La rhétorique économique malsaine de Nicolas Sarkozy
Liminaire à ce billet partisan et pourtant terriblement objectif
Sarkozy, qui n’entend décidément rien à l’Histoire, croit que c’est le capitalisme qui a vaincu le nazisme et le communisme (à lire dans son dernier livre). Sarkozy ne comprend pas que le nazisme a été possible grâce aux moyens du capitalisme et ses puissances industrielles et financières et pareil pour le communisme de l’Est désigné comme capitalisme d’Etat. Visiblement, Sarkozy semble ignorer la pensée d’Ellul et de Raymond Aron. Mais ce n’est pas ce que les Français lui demandent, du moins ceux qui se préparent à l’élire. Mais Sarkozy reconnaît tout de même que sans moralisation, spiritualité et éthique, le capitalisme est incompatible avec la république. Tout dépend alors de ce qu’on place dans le dispositif idéologique. Chez Sarkozy, il paraît tout de même assez évident que la spiritualité, la religion et la morale sont au service de la puissance économique, de la croissance, de la « production de richesses » comme on dit.
La rhétorique économique malsaine de Nicolas Sarkozy
Créer des richesses ne veut rien dire. Produire, proposer biens et services, travailler, opérer sur le réel pour un mieux-être matériel, corporel, voilà la définition du système productif. La monnaie sert de moyen d’échange ou de fonds d’investissement. L’existence rationnelle de l’homo economicus l’amène à agir, travailler pour l’essentiel, afin d’extraire la monnaie qui lui servira d’échange pour acquérir ce dont il a besoin, ou alors désire sans que cela satisfasse un besoin fondamental.
Les débats politiques portent sur l’international, la justice, la sécurité intérieure et surtout sur l’économie. Une rhétorique visera à faire accepter une politique économique portant sur la croissance, l’emploi, les revenus, la fiscalité. On connaît des rhétoriques de droite et d’autres de gauche. En France, le libéralisme désigne la conception économique de droite et inversement l’antilibéralisme.
Lorsque nous écoutons Sarkozy, nous l’entendons évoquer le mérite, la récompense, louer ceux qui se lèvent tôt, suggérer d’augmenter ses revenus en travaillant plus, protéger les hauts revenus avec un bouclier fiscal et bien évidemment condamner l’assistanat. L’électeur croit voir dans ce discours le principe d’une action politique censée redresser la France et réduire le chômage, alors qu’il ne s’agit que d’une rhétorique mensongère aisée à défaire.
Premier lien à dénouer, celui entre la création et la richesse. On ne crée pas une richesse mais on crée des produits qui servent à acquérir des revenus. Un artisan qui crée des jouets en bois et ne peut les vendre faute d’être à la mode crée beaucoup de choses. Un courtier en biens, un vendeur de produits immobiliers défiscalisés, un artiste contemporain qui fabrique une merde et la vend 20 000 euros parce qu’il est prisé des golden boys new-yorkais, ne créent pas des produits mais savent pomper l’argent en étant bien placés dans le système. Ceux qui sont riches sont ceux qui ont su extraire la monnaie de cette immense nappe phréatique financière qu’est le marché, en plaçant les tuyaux au bon endroit. Parmi les riches, certains tirent leur revenus d’un travail effectif et d’une créativité incontestable mais beaucoup sont des opportunistes.
Second lien à dénouer, l’idée que plus de travail crée du travail ou bien qu’on peut réduire le chômage en faisant travailler plus les gens. Du travail il y en a, mais tout repose sur la quantité de monnaie disponible pour rémunérer les employés. Un vendeur de glaces, de disques, pourra bien s’installer, il n’aura pas de bons revenus si les gens n’ont pas les moyens d’acheter ses produits. Un peintre en bâtiment ne pourra trouver ses clients si les jeunes accédant à la propriété achètent des maisons sans les finitions parce que le terrain est hors de prix. Bref, si on comprend qu’il y a un excès de circulation de monnaie dans des zones d’hyperéconomie, on sait alors pourquoi il n’y a pas de possibilité de créer des emplois, sauf payés misérablement. Pendant ce temps, l’argent coule à flot dans les zones spéculatives. Et le fisc ferme sa gueule. Et Sarkozy l’ouvre pour vanter son bouclier fiscal.
La première mythologie vient d’être dénoncée. Celle du créateur de richesse. Et croyez-moi, les vrais créateurs ont tant de puissance spirituelle et de classe qu’ils n’ont pas besoin de bouclier fiscal. Ils se sentent justifiés dans leur œuvre et sont reconnaissant à un système qui leur a permis de vivre de leur œuvre et de la société qui les a élevés, éduqués. Ils ne rechignent pas à payer leur impôts, jamais ingrats, même si la roue de la fortune tourne. Pas comme les parvenus, nouveaux bourges frimeurs et friqués votant Sarkozy, pauvres en esprit, n’ayant comme seuls sujets de satisfaction que leur voiture et la poupée de luxe qui a sacrifié l’amour pour s’enticher de ces virtuoses de la carte de crédit (attention, cliché).
Dans ce contexte de dureté économique, une seconde mythologie doit être dénoncée, celle de l’assistanat. A écouter Sarkozy, on croirait que la France entretient des millions d’assistés qui vivent des aides publiques. Il monte les précaires survivant du RMI contre les précaires vivant mal du Smic. L’assistanat est un pourtant un mythe. Que certains puissent tirer profit du système, c’est évident mais l’assistanat, il se trouve aussi dans la jeunesse dorée qui roule en "béhème". Les parents payent, mais n’est-ce pas parfois grâce aux réductions d’impôts accordées par l’UMP ? Qui peut juger d’une situation ? Un père qui aide un des ses enfants parce qu’il peine à entrer dans la vie saura vite si son fils est indigne ou s’il est valeureux mais pas gâté par le destin. Mais au niveau politique, qui peut juger de l’assistanat ? Qui peut dire que la majorité de ceux qui survivent des aides publique ne veulent pas travailler ? Qui peut oser faire des calculs sordides et décider des deux ou trois emplois refusés pour sucrer les indemnités de chômage à un travailleur qui n’a pas demandé à être licencié ?
La rhétorique de Sarkozy montre que ce personnage est inflexible et brutal sur ces questions. Je ne le diabolise pas, il ne mérite pas cet honneur, je dis simplement et honnêtement comment je le vois ; quelle est sa conception de la société. C’est assez simple sur le principe. N’importe quel entraîneur connaît la figure. Une équipe de basket, des gamins, certains meilleurs que d’autres. On fait jouer toujours les mêmes et les autres restent sur le banc de touche. Telle est la dure loi de l’adaptation économique. Les meilleurs sont récompensés et les plus fragiles ou indociles restent sur la touche, sans accéder au jeu économique, aux biens matériels ; ils balaient le terrain pour quelques sous. Voilà le projet de Nicolas Sarkozy. Et dans les statistiques de l’emploi, ça peut réussir si on assouplit les critères et qu’on intègre dans les travailleurs ceux qui pour quelques sous, balayent le terrain de 6 à 8 heures du matin, se levant tôt, puis le soir après le match. Pour gagner 800 euros par mois. Alors Sarkozy aura réussi. Le chômage sera à 5 points !
Des vieilles photos de la Vienne des années 1930 montrent des gens qu’on force à balayer dans la rue. Le contexte est différent.
Sarkozy est l’allié des puissants de l’économie, des gens friqués, des dirigeants de grands groupes et son aura politique a su convaincre les citoyens qu’il défendra les travailleurs, les Français silencieux se levant tôt, les petits entrepreneurs. C’est une conjecture que l’Histoire connaît. Très récemment avec Bush et l’action soutenue des républicains élus en Amérique depuis vingt-cinq ans. L’Italie et Berlusconi ? Les Italiens assumant l’héritage de la décadence de Rome, il est culturel que les riches aient eu la meilleure part mais le peuple italien a su se redresser en élisant Prodi. Je verrais plus dans l’Allemagne de 1933 cette collusion entre le politique et la finance, avec un fond de crise économique et un parti politique qui divise, pointe des boucs émissaires, s’allie des puissances financières, oblige les travailleurs à travailler pour gagner plus, alors que le progrès de productivité devrait permettre de gagner plus en augmentant les salaires.
Le modèle politique de Nicolas Sarkozy est incontestablement la république, l’Etat de droit et la démocratie, dans une version plutôt autoritariste. Le modèle économique de Nicolas Sarkozy ressemble de loin à celui de l’Allemagne de 1933 (l’aide publique conditionnée à une activité, c’est une forme de travail obligatoire) et de près à celui de la droite américaine. On a pu lire que le choix se situait entre un candidat qui va mettre à bas la république de droit et une candidate qui risque de « bousiller » l’économie française et, qu’à tout prendre, autant conserver la république. Je ne suis pas certain que telle soit l’alternative.
La situation de l’opinion est assez caractéristique. On a parlé beaucoup de la lepénisation des esprits mais peu du ralliement des gens aux thèses gestionnistes pronant la priorité de l’efficacité économique sur la condition des hommes. Le système met une pression importante sur les travailleurs et ce que propose Sarkozy, avec l’appui d’une majorité de Français, c’est encore plus de pression sur les précaires, moins de protection sociale. La France a souffert, socialement parlant, d’une politique économique de droite. Et elle se prépare à en redemander. Quelque chose ne colle pas. Il faudra qu’on m’explique en quoi la brutalité, la carotte et le bâton sont un progrès ou alors que les Français reviennent à la raison et reconnaissent qu’avec Sarkozy, ils auront une politique de régression piétinant les principes qui ont fondé la civilisation européenne.
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