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Accueil du site > Tribune Libre > La fraternité en peine

La fraternité en peine

Fraternité, ce mot bien connu, à première vue, attire notre attention. Il a été pendant longtemps inscrit sur nos francs avec cette célèbre devise : « Liberté, égalité, fraternité ». Il représente aussi une valeur chrétienne essentielle.

La fraternité en panne ?

Au début du film d’Andrew Niccol Lord of War on voit Nicolas Cage jouant le rôle d’un grand trafiquant d’armes dire ceci : "On estime à environ 550 millions le nombre d’armes à feu actuellement en circulation. Autrement dit, il y a un homme sur douze qui est armé sur cette planète. La seule question c’est : comment armer les onze autres ?", et il nous regarde avec un léger petit sourire, crachant la fumée de son cigare.

Voilà qui nous met dans l’ambiance ! C’est le commandement nouveau de l’homme depuis l’origine des temps :"Armez-vous les uns les autres"... pour mieux vous protéger !

Il a suffi à l’homme de remplacer cette simple lettre i ("Aimez-vous les uns les autres") par cette lettre r ("Armez-vous les uns les autres") et de changer le destin de l’humanité, par la même occasion le commandement divin. La fraternité s’est perdue au profit d’une fratricide guerre de l’humanité. La guerre forme un corps d’armes spécifique : la politique est sa tête, et la technique ses bras !

Cette fraternité désirée révèle en son contraire la capacité du mal au sein de l’humanité. Ce qui se passe au Liban depuis juillet 2006 est très révélateur. J’y vois là, dans ce lieu, la manifestation de ce que nous refusons et voyons toujours en action : oppositions égoïstes, pouvoirs débilitants, mensonge, souffrance des peuples, haine... guerre sur guerre, loi du talion cyclique et en double sens...On est loin des aspirations tant présentes dans les coeurs et dans les testes sacrés : paix et justice. Deux mots qui ont la forme d’une cloche en carton et qui voudraient retentir, pour reprendre cette image d’un ami.

La fraternité en potentiel

La fraternité est un lien qui s’impose, car elle est un fait naturel. La famille nous est donnée comme telle. Ainsi par le lien du sang, la fraternité nous est imposée. Pour Levinas[1], la fraternité nous devance. Ce lien moral qui nous relie aux autres nous précède toujours.

La fraternité est un lien qui classifie. On est l’aîné, le benjamin ou le cadet. On est parfois le mal-aimé de la famille, ou le chouchou. Cela crée et compose une sorte de hiérarchie familiale.

La fraternité est aussi un lien qui mobilise. Mobilité dans la famille, qui permet à chacun de se forger une identité autour de l’unicité de la figure du parent. La figure parentale fait l’unité de la fratrie. Et même dans le christianisme, le Père céleste et son Fils forment cette unité au sein de la famille spirituelle chrétienne. Curieusement, dans la famille se joue une étonnante relation de l’un au multiple : d’un côté, elle présente une fratrie au visage unifiant grâce aux affinités familiales ( l’air de famille), et de l’autre côté, elle fait aussi de la fraternité une figure d’altercation et de division. La concurrence, la jalousie, les complexes d’infériorité et de supériorité sont inévitables.

Le lien fraternel n’est pas un lien fusionnel, et c’est là sa force, grâce à cette mécanique de rivalité. Elle nous emmène dans ce qu’Etienne Guillot[2] appelle la "dialectique de l’amour et de la loi". La parabole du fils prodigue dans l’évangile est assez démonstratif : le fils indigne reçu par le Père va provoquer chez l’aîné, le fils fidèle, la frustration, le ressentiment et la colère. La question de la justice se pose ici à partir de la question de l’amour. L’aîné réclame justice parce qu’il est affectivement très impliqué, et que la question de la préférence est là, sous-jacente et gênante. Il veut passer de l’amour à la loi. La réponse du Père, désarmante au plus haut point, l’invite à passer au-delà de la loi, de passer de la loi à l’amour, dépassant le calcul du mérite.

La fraternité dérange notre amour-propre. Elle s’est constituée grâce à la présence des parents et vibre jusque dans les profondeurs des liens de notre humanité.

La fraternité en peine

L’humanité serait-elle une fraternité de fait ? La fraternité commande et me met en dette face au prochain. Cette dette devient énorme et fait porter à l’humanité les stigmates formés par l’oubli des réparations envers l’autre et le refus de se responsabiliser face à cet essentiel lien d’humanité. La guerre est un signe fort de cette dette. Pour Hobbes, les hommes sont animés par trois passions essentielles, la fierté, la méfiance et la rivalité. Cette pensée l’amène à dire que la guerre est une composante anthropologique incontournable de l’état de nature. Au contraire, chez Rousseau ou Locke par exemple, l’état de guerre n’est pas premier, car les hommes possèdent une certaine prédisposition à l’allocentrisme. On ne peut que constater là toute la tension entre la fraternité et son contraire, manifestée par la guerre, et tout ce que cela comporte de signifiant politique. Cela n’est pas étonnant, puisque la dimension anthropologique du discours philosophique revêt une place capitale dans une perspective éthique et politique.

Pourtant cette fraternité a un air de famille, et pour reprendre la pensée de E. Lévinas, cet air est visible quelque part dans le visage, non pas comme un objet que l’on dévisage et dont on ferait l’expérience. Ne pas dévisager, mais envisager. Il s’agit de rencontrer la personne, mais sans le contexte qui la définit (travailleur, professeur, étudiant, policier, ou une manière de s’habiller, de se présenter...). Le visage ne renvoie pas à un contexte, mais il fait sens à lui tout seul. Le visage parle, il est langage entier. Ce qui émane de lui parle et l’identifie tel quel, à lui-même et à l’autre, et non ce qu’il renvoie à nos yeux, à notre perception. Cette réflexion[3] sur le visage est intéressante car elle invite chacun à ne pas identifier l’autre avec ce que la vue peut en saisir. Bien des événements seraient changés, si cela était vécu ainsi.

La fraternité actuelle est en peine, presqu’en panne. Que faire ? Comment passer de cette fraternité qui brouille les rapports humains (par exemple, les communautarismes reposant sur un principe de séparation), qui met la société en crise pour le meilleur et le pire, vers une fraternité élargie et réconciliatrice ?

La fraternité en progrès ?

Une fraternité qui unit les peuples dans une amitié cosmopolite est-elle possible ? Je ne sais que dire. Nous pourrions l’entrevoir ! Que puis-je espérer ?

L’humanité actuelle, en peine de fraternité, devrait abdiquer pour s’engager dans cette voie du respect concret, de la paix concrète. En fait, nous la voyons manifestée par des hommes et des femmes, mais ils sont éparpillés, ici et là, formant de petits réseaux fraternels, sans formation de communautarismes exigus, mais proposant une ouverture paisible et motivante. Il y a eu des grandes figures qui ont vécu dans ce sens et qui ont perdu leur vie pour cela. On peut penser au Christ, à Martin Luther King, Gandhi. A d’autres encore. Il s’agit de retrouver cette fraternité qui transforme celle de notre humanité déstructurée, défigurée et souvent déshumanisée. Retrouver cette réelle fraternité humaine, et pour le chrétien que je suis, je dirais qu’elle est le miroir de celle du Christ. En commençant par l’individu transformé qui passe la flamme à l’autre afin de couvrir, si c’est encore possible, l’humanité par effet de boule de neige... et tout ceci en fraternité d’action !

« L’ami aime en tout temps, Et dans le malheur il se montre un frère. »
Proverbes

Christian Pradel



[1] Emmanuel Levinas était un philosophe de l’éthique.

[2] Chroniqueur à France-Culture et professeur de philosophie - voir Petites chroniques de la vie comme elle va, Ed. du Seuil, Paris, 2002, 129 p.

[3] Lire Totalité et infini et Ethique et infini d’Emmanuel Lévinas, au sujet du visage.


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28 réactions à cet article    


  • La Taverne des Poètes 5 septembre 2006 12:45

    Le premier appel à la fraternité est venu de François Villon : "Frères humains qui après nous vivez N’ayez les coeurs contre nous endurciz...

    La fraternité est une notion qui contient une chose (l’amour) et son contraire (la haine). Entre frères, c’est ainsi que cela se passe. Et cela on le sait depuis toujours (cf : Caïen et Abel) On étripe le peuple voisin au nom de ses frères. Et le peuple voisin se venge pour la même raison. La vengeance est assez typique de la fraternité d’ailleurs. Pardon d’ajouter à ce commentaire une note aussi cynique que les paroles de Nicolas Cage (excellent film).

    C’est pourquoi je parlerais plus volontiers de solidarité, de bonté et de désir de paix.


    • faxtronic (---.---.127.45) 5 septembre 2006 13:17

      Oui c’est un appel de francois villon, mais n’etait ce pas dans un moment de contrition, pour eviter la constriction.


    • La Taverne des Poètes 5 septembre 2006 13:17

      J’ai pris l’exemple de Villon parce que sa biographie est particulièrement sanglante. Il n’a d’ailleurs pas épargné sa compagne non plus. Horrible fraternité !


    • Christian Pradel Christian Pradel 5 septembre 2006 22:36

      Bonjour La taverne des poètes,

      Et oui, vous remarquez la même chose ! Solidarité dans un esprit fraternel, c’est, me semble-t-il donner corps et force à ce mot. C’est lui assigner une identité citoyenne, humaine avec un rayonnement puissamment constructif, motivant et positif. Amour intellectuel, spirituel sont très certainement sources de cette fusion possible ...mais si rare !

      Chaleureusement,

      Christian


    • Verite (---.---.100.65) 6 septembre 2006 03:02

      @ Demien West

      Cher Mr. West,

      C’est si triste que vous avez « ri » pendant cette article...

      Et votre l’assertion que Francois Villon etait le ’premier’ d’appele l’idee de « fraternite » est faux completement.

      Jesus Christ etait le Premier.

      Ecoutez,...reflicherez...ouverez votre esprit et coeur...

      ( Comme le plupartes de jours, votre sarcasme et arrogance pour l’auteur vous diminuerez...vous n’avez pas autre chose de faire ? Etre tireur embusque a l’internaut ? Jamais construir quelque chose positif ? C’est facile detruire les idees des autres..mais comprenez vous que pour construir l’idee profonde il est necessaire faire recherche profonde, et avoir une personalite bien discipline, et, surtout, bien balance.... )

      Cordialement,

      Verite.

      (Si vous avez besoin de trouver un Francais,(de Corsique), qui a bien compris l’idee de ’fraternite’, surtout dans la famille, -dans le village,-dans le department,- enfin dans la Republique, lirez « Napoleon » par Vincent Cronin.)


    • Verite (---.---.100.65) 6 septembre 2006 04:11

      @l’auteur, Christian Pradel

      Merci pour cette article profonde, et bien balance.

      Votre croyance, votre logique, votre comprehension de le condition humain, est articule avec elegance et ’esprit.

      (Predicablement, les tireurs embusquees a Agoravox,(toujours les memes malcontentes), trouvent du plaisir vous insulter...ils sont irredmediablement perdu...)

      Il faut que nous prions.....

      Respecteusement,

      Verite


    • Christian Pradel Christian Pradel 6 septembre 2006 08:36

      Merci pour votre sollicitude. Evitons les encouragements religieux ici. Je pense que la place des ces commentaires est à la confrontation des idées en partant d’un article. Parfois ce sont les opinions qui s’affrontent, parfois des apports d’informations qui corrigent et apportent des nuances ou des compléments non négligeables et parfois c’est de la bêtise, etc... mais c’est cela la joie et l’intérêt d’un journal citoyen qui ouvre la discussion grâce aux commentaires !

      Je ne sais, par contre, si Demian a écrit à mon sujet. Je pense, mais qu’il me corrige si je me trompe, qu’il s’adressait à Taverne et que son rire concernait ses dires...Sinon je n’aurai pas compris le message !

      Chaleureusement,

      Christian


    • faxtronic (---.---.127.82) 6 septembre 2006 10:52

      Non Verite

      jesus n ’etait pas le premier, avant il y a eu pas mal de philosophe grec, et puis si on remonte plus loin, il y a eu grouk, neanderthalien faiblard, qui apres avoir refuse au partage du dernier mammouth de la seine saint denis par Uuurk le cruel, s’est ecrie :

      « Au monde cruel, il faut que les hommes s’aiment entre eux, qu’il n’ ai plus de guerre, que l’ on partage le mammouth entre freres et soeurs »

      Ca a rate sur le coup je te l’accorde, mais ca continue a rater. smiley


    • (---.---.94.25) 5 septembre 2006 16:17

      A quand un article sur la liberté et l’égalite...

      Comme cela vous aurez philosophé sur les trois utopies de la republique....

      Comme vous dites c’est une valeur chretienne... a la fin de l’article on a envie de dire amen...

      Le probleme c’est qu’on gere pas un pays avec une bible et encore moins un coran si non on voit le bordel...


      • Jean (---.---.34.253) 5 septembre 2006 21:03

        Raisonnement un peu simpliste.

        Le chaos religio-schizophrénique agit dans la société. Mais il y a des paniers différents...Tous les fous ne sont pas fous...Seuls ceux qui le savent pourraient échapper à leur folie. Mais là, c’est un point de vue !

        Jean


      • Christian Pradel Christian Pradel 5 septembre 2006 17:37

        Vous avez raison, on ne gère pas un pays avec une Bible ou un autre livre sacré.

        Je me permet juste une rectification qui nous permettra certainement d’éviter les opinions creuses ou les a-priori légers : ce sont les convictions auxquelles certains s’attachent fortement qui mettent parfois en péril le lien d’humanité : Les plus manifestes sont exprimées dans le cadre religieux et/ou politique. L’idéologie, le dogme, sont à la base de ces convictions ; ce qui restreint ou empêche une souplesse dans l’interprétation des événements, une évolution dans la société. C’est un « fondamentalisme » exigu, sans ouverture d’esprit, refusant un vivre ensemble extériorisant la pluralité. Je lis la Bible, les autres livres sacrés, les concepts philosophiques,...Chacun apporte. Ils n’ont pas à mes yeux là même intensité d’inspiration mais ils ont leur utilité particulière. C’est quoi qui produit « ce bordel » dont vous parlez ? c’est ce qui motive l’action. Certains utilisent la Bible ou le Coran pour agir en son nom mais contre son intention en produisant de la bêtise ou parfois des actions inhumaines...Question d’interprétation, d’inspiration et de motivation...

        Chaleureusement,

        Christian


        • pingouin perplexe (---.---.77.228) 5 septembre 2006 22:00

          La courte citation à la fin de votre texte semble, entre autres choses, suggérer cette voie de lecture. Question déjà présente chez Aristote, pour qui la philia avait déjà beaucoup à voir avec Chronos. Peut être faut-il aller jusqu’à identifier la philia à Chronos pour réaliser que celui-ci n’existe pas... mais il s’agit là d’une facétie.

          Voir aussi, peut être, un très beau texte mystique contemporain : « le milieu divin » de Teilhard de Chardin.


          • Christian Pradel Christian Pradel 5 septembre 2006 22:30

            Bonjour Pingouin perplexe,

            Merci pour votre commentaire.

            C’est étonnant ce que les volontés de puissances se perpétuent. Cette ambivalence, entre la cruauté et la paix, qu’on retrouve dans le Baal babylonien, assimilés plus tard à Kronos, tourne toujours autour de cette bipolaire représentation de l’existence que nous nous faisons. Si vous nous parlez de la légende de Kronos il est nécessaire de la placer sous le signe de la haine et de son redoublement, la vengeance : tisis...Tant de peine encore, usure du temps. Jeu de mot que s’autorise Aristote ( De Mundo) : Kronos, Chronos, Temps...

            A quand le contre-temps ?

            Chaleureusement,

            Christian


          • pingouin perplexe (---.---.127.70) 7 septembre 2006 23:29

            Merci pour votre lecture érudite et claire, M.Pradel. A votre question, je serais enclin à répondre que le contre-temps est depuis longtemps advenu, mais que l’époque ne prête pas aisément à s’en souvenir smiley


          • Cool Mel (---.---.146.247) 6 septembre 2006 08:40

            « L’humanité actuelle, en peine de fraternité, devrait abdiquer pour s’engager dans cette voie du respect concret, de la paix concrète... »

            Ouais, ouais, elle devrait...

            Pourquoi y’a pas de smiley pour signifier « mort de rire » ?


            • Christian Pradel Christian Pradel 6 septembre 2006 09:50

              Certainement parce que je n’en vois pas l’utilité ! Mais si vous y voyez un intérêt, vous pourriez me dire ce qui constitue ici une blague à smiley

              Bien à vous,

              Christian


            • Cool Mel (---.---.146.247) 6 septembre 2006 10:43

              Le côté farce de l’affirmation, c’est qu’elle revient à dire :

              la pluie devrait être interdite le week-end et pendant les vacances ;

              la guerre devrait être abolie ;

              la maladie ne devrait pas exister ;

              la mort devrait être prohibée ;

              bref, une imbécilité totalement inutile qui ne sera jamais suivie d’aucun effet, si ce n’est de recueillir l’approbation des imbéciles. Et ce genre de trucs, moi, ça me fait mourir de rire...

              Ce qui est positif, parce qu’elle me donne aussi, parfois, envie de pleurer, comme tout ce qui est d’une poignante ingénuité...


            • Christian Pradel Christian Pradel 6 septembre 2006 11:18

              Négatif !

              Ce genre de globalité que vous dressez pour l’associer à ce désir, ce souhait de voir le respect et la paix concrets être vécus ne me satisfait pas. Ce n’est pas avec ce regard imbécile, comme vous le dites, que je le conçois.

              Je pense que l’homme peut encore réagir, agir même et cela pour « imposer » d’autres voies que celles qu’il doit subir sans cesse ! C’est toute la tension entre le déterminisme et la liberté ! Bien sûr on est ici dans le domaine de l’aspiration. « I have a dream » était du domaine de l’aspiration et un jour cela s’est concrétisé.

              Mais évidemment il ne faut pas être niais au point de croire que tout peut changer d’un seul coup en zappant l’humanité tel qu’il est ! Elle est complexe et fragile. Faut nuancer vos propos : par exemple lorsque vous citez pour une même comparaison ces deux événements : la pluie qui tombe le week-end et la mort qui fait partie de notre vie. Je ne peux rien contre cette mort naturelle ( en tout cas à ce jour) mais contre la mort « guerrière », certainement je peux contribuer à diminuer la quantité de sa production ! la pluie le week-end ... vous trouvez pas le rapport légèrement scabreux ?

              Un jour, un jeune homme relancait dans la mer des étoiles de mer qui s’étaient échouées très nombreuses sur la plage. Un homme s’approcha de lui pour lui demander pour quelle raison il faisait cela, sachant qu’il y en avait trop et que son action ne suffirait pas pour les sauver toutes. Il répondit : « Je le sais...mais toutes celles que j’aurai jetée à la mer resteront vivante » Je trouve ce genre d’action motivante, positive et laissant un modèle d’espoir face aux difficultés insurmontables de notre humanité...

              Chaleureusement,

              Christian


            • Cool Mel (---.---.146.247) 6 septembre 2006 12:25

              « Je pense que l’homme peut encore réagir... »

              Et moi, je sais qu’il ne le fera pas. Pour cette simple et bonne raison que l’homme n’existe pas, c’est une vue de l’esprit, un concept virtuel.

              Alors, vous, vous attendez et moi, j’essaie d’imaginer une gestion de la cité adaptée aux réalités humaines, aux hommes tels qu’ils sont et non pas tels que je voudrais qu’ils soient.

              c’est fou, comme on peut être différent quand même.

              Quant à votre parabole, je la trouve plutôt bébête. Figurez-vous qu’il m’est arrivé quelque chose d’assez semblable, mais avec des écrevisses, qui avait été rejetées d’un lac d’eau douce, par des vagues très violentes.

              Une femme les ramassait, faisait quelques mètres pour les jeter à l’eau. Il ne me serait jamais venu à l’idée de lui demander pourquoi elle faisait cela, parce que ne me serait jamais venue l’idée qu’elle cherchait à sauver tous les crustacés échoués... Comme votre ramasseur d’étoiles, elle faisait ce qu’elle pouvait.

              A la rigueur, j’aurais pu lui demander pour quelles raisons, elle ne emmenait pas chez elle pour les bouffer... Mais j’ai considéré que ça ne me regardait pas.

              Peut-être était-elle végétarienne, ou les bestioles appartenaient-elles à une variété non comestible, ou la breaconne est-elle sévèrement réprimée... Pout tout dire, je m’en foutais. Et je m’en fous toujours.


            • Christian Pradel Christian Pradel 6 septembre 2006 14:06

              Bonjour Cool Mel,

              Vous dites : « Alors, vous, vous attendez et moi, j’essaie d’imaginer une gestion de la cité adaptée aux réalités humaines, aux hommes tels qu’ils sont et non pas tels que je voudrais qu’ils soient. c’est fou, comme on peut être différent quand même. »

              Je ne suis pas certain que nous nous sommes bien compris à ce sujet ? Je n’ai pas dit qu’il faut attendre. Au contraire, agissons, en tenant compte des réalités humaines (comme vous le dites) et des modalités de connaissances qui lui sont associées. Ne subissons pas les effets de la réalité sans pouvoir agir. Et justement, en agissant nous pouvons changer des états de fait qui nous pendent toujours au nez. Mais l’action a souvent à son actif, en couche de fond, une vision, un désir, voire un projet. Je dirai, comme pour rappeler ce que je disais dans mon article « ...que puis-je espérer ? » (un petit écho à Kant), il y a au fond, comme moteur de cette « machine désirante », ce que j’appelle l’espoir, une propulsion/impulsion de pouvoir changer et non une attente en forme de désillusion. Elle est lié à ce qui la sous-tend : connaître et agir.

              Vous parliez que l"homme est une vue de l’esprit. Je repense à Michel Foucault qui parlait de la « mort de l’homme » en tant qu’il recouvre le constat d’une dérive contemporaine des savoirs. Tout alors devient langage, échange symbolique, structure signifiante, constitution de signes. Désormais, connaître n’est plus dévoiler une nature humaine, mais déchiffrer une grammaire. Et comme le disait Frédéric Gros pour reprendre ce concept :« ...Et si, à l’époque contemporaine de Foucault, la pensée de la pensée devient autre chose ( échanger des signes, communiquer, parler le langage), alors c’en est fini de l’homme comme lieu de vérité ».

              Pour revenir à l’action, je vous recommande, si vous ne l’avez pas déjà lu, un livre excellent, qui traite bien entendu d’autre chose que la fraternité mais qui néanmoins sous le rapport de la conscience/connaissance et de ses modalités. « Connaître est agir » de Miguel Benasayag ( avec la collaobration d’Angélique del Rey).

              Quant à mon histoire...J’essaierai de faire mieux la prochaine fois smiley

              Chaleureusement,

              Christian


            • Cool Mel (---.---.146.247) 6 septembre 2006 18:49

              « Je n’ai pas dit qu’il faut attendre. Au contraire, agissons, en tenant compte des réalités humaines (comme vous le dites) et des modalités de connaissances qui lui sont associées. »

              Eh non, vous ne le dites pas, mais le fait est que vous devez attendre. Vous agissez, ce qui est louable, mais ensuite vous devez attendre les effets de votre action et, en particulier, que les autres se bougent et comme ils ne se bougent pas, et bien vous attendez. Longtemps...

              Quant à vos mentions de Foucault et de Frédéric Gros, je dois vous avouer que je n’y entends rien. Comme je ne comprends pas ce qu’est la pensée de la pensée, je ne vois pas du tout comment elle peut devenir autre chose et comme je ne parviens à concevoir ce qu’est, concrètement, l’homme comme lieu de vérité, je suis obligé d’avouer mon autisme...

              De plus, quand je lis une phrase qui commence ainsi Tout alors devient langage, échange symbolique, structure signifiante, constitution de signes, je pourrais passer des heures à me demander ce que son auteur peut bien ranger dans le « tout » en question. Sans bien sûr pouvoir fournir la réponse que lui-même m’auraitpeut-être donnée si je lui avais posé la question qui me taraude.

              Alors plutôt que de spéculer stérilement, je préfère renoncer tout de suite et me consacrer à des réflexions dont les tenants et les aboutissants me sont plus accessibles, soit au moyen d’auteurs qui s’expriment avec davantage de clarté, comme Greg, Hergé, Goscinny, Edgar P. Jacob et quelques autres.

              Par conséquent, si je vous suis reconnaissant de m’avoir répondu avec courtoisie, j’ai le sentiment désagréable de vous avoir fait perdre votre temps. Et même vos dénégations polies n’y changeraient, le cas échéant, rien...


            • Cool Mel (---.---.146.247) 6 septembre 2006 19:41

              « chez Rousseau ou Locke...les hommes possedent une certaine predisposition a l’allocentrisme... »

              Chez Locke, je ne sais pas, mais chez Rousseau, c’est sûr.

              Sinon, il n’aurait pas abandonné ses sept enfants pour s’occuper de ceux de tout le monde, en écrivant Emile ou l’éducation.

              Quelle ami du genre humain, ce Rousseau quand même...


            • Christian Pradel Christian Pradel 6 septembre 2006 20:33

              Vous dites « Eh non, vous ne le dites pas, mais le fait est que vous devez attendre. Vous agissez, ce qui est louable, mais ensuite vous devez attendre les effets de votre action et, en particulier, que les autres se bougent et comme ils ne se bougent pas, et bien vous attendez. Longtemps... »

              Je dois vous avouer que je ne comprends pas où vous voulez en venir exactement.

              Christian


            • Christian Pradel Christian Pradel 6 septembre 2006 20:37

              Cela dit, j’aime bien Goscinny ! smiley

              Chaleureusement,

              Christian


            • Antoine Diederick (---.---.217.243) 6 septembre 2006 09:56

              Texte très intéressant....deuxième étape « Le Meurtre du Père » version Freud et le tableau sera complet smiley


              • Christian Pradel Christian Pradel 6 septembre 2006 10:19

                 smiley

                Nous pourrions aussi associer l’anti-oedipe de Gilles Deleuze et Félix Guattari pour parfaire ce tableau...

                 smiley


              • Verite (---.---.116.5) 6 septembre 2006 17:19

                @l’auteur

                « chez Rousseau ou Locke...les hommes possedent une certaine predisposition a l’allocentrisme... »

                Il faut lire « Moral Philosophy » par James Rachels, qui a explore ces idees. avec un perspectif originale. ( University of Alabama , past prof. of philosophy).

                Cordialment,

                Verite

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