La situation à la centrale nucléaire de Zaporijia devient un problème pour le monde entier
L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a réuni un groupe d'experts pour visiter la centrale nucléaire de Zaporijia. Plus tôt, le directeur général de l'agence Rafael Grossi n'a pas exclu qu'un accident puisse produire dans cette centrale nucléaire, qui s'est retrouvée sur la ligne des hostilités. Pour l'instant, la situation autour de la centrale a provoqué un malaise en politique étrangère.
La conférence d'examen du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) s'est terminée sans déboucher sur la signature d'un document final. Il a été bloqué par la Russie, qui n'a pas été satisfaite notamment par la proposition d'assurer le contrôle de la centrale par les autorités ukrainiennes.
La composition du groupe d'experts de l'AIEA a été rendue publique par le quotidien New York Times. À en croire le journal, il inclura quatorze personnes. Dont Rafael Grossi. L'AIEA a cherché à constituer le groupe de sorte que ni l'Ukraine ni la Russie ne puisse lui reprocher de ne pas être objective. Des représentants de la Serbie et de la Chine ont été inclus pour satisfaire Moscou, ainsi que des représentants de la Pologne et de la Lituanie pour satisfaire Kiev. Les autres membres du groupe représentent la France, l'Italie, l'Albanie, la Jordanie, le Mexique et la Macédoine du Nord. Certes, la Russie pourrait avancer des objections (et le fera certainement) à une telle composition d'experts. Il convient de rappeler ne serait-ce que le fait que la France, l'Italie et la Macédoine du Nord fournissent des armes à l'Ukraine.
Cependant, l'AIEA n'aurait probablement pas réussi à assurer une neutralité absolue si elle s'était fixée un tel objectif. Le nombre de pays soutenant les actions de la Russie en Ukraine au niveau officiel ou qui ne les critiquent pas n'est pas très grand dans le monde, et en Europe cela se limite à la Biélorussie. Alors que cette mission ne pourrait pas se passer d'Européens. En cas d'accident à la centrale nucléaire de Zaporijia, c'est avant tout l'Europe qui serait touchée par ses conséquences.
Rafael Grossi déclarait que seule une présence permanente d'une mission de l'AIEA à la centrale pourrait empêcher son bombardement. En même temps, les aspects techniques de sa présence à la centrale restent flous pour l'instant. Le président français Emmanuel Macron disait que les dirigeants de l'Ukraine et de la Russie avaient fourni des garanties à une mission de l'AIEA. Alors que le directeur de l'AIEA a déclaré aux médias français que les experts devaient "compter sur le soutien de l'ONU et des blindés qui nous amèneront là-bas". En d'autres termes, il s'avère que la centrale d'Enerhodar pourrait devenir le seul endroit en Ukraine où des casques bleus seraient envoyés. 42 pays ont appelé à retirer les troupes russes du territoire de la centrale en lui accordant un statut démilitarisé. Ce sont notamment les États-Unis, le Canada, la Nouvelle-Zélande, l'Australie, le Royaume-Uni, tous les pays de l'UE, la Moldavie, le Japon, la Corée du Sud et la Turquie.
Par ailleurs, dans la situation à la centrale nucléaire, la Russie a désigné pour l'instant une seule ligne rouge qu'elle ne permettra pas de franchir. C'est la remise du site sous le contrôle de l'Ukraine. C'est ce qu'a fait échouer l'adoption du document final à la conférence d'examen du TNP qui a duré presqu'un mois à New York, du 1er au 26 août. Le représentant du ministère russe des Affaires étrangères Igor Vichnevetski a précisé que Moscou contestait certains points du document "franchement politiques". Selon l'agence AP, la centrale de Zaporijia y est mentionnée quatre fois. Le document parle notamment de "l'importance primordiale de garantir le contrôle" de la centrale "par les autorités compétentes de l'Ukraine". C'est avant tout ce qui a suscité l'objection de la Russie.
Étant donné que tous les membres du TNP doivent signer le communiqué, soit 191 pays, la position de la Russie a conduit à l'échec de l'adoption du document. Toutefois, Igor Vichnevetski insistait qu'en l'occurrence il ne s'agissait pas seulement de la Russie. D'autres pays avaient également des objections quant à ce document. Quoi qu'il en soit, la non-adoption d'un communiqué signifie que les membres du traité n'ont pas exprimé leur avis sur de nombreux évènements dans le monde. Par exemple, sur la création du partenariat Aukus (des États-Unis, du Royaume-Uni et de l'Australie), qui pourrait conduire à l'apparition de l'arme nucléaire sur le territoire australien. La Russie a exprimé plusieurs fois ses préoccupations à ce sujet.
Une issue aussi regrettable de la conférence est une atteinte de plus au régime de non-prolifération des armes nucléaires. Certains États sont de plus en plus tentés de se doter de leur propre arme nucléaire. Le Japon et la Corée du Sud en font partie. Ces derniers s'inquiètent pour leur propre sécurité (avant tout à cause du voisinage avec la Corée du Nord assez imprévisible) et possèdent un sérieux potentiel scientifique. En cas de conflit, l'Ukraine pourrait devenir la mèche qui fera exploser le système mondial de sécurité nucléaire, construit à l'époque de la guerre froide et qui fonctionne tant bien que mal à ce jour, garantissant que le club des puissances nucléaires ne s'élargira pas de manière incontrôlée.
Alexandre Lemoine
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