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Accueil du site > Tribune Libre > La morale anarchiste face à l’individualisme

La morale anarchiste face à l’individualisme

C’est, en effet, une opinion trop généralisée que l’anarchisme est une philosophie essentiellement individualiste. Il se peut que certaines attitudes outrancières aient contribué à répandre cette interprétation. Mais la mauvaise foi des socialistes autoritaires qui avaient intérêt à discréditer le socialisme libertaire y contribua bien davantage. Si, publiquement, ses idées ont été déformées par quelques anormaux ou par des amoraux, la calomnie systématique du marxisme a fait une œuvre destructrice beaucoup plus considérable. Elle continue à le faire en sous-mains.

 

C’est que, dès les premiers moments, ce ne sont pas seulement les concepts d’autorité et de liberté, de parlementarisme et d’action révolutionnaire ou de simples questions tactiques qui ont opposé les socialistes anarchistes aux socialistes autoritaires, implicite ou explicite, le désaccord était plus profond. L’anarchisme était le développement, l’élargissement le plus abouti de l’humanisme. Spirituellement et pratiquement il continuait l’œuvre de la Renaissance, il remontait au meilleur de la Grèce antique ; avant la société, il voyait l’homme ; avant les formes sociales, il voyait l’humanité. C’est pourquoi la libre recherche expérimentale et scientifique, - il n ’y a pas de science sans investigation continuelle, sans possibilité de rejet des données insuffisantes ou erronées - remplaçait pour lui le dogme de l’autorité.

 

L’esprit du socialisme autoritaire était au contraire et, même dès le début, tout différent. Avant l’homme, il voyait la société non comme un ensemble d’êtres vivants et sensibles, mais comme un mécanisme, une organisation. Quand il parlait d’humanité, il donnait à ce mot un sens abstrait car il n’y voyait pas les composants individuels. Et, quand il parlait de prolétariat, il n’y voyait surtout que des bataillons de choc. Ce n’est pas sans raison que les expressions "armées de paysans", "armées de travailleurs", se trouvent dans les pauvres programmes d’avenir que les grands théoriciens du matérialisme historique - conception déshumanisée de l’Histoire rédigèrent jusqu’à la fin du XIXe siècle.

 

Dans la mesure où l’on peut établir de grands parallèles dont la synthèse n’exclut pas les dissemblances de détail, on peut affirmer que l’esprit romain du mécanisme administratif et juridique, ignorant l’homme au profit de la société, se retrouve dans le socialisme autoritaire.

 

Ceux, parmi les libéraux et les républicains classiques, qui, parce que les anarchistes défendaient les droits de l’individu, leur reprochaient leur « individualisme », étaient, s’ils avaient connu ces idées, bien mal venus pour le faire. Ils oubliaient la fameuse Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, dont l’essentiel se trouvait déjà dans la Constitution américaine et dont pratiquement les principes étaient appliqués en Angleterre. Pourquoi donc, malgré les insuffisances que nous connaissons, les constitutionnalistes français ont-ils cru nécessaire de préciser ces droits de l’homme, sinon pour éviter que l’organisation, la structure politique, juridique, économique de la société, les institutions religieuses ou autres, ne piétinent les droits de l’homme, de tous les hommes.

 

Pourtant, ces constitutionnalistes, qui s’inspiraient de Locke et de l’Esprit des lois, n’ignoraient pas et ne cherchaient pas à nier la société. Mais ils désiraient que la loi serve l’homme, et non que l’homme serve la loi.

 

Malheureusement, des dogmes, des entités, des institutions, des forces naquirent ou grandirent, qui devinrent dominantes et firent oublier les droits de l’homme, même dans la mesure limitée où ils avaient été conçus. Ce fut d’abord la patrie, née d’un sentiment et d’une volonté d’union révolutionnaire bien vite transformés en prétexte d’exploitation, d’oppression, de guerre et de rapine ; l’État, soi-disant incarnation de la société, qui se superposait à tous les individus isolément puis collectivement pris ; la nation, adultération aggravée de la patrie primitive ; le respect de la propriété qui dans la Déclaration des droits de l’homme avait pour but d’empêcher les seigneurs ou leurs continuateurs, et l’État lui-même, de piller, d’exproprier sans vergogne ni réparation, ou de se livrer chez les paysans à toutes les déprédations si chères aux privilégiés de l’ancien régime ; la paix sociale, prétextée pour maintenir les classes et l’exploitation de la majorité par la minorité enrichie ; la soumission à l’Église dans la plupart des pays du monde ; ajoutons la famille, que sa structure autoritaire, transformait le plus souvent en foyer d’injustice pour la femme et l’enfant, et l’on comprendra que les droits de l’homme et du citoyen n’étaient plus qu’une glorieuse formule historique. Ce n’était plus l’homme, ni même le citoyen, qui comptait, c’était cet ensemble d’institutions, de croyances et de tabous auxquels on sacrifiait l’immense majorité.

Cependant, en soi, la formule était bonne, et le sera toujours.

 

Toute forme de société, théoriquement heureuse, qui rend ses composants, ou la majorité de ses composants, pratiquement malheureux, doit être rejetée. Et pour que cette contradiction ne se produise plus, il faut, avant d’esquisser une forme quelconque de société, et pendant qu’on élabore cette forme, tenir toujours compte du bonheur des individus en même temps que du progrès de 1’espèce.

 

Théoriquement, les penseurs du libéralisme continuaient de défendre cette thèse, mais ils étaient, à part le respect de la propriété individuelle qui n’avait plus pour but que défendre le droit des minorités possédantes contre l’Etat et plus encore contre la révolution sociale, en contradiction flagrante et permanente entre le principe affirmé et toutes les conséquences des dogmes et des inégalités auxquels ils adhéraient.

 

En revenant aux droits de l’homme individuellement pris et de tous les homme aussi pris individuellement pour que la mystification ne soit plus possible, les socialistes anarchistes ne faisaient rien de nouveau, comme ils ne faisaient rien de nouveau, en réclamant l’égalité, la liberté, la fraternité. Ce qui était inédit, c’étaient les moyens par lesquels ils prétendaient arriver au triomphe véritable de ces principes. C’était aussi leurs justifications.

 

Pour juger de la société, ce n’est pas que sur des descriptions généralisées, des statistiques globales, des études limitées aux couches sociales les plus voyantes, ou à certains aspects de la vie qu’ils acceptaient de s’arrêter. Pour eux, il ne suffisait pas de dire qu’au cours du XIXe siècle, la production industrielle et agricole ainsi que la richesse des nations s’étaient développées prodigieusement. Il fallait aussi savoir si le sort du paysan, de l’ouvrier, et de leur famille, s’était amélioré dans les mêmes proportions.

 

Il ne suffisait pas que les libertés nouvelles soient proclamées si, par l’étatisation graduelle, de nouvelles restrictions à la liberté apparaissent.

 

Les droits de l’homme, de tous les hommes, de toutes les femmes, de tous les enfants, ne pouvaient triompher que dans une société où, d’abord, ils seraient égaux pour tous, en théorie et en fait. C’est pourquoi Proudhon demandait, pour chacun, le droit à la possession des moyens de subsistance, mitigé plus tard par l’exploitation collective de ce qui exigeait le travail collectif. Il demandait surtout l’établissement d’un régime où l’exploitation de l’homme par l’homme serait bannie, où les crises économiques, nées d’un faux excès de production, avec leur cortège de chômage et de misère, et qui niaient le droit le plus fondamental de l’homme, le droit à la vie, auraient disparu.

 

Droit au travail, droit au bonheur, droit à la vie que le développement de la société peut assurer à chacun, droit à l’instruction, à la culture sous toutes ses formes et à tous les degrés, droit à la liberté compatible avec les normes imposées par les rapports individuels et sociaux. Est-ce de l’individualisme ? Non. C’est le respect de l’individualité, de toutes les individualités qui composent l’humanité.

 

Loin d’être la revendication des droits de l’individu contre la société - et, en conséquence, d’aboutir au chaos, à « l’anarchie », dans le sens traditionnel d’un mot dont ses adversaires exploitent habilement le double sens - le socialisme anarchiste est une harmonieuse synthèse des droits et des devoirs de l’individu et de la société. Il n’est pas une conception inorganique de cette dernière, ou sa négation plaçant, historiquement et nécessairement, l’individu au-dessus d’elle. Ceux qui ont fait et font de semblables affirmations ont menti, ou mentent, ont ignoré ou ignorent, ce qu’est l’anarchisme socialiste.

 

Le cas de Bakounine en est une des preuves les plus éclatantes. Ceux qui en ont fait, à l’aide de quelques phrases célèbres, séparées du contexte, un monstre apocalyptique de négation, taisent que la partie négative ne comporte qu’un dixième de ses écrits, et la partie constructive, philosophique, théorique, doctrinaire, tactique, neuf dixièmes. Bakounine proclamait que tout travail, même individuel, était le résultat des apports de toute la société et de toutes les générations. Il demandait les Etats-Unis socialistes et fédéralistes d’Europe, puis la fédération mondiale des peuples libérés. Il faisait des unions et des fédérations d’unions de métiers ainsi que des fédérations de communes, les bases de la société nouvelle. Il créait la théorie constructive du mouvement syndical, que Sorel, Labriola, Griffuelhes, Lagardelle, Panunzzio et autres théoriciens syndicalistes internationaux devaient lui reprendre en l’étriquant et en la présentant comme originale. Il écrivait des programmes d’action, d’organisation et de reconstruction sociale dont son Catéchisme révolutionnaire que Kaminsky présente, avec raison, comme le document fondateur de l’anarchisme révolutionnaire.

 

Chez lui et chez ses amis de la Première Internationale, le social primait l’individuel, car ils avaient conscience qu’en résolvant le problème social, tous les individus seraient bénéficiaires de la transformation qui serait opérée.

 

Il en est de même chez Kropotkine. Comme Bakounine, qui s’est appelé socialiste révolutionnaire beaucoup plus qu’anarchiste, Kropotkine était, avant tout, un constructeur. Dans ses premiers écrits, il s’appelait lui aussi, fréquemment, socialiste révolutionnaire. Quand il adhéra au noyau bakouniniste de la Première Internationale, celui-ci était en sa majorité collectiviste, mais de grandes discussions agitaient nos camarades parmi lesquels les partisans du communisme anarchiste qui critiquaient l’insuffisance éthique et les contradictions pratiques du principe collectiviste. Auparavant, les anarchistes, avec Proudhon, avaient été mutuellistes. Mutuellisme, collectivisme, communisme... où était donc l’individualisme. Nulle part, ou à peu près. Stirner n’était connu que par le titre de son livre et, en Europe continentale, on ignorait même le nom de Turner et de John Mackay.

 

Kropotkine pose aussi le social avant l’individuel, il n ’ignore pas l’individu, dans son effort pour donner à l’anarchisme des bases scientifiques, qui continuait celui de Bakounine et de Proudhon, il va même jusqu’à comparer l’étude de la société humaine par les sociologues à celle de la matière par les physiciens qui, loin de s ’arrêter à la masse dans son ensemble, descendent à ses éléments constitutifs, à la molécule, à l’atome, puis aux éléments constitutifs de l’atome.

 

Mais son interprétation de l’Histoire, de la civilisation et du progrès humain est, avant tout, une vision collective du développement des collectivités par l’effort général et au sein desquelles, quand il parle des sociétés humaines, plus complexes que les sociétés animales, il n’oublie ni les minorités audacieuses ni les individualités anticipatrices.

 

Précisément, l’œuvre de Kropotkine la plus profonde et, à mon avis, la plus profonde de la pensée anarchiste, l’Entraide, avait initialement pour but de réfuter la thèse de Darwin et surtout de ses continuateurs, faisant de la lutte pour la vie entre les individus l’élément fondamental du progrès. Kropotkine s’acharne à prouver, et il y parvient, que c’est de l’entraide, de la pratique solidaire, de la sociabilité généreuse et active que le progrès social est né et s’est développé. Quand, dans l’Éthique et dans quelques écrits épars sur ce sujet, il expose la naissance du sentiment moral et de la conception morale, c’est encore dans la pratique vitale, biologique de l’entraide, qu’il y voit la source la plus constante. Mais quand il pose, dans sa brochure, La Morale Anarchiste, le problème de l’éthique individuelle pour l’homme actuel, ce n’est plus au mécanisme biologique de l’histoire qu’il en appelle, mais à la dignité individuelle, dans le comportement de l’individu envers lui-même et envers ses semblables, dans le combat mené par l’individu pour la liberté, la justice et l’humanité.

 

La plupart des penseurs et des divulgateurs de l’anarchisme qui furent plus ou moins les disciples de Proudhon, de Bakounine et de Kropotkine, un Malatesta, un Ricardo Mella, ont ainsi, sans oublier l’éthique individuelle, insisté de préférence sur le caractère social du problème humain. Et c’est précisément pour réagir contre cette insistance qu’est apparue l’école individualiste à travers laquelle les socialistes marxistes se sont efforcés, malhonnêtement, de présenter "tout" l’anarchisme.

 

L’apparition de cette école fut, il faut bien le dire, facilitée par la lenteur décevante de l’évolution des masses, leur esprit grégaire, leur manque de courage. On s’explique le désespoir et l’exaspération de ceux qui, venant à la révolution sociale pour en finir avec les inégalités et les injustices monstrueuses de la société capitaliste et autoritaire, sont frappés par la passivité des victimes, et se replient sur eux-mêmes. Le geste de désespoir est compréhensible. Ce qui ne l’est pas, devant le sens commun, c’est l’échafaudage d’une théorie sociale individualiste ; ce sont les élucubrations sur le "moi" souverain se situant au-dessus de la société, ne voyant que lui, et se considérant le nombril de l’univers.

 

Ceux qui ne connaissent pas l’histoire de l’anarchisme ignorent les polémiques qui, pendant une trentaine d’années et jusqu’à 1914, opposèrent les anarchistes communistes et les anarchistes individualistes. Ils ignorent que ces derniers étaient, de beaucoup, les moins nombreux.

 

Cette prédominance du collectif n’empêchait pas les anarchistes communistes de voir que c’était de tous les problèmes individuels que se composait le problème social, et qu’il n’y aurait pas de véritable solution tant qu’on ne tiendrait pas compte de toutes les individualités composant la collectivité.

 

Et d’abord, cette préoccupation de l’individualité s’affirmait dans le souci des anarchistes de s’élever, de se cultiver, de s’instruire, par besoin personnel d’élévation, d’abord. Ensuite par cette compréhension, lucide ou instinctive, qu’un mouvement ne vaut que par la qualité des individus qui le composent. Enfin, par le désir apostolique des plus fervents qui, pour mieux servir leur idéal et l’humanité, s’efforçaient, par leur volonté toujours tendue, de développer leur capacité et d’acquérir le plus de connaissances possible.

 

Dans les différents courants sociaux, le courant anarchiste est celui qui contient le plus d’autodidactes parvenus, par leur volonté tenace, a un degré de véritable culture. On peut trouver des autodidactes dans les courants autoritaires ou étatistes, dans le mouvement syndical, mais, outre que leur pourcentage est inférieur, ils ne sont généralement pas désintéressés. Il y a entre eux et les anarchistes la différence que l’on trouve entre l’étudiant qui travaille beaucoup plus pour être plus tard un bon professionnel et exploiter son diplôme et ses semblables, et celui qui étudie pour ce que le savoir a en soi de beau et de noble. La plupart des autodidactes du Parti socialiste ou communiste aspirent à être conseillers municipaux, députés, fonctionnaires. Ceux du syndicalisme pensent trop souvent à devenir des permanents professionnels. L’autodidacte anarchiste veut savoir pour le besoin, le plaisir et pour servir sa cause.

 

Ce besoin et ce plaisir, sans lesquels on ne peut être un homme capable de comprendre les problèmes humains, firent que les marxistes révolutionnaires et les syndicalistes reprochèrent aux anarchistes leur curiosité universelle qui, pour eux, n’était que de la métaphysique et un amour de l’abstraction. En dehors du matérialisme historique et de la lutte des classes - schématisations très commodes, pour les intelligences bornées, de tout le problème humain - ils ne voyaient rien. Le résultat en a été que l’absence de nombreuses formations individuelles à empêcher, aux masses de ces deux tendances, d’acquérir, ne fut-ce que sous l’influence de vastes minorités cultivées et désintéressées, une conscience et une éthique révolutionnaires sans lesquelles il n ’est pas de transformation sociale émancipatrice.

 

Pierre Monatte, Georges Dumoulin et Merrheim se sont lamentés, dans une correspondance édifiante ou dans des articles écrits pendant et après la Première Guerre mondiale, du manque de culture et même de la grossièreté, de la vulgarité des militants syndicalistes. Mais cela n’était-il pas imputable au syndicalisme lui-même qui n’avait pas suffisamment travaillé à la formation de ses militants abandonnant outre-mesure la question individuelle pour la question classe.

 

Tout mouvement populaire dont la minorité militante sans cesse élargie ne se compose pas d’individus étant chacun grâce à la culture acquise, une valeur en soi, doit fatalement dégénérer et sombrer dans la dictature des bureaucrates et des chefs. On comprend que ceux qui aspirent à être ces chefs et ces bureaucrates combattent et ridiculisent ceux qui, comprenant l’enchaînement des faits sociaux et leur interpénétration, s’occupent de psychologie autant que d’économie ; d’histoire, de pédagogie autant que de littérature, de technique ou de zoologie autant que de science pure ou d’éthique. Les démocrates bourgeois sincères - et il y en a eu - qui, dans les deux siècles derniers, demandaient la généralisation de l’instruction obligatoire que le peuple ne réclamait pas, savaient que cela était un élément indispensable pour l’exercice, par le peuple lui-même, des fonctions sociales nécessaires, et que, plus il serait apte à les exercer, plus il serait libre, car il aurait d’autant moins besoin de se soumettre à une direction autoritaire.

 

Si la démocratie est, selon ses premiers définisseurs, le gouvernement du peuple par lui-même, la forme la plus pure de la démocratie est l’anarchie, car où il y « archies », c’est-à-dire hiérarchies, il y a gouvernement par ces hiérarchies, et non par la majorité. Mais la vie sociale s’est extraordinairement compliquée depuis que Danton proclamait : « Après le pain, l’instruction est le premier besoin du peuple ». Peut-être, ayant le bagage qu’il possède aujourd’hui, le peuple aurait-il pu vers 1789, prendre en main sinon toute, presque toute sa destinée. Avec le développement de l’économie à l’échelle universelle et la complication de la vie sociale, son inaptitude est, maintenant, comparativement aussi grande qu’à l’époque de la Révolution française. On sent et l’on voit cette inaptitude dans tous les pays. L’attitude lamentable du prolétariat anglais devant l’échec travailliste en est un des exemples les plus frappants.

 

Or, il serait vain d’attendre des privilégiés du capitalisme et de l’État qu’ils donnent aux travailleurs les connaissances leur permettant de se passer d’eux. Ces connaissances doivent être acquises par les travailleurs eux-mêmes. L’émancipation de l’humanité est donc, avant tout, une question de qualité humaine et de qualité individuelle de ceux qui composent les élites. Bien entendu, en tenant compte que la volonté de lutte est, au même titre que la culture intellectuelle, un élément indispensable du combat.

 

Si les masses sont toujours enclines à confier aux bateleurs de toutes sortes, politiciens, dictateurs de gauche ou de droite, le soin de résoudre pour elles, d’organiser pour elles, de gouverner pour elles - dans ce cas il n ’y a plus de démocratie - si elles ont accepté passivement la déviation et la déchéance du syndicalisme c’est que les éléments qui les composent ne sont pas, même dans la minorité soi-disant agissante, des consciences et des volontés promptes à réagir contre toute déviation - il n ’y a plus que des troupeaux et des bergers. Ajoutez-y les chiens.

 

Le rôle de l’individualité ne consiste donc pas, pour l’anarchisme communiste, à se retrancher de la société et à n ’écouter que ses désirs. Il consiste, au contraire, à acquérir une conscience très nette de ses droits personnels et de ses devoirs sociaux, a s’élever à la hauteur réclamée par la société moderne, pour y jouer le rôle déterminant qui incombe à tout membre d’une collectivité qui veut se gouverner elle-même. Ce n’est pas le refus de la responsabilité personnelle, mais au contraire une prise de conscience et une pratique constante, envers les autres et envers soi-même, de cette responsabilité.

 

On trouve sous la plume de certains anarchistes, comme Élisée Reclus, ou d’autres moins célèbres, l’affirmation qu’il faut accomplir la révolution dans les cerveaux avant de l’accomplir dans les faits. Généralisée à 100 %, cette affirmation condamnerait notre espèce à un esclavage éternel. Il sera absolument impossible de libérer et d’éduquer mentalement tous ceux qui pourraient bénéficier d’une révolution sociale avant d’entreprendre cette révolution. Du moins, cette affirmation témoigne-t-elle d’une grande honnêteté, car ceux qui la font prouvent par là qu’ils n’aspirent pas à exploiter l’effort de libération du peuple quand il se produit.

 

Mais l’affirmation opposée, qui prône exclusivement la révolution comme premier pas pour mener le peuple à la connaissance et à la capacité d’auto-gouvernement, est peut-être plus fausse encore. Elle est en outre généralement une tromperie, la révolution russe en est un exemple et la révolution française en fut un autre. L’une a mené à Lénine, monarque absolu, et à Staline, chef d’empire mongoloïde. L’autre, à Napoléon. Et si nous analysons l’histoire de la Commune, nous constatons une même incapacité populaire à prendre en charge la réorganisation de la société.

 

Seule, la révolution espagnole ne déçoit pas trop. Non qu’elle ait été en tous points parfaite, mais parce que le bilan est beaucoup plus positif que négatif. parce que les réalisations constructives étonnantes par leur rapidité et leur réussite, ont été infiniment plus nombreuses que les échecs.

 

Mais - j’ai déjà eu l’occasion de le signaler - nous trouvons toujours à la base de ces réalisations, des individualités énergiques et clairvoyantes ayant des buts précis et sachant les atteindre. Ces individualités étaient des travailleurs manuels en leur immense majorité ; elles étaient aussi anarchistes communistes et, comme telles, avaient la supériorité que confère une certaine culture et la volonté d’action supériorité qui leur permit d’influencer et d’orienter les ouvrier et les paysans dont elles faisaient partie.

 

Quand nous parlons d’élite, nous ne nous référons donc pas à de petits noyaux d’individus situés en-dehors ou au-dessus des masses. Je me réfère à ceux qui, tout en restant au sein des masses, s’efforcent en s’élevant d’abord eux-mêmes, de les élever ; en s’instruisant d’abord eux-mêmes, de les instruire ; en se guidant d’abord eux-mêmes, de les guider ; et de leur apprendre à se guider seules.

 

Avoir une individualité, être une individualité n’implique donc pas être individualiste. A une individualité celui qui pense par lui-même, qui s’instruit pour penser juste, qui sait vouloir, qui sait pouvoir ou s ’efforce de pouvoir.

 

On peut donc être une individualité extraordinaire sans être individualiste, en ne pensant pas toujours à soi, en se dévouant sans cesse à la cause des hommes. Vincent de Paul, Louise Michel, Blanqui, Malatesta et tant d’autres firent de plus grandes individualités que Stirner ou Nietzsche.

 

Quand l’anarchisme parle de l’ "individu", ce n’est donc pas dans le sens que lui attribuent les écoles autoritaires dont nous ne pensons pas convaincre les profiteurs. C’est dans le sens et dans la mesure profondément justes afin que les quelque six milliards et demi d’êtres qui peuplent ce globe ne continuent pas, ainsi que leurs descendants, d’être les victimes de ceux qui les sacrifient depuis si longtemps en prétendant les servir.


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24 réactions à cet article    


  • tvargentine.com lerma 6 juillet 2007 12:01

    C’est trop long et franchement les anarchistes ont en veut pas


    • ExSam 6 juillet 2007 21:41

      Article réellement très éclairant sur l’anarchisme que je connaissais mal. Effectivement un peu long, mais si on fait un petit effort, ça passe tout à fait.

      Pour ma part, je souhaiterais un deuxième article sur les rapports contradictoires et complémentaires avec le marxisme.


      • Tetsuko Yorimasa Tetsuko Yorimasa 7 juillet 2007 01:57

        Si c’est trop long et trop compliqué, je vous invite à vous instruire un peu, vous verrez, ça fait du bien et ça fera disparaitre cette petite haine ordinaire que vous avez pour tout ce que vous ne comprenez-pas.


        • Tetsuko Yorimasa Tetsuko Yorimasa 7 juillet 2007 01:58

          Je m’adressais à lerma...


        • Philippe Vassé Philippe Vassé 7 juillet 2007 04:27

          Frédéric,

          L’article que vous avez écrit est d’un grand intérêt sur les origines et l’histoire des courants se réclamant de l’anarchisme.

          Il a aussi l’avantage de rappeler des grandes figures de ce mouvement, qui a connu, il est vrai, son développement le plus explicite entre les années 1850 et 1939, pour cerner l’essentiel de ses apports historiques dans les processus sociaux contemporains marquants.

          Certes, on peut regretter ici ou là quelques erreurs et/ou oublis manifestes : sur les positions et l’oeuvre d’Elisée Reclus et de quelques autres figures publiques, sur la place exacte des anarchistes dans la Commune de Paris, sur les positions et divergences internes dans le cours de la révolution russe et la guerre civile qui s’en est suivie, comme en Espagne (là, les oublis sont bien plus « graves » car il y a eu pour la première fois des anarchistes (gouvernementaux) qui ont bien réprimé d’autres anarchistes (non-gouvernementaux), etc....

          Il y manque même les anarchistes américains (au sens continental), chinois, indiens, indochinois et japonais, que l’article aurait pu sortir d’un oubli immérité parce que se focalisant(un peu trop ?) sur la seule Europe continentale. C’est un peu dommage car cela retire de la chair vivante et un large horizon à un article humaniste et fécond en informations.

          L’article aurait pu s’épargner, ce qui est beaucoup plus ennuyeux, de « mélanger » les périodes, les contextes historiques et les forces sociales en cause entre, par exemple,la révolution de 1789 et les révolutions espagnole ou russe, qui suivent ce qu’on a appelé la révolution industrielle alors que la première l’a précédée et permise, tout en mettant en place les principes démocratiques élementaires qui ont permis l’éclosion du mouvement anarchiste.

          Il est des raccourcis qui, au lieu d’expliquer, obscurcissent la compréhension recherchée du lecteur...comme de qualifier Staline de « chef d’empire mongoloïde » alors qu’il est d’origine géorgienne, donc caucasienne ou Lénine de « monarque », ce que même les anarchistes de l’époque ne lui ont jamais reproché !!! Là, on verse dans les mauvais clichés passés du plus triste effet !

          Comparer l’incomparable (1789 avec 1917 par exemple) manque singulièrement ici de sérieux et de profondeur historique. Ce qui tranche avec le ton et la nature très documentés de l’article.

          J’ai été aussi frappé par l’absence de références aux naissances des divers courants anarchistes et aux personnalités qui les ont « façonnés ». Il aurait été utile, même en quelques mots rapides, de travailler les rapports entre « penseurs » et « militants » au sein des mouvements anarchistes, car on y retrouve bien des caractéristiques « hiérachiques » non-dites (problématique des personnalités cultivées face aux militants « sans culture » ou moins « instruits »). Ce point est abordé, mais un peu trop vite pour bien le comprendre et en mesurer l’impact réel sur les mouvements eux-mêmes.

          Ceci dit, ces remarques constructives faites, j’ai beaucoup apprécié que vous ayez eu l’énergie, le courage et la patience d’aborder ce sujet complexe en un seul article. Ses manques ne lui retirent pas ses qualités intrinsèques.

          Si vous rédigez un livre sur le sujet, soyez attentif à éviter les raccourcis nuisibles qui ne sont que des pièges d’apparence et surtout, c’est un voeu qui se veut fructueux pour votre étude, essayez d’ouvrir le sujet vers le monde entier car l’Europe n’est pas le centre de la Terre, même pour le courant que vous étudiez.

          Bien cordialement vôtre,

          PS : comme Tetsuko plus haut, je regrette le premier commentaire signé Lerma qui, outre le fait de ne rien apporter au débat, utilise un « on » qui me semble ici déplacé pour marquer son refus personnel du dialogue. Les anarchistes, comme tout courant politique, ont le droit d’exister et de concourir au débat public, que certains les aiment ou non. Il s’agit là d’humanisme vrai, d’intelligence sociale et de démocratie concrète. Et de liberté tout simplement !


          • Emile Red Emile Red 9 juillet 2007 14:40

            Makhnovtchina, Makhnovtchina, Tes drapeaux sont noirs dans le vent. Ils sont noirs de notre peine, Ils sont rouges de notre sang. Ils sont rouges de notre sang.

            Par les monts et par les plaines, Dans la neige et dans le vent, A travers toute l’Ukraine, Se levaient nos partisans. Se levaient nos partisans.

            Au printemps, les traités de Lénine Ont livré l’Ukraine aux Allemands. A l’automne la Makhnovtchina Les avaient jetés au vent. Les avaient jetés au vent.

            Makhnovtchina, Makhnovtchina Tes drapeaux sont noirs dans le vent. Ils sont noirs de notre peine, Ils sont rouges de notre sang. Ils sont rouges de notre sang.

            L’armée blanche de Déquinine Est entrée en Ukraine en chantant, Mais bientôt la Makhnovtchina L’a dispersé dans le vent.

            Makhnovtchina, Makhnovtchina, Armée noire de nos partisans, Qui voulaient chasser d’Ukraine A jamais tous les tyrans.

            Makhnovtchina, Makhnovtchina Tes drapeaux sont noirs dans le vent. Ils sont noirs de notre peine, Ils sont rouges de notre sang. Ils sont rouges de notre sang.


          • Frederic Duveau Frederic Duveau 7 juillet 2007 11:17

            A Philippe Vassé , Cet article n’avait pas vocation de dresser une chronologie des idées anarchistes depuis leur naissance. Le manque de place à cet effet n’avait pas sa place ici, à mon goût, pour y être développer sans que le lecteur n’y soit perdu dans des considérations, pertinentes certes, mais néanmoins secondaires pour cette analyse d’une querelle interne parmi les militants libertaires depuis plus de cent ans déjà. Il s’intéressait seulement et uniquement aux rapports confus entre la morale anarchiste et l’individualisme depuis la naissance des mouvements libertaires au XIXème siècle. Plus précisément, l’article s’intéressait à une conception philosophique de l’individu au coeur des préoccupations chez les militants eux-mêmes. Une vision globale s’imposait dès lors pour mieux cerner la question tandis qu’une étude plus thématique n’aurait eue l’intérêt que de voir en profondeur ,certains aspects de la querelle tout en oubliant certaines évolutions historiques. Voilà pourquoi, je mentionnait à la fois les apports de la Révolution Russe en relation directe avec celle de 1789 ainsi que celle Espagnole de 1936, dans le mesure où le concept d’individualisme connut diverses évolutions philosophiques sur le période allant de 1880 à 1939 (et même plus tard encore). Pour conclure, l’absence des mouvements hors Europe , n’est pas un oubli de ma part. C’est une réelle volonté que j’ai voulu m’intéresser spécifiquement aux courants européens dans la mesure où le fruit de leurs expériences sur ce point philosophique précis apportait le plus d’éléments pour la construction de cet essai. Cela dit, je me dois vous remiercer de vos remarques pertinentes concernant certains points de l’article.

            Cordialement.


            • Gilles Gilles 7 juillet 2007 11:38

              Je me rappelle, vers 15 ans, avoir lu des textes de Bakounine, que je ne connaissais alors pas du tout.

              J’ai été sidéré qu’il ait avant l’heure prévu une possible révolution en Russie (alors que personne d’autres ne la plaçait là bas) et détaillait exactement comment cette révolution populaire dériverait et déclinerait si les socialistes autoritaires s’imposaient. En gros une élite avant gardiste, même dotée de bonnes intentions au départ, ne pourrait préparer que l’avènement d’un régime autoritaire en perpétuelle lutte contre le peuple, contre les « individualité », contre ses objectifs premier de libération.

              En lisant ces « prédictions » 1 siècle ou presque plus tard, en les comparant à la naissance et aux causes de la chute de l’URSS, on en peut que remarquer leur pertinence.


              • flo 7 juillet 2007 16:48

                Brillant ! mais sans appel...

                Réflexion scolaire sur l’éthique privée du pouvoir par définition ! rien sur la méthode évidemment...

                Vous laissez à penser que quelques esprits isolés et bienveillants pourraient éventuellement changer tout ça mais à ce stade on peu deviner la suite...

                L’anarchie a manifestement perdu tout esprit révolutionnaire !

                La pensée autodidacte est ici en équilibre géostationnaire et le pouvoir est peut-être trop vulgaire pour qu’on puisse le traiter ; La curiosité joliment dispersée.

                Je ne peux m’empêcher de regretter qu’un texte traitant aussi brillamment d’anarchie et d’individualisme puisse du même coup le piquer aussi profondément.

                D’une manière générale je déplore que l’intelligence s’illustre systématiquement dans la synthèse, l’exhaustivité du constat et ne PRODUISE rien.

                Mais l’évocation de l’ETHIQUE est belle manifestement puisque qu’elle guide mes mots après vous avoir lu.

                C’est peut-être un début !


                • Francis, agnotologue JL 7 juillet 2007 23:29

                  D’accord sur l’essentiel. Notamment sur l’aspect antiobscurantiste de cette démarche et l’affirmation que c’est la culture et la connaissance qui manquent le plus aux masses. Notre société consumériste ne va pas dans ce sens.

                  Que dire de David H. Thoreau, pionnier de la désobéissance civile ? Il est vrai que pour être logique avec lui-même il quitta la civilisation. Les anarchistes contemporains ne sont-ils pas ces milliardaires qui profitent des avantages de la collectivité mais n’acceptent d’assumer aucun devoir envers elle ?

                  En somme, la mondialisation libérale n’est elle pas à l’anarchie ce que la Grèce antique, puis Rome ont été à la démocratie ? Des systèmes parfaits, réservés à des privilégiés : par la fortune, la naissance ou les dons naturels ? L’anarchie est une utopie. Mais les libertariens s’en nourissent comme le libéralisme économique l’a fait des lumières.


                  • Frederic Duveau Frederic Duveau 9 juillet 2007 12:44

                    A JL, Les mouvements libertaires sont depuis leur naissance, les seuls qui aient dépassés le concept de luttes des classes comprise au sens d’un afrontement entre d’une part les pauvres ou prolétaires et, d’autres part les grands patrons capitalistes au sens où on l’entendait au XIXe siècle. Kropotkine , l’un des grands théoriciens du système anarchiste, était lui-même un prince de sang. Rochefort, lui, était marquis, ce qui ne l’empêchait pas de lier une amitié fidèle avec Louise Michel tant sur le plan de l’affectif que sur celui des idées communes. Deuxièmement, dire de l’anarchie qu’elle n’est qu’une utopie et le restera à jamais fosse le débat ici. L’article ne se posait pas comme un désir de propager les idées libertaires mais plutôt d’en assumer un éclairage nouveau sur une querelle séculaire entre les militants anarchistes d’un côté et le concept d’individualisme de l’autre. « Lorsque un seul homme rêve, ce n’est qu’un rêve. Mais si beaucoup d’hommes rêvent ensemble, c’est le début d’une réalité », écrivait le peintre autrichien Friedensreich Hundertwasser.


                  • Francis, agnotologue JL 9 juillet 2007 18:45

                    Je reçois votre réponse, et je sais que Bakounine, noble aussi, condamné à mort, a vu sa peine commuée en détention à vie. Je regrette d’avoir répondu à coté de ce que vous attendiez, si cela rend mon commentaire sans intérêt. smiley


                  • Cosmic Dancer Cosmic Dancer 7 juillet 2007 23:50

                    @ L’auteur

                    Bon, j’avoue, votre texte est quand même difficile à lire, techniquement.

                    Mais quand même, il est louable smiley

                    Une chanson de Léo Ferré, en passant (il est tard, veuillez m’excuser) :

                    http://www.paroles.net/chansons/10797.htm

                    Cela dit, personnellement, je m’interroge toujours, et sur les anarchistes de droite et sur les anarchistes de gauche, et sur la Fédération anarchiste.

                    Cependant, dans la vie, pas mal de républicains de droite ou de gauche m’apparaissent comme partageant des valeurs humanistes très en phase avec le meilleur des drapeaux noirs.

                    Je n’ai de respect que pour les âmes libres.

                    Merci pour votre article.


                    • Cosmic Dancer Cosmic Dancer 7 juillet 2007 23:55

                      Et salutations à Philippe Vassé au passage, pour l’intérêt de son commentaire, notamment.


                    • armand armand 8 juillet 2007 00:03

                      Quand j’étais étudiant, certains proclmaient : ’La monarchie c’est l’anarchie plus un’...


                    • Emile Red Emile Red 9 juillet 2007 14:37

                      @ Cosmic Dancer

                      « je m’interroge toujours, et sur les anarchistes de droite et sur les anarchistes de gauche, et sur la Fédération anarchiste »

                      Ne vous paraît-il pas incongru de positionner à droite ou à gauche l’anarchisme, dans un géoparlementarisme, alors que c’est justement son principe de ne donner aucun crédit au système parlementaire démocratique ?

                      Comme je l’expliquais dans un autre débat, le système démocratique est basé sur un pouvoir pyramidal descendant avec un pouvoir législatif élu à la pointe appliquant ses décisions à la base, le communisme libertaire se représente le pouvoir d’une manière toute différente où les décisions sont prises à la base et remonte à la pointe pour être appliquées, la délégation est purement exécutive, et mieux encore est préférable la gestion sociale horizontale sans délégation.

                      D’autre part, dans le même ordre d’idée, l’anarchisme rejette l’idée de parti de syndicat ou de ligue pour les mêmes raisons, l’ensemble des individus prend une décision et non des représentants ou groupes représentatifs, d’où la forme peu conventionnelle de la fédération anarchiste.


                    • Francis, agnotologue JL 8 juillet 2007 00:08

                      Merci pour les paroles de cette chanson, si belle à entendre.

                      Et vive la liberté, hélas menacée par l’aggravation des inégalités et son corollaire, la peur croissante qui ruine (!) le bonheur des privilégiés. Tout le monde est perdant, dans cette mondialisation diabolique.


                      • Francis, agnotologue JL 8 juillet 2007 00:34

                        Pour rebondir sur cette évocation non dite du processus fatal « aggravation des inégalités -> recrudescence des thèses anarchistes » et « anarchie -> terrorisme », je voudrais citer ici l’extrait suivant : « Aux yeux de Washington, sont terroristes les mouvements qui résistent à l’hégémonie américaine ; ne le sont pas ceux qui acceptent cette hégémonie. Le terrorisme d’Etat est toléré, voire encouragé, s’il est exercé dans l’intérêt des Etats-Unis. Autant de facteurs qui favorisent les partisans de la violence ». (Eric Rouleau : Le bien, le mal et le « terrorisme »)

                        http://www.monde-diplomatique.fr/2007/05/ROULEAU/14721


                      • Francis, agnotologue JL 8 juillet 2007 09:35

                        « Ce qui se paie n’a guère de valeur ; voilà la croyance que je cracherai au visage des esprits mercantiles. » (Friedrich Nietzsche).

                        L’excellent article cette semaine : « Voies et chemins de l’argent dans le monde de l’islam » par Michel Koutouzis

                        http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=26559

                        décrit une alternative à l’hégémonie américaine citée dans mon post précédent qui ne me paraît ni meilleure ni pire que la mondialisation libérale mais illustre ce que ’Washington’ considère comme terroriste. Entre l’anarchie et le totalitarisme, la paix et les guerres ’asymétriques’, la marge est grande mais la voie est étroite. Dans ce sens, les revendications anarchistes détournées en revendications libertariennes apparaissent ni plus ni moins qu’opportunistes, comme le sont toutes les autres revendications, qu’elles soient communautaristes ou religieuses.


                      • fouadraiden fouadraiden 8 juillet 2007 01:14

                        très instrucif.

                        pourquoi êtes-vous contraint d’opposer l’individu non individualiste à la masse pour faire valoir les droits de votre théorie ?

                        je persiste à croire qu’un anarchiste est avant tout un occidental qui oppose sa conception du groupe à toutes les autres théories en qui ont cours dans son propre groupe(il suffit de voir votre conception de l’histoire) et qu’il a pu peu ou prou expérimenter théoriquement ou pratiquement.

                        autrement dit : un individu sans appartenance aucune ça n’existe pas ,et vous ne tiendrez pas une seconde devant un foule.imaginez une foule remplie de noirs...

                        l’appartenance à un groupe quelconque c’est déjà une théorie de l’Etat à l’échelle individuelle.


                        • Frederic Duveau Frederic Duveau 9 juillet 2007 12:53

                          A fouadraiden , Les anarchistes sont présents dans tous les pays dès lors qu’un système politique est mis en palce, qu’il soit démocratique, totalitaire, tribal ou autre. Cependant, il n’est visible que pour ceux qui font la démarche de les voir. L’exemple de la Révolution Espagnole est suffisament claire ici pour apporter une preuve sufisante. De plus, dire qu’un individu sans appartenance aucune n’a aucune réalité, est véridique. Les anarchistes ont leur propre système collectif basant sur l’affranchissement de toutes les inégalités, dans tous les domaines. Pour une réelle démocratie sociale en somme.


                        • spartacus 9 juillet 2007 11:55

                          Excellent article que j’ai eu le plus grand plaisir lire.

                          l’anarchie étant un modèle proposé d’organisation de la société, on peut espèrer que cette théorie, née au 19° siècle mais jamais mise en application, ait quelque chance d’être mise en pratique dans le futur.

                          L’utopie d’aujourd’hui est peut-être la réalité de demain ?

                          L’adoration ambiante du veau d’or et de son individualisme forcené ne s’y prête guère pour le moment, hélas.

                          juste un lien qui me semblait interessant :

                          http://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Joseph_Proudhon


                          • Emile Red Emile Red 9 juillet 2007 14:53

                            Olbidas la Cataluña 1936 y Buenaventura Durruti.

                            Amposta...

                            Spartacus...


                          • Francis, agnotologue JL 11 juillet 2007 09:01

                            Au fond, on pourrait résumer la politique simplement : Les partisans de l’ordre, la Droite, cultivent le mythe du chef parce que chacun voulant commander à son niveau accepte d’obéir. A l’opposé, les anarchistes ne veulent ni commander, ni être commandés. La Gauche est entre les deux, on y élit le chef.

                            Les anarchistes ne peuvent résoudre le paradoxe qu’une société sans chef n’est qu’une horde sauvage.

                            Et les socialistes s’épuisent à savoir quelles sont les limites des pouvoirs du chef élu.

                            L’on voit que les seuls à tirer leur épingle du jeu sont le tenants de l’ordre, ce n’est pas une surprise.

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