La plainte de Nicolas Sarkozy, la liberté de la presse en danger

Ces derniers jours, on pourrait avoir le sentiment que beaucoup ne comprennent pas très bien l’enjeu de "l’affaire du SMS Cécilia". Peut-être parce que le droit reste un monde "hermétique" à beaucoup d’entre nous.
En réalité, le problème est assez simple et très concret : le président de la République est un intouchable. Juridiquement. Ce qui signifie qu’il peut "harceler" la presse devant les tribunaux, sans jamais être inquiété lui-même...
Est-ce que là encore (après "l’affaire Dasquié") un journaliste va être forcé à révéler ses sources ?
Notre président de la République attaque au pénal, ce qui, il faut le rappeler, implique des moyens et une procédure complètement disproportionnés.
Surtout, cela signifie très concrètement qu’un journaliste peut se retrouver en prison. Non, décidément, il semble que nous ne réalisions pas bien.
Jusqu’à aujourd’hui, aucun chef de l’État en France n’avait ainsi porté plainte, pour la simple et bonne raison qu’ils savaient le combat absurde, inégal et tout à fait excessif.
"Ainsi donc, après avoir attaqué une compagnie d’aviation qui utilisait, dans une blague de potache, l’image de son épouse sans en avoir préalablement acheté le droit, M. Sarkozy attaque aujourd’hui le journal Le Nouvel Observateur, qui a lancé mardi l’affaire du SMS à Cécilia, et qui par ailleurs est l’un des deux ou trois journaux d’opposition à M. Sarkozy.
Ce comportement est extrêmement inquiétant, et manifeste une fois de plus la tendance liberticide qui caractérise de plus en plus le régime.
Notons tout d’abord que ni François Mitterrand ni Jacques Chirac, qui pourtant n’ont pas été épargnés non plus par la presse, n’ont jamais agi de la sorte. La séparation des pouvoirs, qui est, on le sait depuis Montesquieu, le fondement même de la démocratie, s’appliquait selon eux également au quatrième pouvoir...
Il y a de bonnes raisons à cela.
Le président de la République, dans notre système, est irresponsable juridiquement dans l’exercice de ses fonctions. Il attaque et interdit donc la contre-attaque. Imaginons que le journaliste du Nouvel Obs fasse la preuve de la qualité de sa source d’information, il ne pourra pas faire de demande reconventionnelle ni attaquer le chef de l’Etat en abus de droit. Qu’est-ce que c’est que cette justice à un seul sens ?
Par ailleurs, M. Sarkozy choisit la procédure pénale. C’est-à-dire une attaque personnelle du journaliste, qui pourrait lui valoir une peine de prison, comme dans les pires régimes. Une attaque qui pourrait conduire les juges à le contraindre à révéler ses sources. Une attaque, surtout, qui va mobiliser un juge d’instruction, et qui va voir un procureur de la République plaider, au nom du peuple français, pour réclamer la sanction du journaliste. Et qui a promis de recadrer et de responsabiliser les juges d’instruction pendant toute la campagne ? Qui donne des instructions au procureur de la République ?
Après la scandaleuse affaire Guillaume Dasquié, qui a vu, dans l’indifférence générale, la France se comporter comme la première dictature venue, on assiste ici de nouveau à une manoeuvre d’intimidation sans précédent. Que le journaliste du Nouvel Observateur gagne ou perde son procès, ses collègues, c’est évident, se méfieront à deux fois avant de publier de nouvelles informations sur le chef de l’Etat. C’est pourtant lui qui a choisi de mettre en scène, avec quel brio, l’image fausse mais colorée de son bonheur conjugal.
Quant à la ministre des Droits de l’homme, Rama Yade, croyez-vous qu’elle défende cette liberté de la presse qui est quand même l’un des socles des droits de l’homme ? Non, elle traite de "charognards" les journalistes qui critiquent son prince président. Le régime va à vau-l’eau.
L’affaire est beaucoup, beaucoup plus grave qu’une histoire de fesses. Betapolitique appelle solennellement à la mobilisation la plus ferme de la presse, des journalistes et des citoyens contre cette menace directe à la liberté de presse, c’est un impératif citoyen."
61 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON