La conduite indigne de l’administration envers K. Montet-Toutain, cette professeur poignardée dans sa classe
La honte est un sentiment qui prouve que, même si on les a violées, on se réfère encore à des valeurs. On ne s’étonnera pas qu’elle soit étrangère à l’administration de l’Éducation nationale puisque sa culture est de violer la loi « entre les murs » quand elle y a intérêt. À ceux qui en doutent, le jugement que le tribunal administratif de Versailles vient de rendre, le 14 novembre 2008, en apporte une nouvelle et terrible démonstration.
Une professeur menacée laissée sans protection
Qui a oublié cette frêle et courageuse jeune femme, Karen Montet-Toutain, professeur au lycée Blériot d’Étampes ? Elle n’avait cessé de prévenir sa hiérarchie, tant administrative que pédagogique, des menaces que les voyous d’une de ses classes faisaient peser sur elle. Ils se promettaient tout bonnement de la violer publiquement sur son bureau et de se la passer l’un après l’autre ! Elle avait le tort d’être jolie ! Qu’on lise son livre bouleversant, « Et pourtant je les aime » paru aux Éditions Michel Lafon en 2006 ! On en a rendu compte sur AGORAVOX (1). La proviseur, une ancienne prof d’EPS, l’avait envoyée paître quand elle l’ avait informée de ces menaces : « De mieux en mieux ! » lui avait-elle lancé avec mépris en s’enfuyant ! L’inspectrice d’arts appliqués n’avait pas été plus attentive à ses appels au secours par courriel !
On se souvient que le 16 décembre 2005, un élève, Kévani Wansale, n’y est pas allé de main morte. Ce monsieur n’avait pas apprécié que la professeur se fût plainte de son travail auprès de sa mère : pour sa peine, il lui a porté sept coups de couteau en pleine classe. Enfin tout de même, une professeur a-t-elle son mot à dire sur la conduite d’un élève ?
Une administration blanche comme neige
Karten Montet-Toutain a failli mourir. Elle s’en est sortie, on ne sait trop comment ! L’administration aussi ! Mais, là, on sait comment ! Pour faire face à l’émotion que l’événement avait suscité, le triste ministre de Robien avait diligenté une inspection. Avant même que les inspecteurs-maison ne rendissent leur rapport, il avait déclaré avec superbe que l’administration avait été irréprochable ! Et de fait, miracle ! Les deux inspecteurs dépêchés avaient abouti aux mêmes conclusions ! Tout s’était passé dans l’ordre ! Une jeune femme avait failli périr sous les coups de couteau d’un élève assassin, mais l’administration n’y était absolument pour rien ! C’était la faute à « Pas de chance ! ».
Depuis, on ignorait ce qu’était devenue Karen Montet-Toutain après la parution du livre évoqué plus haut où elle avait livré un témoignage accablant pour l’administration. On avait seulement appris ensuite que l’agresseur avait été tout de même condamné à 13 ans de réclusion criminelle pour tentative d’assassinat, le 1er mars 2008, et qu’il avait fait appel.
Obligée de demander réparation au tribunal administratif
Voici qu’on découvre aujourd’hui que l’administration n’a pas mégoté dans l’ignominie : Karen Montet-Toutain a dû se tourner vers le tribunal administratif pour obtenir réparation du terrible préjudice subi faute d’avoir obtenu la protection statutaire due, organisée par l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 (2). On en reste pétrifié !
Pourquoi ? Eh bien parce que cela suppose que le recteur, avec sans doute l’aval du ministre en la circonstance, a refusé d’apporter la protection de la collectivité publique à une professeur poignardée en pleine classe et donc de lui verser des dédommagements à l’amiable pour lui éviter une procédure inutile après la tragédie qu’elle avait vécue ! Que leur fallait-il de plus, à ces hiérarques ?
C’est tout simple ! Ils étaient sûrs de leur coup, les cyniques ! La procédure n’avait pas été respectée ! De fait, Mme Montet-Toutain n’avait pas demandé dans les formes voulues la protection de la collectivité publique au recteur, seul compétent pour l’accorder ! Et c’est vrai, par ignorance, la professeur n’avait pas adressé au recteur, comme elle aurait dû le faire, une demande de protection en bonne et due forme. Elle s’était contentée de saisir la conseillère d’éducation par un rapport, la proviseur par oral et l’inspectrice par courriel ! L’administration pouvait se frotter les mains ! Le vice de forme devait rendre toute requête irrecevable. C’est du moins l’hypothèse qu’on peut avancer.
L’état condamné à verser 15.000 euros à la victime
Or, miracle ! Il existe encore des juges dignes de leurs fonctions ! À en croire ce que des médias en rapportent, mais, comme d’habitude, en toute ignorance de l’analyse juridique, et sous réserves, il semble que le tribunal administratif de Versailles, saisi d’une requête en annulation de refus implicite de protection de la collectivité publique violant l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983, ne paraît pas s’être embarrassé de l’absence de lettre rédigée dans les formes. Les alertes diverses lancées par la professeur paraissent lui avoir suffi pour établir le péril encouru et la validité de la demande de protection formulée par la professeur qui aurait due lui être accordée.
L’État a été condamné, le 14 novembre 2008, à verser à Karen Montet-Toutain 15.000 Euros au titre du préjudice moral. On trouvera sans doute l’indemnité bien mince quand on a frôlé la mort ! Mais la condamnation morale de l’administration est entière et l’indignité de sa conduite établie.
Faute d’avoir entre les mains le jugement, on ne comprend donc pas la réaction du rectorat de Versailles (3) qui aurait déclaré ne pas interjeter appel au motif que « l’Etat (serait) exonéré de toute responsabilité lors de cette agression » ! Exonéré ? Pourquoi alors cette indemnité en réparation du préjudice que le refus de protection statutaire a infligé à cette professeur, si l’État est blanc comme neige dans cette affaire où, à l’évidence, les appels au secours de la professeur n’ont rencontré aucun écho auprès de l’administration ?
N’importe ! L’administration de l’Éducation nationale, ministre en tête, avec recteur, inspecteur et proviseur, vient bel et bien de se prendre une magistrale raclée ! Elle a beau jouer l’ innocente comme d’habitude ! Qui peut-elle encore tromper ? Sa conduite irresponsable qui a exposé à la mort une professeur ne peut inspirer que le mépris ! Elle est indigne du service public d’Éducation. Les jeunes professeurs seraient bien inspirés d’en tirer la leçon s’ils ne veulent pas connaître un jour, « entre les murs », le sort de Karen Montet-Toutain ! Car, pas plus que les précédentes, ce n’est pas cette nouvelle condamnation qui modifiera la conduite d’une administration indifférente à la loi quand elle y a intérêt. Paul Villach
(1) Paul Villach, « Le livre de Karen Montet-Toutain, professeur poignardée : le service public outragé ! », AGORAVOX, 4 octobre 2006
(2) Article 11 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 : « La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l’occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté ».
(3) Sauf erreur, le recteur (inspecteur général très en cour dans les cabinets ministériel et l’administration de gauche et de droite depuis 20 ans) est le co-auteur d’un livre paru en 1989, « Techniques du Français » ( A. Boissinot, M.-M Lasserre, éd. B. Lacoste) où on apprend cette ânerie : il existe « un texte d’exposition » (autre version du « texte informatif » cher à la théorie promotionnelle des médias) « qui n’ a pas de finalité impressive », c’est-à-dire qui ne vise pas à influencer le lecteur !!! Autant nier la loi de la gravitation universelle !
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