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L’union fait la Corse

 

JPEG L’UNION FAIT LA CORSE

 

RESULTAT HISTORIQUE

La liste « Pè à Corsica » (Pour La Corse) obtient la majorité absolue avec 56,46 % des suffrages exprimés. Le résultat est historique ;
Autre résultat historique, 1 électeur sur 2 ou presque ne s’est pas déplacé.

UN VOTE ET UN SUCCES EMINEMMENT POLITIQUES MAIS L’ABSTENTION SERA LA MARTINGALE DE L’ETAT

Voilà donc une majorité qui s’est clairement exprimée sur une démarche d’émancipation et une posture profondément politique mais vs une autre majorité, silencieuse, dont les spécialistes ont bien du mal à identifier les ressorts. Ces abstentionnistes vont être probablement l’objet des fantasmes de la droite et de la gauche pour expliquer l’ampleur de leur échec pour les uns mais aussi pour le gouvernement français qui, immanquablement, en fera son joker de bonne ou de mauvaise foi dans de prochaines discussions. Hélas, l’ancien premier ministre Raffarin a déjà fait l’erreur d’associer les abstentionnistes à une résistance anti-Simeoni.

L’autre retentissement dans le paysage politique corse, c’est l’implosion en chœur de la gauche qui n’aura aucun siège, du FN qui disparait et de la droite qui se maintient sur une pente inexorablement descendante.

Enfin l’avènement jupitérien n’aura pas eu lieu en Corse. Des présidentielles aux régionales en passant par les législatives, le demi-dieu national termine cette campagne comme la voiture balai termine le Tour de France.

LE MALENTENDU INDEPENDANTISTE

Enfin débarrassons-nous d’un malentendu. La Liste « Pè à Corsica » n’a pas reçu pour consigne de faire monter les chars à la Préfecture d' Ajaccio !

En effet,

J’observe que les leaders se sont attachés à ne pas prononcer le mot et dans une rhétorique d’ouverture et de tolérance, ils s’en sont tenus à magnifier le sentiment national, pardon le sentiment régional. Talamoni, l’allié indépendantiste est loyal et exprime sa satisfaction mais sur le mode de la modération, comme s’il n’avait pas pesé avec « Corsica Libera » autant qu’il l’aurait souhaité.

La question semble désormais toucher à la réalité du leadership spécifiquement indépendantiste et à celle de son poids électoral. Paul-Félix Benedetti, l’autre leader indépendantiste, au terme d’une très bonne campagne a fait un score estimable au 1er tour. En restant sur des positions plus idéologiques avec un fond cohérent sur la question sociale, il pourrait bien rafler la mise du leadership indépendantiste car Talamoni a gommé la sienne En fait la question serait peut-être d’évaluer la réalité de l’indépendantisme et de son poids.

Les scores du 2e tour dépassent la simple addition des résultats des nationalistes et indépendantistes du 1er tour. Donc, non seulement la Liste indépendantiste « Core in Fronte » de P-F Benedetti s’est ralliée sans état d’âme, mais en refusant la fusion elle a sans doute permis à son leader de s’approprier l’incarnation idéologique de la résistance face à l’Etat français. Ainsi Benedetti garde un pied sur le fondement idéologique et historique d’un indépendantisme légitimé sur une toile de fond « colonialiste »

 Cette posture n’est pas du tout anecdotique en Corse car elle a un fondement historique depuis Ponte Nuovo en 1769, tout en restant sans doute assez minoritaire.

TOUT ÇA POUR QUEL MANDAT ?

Ce résultat impressionnant ne doit pas faire oublier l’objet de l’élection. Les 63 élus reçoivent un mandat de gestion, or ils se sont fait élire sur des valeurs d’émancipation et de traditions culturelles qui en Corse constituent un bon levier électoral. Ils ont cherché un vote politique. Ils l’ont obtenu au-delà de leurs attentes. Il va donc falloir obtenir des résultats en ce sens.

C’est-à-dire aller vers l’autonomie,

De quoi s’agit-il et une bonne fois soyons clairs en particulier en direction de nos compatriotes du continent. Il est urgent de tordre le cou à la désinformation ambiante dont les conservateurs nerveux de droite et leurs chroniqueurs sont responsables

Voici à la virgule près la déclaration de Gilles Simeoni après le 1er tour sur la question de l’autonomie :

« Aujourd’hui, la Corse n’est pas dans une logique de rupture avec la France. Nous ne sommes pas dans une revendication d’indépendance, y compris les indépendantistes qui participent à la liste "Pè a Corsica". Ils sont d’accord pour dire, avec l'ensemble des composantes de la liste et beaucoup de Corses - y compris des non nationalistes - qu’il faut un statut d’autonomie pour La Corse. Un statut d’autonomie, c’est la capacité qui pourrait être reconnu à la nouvelle collectivité de Corse de légiférer dans un certain nombre de domaines. Les pouvoirs régaliens continuant à rester de la compétence de l’État."

Concernant les pouvoirs régaliens, il a même ajouté que l’enseignement et la santé devaient rester du ressort de l’Etat

Seulement voilà, un mandat de gestion ne leur laissera que peu de possibilités pour exécuter le mandat "d’émancipation" qu’ils ont reçu ( le terme préféré de G. Simeoni ). Avec une boite à outil de réparateurs de chambre à air, il sera compliqué de fabriquer une voiture de course.

Il leur faudra donc obtenir des résultats sur ces questions et pas uniquement par une bonne gestion dont ils ont d’ailleurs fait preuve depuis 2015, mais par la négociation avec l’Etat. Ils seront donc contraints à maintenir à la frontière de ce mandat « technique », une pression sur l’Etat français pour répondre aux aspirations de l’électorat.

Mais quel serait alors donc le contenu politique de ce mandat ?

Les partis républicains ont tété la République et ses perfusions depuis toujours. Ce biberonnage qui a enrichit certaines « familles » a produit un clientélisme électoral qui n’a fait qu’accentuer la dégradation de la condition sociale des corses pendant que dans les officines notariales, la Corse, c’est-à-dire un morceau de France, se négocie chaque jour au prix du m2 monégasque et cela se fait au détriment de la population et de sa jeunesse. Chômage de masse, 20 % de la population en dessous du seuil de pauvreté, vie chère, une terre confisquée pour être cédée à la spéculation immobilière sur fond de banditisme, une langue stigmatisée, la coupe était pleine et l’Etat a corrompu « passivement » ses vassaux locaux qui ont laissé faire jusqu’à s’y compromettre pendant des décennies. La loi de la moralisation de la vie publique n’est pas une insignifiance ici…

Et puis… Il y a l’attachement aux valeurs dont certaines auraient du rester dans la culture nationale. Un exemple ? Il m’a été inspiré par une analyse de N. Polony. Le caillassage des pompiers est un sport national sans que la population du continent ne réagisse. En 2014 et 2015, la Corse et le Limousin étaient les deux seuls départements à n’avoir pas vécu de tels incidents. Pendant le fêtes de 2016, certains s’y sont essayés à Ajaccio. La population s'est interposée.. Disons peut-être que les corses refusent aussi l’importation de certaines dérives sur lesquelles la République ferme un oeil de temps en temps.

C’est sans doute là qu’il faut identifier les ingrédients qui ont fini par traverser l’électorat corse jusqu’à confier leur espérance aux nationalistes.

L’OCCASION D’UN GRAND COMPROMIS HISTORIQUE ET LE PIEGE DE L’EUROPE

De mépris en déni, il faut en sortir par le haut 

La responsabilité de la dégradation va donc à l’Etat français et ses seigneurs corses locaux qui ont maintenu l’Ile en l’état.

La Corse n’est pas seulement une exception, disons culturelle. Plus encore que sur le continent, la mondialisation a réalisé une œuvre dévastatrice sur ce rocher qui était une Nation en 1755 dotée de la 1 ère constitution démocratique, et devenue une Région aujourd’hui. La Corse en est sortie dégradée avec une population masculine saignée pendant les deux conflits du siècle dernier, avec peu d’industrie, une agriculture affaiblie et un poids anormalement important du tourisme, de l’administration et de la construction, les services de santé sont en friche.et tout ça sur fond de collusion politique avec la spéculation immobilière et… parfois le grand banditisme.

Toutefois, une difficulté est à prévoir sur le terrain de jeu préféré de la coalition, les élections. Or les européennes, comme je crois l’évoquait M. Ulrich face à D. Jamet, seront un piège pour les nationalistes qui à force d'hésiter entre l'avoine et l'eau, prennent le risque de mourir de faim ou de soif dans une Europe libérale. Attention, en général quand ça va mal, l’U.E. confie à son banquier l’Allemagne, la mission de racheter les diamants au prix des cailloux, comme en Grèce.

Entre l’Etat centralisateur français et celui de l’Allemagne plus fédératif, il y a sans doute matière à inventer un concept républicain, sans dislocation du lien national, pour une exception corse qui n’en est sans doute pas une car je crois bien qu’ici les indépendantistes ne veulent pas tous, l’indépendance.

Dans une Europe fédérale, il est très improbable que les riches Landers allemands se montrent généreux pour la Corse qui sans doute y trouverait plus son compte en étant une place forte et autonome mais d’un Etat français plus fort lui aussi.

La libre circulation des capitaux et des personnes n’est à priori pas une martingale pour la Corse.

UNE CHANCE POUR LA FRANCE ET POUR LA CORSE, MAIS LA DERNIERE

L’exemple de la très italienne mais très autonome Sardaigne ou du Val d’Aoste pourrait servir l’inspiration commune.

Avec le fédéraliste Macron…. Je vais attendre pour y voir plus clair sur la stratégie des élus majoritaires

La population corse veut d’abord ne plus vivre dans une économie de la rente pour les propriétaires de résidences secondaires avec comme 1er actionnaire de la Corse, l’américain Airbnb.

La Corse n’est pas la Catalogne, mais si la population corse n’est pas dévote au souverainisme à la « sauce » locale, il est certain qu’elle veut désormais reprendre la maitrise de son destin et s’extraire du sous-développement chronique par la voie démocratique

Au fond, c’est assez simple : « … Il est temps depuis Paris, qu’on commence à regarder plus honnêtement le fait démocratique et le fait majoritaire tel qu’il s’est manifesté en Corse » Jean- Christophe Angelini

Ce résultat est une chance pour la Corse et pour la France mais c’est sans doute la dernière…

Ça va être sportif pendant trois ans car maintenant l’interlocuteur, c’est Macron


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11 réactions à cet article    


  • Trelawney 13 décembre 2017 14:12

    Entre l’Etat centralisateur français et celui de l’Allemagne plus fédératif, il y a sans doute matière à inventer un concept républicain, sans dislocation du lien national, 

    Il ne faut pas oublier qu’après la seconde guerre mondiale, il a été décidé de créer une Allemagne fédérale pour l’affaiblir économiquement et politiquement. Seulement les allemands, courageux et travailleurs, ont transformé cette faiblesse en force. Pour cela ils ont laissé se développer certaines régions au détriments des autres. Et c’est comme cela que l’on se retrouve avec des régions riches comme la Bavière, la Rhénanie du Nord, le Bade Wurtemberg et des régions pauvres comme la Saxe, la Poméranie où les Frizes. Et des régions riches qui ne font absolument rien pour sortir les régions pauvres de leur misère.

    Est-ce que dans ce grand puzzle régional que deviendrait une France fédérale, la Corse est prête à s’appauvrir encore plus (si c’est encore possible d’être plus pauvre que pauvre) sans que l’Ile de France (devenue régionale) ou le Rhône ne lèvent le petit doigt ?

    Alors une fois obtenu son autonomie, est-ce que la Corse est prête à se construire des éoliennes comme en Sardaigne pour s’assurer son indépendance énergétique ? Est-ce qu’elle est prête à se construire un port détaxé comme à Il Broli sur l’Ile de Malte pour commercer en fee taxe avec le reste de l’Europe ? Est-ce qu’elle est prête à s’installer des fermes à 1000 vaches et l’industrie alimentaire qui va avec ?

    Parce que c’est gentil de vouloir l’indépendance comme un enfant veut un jouet à Noel. Accord faut-il savoir quoi en faire

    • Pere Plexe Pere Plexe 13 décembre 2017 18:27

      @Trelawney

      Le message Corse à la France est clair :
      « continuez à payer et laissez nous dépenser comme bon nous semble »


    • Alren Alren 13 décembre 2017 14:35

      L’indépendance cela a un sens : c’est la rupture complète. La Corse n’a pas les moyens financiers, les ressources d’être indépendante sauf à une chute drastique du niveau de vie et tous les Corses clairvoyants le savent.

      L’autonomie, qu’est-ce que ça veut dire si outre l’armée, la gendarmerie, la police et la justice demeurent aussi l’Éducation nationale et la Santé sous l’autorité de l’État comme pour tout département français ?

      La notion de « résident corse », à savoir vivre sur l’île depuis au moins cinq ans pour avoir le droit de faire bâtir, est une mesure d’apartheid qui contredit non seulement le droit français et international mais d’une certaine façon les Droits de l’homme en instituant une inégalité entre personnes sur des base ethniques.
      Une telle règle serait impossible à imposer dans le cadre de « l’autonomie », surtout que l’inverse, une impossibilité pour les Corses de s’installer sur le continent serait inacceptable pour eux.

      Il resterait aux autonomistes la liberté de pratiquer une politique social,e avec l’argent des impôts « français », plus équitable que sur le continent. Mais est-ce bien leur intention première ?


      • Pere Plexe Pere Plexe 13 décembre 2017 18:35

        @Alren
        ...accessoirement la plupart des mesures demandées par les autonomistes/indépendantistes sont contraires à la constitution.

        Ce qui n’est pas un obstacle anodin.

        De fait les Corses demandent, ni plus ni moins, la fin de la cinquième République. 
        Les Français , ces méchants colons, peuvent ils donner leur avis ?

      • Olivier Perriet Olivier Perriet 13 décembre 2017 15:13

        Bonjour,
        la Corse est dans la même situation que le reste. Sur l’abstention, il faut être honnête :

        si on me disait là maintenant de retourner voter aux régionales alors qu’on l’a déjà fait il y a 2 ans, je ne sais même pas si j’irais.

        Il y a eu une majorité en 2015, elle est reconduite maintenant, que dire de plus ?

        Nous sommes tous perplexes devant les partis politiques traditionnels, là il y a une alternative « autonomiste » locale et ça lui profite.

        Maintenant, qu’est-ce qu’on fait ? Si c’est pour demander ad vitam des réparations post coloniales, je suis désolé de vous le dire, mais c’est le même discours que celui des indigènes de la Seine Saint-Denis.

        Là aussi, la Corse est très française et pas très originale.


        • J.MAY MAIBORODA 13 décembre 2017 17:15

          à l’auteur


          Il va sans dire que j’approuve largement votre article.
          Mais tenter de convaincre la France dite profonde du bien fondé de la revendication corse est un exercice qui s’apparente à une prédication en terre hostile.
          Est-il permis de penser que si Johnny (et sa dernière épouse) avaient choisi la Corse plutôt que Saint Barth nous aurions bénéficié d’une considération plus favorable que celle qui s’exprime à travers les forums ?
          Cordialement.
          « u zinu »
           


          • Olivier Perriet Olivier Perriet 14 décembre 2017 09:57

            @MAIBORODA

            La comparaison entre la Corse et la Sardaigne (5 fois plus peuplée, 3 fois plus grande) est-elle bien pertinente ?

            Et puis ne vous en faites pas, depuis l’affaire catalane, les mouvements indépendantistes à la ramasse peuvent trouver des appuis du côté de chez Saint-Vladimir smiley smiley


          • J.MAY MAIBORODA 15 décembre 2017 11:24

            @Olivier Perriet


            La comparaison avec la Sardaigne n’est pas très pertinente, tant du point de vue démographique que du point de vue économique, soit.

            Encore que leurs configurations géographiques îliennes et leurs particularismes culturels donnent une certaine pertinence à la comparaison.

            Ceci dit, l’état de sous-développement économique de la Corse a tout de même quelque chose à voir avec son annexion et les conditions de sa gestion depuis deux siècles par la France, sans oublier le tribut humain de la première guerre mondiale.

            On peut par ailleurs relever que :

            1. La Sardaigne bénéficie d’une assez large autonomie depuis 1948.

            2. L’État italien n’a pas, du fait même de son histoire, une tradition centralisatrice « exacerbée » (Monarchie, puis Révolution confisquée par les Jacobins, puis (comble d’ironie) Premier Empire instaurépar un certain Napoléon, puis République « une et indivisible »)

            3. L’Histoire respective des deux îles par rapport à Pise, Gênes et Aragon explique leurs différences mais aussi leurs similitudes.

             


          • aimable 13 décembre 2017 17:27

            il est temps que la France reconnaisse le caractère colonial pour la Corse et qu’elle libère les Corses du STO sur le continent et les ramènent chez eux avec nos excuses , ensuite libérer la Corse de notre administration , des corps constitués , des militaires , de la police , enfin tout ce qui représente la France.
            Ainsi ils pourront s’installer chez eux et vivre sans aucunes contraintes  !


            • Pere Plexe Pere Plexe 13 décembre 2017 18:42

              @aimable
              ...les auvergnats ou les champenois ont été bien plus soumis à la migration forcée que les corses.



            • titi titi 13 décembre 2017 20:53
              « Concernant les pouvoirs régaliens, il a même ajouté que l’enseignement et la santé devaient rester du ressort de l’Etat »

              Sont malins les barons de la politique corses... 
              Tout ce qui nécessite des grosses dépenses et est source d’emmerdements ils laissent à l’Etat. :)

              L’autonomie ca n’existe pas dans la constitution.

              Donc si les corses veulent l’indépendance et qu’un référendum leur donne la majorité et bien bon vent.

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