La Turquie, les Juifs et l’Holocauste (1)

Une historienne allemande dévoile la propagande turque sur les juifs
De Harut Sassounian
Édité par The California Courier
Editorial de Sassounian du 4 juin 2009
Pendant des années, le gouvernement turc et ses propagandistes attitrés ont prétendu que tout au long de l’histoire les juifs ont été bien traités en Turquie.
Comme ces dernières années, la Turquie a subi une intense pression internationale pour reconnaitre le génocide arménien, les responsables turcs ont décidé de présenter une image plus positive de leur pays en forçant les leaders juifs locaux à émettre des déclarations publiques indiquant que leur communauté avait toujours vécu en paix et avait prospéré pendant des centaines d’années.
Les responsables juifs de Turquie se sont acquittés des diktats du gouvernement turc avec obéissance, afin d’assurer la sécurité de leur communauté et de sauvegarder leurs propres intérêts en affaires.
Cependant très peu de recherches ont été faites sur les conditions réelles de la communauté juive dans l’Empire ottoman et dans la République de Turquie. L’historienne allemande Corry Guttstadt a récemment comblé le vide en publiant une étude complète de 520 pages sur les actes répréhensibles de la Turquie pendant l’Holocauste. Le titre en allemand du livre est : “Die Turkei, die Juden und der Holocaust” (La Turquie, les Juifs et l’Holocauste). Basée sur des documents d’archives situées dans divers pays européens, l’étude a pu documenter le destin tragique des juifs de Turquie pendant l’Holocauste.
Dans une interview menée par Sonja Galler et postée sur le site www.Qantara.de, Guttstadt explique pourquoi la communauté juive de Turquie est passée de 150000 personnes pendant la Première Guerre mondiale à seulement 20000 aujourd’hui.
“Décrire l’Empire ottoman comme un ‘paradis multiculturel’ est absurde et non historique”, dit Guttstadt. “En tant que non musulmans, les juifs étaient sujets à des contraintes sans nombre. Comme les chrétiens, ils devaient payer un impôt et ils étaient obligés de se conduire de manière soumise envers les musulmans.”
Ayant été témoins du génocide arménien, les juifs étaient terrifiés à l’idée de subir le même sort. Pour garantir leur sécurité et leur survie, les juifs ont fait tout ce qui était possible de faire, y compris se convertir à l’islam, pour prouver qu’ils étaient des sujets turcs loyaux.
“La plupart des juifs se considéraient à l’origine comme des alliés du mouvement kémaliste et attendaient beaucoup de la nouvelle République”, explique Guttstadt. “Ces espoirs ont été rapidement balayés, parce que malgré leurs tentatives d’adaptation et leurs déclarations de loyauté, les juifs sont vite devenus la cible du nationalisme rigide de la jeune république. L’une des politiques définissant la nouvelle république était la ‘Turquisation’ de l’état, de l’économie et de la société”, déclare Guttstadt. Ce qui eut comme résultat que les juifs furent “successivement écartés d’un certain nombre de professions et de secteurs de l’économie. Ce qui a motivé de nombreux juifs à émigrer” de Turquie.
Dans la période de l’entre-deux-guerres, l’intolérance allait croissante en Turquie envers les juifs et les autres minorités. Selon Guttstadt, “des tracts antisémites comme ‘Le Protocole des sages de Sion’ avaient atteint la Turquie et avaient été traduits dans les années 1930. Suite à une visite en Allemagne, Cevat Rifat Atilhan, que l’on pourrait décrire comme le père de l’antisémitisme islamique en Turquie, a commencé à publier le journal antisémite, Milli Inkilap (Révolution nationale) à Istanbul, qui contenait des caricatures antisémites qui étaient directement tirées du journal nazi, Der Sturmer. Le ‘Protocole des Sages de Sion’ et ‘Mein Kampf’ ont été réédités maintes fois à ce jour. Les mesures nationalistes n’ont pas uniquement affecté les juifs, mais aussi les Kurdes, les Arméniens et les Grecs, et elles incluaient des relocations forcées, le soi-disant ‘impôt sur la richesse’— qui a conduit à la confiscation des biens de ceux qui n’étaient pas en mesure de payer les sommes astronomiques et arbitraires fréquemment exigées — ainsi que des camps de travaux forcés en Anatolie orientale.”
Avant la Première Guerre mondiale, près de 30000 juifs turcs se sont enfuis en Europe pour échapper aux traitements injustes et parfois brutaux qu’ils subissaient chez eux. Ils ne savaient pas qu’un destin encore plus tragique les attendait. En 1942, l’Allemagne nazie avait demandé à Ankara de faire partir ses citoyens juifs des territoires occupés par le Reich allemand, afin qu’ils ne soient pas rassemblés avec les autres juifs d’Europe. Ankara a cependant refusé de leur permettre de revenir en révoquant leur citoyenneté turque. Le résultat fut que plusieurs milliers de juifs turcs moururent après avoir été internés dans les camps de concentration allemands.
Guttstadt dévoile également le mensonge si souvent répété : la Turquie aurait fourni un abri sûr à de nombreux juifs européens pendant l’Holocauste. Elle déclare que certains consuls turcs dans des pays européens, qui sont intervenus pour obtenir la libération des juifs turcs incarcérés, ne l’ont pas toujours fait “pour des raisons purement humanitaires”, mais “pour se remplir les poches.”
Le livre révélateur de Corry Guttstadt devrait être traduit et publié en plusieurs langues principales afin d’exposer les politiques racistes et criminellement négligentes du gouvernement turc vis-à-vis de ses citoyens juifs pendant l’Holocauste.
©Traduction C.Gardon pour le Collectif VAN
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