La Joconde du Louvre est une Pomone (suite à mon précédent article)
C'est un fait et il n'y a pas lieu de crier au scandale. C'était dans le goût de l'époque de représenter en peinture des personnifications de la nature. Le terme le plus employé était "Flore". La Joconde du Louvre est une Flore. Et, en effet, c'est bien ce que Léonard de Vinci a voulu représenter, mais - c'est là son génie - il a choisi de ne représenter qu'une fleur, celle qui lui semblait la plus belle qui soit : la femme. Et plus précisément son modèle préféré : Mona Lisa, épouse parfaite en tous points de son ami Francesco del Giocondo. Une fleur qui surgit comme par miracle sur un fond de paysage désertique, ce qui rajoute au contraste. Une fleur où le peintre génial a cherché - et réussi - à exprimer le mystère de l'Être.
Je n'invente rien.
Deux témoignages vont dans ce sens. D'abord, celui de Giovanni Paolo Lomazzo, peintre italien qui écrit : Par Léonard, une riante Pomone dont un côté est couvert de trois voiles, ce qui est très difficile dans cet art. Il la fit pour Francesco Valeio (François Ier de Valois). Ensuite celui de Luis d’Aragon : Rendant visite à messer Lunardo Vinci, âgé de plus de 70 ans, dans une dépendance du château d’Amboise, nous vîmes le tableau d’une certaine femme florentine fait d’après nature sur demande de feu le magnifique Julien de Médicis... portrait de la signora Gualanda (aurait précisé Léonard de Vinci).
Il n'y a pas à hésiter. Dans le premier témoignage, les trois voiles désignent indiscutablement notre Joconde du Louvre et cette Joconde est bien en France, en possession du roi. Dans le deuxième témoignage, il s'agit toujours de notre Joconde du Louvre, florentine, qui est en France, mais le témoin rectifie le premier témoignage, ou plutôt le nuance, en précisant qu'avant que le tableau ne tombe dans le domaine royal, il était toujours en possession de Léonard de Vinci. Il précise en outre que ce n'est pas François Ier qui l'aurait commandé mais Julien de Médicis.
Enfin, le commandeur Cassiano del Pozzo, patron des Arts et humaniste, nous donne le témoignage suivant : En 1625, j’ai vu l’œuvre de Léonard de Vinci à Fontainebleau. Un tableau grandeur nature, sur bois, encadré de noyer sculpté, c’est le portrait en demi-figure d’une certaine Gioconda. C’est l’œuvre la plus complète de cet auteur car il ne lui manque que la parole.
Ce troisième témoignage nous apporte la preuve qu'il s'agit bien de Mona Lisa, Gioconda, épouse de l'important marchand d'étoffes qu'était Francesco del Giocondo. À la différence du premier témoignage qui n'y voyait qu'une "Pomone", le Commandeur fait un grand éloge du portrait.
Le mot "gualanda" du deuxième témoignage prête à confusion. Conservateur des peintures du roi en 1642, le père Dan écrit, par ailleurs, ce curieux commentaire : Dans les premiers inventaires royaux qui mentionnent l’oeuvre, j’ai lu ceci : "une courtizene in voil de gaze" mais aussi ‘’une vertueuse dame italienne’’. François Ier a payé la Joconde 4 000 écus .
Le mot ou qualificatif de gualanda, comme celui de courtisane, sont des erreurs manifestes. L'étude de Giuseppe Pallanti "La véritable identité de la Joconde : un mystère dévoilé" prouve, documents à l'appui, que Mona Lisa fut une mère particulièrement estimée de son mari et que c'est bien parce qu'elle rassemblait toutes les vertus que Léonard de Vinci en a fait son modèle préféré. Les 4000 écus devaient représenter la somme que François Ier a versé à Julien de Médicis, le commanditaire du tableau, ce qui n'est pas en contradiction avec le fait que le roi en ait laissé la jouissance au peintre jusqu'à sa mort.
Je n'invente rien. J'ai déjà présenté ce raisonnement, il y a exactement sept ans http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/existe-t-il-un-autre-portrait-de-35941 . Cela n'a pas empêché les médias d'inventer et de publier n'importe quoi jusqu'à inventer les thèses les plus farfelues sur l'identité de la Joconde. Quant à mon texte, aucun média n'a jugé intéressant de le reproduire ou d'en débattre, ce qui montre bien que lorsqu'on n'est pas expert en cour, le simple citoyen est considéré comme un jean-foutre.
Pour en revenir à "La belle princesse" de mon article précédent.
Je ne peux que féliciter le propriétaire du portrait sur velin (ci-dessous, au centre) pour le long combat qu'il a mené pour arriver à le faire attribuer à Léonard de Vinci, et cela, alors qu'il avait contre lui les plus grands experts du peintre http://www.dailymotion.com/video/xqmkba_leonard-de-vinci-la-belle-princesse_creation En faisant appel aux techniques d'investigation les plus récentes, il a ouvert la voie à une véritable révolution dans le monde des arts. D'une part, à défaut de preuves, ce n'est plus "au pif" qu'il faudra dorénavant attribuer les oeuvres mais par les techiques scientifiques modernes. D'autre part, il faudra refaire un inventaire argumenté, au besoin scientifique, dans tous les musées de France, par honnêteté à l'égard du public.
Je suis furieux de m'être fait avoir dans mon précédent article en présentant le portrait de la jeune femme ci-dessous à gauche, comme étant une oeuvre d'Araldi alors que celui-ci n'est pourtant pas connu pour avoir réalisé des oeuvres semblables, à ma connaissance. Comment pouvais-je me douter de cette erreur manifeste d'attribution alors qu'il est attribué ainsi par le très sérieux musée des offices, alors qu'il est même identifié par les experts comme étant celui d'une Barbara Pallavicino.
Comment pouvais-je savoir que son attribution avait été discutée avant que les experts s'accordent entre eux : Le travail, qui a été longtemps cru à ... à son tour influencé par le modèle de Léonard de Vinci ... la coiffure élaborée avec la queue étroits rubans (le « coazzone"), et la richesse de bijoux, y compris de nombreuses perles , comme le géant, goutte à goutte, de l'oreille. Typique de la cour milanaise a la bande sur le front, ainsi que la richesse de la robe, avec des manches amovibles et décoré avec des incrustations et de la broderie (Wikipedia).
Autrement dit, il n'y a là que de simples suppositions. Or, si les trois portraits ci-dessus ont un port aussi semblable avec, en plus, la queue de cheval, même si on ne la distingue qu'à peine dans le troisième, il est beaucoup plus logique de penser qu'ils sont, tous trois, oeuvres de Léonard de Vinci, mais à Florence et non à Milan.
La thèse qui propose de voir, dans le portrait du centre sur velin, la fille naturelle de Sforza, n'est donc plus fondée dans cette hypothèse. Et elle est d'autant moins fondée que la fillette aurait eu 13 ans au moment du dessin alors que, manifestement, la jeune femme représentée est plus âgée. Il faut donc chercher ailleurs. Or Mona Lisa, modèle préféré de Léonard de Vinci comme je l'ai dit, avait justement 16 ans en 1495. J'en déduis que c'est elle dont Léonard a réalisé le portrait sur velin mais qu'il a préféré le vendre à Sforza plutôt qu’à Francesco del Giocondo. Rien d'étonnant à ce que Sforza l'ait inclus en frontispice dans un ouvrage qu'il a offert à son ami, à cette date-là... parce que c'était un objet de valeur.
Poursuivant dans le raisonnement et constatant que la belle princesse au velin et la dame à la résille de perles toutes deux attribuées à Léonard, ont toutes deux la queue de cheval, j'en déduis que le portrait jusque-là attribué à Araldi et porteur également de la queue de cheval, doit l'être également à Léonard de Vinci, comme je l'ai dit, et qu'il s'agit de la première épouse de Francesco del Giocondo, Camilla, fille de Mariotto Rucellai, du puissant clan des Rucellai, dont la noblesse et la fortune étaient connues de tous à Florence (c'est d'ailleurs ce que j'ai écrit dans mon article de 2008, il y a sept ans).
Je sais que mon présent article ne plaira, ni au ministère de la Culture, ni à certains experts, ni aux médias qui préfèrent relayer les thèses les plus abracadabrantes les unes que les autres, mais c'est ma vérité, celle que je dois à Léonard de Vinci. Et qu'on ne me dise pas que les deux profils de la Mona Lisa sur velin et de la Mona Lisa à la résille de perles ne se ressemblent pas exactement, même si dans le détail, il existe des concordances. Ce n'était manifestement pas le premier souci de Léonard. Léonard de Vinci cherchait principalement la beauté de l'oeuvre.
Le peintre contraint les esprits des hommes à tomber amoureux et à aimer une peinture qui ne représente aucune femme vivante (Cahiers, Léonard de Vinci).
Reste que la Joconde décrite avec moult détails par Vasari, et dont il fait un éloge suprême, n'est pas celle du Louvre mais celle de Milan connue sous le nom de "La dame à la résille de perles". Lisez mon précédent article.
Extrait en partie de mon manuscrit consacré à Léonard de Vinci, refusé par les maisons d’éditions en 2005. Pour écrire ce manuscrit, je me suis appuyé sur l’ouvrage de Serge Bramly intitulé Léonard de Vinci, biographie. Également sur l’ouvrage de Giuseppe Pallanti Monna Lisa, mulier ingenua que mon épouse m’a traduit de l’italien.
Emile Mourey, le 2 mars 2015, http://www.bibracte.com
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