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Accueil du site > Tribune Libre > La responsabilité pénale pour les malades psychotiques

La responsabilité pénale pour les malades psychotiques

Je viens de regarder sur France 5 l’émission « C’est dans l’air » dont le thème portait sur la responsabilité pénale pour ceux porteurs de maladies psychiatriques lourdes (psychose essentiellement), le titre annoncé étant « La part des fous » (titre un peu trop racoleur d’ailleurs à mon goût…), et la tuerie récente survenue à Liège étant l’exemple mis en avant dès le début de cette émission.

Ceci étant, c’est un sujet polémique qui revient régulièrement sur le tapis, quand tout le monde (les experts, les politiques, les familles des victimes, les avocats, les juges, les jurés, les citoyens…) s’interrogent face à l’horreur de certains crimes. Un autre exemple récent étant bien sûr la tuerie d’Oslo et d’Utoya, Anders Behring Breivik ayant été reconnu irresponsable pénalement par plusieurs experts danois, car « schizophrène paranoïaque ».

Je ne rentrerai évidemment pas dans les débats d’experts, même si je constate que, comme souvent, certains ne sont pas d’accords entre eux (sur notamment le fait qu’il avait prémédité son acte, et extrêmement bien préparé le scénario de la tuerie), et je veux bien partir du principe que Breivik était « en état de psychose »au moment des faits.

Simplement, et d’ailleurs il est le premier à vouloir qu’on reconnaisse ce qu’il a fait, selon lui en toute conscience, je pense que, quand on est malade psychique, le fait de ne pas être reconnu responsable de ses actes, et donc responsable pénalement, c’est être encore relégué au rang de personnes « hors société »,différentes, anormales…

Ne pas être reconnu responsable de ses actes, c’est ne pas pouvoir non plus se reconstruire, au sein d’une société où il y a des règles pourtant construites a priori pour tout le monde. C’est être ciblé comme quelqu’un incapable de s’assumer, dans le meilleur comme dans le pire. C’est ne pas pouvoir, puisque l’acte n’est ainsi pas acté, demander pardon aux familles des victimes, ni se pardonner soi-même. Comment effectivement demander pardon pour un moment qui a basculé dans le tragique, si les experts et la Justice considèrent que vous n’étiez pas responsable, car inconscient de ce que vous faisiez ?

De plus, au-delà de l’acte lui-même qui peut se faire sous délire, un psychotique qui fait le choix d’arrêter son traitement, sait qu’il s’expose à une rechute. En ce sens, il fait clairement un choix – celui de se mettre en danger (le pourcentage de suicides est important chez cette population), ou, pire encore (même si, et il est important de le rappeler, cela ne concerne qu’une infime minorité parmi les criminels), celui de mettre en danger autrui. Il est ainsi déjà responsable de ce qu’il choisit de faire et de ce qu’il pourrait faire après...

Alors évidemment, le fait d’être reconnu responsable ne devrait pas occulter le fait que quelqu’un de malade a avant tout besoin d’être soigné, et que la prison n’est pas le lieu pour cela. Il faudrait ainsi qu’il y ait des lieux fermés où les soins pourraient être donnés, avec un suivi régulier avec une équipe médicale. Certes, il existe déjà les UMD (Unités pour Malades Dangereux) qui relèvent du Ministère de la Santé, mais il faudrait d’autres lieux, des « prisons-hôpitaux »qui relèveraient du Ministère de la Justice, et acter ainsi, pour la personne condamnée, qu’il doit rendre des comptes pour ce qu’il a fait, et donc être enfermé. C’est pour moi aussi une manière de le respecter, lui, en tant qu’individu à part entière. Evidemment, cela aurait un coût certain (probablement bien plus élevé qu’un séjour en prison), mais cela me semble une solution raisonnable, pour tous (les familles des victimes, les accusés condamnés, les citoyens).

 

Site de l’émission « C’est dans l’air » :

http://www.france5.fr/c-dans-l-air/societe/crimes-la-part-des-fous-34923


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9 réactions à cet article    


  • ddacoudre ddacoudre 21 décembre 2011 11:25

    bonjour valériane
     ne pas être « psychratiquement » responsable ne signifie pas ne pas avoir conscience de ses fait, c’est avoir une construction psychique déficiente dans le rapport aux choses.
    le désir de vengeance c’est autre chose c’est une émotion qui a besoin de « mort » pour être calmé, ou besoin de deuil comme nous le disons pudiuquement.
    instrumentalisation abusive d’événements dramatiques dévelopent des laveurs de conscience qui mettent en danger les progrès « civisilationels ». sur cette voie punitive nous retournons au 18 siècle avant que Pinel ouvre la porte à la psychiatrie. les fous étaient mis au fer.
    la fracture intellectuelle est l’exploitation médiatique deviennent un véritable danger pour la démocratie.
    maintenant je peut te montrer des images dramatiques, et cela en toute conscience, enfin ont suppose.Natostop/Otanstop : démocratie de l’Otan en image

    ddacoudre.over-blog.com .
    cordialement.


    • bruno-beauvois 21 décembre 2011 13:11

      Je ne suis absolument pas d’accord avec les conclusions, soit le meurtrier est responsable et il dépend de la justice soit il est malade et il dépend de la santé.

      Les UMD sont des prisons, et des assassins y passent parfois le reste de leur vie et tant mieux parce qu’ils sont dangereux.
      Pour les entre deux, les partiellement responsables, il existe des prisons spécialisés pour les psychopathes, j’en connais au moins une à Château-Thierry. Ce sont des prisons ou le taux d’encadrement ( nombre de gardien par nombre de prisonnier)est très élevés proche de 1 pour 1.

      • frugeky 21 décembre 2011 14:54

        Alors UMD ça veut dire unité pour malades difficiles et non pas dangereux et on n’y accueille pas que des assassins mais aussi des malades qui sont devenus ingérables dans leur hôpital d’origine en raison de leur agressivité.
        Les UMD ne sont pas des prisons mais de lieux de soins particuliers, aux moyens supérieurs à ceux des hôpitaux psychiatriques « classiques » pour permettre au malade d’apprendre à gérer son agressivité afin de réintégrer, si possible, son hôpital d’origine puis sortir de l’hospitalisation.
        C’est en tout cas ce que je lui souhaite.


        • alain_àààé 21 décembre 2011 16:06

          j ai eu l occasion de corespondre grace a internet avec des médecins et des aumoniers sur le suivi des malades psych et ils sont tous formelle que l on ne peut prévoir ce qui se passe dans la téte de gens mais au lieu de parler des 2 cas d assasinats personnes ne s est pausé la question comment on t il peut avoir accés d abord a des armes surtout des armes de guerre.
          la question que je me pose : je n arrive pas a comprendre pourquoi on n as une police qui est présente sur les territoires de la suede et la belgique ou autre pays on peut se promené avec des armes sous le bras de plus comment une personne meme malade peut tué comme a la foire. pour moi on nous cache la vérité je suis perplexe qu on puisse avoir des tas de munitions dans ses poches et qu un indice n aye pas contacter la police pour l achat de munitions alors on préfére de parler de fous ?


          • antonio 21 décembre 2011 17:05

            la grande misère des hôpitaux psychiatriques ( manque de lits, de personnel,etc...) fait qu’un grand nombre de malades mentaux sont délaissés, à peine vus et remis dès que possible dans la nature sans suivi aucun.


            • bakerstreet bakerstreet 22 décembre 2011 06:22

              « Je vais bien. Si tout le monde allait aussi bien que moi, j’irais beaucoup mieux. » (Guy Bedos)

              C’est votre façon de vous afficher au portail.
              Mais Valerianne, si vous alliez mal, au point de ne plus avoir les yeux en face des trous, vous iriez encore plus mal s’il n’y avait personne pour vous aider.

              Même les sociétés anciennes, pourtant très dures, reconnaissaient qu’on ne pouvait juger les insensées.
              C’est une chose par laquelle l’humanité se définit humaine et pensante.

              Il y a clairement des gens qui ne sont pas responsables de leurs actes, car leur conscience est occultée.
              Vos arguments, disant qu’on ne les jugeant, on les chasse de la sphère humaine ne tiennent pas debout. Cela viserait à nous en exclure autant qu’eux.

              Il faut reconnaitre pour autant, que si des cas de psychoses et d’irresponsabilités sont patentes, la responsabilité de sujets « border line » pose problème. D’ailleurs les experts ne sont pas toujours d’accords. C’est dans ce sens évidemment peut être pertinent


              • Valerianne Valerianne 22 décembre 2011 09:09

                Merci pour vos commentaires.

                Pour écrire cet article, je me suis projetée. Pour infos, je suis suivie (avec un traitement de neuroleptiques) depuis l’âge de 20 ans pour schizophrénie. Je parle donc ici de la psychose en connaissance de cause. Ainsi, il m’est arrivée, une seule fois, de vraiment déraper (à ma première décompensation), et ça aurait pu très mal se terminer.

                Et bien, je n’aurais vraiment pas apprécié, si ça avait été le cas, qu’on me juge irresponsable. Même sous délire, même avec une altération de la conscience, c’est moi qui ait fait certains gestes. Je suis un individu doté d’un cerveau, certes, qui peut être par moment défaillant, mais d’un cerveau quand même. Et je n’aurais pas eu envie, comme c’est toujours pratiquement le cas dans ce genre d’affaires, que des experts et avocats trucmuche décident à ma place de plaider l’irresponsabilité.

                Comme par hasard, ce sont toujours les autres, ceux qui ne sont pas directement concernés, qui pensent à votre place. C’est là où je trouve ça irrespectueux, et je parle pas bien, là, de l’irrespect envers les accusés. Breivik par ex se considère responsable. Alors certes, certains sont bien contents qu’en l’ayant reconnu irresponsable, on échappe ainsi au procès et à ce qu’il aurait pu dire et faire (un discours nauséabond...), mais dans ce cas là, appelons un chat un chat, et assumons le fait que dans cette affaire, cette notion de responsabilité-irresponsabilité n’est qu’un prétexte.

                Après, que l’état des prisons soit catastrophique, oui, je dirais idem pour les HP. Mais c’est un autre débat selon moi.

                Pour le reste, j’ai développé mes arguments dans mon article, et je ne suis pas étonnée que personne ne les ait vraiment compris.

                 


                • bakerstreet bakerstreet 23 décembre 2011 10:05

                  La notion de responsabilité est complexe.
                   Ce n’est pas parce qu’on a été diagnostiqué à un moment de son existence relevant de tel ou tel tiroir psy, étiquetage tout de même un peu étroit et relatif pour avoir des certitudes sur la responsabilité d’un individu, pas forcément en crise au moment des faits.
                  Car bien des pathologies mentales fonctionnent par cycles

                  Si l’on a des problèmes spécifiques sur certains ressentis, la conscience sur d’autres est entière. La preuve dans votre questionnement qui montre votre sensibilité à fleur de peau quand vous évoquez ce problème.

                  C’est vrai que la justice fonctionne d’une façon binaire, coupable ou non, on ou off.
                  Les circonstances atténuantes ou la responsabilité sont effacés de façon quasi automatique par rapport à des expertises médicales auquelles les juges vont se fier.
                  Impossible de savoir si un individu dans certains cas avait « toute sa tête » lors d’une agression. On fera parler le passé, le dossier, et certains patients peuvent évidemment en jouer, malgré la vigilance des médecins à ne pas se laisser avoir.

                  Mais la présentation tendancieuse de certains faits divers par les médias est tendancieuse, faisant le fait de crimes monstrueux, des crimes de « malades » comme si l’horreur et le sadisme était une construction liée à la souffrance et à la maladie, et entachant je pense l’image des patients qui se sentent avilis par cette simplification abusive.

                  Etre pensé par les autres, voilà la chose la plus insupportable, car elle nous renvoie à un modèle identitaire auquel nous ne nous sentons pas forcément proche. Votre conception des choses, refusant le statut victimaire fait de vous une battante et vous anoblie.


                  • Valerianne Valerianne 23 décembre 2011 12:03

                    Merci pour votre post, très intéressant, bakerstreet.

                    Bien sûr que vous avez raison de rappeler que les médias font une présentation « tendancieuse » de certains faits divers... comme je le rappelais dans un ancien article d’un de mes blogs : http://www.le-blog-de-valerianne.com/article-psychiatrie-la-loi-securitaire-qui-derange-70271735.html - et ce n’est pas étonnant que dans l’esprit de beaucoup, schizophrénie = fou dangereux...

                    Bien sûr aussi que le thème de la responsabilité pénale est bien plus complexe que l’article que j’en ai fait ici. D’ailleurs, pour moi, un acte criminel sous délire (comme ça avait été le cas notamment à Pau, où Romain Dupuy s’est cru attaqué par des monstres, des extra-terrestre), devrait bien sûr bénéficier de circonstances atténuantes.

                    Mais... ce n’est pas pour autant qu’il faut nier toute responsabilité. On peut être selon moi délirant, avec une conscience abolie au moment de l’acte, et responsable. Le fait de considérer l’autre irresponsable, c’est le reléguer, là encore, au rang de celui qui n’a pas de conscience, un « sous-homme », un monstre justement. D’ailleurs, c’est contre-productif au niveau de la peine, puisque, comme le rappelait l’émission « C’est dans l’air » = « A demi-fous, double peine... ».

                    Un des problèmes chez les psychotiques, c’est de ne pas avoir d’histoire, de ne pas pouvoir s’ancrer dans une histoire personnelle (ça se travaille heureusement, mais bon). Alors, être déclaré « irresponsable », c’est là encore être renvoyé dans une histoire qui ne nous appartient pas... d’autant que, quand vous êtes déclaré « irresponsable », il n’y a pas de procès, l’acte n’est pas ainsi vraiment acté, puisqu’aucune parole ne peut être alors entendue.

                    Après, évidemment, il y aurait beaucoup à dire sur l’état des prisons (moi qui n’aime pas Christine Boutin, qui ne me situe pas du tout dans son courant de pensée, je lui tire quand même le chapeau d’être une des rares à s’intéresser à ce problème, et depuis longtemps !), ET sur l’état des hôpitaux psychiatriques. Et beaucoup à faire pour améliorer tout ça...

                     

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