne.
Notons tout d’abord que l’hymne breton est pacifique, qu’il n’est pas guerrier contrairement à la Marseillaise dont "le sang impur" et le dernier couplet prêtent à vive polémique et peuvent être perçus comme hostiles par les autres peuples voire les immigrés installés chez nous. L’hymne breton n’a pas non plus été arrangé par un ancien nazi contrairement à l’hymne européen (1). C’est Alan Stivell qui est l’auteur des arrangements du "Bro goz ma zadou" qui retentira samedi au stade. Enfin, l’hymne breton est international puisque les Gallois ont le même.
(1) [ Dans un article daté du 3 mai 2009 du journal Le Monde et intitulé "L’hymne qui sent le soufre", il est rappelé que le symbole musical de l’Europe, adaptation de l’"Ode à la joie" de la "9e Symphonie" de Beethoven, est dû à Herbert von Karajan, l’homme au passé nazi bien gênant. ]
L’idée de nation est bien reconnue en rugby avec le Tournoi des Six Nations qui est disputé chaque année par les équipes d’Angleterre, d’Écosse, de France, du pays de Galles, d’Irlande et d’Italie. La Grande-Bretagne a admis l’existence de nations en son sein : Ecosse, pays de Galles et Irlande. Mais dans la France jacobine et centralisatrice, il existe toujours une méfiance envers les régions même si tout risque de sécession est désormais écarté. On peut comprendre dès lors la réticence des Français à cette idée de nation. Pourtant, qu’y a-t-il de choquant à entonner l’hymne breton lors des manifestations sportives de la même façon que l’on chante l’hymne gallois en Grande-Bretagne ? D’ailleurs, historiquement, la nation bretonne est plus ancienne que la nation française !
Le Royaume-uni, comme son nom l’indique, est uni. Le mot figure dans le nom même du pays. Cette référence fait justement respecter les différentes composantes de l’ensemble. Bien qu’il ne soit pas reconnu officiellement ou légalement comme hymne national, l’hymne gallois "Hen wlad fy nhadau", est accepté comme tel lors des manifestations galloises, sportives en particulier. Et, Outre-Manche, on ne plaisante pas avec l’hymne gallois ! Ainsi en 1993, John Redwood, fraîchement nommé secrétaire d’État pour le Pays de Galles a été surpris par l’oeil de la caméra en train d’apprendre "sur le tas" les paroles de la chanson. Cette attitude lui a longtemps été reprochée comme étant de l’incompétence au poste occupé. Aussi, la première chose que dit son successeur William Hague fut de se trouver quelqu’un pour lui apprendre les paroles. Pour l’anecdote, cette personne fut Ffion Jenkins, qu’il épousa par la suite !
Mais revenons à la France. Samedi 9 mai se tiendra au Stade de France la rencontre de la finale de la coupe de football (que l’auteur de cet article ne regardera pas) entre Rennes et Guingamp. Mais pas d’inquiétude : la prestation chantée de "Bro goz ma zadou" ne sera pas filmée pour la télévision. Gare toutefois à l’oeil de la caméra qui traîne et qui pourrait donner lieu à des séquences "off" de flagrant délit d’ignorance des paroles. Fort heureusement, une vidéo permet aux étourdis de réviser la chanson avec le groupe Tri Yann.
La version de l’hymne Bro goz ma zadou que l’on pourra entendre au Stade de France samedi dans l’heure qui précèdera la rencontre, sera celle qui a été arrangée par Alan Stivell, celui-ci ayant donné son autorisation. Le célèbre barde celte a même déclaré qu’il cédait les droits à tous les Bretons même si ce sont ses arrangements car il s’agit d’un chant traditionnel. C’est d’ailleurs le même air qui sert de musique à l’hymne de la Cornouaille anglaise appelé "Bro Goth Agan Tasow" dont les paroles comportent de nombreuses similitudes avec celles de l’hymne breton.
On peut écouter l’hymne et le télécharger gratuitement sur le site officiel d’Alan Stivell.
Les paroles bretonnes sont de François Jaffrenou (1879-1956), qui n’était encore que lycéen. Cet hymne est inspiré de l’hymne national du Pays de Galles, Hen Wlad Fy Nhadau (Vieille terre de mes pères), composé par le barde gallois Evan James en 1856 et mis en musique par son fils James. L’hymne de Cornouaille Bro Goth Agan Tasow en est l’équivalent en cornique.
Le Bro Gozh fut choisi par le jury de l’Union régionaliste bretonne et proclamé "Chant national", en raison de la fraternité qui rapprochait Bretons et Gallois, au Congrès de Lesneven en 1903. Maurice Duhamel écrivit pour cet hymne une nouvelle harmonisation pour piano, et il fut enregistré par Pathé frères, de Paris, sur disques phonographiques en 1910.
"BRO GOZ MA ZADOU" (Vieux pays de mes pères), hymne de la Bretagne (traduction plus bas).
« Ni, Breizhiz a galon, karomp hon gwir Vro !
Brudet eo an Arvor dre ar bed tro-dro.
Dispont kreiz ar brezel, hon tadoù ken mat,
A skuilhas eviti o gwad.
Refrain
O Breizh, ma Bro, me ’gar ma Bro.
Tra ma vo mor ’vel mur ’n he zro.
Ra vezo digabestr ma Bro !
Breizh, douar ar Sent kozh, douar ar Varzhed,
N’eus bro all a garan kement ’barzh ar bed,
Pep menez, pep traonienn, d’am c’halon zo kaer,
Enne kousk meur a Vreizhad taer !
Refrain
Ar Vretoned ’zo tud kalet ha kreñv ;
N’eus pobl ken kalonek a zindan an neñv,
Gwerz trist, son dudius a ziwan eno,
O ! pegen kaer ec’h out, ma Bro !
Refrain
Mar d’eo bet trec’het Breizh er brezelioù bras,
He yezh a zo bepred ken beo ha bizkoazh,
He c’halon birvidik a lamm c’hoazh ’n he c’hreiz,
Dihunet out bremañ, ma Breizh ! »
TRADUCTION
« Nous Bretons de cœur, nous aimons notre vrai pays !
L’Arvor est renommée à travers le monde.
Sans peur au cœur de la guerre, nos ancêtres si bons
Versèrent leur sang pour elle.
Refrain
O Bretagne, mon pays, que j’aime mon pays
Tant que la mer sera comme un mur autour d’elle.
Sois libre, mon pays !
Bretagne, terre des vieux Saints, terre des Bardes,
Il n’est d’autre pays au monde que j’aime autant ;
Chaque montagne, chaque vallée est chère dans mon cœur.
En eux dorment plus d’un Breton héroïque !
Refrain
Les Bretons sont des gens durs et forts ;
Aucun peuple sous les cieux n’est aussi ardent ;
Complainte triste ou chant plaisant s’éclosent en eux.
Oh ! Combien tu es belle, ma patrie !
Refrain
Si autrefois Bretagne, tu as fléchi durant les guerres,
Ta langue est restée vivante à jamais,
Son cœur ardent tressaille encore pour elle.
Tu es réveillée maintenant ma Bretagne ! »
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