La civilisation du « buzz »
Quand l’époque est aux débats futiles que certains sont passés maîtres dans l’art de susciter tandis que d’autres s’en repaissent comme des âmes égarées par le manque de discernement, on peut sans crainte d’être contredit par les faits sinon par les sots que les déclinistes ont au moins raison sur le fond même s’ils contribuent par la forme à nourrir ce déclin : la France va mal.
Tout dernièrement on a eu droit à un lamentable remake de la comédie « le prénom » ( rappelons le scénario : un bobo, donc bon genre et bons revenus, affirme en blague à son entourage immédiat que l’enfant que porte sa compagne s’appellera « Adolphe », prénom bien chrétien mais frappé d’ostracisme pour les raisons que l’on connaît. D’où coups de gueule et règlements de comptes entre amis qui se veulent du bien
La comédie était assez bien troussée mais l'épisode que l’on a vécu est lui navrant.
Les protagonistes de ce nouveau psychodrame sont Eric Zemmour qu’on ne présente plus, jamais en retard d’une provocation grotesque qui tourne à la monomanie puisque c’est au moins la deuxième fois qu’il fait l’actualité sur ce thème et Hapsatou Sy, chroniqueuse régulière ( jusqu’à ce qu’elle se retire ) chez Ardisson, personne que j’ai eu seulement l’occasion d'apprendre à connaître par le battage qui a été orchestré autour de leur accrochage. Il faut dire que je ne suis pas un fan de la soupe à buzz qui caractérisent les émissions de l’homme en noir.
On apprend donc que des prénoms peuvent maintenant être une insulte, on savait déjà qu’Adolphe ( mais c’était dans une comédie ) était une insulte à la mémoire des victimes de la deuxième guerre mondiale mais il y a, pire que tout cela, les prénoms qui sont une insulte à la France.
Cette tempête qui aurait dû rester dans un verre d’eau à l’usage des habituels récriminateurs pour qui tout est problème a fait l’objet d’un traitement médiatique disproportionné dont se sont saisis les râleurs professionnels applaudissant la saillie de Zemmour et se précipitant sur son dernier ouvrage à forte connotation histrionique « Destin de Français » et de l’autre côté les bonnes âmes toujours prêtes à défendre la bonne cause pour peu qu’elles puissent étaler leur compassion et leurs indignations.
En l’occurrence, de cause il n’y en a point, chacun étant libre et seul juge de ses choix.
Si Madame Sy s’est sentie insultée, elle a eu raison de porter l’affaire devant la Justice et cette dernière doit statuer sur la recevabilité de sa cause.
Je ne lui ferai pas grief non plus d’avoir senti que les Médias étaient réceptifs à ce genre de faux problèmes : elle est au fond partie du système et sait comment il fonctionne : elle en profite.
Ces ratiocinations oiseuses ont au fond une fonction : elles servent à occulter la vraie nature du pouvoir de la presse et des médias en général qui se déchirent sur des broutilles pour mieux se rassembler autour de la défense du système et du régime qui les font vivre.
Zemmour tout à ses aigreurs voit confluer dans son sillage tous les ratés de la globalisation, tous les laissés pour compte du mouvement du monde qui s’extasient devant ses propos où il n’y a aucune profondeur, où il tord l’histoire de France au profit de ses thèses mais les artifices qu’il emploie ne sont que des éléments d’une nostalgie fabriquée.
En plus il pousse le bouchon toujours plus loin car il y est condamné par son système mental, allant maintenant jusqu’à réhabiliter l’image de la France de Pétain ; lui, le Juif berbère, il s’assied sur les déportations devenues des détails sans importance fondamentale au prétexte qu’elles ne touchaient que des étrangers ou des apatrides et bien qu’elles ouvrissent toute grande la porte à l’extension des mesures de coercition à l’égard de Français de longue date qui avaient le tort d’être d’ascendance juive et étaient répertoriés comme tels par la police du Maréchal. Les Allemands n’ont eu qu’à puiser dans les archives que le régime a complaisamment mis à leur disposition.
Laissons aux historiens le soin de juger de l’époque sans être dans l’obligation non plus de s’inscrire dans le roman rose de la résistance : la période fut grise et telle foule qui applaudissait Pétain fit, selon Edgard Morin qui fut un acteur de ces heures, un triomphe à De Gaulle quelques semaines plus tard : inconstance des sentiments humains quand s’y mêlent des relents opportunistes.
Mais un polémiste – dont le talent n’est pas en cause même s’il est au service d’intérêts suspects – n’a pas à retravailler l’histoire pour coller à son public.
Son livre « Destin français » est un ouvrage du niveau « du « Tour de France de deux enfants » publié fin du 19e siècle qui devait faire naître par l’éducation des enfants un sentiment d’appartenance à la Communauté Nationale.
C’était aux débuts de l’Instruction publique gratuite et obligatoire et, bien que naïf quand on relit cette prose aujourd’hui, le livre répondait à une nécessité du centralisme jacobin qui devait transformer en Français des gens qui ne l’étaient qu’administrativement mais étaient à cette époque d’abord attachés à leur village et fidèles à leur patois.
Au contraire, les derniers livres de Zemmour ne visent pas à unifier la nation française dans sa diversité mais à la diviser en semant les ferments de la haine : ce sont des livres communautaristes qui nourrit les communautarismes que son auteur prétend combattre par ailleurs ;
Accorder de l’importance à ses délires, c’est aussi le conforter dans la posture victimaire qu’il affectionne et qui lui permet d’écumer les plateaux : il met une intelligence qui n’est pas médiocre ( sans non plus en faire un Léon Daudet ou un Lucien Rebatet ) au service des forces de désintégration de la Communauté Nationale, il appelle le malheur pour pouvoir un jour se réjouir que ses efforts auront été couronnés de succès, il est nocif et il n’est pas le seul.
Autre exemple de chiure de mouche montée en épingle, la dernière production sur Youtube d’un interprète de rap ( rappeur m’écorche la gorge ) sur le thème « pendez les blancs ».
L’audience du morceau était tout ce qu’il y a de plus confidentielle mais son auteur dont je me refuse à citer le nom a acquis enfin la notoriété qui se refusait à lui grâce à la fachosphère qui s’est multipliée sur les réseaux sociaux pour dénoncer l’appel au meurtre de l’homme blanc entraînant ainsi lainsi à la fois la popularisation du titre et de son auteur et les réactions indignées de ceux toujours prompts à se faire mousser et dont certains ne dénieraient pas pourtant la dénonciation du Droit Maritime pour laisser crever sans leur porter secours des migrants livrés à eux-mêmes en Méditerranée j.
Promouvoir un inconnu et en faire l’ennemi public, quelle aubaine pour détourner l’attention de ceux qui souffrent dans leur chair la politique d’austérité initiée un peu partout en Europe et dont la responsabilité incomberait aux immigrés, cause de tous nos maux.
Tant que les Médias vivront du « scandale » , le buzz comme ils disent, Zemmour aura son carton pour animer les émissions à scandale et il serait dommageable pour les chaînes qu’il ne fût pas confronté à des contradicteurs car s’il était seul à débiter ses âneries sur un plateau, non seulement le buzz vendeur serait absent mais l’émission elle-même en danger.
C’est pourquoi il est assez vain d’appeler à son boycott, c’est à la fois contre-productif en termes d’images mais foncièrement anti-démocratique car une démocratie s’honore de laisser la parole à ses ennemis.
63 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON