La Loi El Khomri : du Code du travail au Code de non-droit ! Volet N°2
L'entreprise, quelle que soit son importance, a toujours été l'endroit privilégié de règles de travail, sources et enjeux de conflits. Car, fort du principe de propriété privée des moyens de production, le Chef d'Entreprise a toujours défendu ses pouvoirs économiques de direction, pouvoir sans partage. C'est à partir de cette position de fermeté face à la loi du "patron de droit divin" que la codification claire et précise du droit du travail, est devenue au fil des décennies nécessaire et incontournable.
DE L'IMPORTANCE ABSOLUE DU CODE DU TRAVAIL.
Le patron /chef d'entreprise possèdait un pouvoir disciplinaire de maintien de l'ordre, un "système en vase clos" dans son entreprise, par lequel les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire étaient concentrés entre les mains du patron, seul maître à bord, à décider unilatéralement des règles, de les prononcer et de les appliquer. Et se reconnaissait-il le droit d'un pouvoir discrétionnaire et légitimé par sa position hiérarchique et sociale : faire justice lui-même sans les recours juridictionnels effectifs. Car le juge ne pouvait se substituer à l'employeur pour l'appréciation d'une faute, du renvoi de l'ouvrier ou de l'employé, des sanctions etc... ni de mesurer la gravité de la faute, s'il y avait faute, ni d'en examiner les conditions des faits incriminés. Cependant les législateurs, conscients du vide juridique en la matière, vont tempérer ce pouvoir unilatéral et vont, par exemple, supprimer les amendes, en les déclarant illégales. Un premier pas effectivement, bien qu'encore timide.
POURQUOI SYMBOLIQUEMENT, MATERIELLEMENT, JURIDIQUEMENT, LE CODE DU TRAVAIL EST-IL ESSENTIEL ?
Historiquement, avec la naissance de l'Etat moderne, centralisateur, né de la Révolution Française, des avancées importantes vont être observées sur le principe de la création des normes juridiques des Codes, un ensemble de normes d'applications générales, et dans le cadre de la loi, et les limites de l'Etat. Le Code deviendra la référence légale.
Depuis les Babyloniens et le Code d'Hammourabi, roi de Babylone, (1728-1686 avant JC), ensuite avec le Codex des Romains (les deux leges), le Code de Justinien, ou Compilation de Justinien (529 avant JC), ces codes représenteront les éléments centraux des sources juridiques ordonnées par les rois et les empereurs. Par exemple, les décisions des jurisconsultes romains seront réunis dans le Digeste.
Sous l'Ancien Régime, en France, l'organisation juridique de l'Ancien Régime sera étroitement liée aux structures politiques et sociales, mais se caractériseront par une "grande confusion". C'est la raison pour laquelle, les juristes consacreront leur temps à tenter de réunir les innombrables et très complexes textes touchant à tous les domaines tels que fiscal, domanial, douanier, etc... Des hommes au XVIIIe siècle comme de Portalis, avocat aixois rédigera le premier code civil, dont s'inspirera largement Napoléon 1er.
C'est ainsi qu'ils se donneront pour mission de redéfinir le rôle exact du Code, dans son originalité et sa place centrale dans la Société.
Le Consultat et le Premier Empire continueront de fixer les dispositions juridiques issues de la période révolutionnaire sous l'impulsion de Napoléon Bonaparte.
5 codes verront le jour :
Code Civil (1804) - Code de Procédure Civile (1807) - Code d'instruction criminelle (1808) - Code Pénal (1810) - Code Forestier - (1827) - Code Rural (1898). Le Code du travail, lui, une simple ébauche.
Ce sera en 1910 seulement, sous la troisième république, que les juristes s'attelleront enfin, à étoffer et finaliser le Code du Travail, lui donner sa substance et en faire la référence absolue et légale de l'application des lois du travail.
La liberté et l'égalité des deux parties patron-ouvrier ne seront que de principe. Mais l'évolution du droit du travail entourera de garanties légales et conventionnelles qui protégeront le salarié.
Le contrat de travail qui lie les deux parties employeur/salarié en sera profondément modifié dans son essence, car il soumettra aux règles légales issues des conventions collectives applicables, comme par exemple la durée du travail et limitera considérablement la liberté de l'employeur d'imposer sa volonté, à charge évidemment des juristes d'appliquer la loi en cas de conflit employeur/employé.
Mais le contrat particulier qui lie l'employeur à l'employé et vice versa reste fondamentalement inégalitaire car le salarié sera toujours dans un état d'infériorité et de vulnérabilité économique évident par rapport à l'employeur. De par sa forme, le contrat stipule la subordination juridique de l'employé par rapport à l'employeur puisque soumis aux réglementations intérieures de l'Entreprise et aux systèmes de sanctions (licenciements), etc...
La liberté de rupture du contrat restera le principe unique jusqu'à ce que les juristes tempèreront par le code du travail, les règles de préavis et d'indemnisation.
Le droit disciplinaire interne à l'Entreprise reste l'arme absolue dont dispose l'Employeur et dont les conséquences pour les salariés sont extrêmement dommageables. C'est contre ces aspects individuels du droit que vont se développer :
-Le droit de grève, le droit syndical, le droit de conventions collectives, le droit de représentation des salariés dans l'entreprise, la participation aux profits et décisions dans certains secteurs.
La médecine du travail, les comités d'hygiène et de sécurité, la création de syndicats internes destinés à être la défense de intérêts des salariés ; quelques progrès notables rendus obligatoires par la lutte pugnace des travailleurs épaulés par les juristes et des parlementaires progressistes, et l'action syndicale.
LE CODE DU TRAVAIL MENACE :
Avec l'évolution profonde des mentalités, la conception même du droit du travail, se trouve incompatible avec la "souveraineté de l'employeur" que ce droit a remis en cause mais qui provoque depuis des années, la pression du MEDEF, en France, sous l'égide de l'UE, pour démanteler le Code du Travail et le vider de sa substance.
C'est un travail de sape, sournois, thermitier, répété, intrusif, revenu sans cesse sur l'objet, jusqu'à ce que le gouvernement socialiste et avant lui de droite, acquis non pas aux forces de progrès mais aux forces réactionnaires les plus rétrogrades, cède devant un patronnat européen et mondial tout puissant, des plus totalitaires, les égaux des patrons de droit divin de l'ancien régime et du XIXe siècle, que j'évoquais plus haut.
D'autant plus difficile à ne pas contenter de la part du gouvernement soumis au MEDEF, que ce patronnat tout puissant désormais, a élargi à l'excès ses champs d'investigation, médias compris, ses pouvoirs exorbitants, son emprise totale, nationale et internationale sur les pays et les nations ; phénomène peu glorieux de reconquista de l'espace juridique et légaliste, comme le code du Travail, et ses corollaires : inspection du travail, Prudhommes, médecine du travail, neutralisation des syndicats, etc... Afin de reléguer le Code du travail au chapitre des antiquités, à l'image d'une société sans règles, porte ouverte à un nouvel esclavage des travailleurs, l'Eldorado rêvé des Négriers.
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