La lente descente aux enfers de la république
La police fait du zèle ces temps-ci. Hadopi c’est du zèle législatif et quand on crie Sarkozy je te vois, c’est du zèle judiciaire. Bref, sales temps pour la démocratie dit le passant en achetant son journal le matin. Et dans dix ans ?

C’est le pont de l’Ascension. Beaucoup se sont aérés en quittant leur domicile. Paix aux âmes et cœurs réveillés par les senteurs printanières. Carpe diem, la société est sous contrôle, l’Europe nous protège. Ne lisez pas mes mauvaises pensées, ça pourrait vous gâcher l’ambiance, rendre acide le rosé pris le soir au camping avec les copains. Tout va bien, ne vous inquiétez pas. Les réflexions qui vont suivre ne sont que suppositions.
Inutile d’insister sur le zèle de la police, surtout en Gironde, des affaires mettant en scène deux écoliers, des cyclistes, une classe de collégiens malmenés. Inutile de taper sur la police, car dans certaines zones, le job d’agent de l’ordre public n’est pas une promenade de santé. La police se fait répressive mais comme le dirait tout agent de la sécurité publique, ce sont les ordres. Venus non pas d’on ne sait où mais d’en haut, du Ministère, naguère dirigé par un certain Nicolas S. et maintenant, par une MAM qu’on dit très sourcilleuse de l’ordre public. L’ordre juste, c’est juste l’ordre disait N.S. en 2007 pour narguer la Royal. Mais même la voix de son maître, le député Lefebvre, a trouvé le dernier fait divers policier très exagéré. Ensuite, il y a les tentes de Don Quichotte délogées par une compagnie de CRS, des gens arrêtés pour avoir aidés des sans papiers, diverses mesures coercitives qu’on mettra sur le compte d’un ordre républicain régi pour servir une république de l’ordre et de la tranquillité publique ; sauf que les jeunes et bien des citoyens ont peur maintenant de cette police censée les protéger. Tandis que d’autres gens ne sont pas préoccupés. Le « Français moyen » peste contre une prune sur le pare brise ou bien pour s’être fait flasher par le radar mais question sécurité civile, il n’aura rien à redire aux zèles sécuritaires vu qu’il n’a rien à se reprocher, qu’il respecte la loi, ne manifeste pas, n’écrit pas ses mauvaises pensées sur le Net. Monsieur le « Français moyen » est un homme ordinaire qui ne se plaint pas et n’a rien contre le régime. Fin du tableau.
Autre constat. Les idées du ministre Darcos pour pallier à la violence dans les établissements scolaires. Des idées ayant fait polémiques. Un GIGN dans l’éducation ? Ou alors la formation des enseignants au flicage et à la fouille des élèves. C’est sûr, il y a malaise dans notre société. Comment en arrive-t-on à de telles extrémités s’interroge JM Aphatie évoquant une descente aux enfer de notre société.
Et maintenant dans dix ans. Si on testait une hypothèse, celle d’un Etat très sécuritaire, très policé, bien plus qu’actuellement. Les raisons peuvent être devinées. L’économie n’est plus ce qu’elle était. Au vu du développement atteint par les pays naguère émergents mais devenus émergés, autrement dit, industrialisés, la demande en ressources et énergie a fait flamber les prix. La croissance verte est loin d’être équitable. Les inégalités se sont creusées dans les pays du vieux monde, autrement dit les démocraties d’Europe et d’Amérique. Cette situation crée des tensions sociales auxquelles s’ajouteront des conflits géopolitiques plus les mafias du monde qui disposent d’un trésor de guerre accumulé grâce aux trafics en tous genres. Cette situation instable n’est pas ingérable. Elle conduira naturellement les Etats à se faire de plus en plus policiers, répressifs, autoritaires. Bref, une configuration qu’on pourrait penser ancienne mais qui en fait, sera assez inédite. Mais très classique dans les ressorts.
Sans virer au cauchemardesque, on peut penser que le niveau matériel ne pourra progresser et que des tensions se développeront entre ceux qui veulent accéder à un minimum de décence existentielles et les autres, à la fois classes moyennes et élites, soucieuses de défendre leurs acquis. Il y aura certainement des distorsions économiques et éthiques entre ceux qui ont accumulé des droits et profits et ceux dont l’insertion dans le système se fera difficilement. D’où une possible société policée et sécuritaire pour museler les frustrations exprimées en révoltes. Et plus généralement, une acception en masse des mesures coercitives par la société. Le choix sera entre résilience et résistance. Nous voyons bien que peu à peu, les autorités nous habituent à accepter les mesures policières au nom d’un ordre républicain et économique. Combien sont disposés à maintenir leurs avantages en acceptant un ordre musclé ?
Le plus étonnant quand on repense à l’Union soviétique, ce n’est pas que le régime soit tombé après la chute du mur mais qu’il ait pu se maintenir pendant 70 ans. Le régime franquiste a tenu 40 ans. Des aspirations vers l’émancipation, la vie hédoniste, se sont conjuguées avec l’épuisement de ces régimes. Même dans les sociétés démocratiques, des mouvements vers les libertés ont traversé les couches sociales dans le sillage des années 60 et de la rock culture. Puis maintenant, on ne sait plus trop, un freinage sans doute. Les gens blasés, attachés à leurs acquis. Un système qui ne peut plus produire pour tous. La dynamique d’accès à la consommation et l’ascension sociale de l’Après guerre est fatiguée. Alors on ne sait plus si les citoyens vont encore être attaché à la république, à la défense des libertés. Une dynamique socialement régressive est possible d’ici dix ans. Elle peut se mettre en place progressivement, sans trop heurter des consciences indulgentes et indifférentes à la société. L’Etat pourrait être tenté de protéger les profits, les rentes, les privilèges, tout en exerçant une politique des plus répressives envers les travailleurs et les exclus du système.
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