La refondation socialiste : pour une revanche en 2012
Pour le Parti socialiste, l’heure est douloureuse,l’heure est à la tristesse.
Mais comme après toute défaite, l’heure est à l’analyse, pour que vienne l’heure de l’espoir.
Le constat historique. La liquidation des chefs en quatre actes
21 avril 2002 : Le Parti socialiste subit son Waterloo, largement aidé par la gauche radicale : Jospin quitte la scène
Mars 2005, deuxième acte : François Hollande pose avec Nicolas Sarkozy dans Paris Match. Image trompeuse, l’un est déjà en orbite présidentielle et a commencé la rénovation politique de son parti ; l’autre n’a pas encore senti sa défaite deux mois plus tard et la défection de son numéro 2.
La guerre au PS ne faisait que couver entre un revanchard (Jospin) , un illusionné (Fabius), un véritable rénovateur possible (Strauss-Kahn), et au-dessus de la mêlée, un premier secrétaire qui n’avait pas les moyens politiques, ni certainement la capacité à faire bouger les lignes du parti. Ségolène Royal, qui n’avait pas encore assez de poids pour espérer se poser en cinquième roue du carrosse, n’était pas encore apparue pour ramasser la mise.
3e acte : 29 mai 2005, deuxième soubresaut à gauche (en réalité un contrecoup de 2002, avec l’Europe dans le rôle du dommage collatéral).
Après Jospin, Hollande disparaît de la course, Fabius croit qu’il fera oublier sa trahison. Strauss-Kahn et Royal peuvent commencer à se mettre sur les rangs.
4e acte : Jospin, se croyant dans la même situation que le général de Gaulle en 1958, affrète une barque pour essayer de sortir de l’île de Ré. Le vieux Père Jack se réveille.
En novembre 2006, les militants socialistes investissent massivement Ségolène royal pour la présidentielle : choix clair, sans bavure. Elle émerge seule des décombres, symbole d’un désir de renouveau.
Malheureusement, soyons honnêtes : elle avait quand même peu de chances de réussite, plombée par la multi-céphalie de l’appareil du Parti socialiste.
Elle aura eu l’immense mérite de redonner à celui-ci sa prééminence sur la gauche, mais n’aura pu faire oublier ses incohérences programmatiques. Pire, le pacte présidentiel subissait l’effet de concurrence entre la candidate et son parti.
Une gouvernance socialiste pathétique, révélée par la défaite :
Il y a de fortes chances que le combat des législatives soit obéré par les conséquences de la victoire de Nicolas Sarkozy.
Enfonçons quelques portes ouvertes : nous assistons au PS le plus bête du monde, du moins au niveau des instances supérieures : la stratégie du parti souffre d’une conjonction de facteurs négatifs ayant largement submergé le potentiel : le rejet du CPE et l’antisarkozisme virulent d’une bonne partie de l’électorat français.
Avant tout, l’appareil socialiste est devenu un bateau sans gouvernail pourvu de petits capitaines cherchant à installer leur propre moteur :
-
François Hollande est un chef en sursis qui se
permet de sortir un concours de déclarations intempestives. Déjà coutumier du
fait pendant la campagne (on se souvient des commentaires sur la fiscalité), il
vient de montrer à nouveau son incompétence stratégique : samedi il
enjoignait tout le monde au rassemblement et
lundi il met le feu aux poudres. Pourquoi diable vouloir maintenant
anticiper la création d’un nouveau Parti
socialiste, alors que l’urgence est la campagne législative ?
- Cette volonté de montrer à tout prix sa présence n’a qu’un seul effet : aviver la réactivité des héritiers putatifs. D’un Strauss-Kahn, remonté comme une puce, qui a beau jeu de fustiger cette absence de timing, à Fabius qui se permet de jouer l’homme au-dessus de la mêlée, lui qui a joué contre son parti en 2005, en passant par Ségolène Royal qui va elle aussi peut-être trop vite en jouant d’ores et déjà sa partition personnelle à l’horizon 2012, les trois prétendants à l’investiture se disputent leur proie.
- Tout ce beau monde étant taclé par ses électrons libres, avides de reconnaissance ministérielle, mais vides de toute conscience morale : Allègre, Besson, Kouchner, Védrine (les trois premiers agissant très clairement comme des lucioles attirées par le phare sarkozien). Ce sont autant de ferments de division dont joue, il faut le dire très habilement, le nouveau président de la République.
La question du repositionnement politique
a) l’impact de la désagrégation de la gauche radicale : l’appel d’air à gauche
Le PC et toute la gauche trotsko-communiste ont été laminés (pour faire bonne mesure, nous y ajouterons les Verts, qui viennent - suprême orgueil - de refuser l’accord avec le Parti socialiste, qui aurait pu l’aider à survivre).
Les autres formations ont peu de chance de se remettre d’une telle berezina si le Parti socialiste réussit à phagocyter dans une nouvelle synthèse les ancrages majeurs de leurs programmes.
b) L’impact de la porosité entre la droite républicaine et l’extrême droite : l’appel d’air vers le centre.
La politique n’est pas qu’une affaire de conviction pure, c’est aussi une relation de miroir face à son principal opposant : il est à ce stade difficile de savoir jusqu’où ira la droitisation annoncée de la droite sarkozienne, notamment sur les aspects migratoires, le grand écart sera-t-il tenable ?
c) La problématique Bayrou : un soufflé qui semble se dégonfler :
La posture d’opposant potentiel sera-t-il suivi de faits ? Bayrou sera-t-il un opposant mou ? son mouvement pourra-t-il émerger ?
Le
récent appel au dialogue avec Sarkozy semble être beaucoup plus un signe
d’ouverture et de néosoumission que de véritable indépendance : sinon
quelle utilité à quémander ces discussions ?
Quoi qu’il en soit, la bataille pour les sièges sera féroce entre le PS et le Mouvement démocrate : la question d’une eventuelle alliance d’opposition contre la toute-puissance sarkozienne n’étant à mon avis que secondaire. 2012 est la véritable échéance à terme. Si Bayrou s’impose au centre, le combat sera difficile pour le PS.
d) Quelles valeurs pour un nouveau Parti socialiste ?
Le 18 juin devrait être le début d’un aggiornamento profond et sans concession, avec comme axes majeurs :
- La question socio-économique : cœur de la différenciation gauche-droite. Le clivage est toujours actif, fortement revivifié par le renouveau démocratique montré par la participation :
- moralisation de
la répartition des revenus : fin de l’illusion d’un capitalisme
autorégulé, le cas des parachutes dorés en étant l’illustration flagrante ;
- problème de la dépense publique, à penser avant tout en termes d’efficacité plutôt que de dégonflement de la sphère d’action publique.
- La question du développement durable : le défi sera de faire coexister l’idéal écologique, absolument fondamental eu égard aux dangers mondiaux, en l’érigeant en contrepoids du tout-économique, ce qui aura comme avantage politique de liquider définitivement les Verts, mais aussi la comète Bové.
- la question de la sécurité, fortement investie à l’instar de 2002 par la droite.
- La question européenne : notamment concernant l’approfondissement préalable à tout élargissement (d’ailleurs peut-on encore élargir l’Europe, hormis les pays balkaniques ? Question des intégrations sociales et fiscales - lutte contre le dumping).
- La question institutionnelle : le non-cumul des mandats, une meilleure répartition des compétences entre Etat et collectivités territoriales, la responsabilité judiciaire du chef de l’Etat.
Le problème du leadership
La présidentielle est avant tout la rencontre d’une personnalité et d’un peuple, qui confirme ensuite aux législatives la profondeur programmatique du candidat.
Comme indiqué plus haut, l’investiture de Ségolène Royal était claire : on ne peut que difficilement parler d’une erreur de casting, sauf à mépriser les militants. Véritable force, ceux-ci ont un rôle majeur à jouer dans le brainstorming à venir.
A
priori, Ségolène Royal incarne l’avenir à gauche. Cest le meilleur espoir de reconquête : chercher
un autre leader naturel que Segolène Royal serait à mon sens suicidaire dans la
conduite de cette bataille. Un monstre politique comme François Mitterand aura
mis trente ans avant d’arriver au pouvoir suprême, et dix ans après Epinay.
Encore faut t-il qu’elle-même accepte de voir ses propres erreurs :
La posture féministe était intelligente pour émerger lors de la primaire, elle n’est plus tenable quand on doit démontrer sa compétence et sa stature d’"homme ou femme" d’ Etat : le fait que ce soit une femme qui l’ait montré liquidera naturellement et définitivement la question de la modernisation féminine du pouvoir.
- Dans l’optique d’une prise de pouvoir, elle doit montrer qu’elle n’est pas seulement l’icône adulée (le mot n’est pas trop fort) le 1er mai à Charléty, en enrichissant et en étoffant solidement la cohérence de son système de pensée : le pacte présidentiel peut être une solide base, il lui manque un ciment idéologique.
En l’absence d’une rencontre entre l’icône et la pensée, 2012 restera un rêve.
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