La « conscience politique » sur les bancs de l’université
L’atmosphère tendue qui règne dans bon nombre des universités françaises n’échappe à personne. Etudiante à Paris III Sorbonne-Nouvelle, je peux me « vanter » d’être « au coeur des événements », avec un blocage qui se poursuit depuis presque 3 semaines maintenant. Le vote à bulletin secret organisé hier à l’initiative du président de l’université a donné une majorité écrasante de voix favorables à la reprise des cours. Vote décrété « illégitime » par les bloqueurs (sic !). Petite réflexion rédigée à la veille de ce passage par les urnes extraordinairement déchu de son caractère démocratique :
Le mois de novembre aura été celui de toutes les contestations : régimes spéciaux, pêcheurs, fonction publique, magistrats, chacun avait apporté son petit grain de sel à la liesse générale des mouvements sociaux. Au milieu de tout ce « joyeux désordre », un groupe d’irréductibles contestataires craignait que sa voix ne se perde dans la cacophonie générale et qu’on lui vole la vedette à la tête des manifestations : les étudiants anti-LRU (Loi relative aux libertés et responsabilités des universités). Que les grévistes leur fassent de l’ombre et grignotent sur le temps d’antenne qui leur est consacré au JT de 20 heures ne servait point leur cause. Quelle est-elle d’ailleurs ? Le « débat » (inexistant jusque-là) est à tel point parti dans tous les sens depuis la promulgation de la Loi Pécresse (août 2007), qu’on en perdrait presque de vue l’objet du désaccord.
Que l’adoption d’une telle réforme par l’Assemblée nationale ne suscite guère l’enchantement sur les bancs des universités n’a en soi rien d’étonnant. Quoique l’argument avancé par la ministre de l’Enseignement supérieur, à savoir l’augmentation du budget de l’université (point sensible quand on connaît les carences dont souffrent les établissements universitaires en France) soit de poids, l’on ne peut perdre de vue que le texte de la loi renforce largement le pouvoir du président de l’université et - fait plus grave - lui octroie exclusivement le droit de recruter les enseignants. Ni les médias ni les étudiants « militants » n’ont jugé utile de s’étendre sur ce point pourtant primordial. Les premiers ont délaissé la question pour parler du budget et du financement privé ; cherchant la comparaison avec les voisins européens, ils évoquent les vertus des fonds privés dans le développement des branches scientifiques ou économiques comme ce fut le cas outre-Manche. Sans remettre en question l’efficacité de l’entreprise, il est tout de même à signaler qu’à aucun moment il n’a été question des avantages dont pourraient bénéficier dans ce cadre les branches dites « non rentables » (à savoir les branches littéraires et les sciences humaines), ne répondant pas ainsi aux inquiétudes des étudiants qui craignent de voir leurs filières reléguées au second rang, voire supprimées, comme on l’entend souvent dans les AG (assemblées générales). Quant aux seconds, les étudiants militants, ils s’égosillent dans lesdites assemblées à condamner « la privatisation des universités » et « l’augmentation des frais d’inscription », deux mesures qui n’ont pas expressément été abordées par le texte de la loi (mais dont rien, il est vrai, n’en empêche la mise en application).
Ce dialogue de sourds qui perdure ne manque pas de lasser même dans les rangs des réfractaires à la Loi Pécresse. Et pour cause : le climat de manipulation pèse lourd sur les AG estudiantines. On y prône sans concession l’abrogation de la LRU et on y siffle toute velléité visant à trouver un compromis à la situation. Sont hués ceux qui dénoncent que les étudiants sont en train de scier la branche sur laquelle ils sont assis, mais applaudis les chauffeurs d’amphi qui parlent de « résistance » et d’un « régime de fascistes ». Sans doute ne savent-ils pas à quoi ces mots font référence, autrement ils en auraient usé avec plus de prudence, sans chercher à les ôter de leur contexte. Très vite, les banderoles aux inscriptions de « Vive la Commune ! » font leur apparition. On en rirait presque devant ces inflexibles bloqueurs qui, sans doute hantés par le sentiment d’avoir raté leur époque et inconsolables de n’avoir pas connu les événements de Mai-68, essayent de rattraper le coup, organisant tant bien que mal leur maquis, faisant voter le blocage à mains levées dans des amphis bondés et dressant les barricades aux portes des facs. Entre-temps, le mouvement se retrouve discrédité et perd de vue son principal objectif, ses instigateurs se trouvant trop occupés à essayer de rattraper le coup des élections perdues de mai - 2007 cette fois. Comme s’il ne s’agissait plus de défendre les droits des étudiants, mais de rassembler tous les mécontents de France pour faire pression sur un président, faut-il le rappeler, démocratiquement élu.
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