La dernière ‘Coalition of the willing’ : les Etats-Unis, un nabot et quatre lilliputiens contre le droit international...
L’Assemblée générale de l’Onu a voté mercredi dernier en faveur d’une résolution soumise par la Serbie visant à demander l’avis de la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye sur la légalité de la proclamation unilatérale d’indépendance par sa province du Kosovo le 17 février dernier.
Le fait que 157 pays, sur les 192 que comptent les Nations unies, furent représentés pendant le débat sur l’opportunité de soutenir cette démarche montre l’intérêt suscité par la question du Kosovo dans le monde. Le résultat du vote, à l’occasion duquel 77 pays ont soutenu la requête de Belgrade, 74 autres se sont abstenus et seulement 6 ont voté contre, s’inscrit en faux contre l’assertion des promoteurs de l’indépendance de la province serbe (les USA et les principaux pays de l’Union européenne) selon lesquels la question est désormais close.
Parmi les pays ayant voté en faveur de la résolution, aux côtés des 5 membres de l’UE n’ayant toujours pas cédé aux pressions exercées sur eux pour qu’ils reconnaissent le Kosovo (l’Espagne, la Slovaquie, la Roumanie, la Grèce et Chypre), l’Indonésie exprima son ferme attachement au dialogue en vue de résoudre le problème du statut de la province. Le représentant de la République sud-africaine argua que, si 48 pays ont reconnu le Kosovo, 144 ne l’ont pas fait et qu’il était donc important de demander l’avis de la CIJ, la principale instance juridique de l’Onu. Alors que son homologue égyptien rappela que son pays prône le respect de la Charte des Nations unies et les principes fondamentaux du droit international, le représentant de l’Iran fit savoir que Téhéran respecte l’intégrité territoriale de la Serbie et adhère au principe de la résolution pacifique des conflits et de l’état de droit. Le Mexique assura pour sa part que tout pays avait le droit de réclamer un avis de la CIJ.
C’est précisément ce droit que semblent contester les opposants à la démarche serbe et certains ne manquèrent pas de se substituer à la CIJ pour estimer, comme l’ambassadeur français à l’Onu Jean-Maurice Ripert, que celle-ci est inutile « car la situation du Kosovo indépendant nous paraît dépourvue d’incertitude juridique », et d’ajouter que le Kosovo « constitue un cas ‘sui generis’, qui ne remet pas en question les principes de souveraineté et d’intégrité territoriale qui fondent les relations internationales ». Son homologue britannique John Sawers estima que les motivations de la Serbie étaient « plus politiques que légales » car visant à « ralentir l’émergence du Kosovo en tant que nation indépendante largement reconnue ». Il ne manqua pas de souligner, lui aussi, que 22 des 27 membres de l’UE, une « organisation que la Serbie aspire à rejoindre », ont déjà reconnu l’indépendance du Kosovo.
Quant à l’opinion des USA, elle fut exprimée par Rosemary Di Carlo, la suppléante du Secrétaire d’Etat adjoint américain, qui fit part de l’estimation de Washington que la reconnaissance de l’indépendance du Kosovo était en accord avec le droit international et qu’il était donc « inutile » de requérir l’avis de la CIJ. Son argumentaire se révéla cependant si convaincant que, dans le sillage des Etats-Unis, seuls l’Albanie, les Iles Marshall, la Micronésie, Palau et Nauru votèrent contre la résolution soumise par la Serbie. Sawers, qui, tout comme Ripert, s’abstint de voter par « respect pour la CIJ », avouera par la suite avoir été surpris par le nombre de pays ayant soutenu la Serbie. Il ajouta que l’avis de la CIJ ne saurait cependant influencer le destin politique du Kosovo.
Saluant lui le succès de l’offensive diplomatique menée par Belgrade, dont il fut le principal architecte et infatigable promoteur, le ministre serbe des Affaires étrangères Vuk Jeremic estima qu’il s’agissait d’un « grand jour pour le droit international », et ajouta que ce vote permettait de transférer « l’aspect le plus délicat du problème du Kosovo, qui est son statut, du domaine politique au domaine juridique ».
Reste maintenant à la CIJ, une fois qu’elle aura reçu la demande de l’Assemblée générale, de définir la dynamique selon laquelle elle traitera cette requête. Qu’elle le fasse en urgence ou selon la procédure régulière, ce ne sera pas l’affaire de quelques mois seulement.
Bien que les défenseurs de l’indépendance du Kosovo clament haut et fort que l’avis qu’émettra la CIJ n’aura pas d’effet contraignant, puisque purement consultatif, ce sera l’affaire de chaque pays de décider de passer outre cet avis s’il se révèle être favorable à la Serbie. Dans un tel cas de figure, qui s’avère plus que probable, Belgrade pourrait traîner ces capitales en justice devant cette même CIJ. En attendant, certains semblent avoir pris l’option de courir le risque plutôt que de continuer à endurer la pression exercée sur eux. C’est ainsi que le Portugal devint le 22ème pays de l’UE à reconnaître le Kosovo la veille du vote à l’Assemblée générale, et que le Monténégro le fit le lendemain. La Macédoine, autre ancienne république de l’ex-Yougoslavie, semble être aussi sur le point de tomber sous le charme du chant de la sirène Rosemary…
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