La politique est décédée. Place à la philosophie !

Liminaire, prologue
Comme le veut l’usage d’une formule bien ancrée, il faut siffler la fin de la partie. Mais de quelle partie et de quel enjeu, ou plutôt, jeu, faut-il siffler la fin ? La nouvelle n’est pas bonne à entendre mais nous sommes arrivés à la fin du jeu démocratique de la politique. Non pas que le jeu soit terminé, car des joueurs il y en a, mais que l’enjeu soit épuisé. Cette idée risque de choquer les prudes âmes pénétrées de dévotion à l’égard de la démocratie mais la vérité est inviolable et le fait est que le combat politique n’a plus aucune légitimité dans le champ éthique. Traduction. La ligne de partage entre les formations de gauche et de droite n’a plus aucune utilité d’un point de vue idéologique mais elle reste efficiente pour que le jeu perdure, le jeu démocratique, qui s’il ne permet pas de pousser la société vers un élan civilisationnel, permet au moins d’écarter les plus mauvaises options. Ce qui n’empêche pas les électeurs d’une commune de réélire une équipe jugée inéligible ou corrompue. C’est même le cours ordinaire de la politique. Les citoyens votent pour ceux qui satisfont leurs goûts moyens et leurs aspirations moyennes, y compris quand ils sont corrompus. Rien n’a changé depuis des siècles. Le notable du coin sait régner en accordant quelques faveurs aux locaux. Ce qui n’a pas empêché l’Histoire de se faire et les enjeux importants d’advenir et de fournir les fondements à notre civilisation occidentale qui, en dépit de toutes ces tares, est préférable à toute autre, alors que maintenant, nous savons qu’elle est dans sa dimension technique inéluctable. L’arraisonnement de la nature était inscrit dans les lois physiques et biologique comme possibilité et la loi implacable du temps rendait inéluctable le développement de la technique. Ainsi se pose la réalité. L’homme n’a pas pu s’opposer à la technique parce qu’elle est un progrès matériel connivent avec les désirs et que les adversaires de la technique n’ont comme alternative que la misère des bas sentiments humains, le traditionnel respect d’un ordre figé conduisant à la morbidité sociale. Certes, la technique engendre aussi une morbidité mais dans un contexte progressiste dont on peut en sortir alors que la morbidité traditionnelle signifie la mort d’une société devenu figée, à moins qu’elle ne consente à s’extraire de la civilisation pour vivre à la manière des peuplades d’Amazonie ou de Papouasie. Fin de parenthèse.
La mauvaise nouvelle est en fait une bonne nouvelle. La bataille politique est achevée, terminée. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y ait plus de duels ni de gagnants. La tradition démocratique se perpétue mais le combat n’a plus aucun intérêt même si quelques nuances se dessinent entre une gauche plus sociale et une droite plus notable. La bataille ne concerne que des questions bassement matérielles, des histoires d’argent, de salaire, de fisc, des luttes partisanes d’intérêts divergents, des connivences entre intérêts convergents. Qui le plus souvent dépassent le clivage traditionnel gauche droite. Les gens causent politique mais leur voix intérieure pense à l’argent. La quête du fric a gagné la société entière. On pourra toujours plaindre les nécessiteux mais donnez leur un accès à une existence confortable qu’ils oublieront vite fait le passé et les déshérités dont ils furent. On ne refait pas la nature humaine. Et donc, c’est sans doute cet achèvement de la nature humaine à notre ère technique d’abondance qui fait dire que le combat politique est achevé parce que le souci matériel apporté aux uns fera défaut aux autres et qu’il n’est plus possible de contenter la majorité, quels que soient les moyens employés pour accomplir cette tâche, manne publique, redistribution et revenus du travail.
Motif et ressort de la fin des batailles politiques
Pour qu’il y ait un enjeu authentique dans les élections à venir, il faudrait que les citoyens puissent apprécier les horizons offerts, proposés, accessibles, ainsi que les alternatives entre deux types de société et non pas une société dont on confie les rênes au parti qu’on juge plus aptes à gouverner et plus proche des intérêts moyens des Français. Ces dernières années, la politique est devenue cosmétique. Il faut afficher une posture. Geindre. S’indigner. Placer une phrase. Bref, si le langage est la demeure de l’être comme disait Heidegger, alors l’être de la politique sait afficher sur sa façade des tuniques, des tentures, des teintures aux couleurs des partis et quelque panneaux publicitaires avec un slogan écrit dessus en gros caractères. Je suis pour ceci, je plaide pour cette mesure, je dénonce ce que fait l’autre, et s’il ne fait pas grand-chose, je m’offusque de ce qu’il raconte dans ce journal… La politique se fait par effets d’annonce, pour prouver aux citoyens que les gouvernants et les opposants sont attentifs aux questions de sociétés, aux enjeux, aux problèmes. On est descendu d’une marche depuis le « je vous ai compris » du Général. Maintenant, c’est je vous ai écouté et cause toujours tu m’intéresses, et puis voilà et c’est tout. Les politiques n’ont aucune incitation à s’exprimer avec profondeur sur les questions car les Français, du moins l’image qu’en donnent les médias, n’ont pas les capacités intellectuelles à penser les questions autrement que sous une forme partisane, prosaïque, pragmatique, sans vision stratégique susceptible de créer une discussion de fond. Certes, plus de Français qu’on ne le pense disposent d’une bonne expertise des questions sociales mais cela ne suffit pas au fonctionnement raisonné d’une démocratie. Les médias sont-ils responsables ? A leur décharge, on fera le constat d’une complexité de la société, face à laquelle il est de plus en plus difficile de poser un éclairage. Mais les médias ne semblent pas faire d’effort particulier pour aller au plus près du réel car la vérité se vend moins que le mensonge. De plus, les rédactions sont coupées du terrain. Ce qui ne facilite pas la diffusion d’une perception adéquate (pour parler comme Spinoza) du monde, retransmise par les médias.
La disparition du débat politique provient également de l’hégémonie de la technique qui a envahi l’existence des gens et de leurs gouvernants. Comme l’avait si bien pressenti Ellul, la technique réduit le champ de l’action politique dans la mesure où elle impose d’elle-même les décisions à prendre, sous l’autorité des experts. Une fois installée, la technique est irréversible. On ne peut plus revenir en arrière mais seulement réguler et corriger les effets indésirables de la technique en utilisant des dispositifs techniques. Les choses enclenchées ne s’arrêtent pas, sauf en cas de désastre. Les choses innovantes ne peuvent naître car le système gestionnaire verrouille les projets novateurs qui sortent de son giron de compétence. De plus, les consciences citoyennes en sont au stade du sommeil, de l’anesthésie, de l’aliénation. L’horizon d’un individu moderne se limite à la surface de l’écran d’un I-phone. Il n’y a rien à attendre des citoyens, mais tout à espérer. Les instances gouvernant les consciences ont pourri la dynamique politique au sens noble. Rien à attendre d’individus dressés par le système publicitaire, contaminés par les peurs médiatiques bêtement mais efficacement orchestrées. Taxe carbone, grippe, crise, finance, le citoyen est abruti.
Alors, vu le nombre d’abrutis, il est prématuré de proposer un nouvel horizon politique. Le jeu démocratique veut qu’on débatte sur une alternance, sur une alternative stérile entre gauche et droite. Ce n’est pas là que se joue le destin du monde. Le véritable combat est philosophique plus que politique. Il faut perforer les consciences, faire émerger la raison, et le goût de la civilisation. La politique est inopérante. Place à la philosophie !
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