La vérité sur les promesses de non-extension de l’OTAN
Absolument rien ne prouve que ni le rouleau de papier ni la vidéo ne contiennent la moindre preuve. Quiconque prétend prouver qu’une preuve se trouve là-dedans devra nous montrer dans quels termes il est écrit ou dit par quelqu’un qu’une preuve existe. Vous prétendez que Roland Dumas a écrit quelque chose dans ce rouleau de papier hygiénique où qu’il a dit quelque chose dans cette vidéo alors montrez-nous ce qu’il a dit !
Pourtant, très sérieusement, une quantité de poutinolâtres affirment et répètent que le pauvre Dumas aurait dit dans cette vidéo qu’il est témoin que des promesses de non-élargissement de l’OTAN à l’Est ont été faites. Je dis bien qu’ils affirment et répètent à satiété que Dumas a dit cela. Mais évidemment, ils le font avec le style indirect : « Dumas explique que... », « il affirme que… », « il convient que… », « il confirme que… ». Jamais ils ne citent les prétendues paroles que Roland Dumas aurait dîtes. Ils se moquent de leurs interlocuteurs. Ils les invitent à aller chercher eux-mêmes ces paroles, cette preuve… que, bien évidemment, ils sont incapables de donner. Il est évident que si Roland Dumas avait dit quelque chose du style : tel diplomate américain a dit à tel diplomate russe qu'il n'y aura pas d'extension de l'OTAN, les paroles de Roland Dumas auraient été reproduites en caractère gras avec une énorme police de caractères. Je paye une caisse de bouteille de champagne à celui qui citera les paroles de Roland Dumas disant cela. Jamais les poutinolâtres ne diront à quelle minute et dans quels termes il aurait dit cela car le pauvre bougre ne l’a jamais dit. Cela ne les empêche pas d’ajouter un titre tout autant catégorique que mensonger : "Comment l'Occident a promis à l'URSS que l'OTAN ne s'étendrait pas, par Roland Dumas, ex-ministre" avec en plus un second titre sur l'écran d'ouverture de la vidéo : "La promesse non-tenue de l'OTAN".
Et c’est ainsi que les poutinolâtres, ne supportant pas que la parole de leur Dieu soit mise en doute, prétendent exhiber des preuves. En fait, ils se contentent d’écrire des gros titres mensongers pour affirmer que des preuves sensationnelles figurent dans tel ou tel document. Et ces gros-titres, ces ragots et ces racontars sont répétés avec enthousiasme par ceux qui veulent absolument que ce soit la vérité. Ils se disent que la répétition, le martèlement suffiront peut-être. Comme au temps du stalinisme triomphant (les procès de Moscou), ils finiront peut-être par faire passer les bobards pour la pure vérité. Mais il faut avoir l’air de tenir un raisonnement, d’avoir des arguments, des preuves… En êtes-vous certain ? Est-ce vraiment utile ? Ne peut-on pas se contenter de faire semblant d’avoir des arguments ?
Il suffit de dire qu’on a la preuve, d’emmener le lecteur dans un parcours sinueux vers cette prétendue preuve sans jamais l’atteindre. Ce pauvre lecteur finira peut-être par être persuadé que la preuve existe sans jamais l’avoir vue. Le mensonge est un grand art.
Exhiber des documents ne prouve rien de plus que d’exhiber une fiole.
Après la vidéo de Dumas, voyons cet autre document sensationnel qu’ils évoquent. Il s’agit d’un article de Spiegel. Du coup, cette revue de la presse pro-capitaliste allemande n’a plus aucun des défauts de « la presse occidentale qui abreuve tous les mougeons ».
Démonstration : Voici un article daté du 21 février 2022 d’un certain Bruno Odent. C’est un chef d’œuvre du genre ! Je reproduis le début de l’article.
« Ukraine : la preuve que les occidentaux s’étaient engagés à ne pas étendre l’OTAN vers l’Est »
« Un document émanant des archives britanniques, révélé par le magazine allemand Der Spiegel, souligne que des accords écrits ont bien été passés avec Moscou pour ne pas étendre la sphère d’influence et d’action de l’Alliance atlantique « au-delà de l’Elbe ».
Un document émanant des archives nationales britanniques corrobore la thèse avancée par Moscou de l’existence d’un engagement de Washington et des puissances occidentales à ne pas étendre l’Alliance atlantique vers l’Est. Le magazine allemand Der Spiegel en révèle l’existence.
Ce texte, longtemps classé secret défense, a été remonté des profondeurs des archives par le chercheur états-unien Joshua Shifrinson, professeur à l’université de Boston. Il y est question du procès-verbal d’une réunion des directeurs politiques des ministères des affaires étrangères des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de la France et de l’Allemagne, tenue à Bonn le 6 mars 1991. Le thème était la sécurité en Europe centrale et orientale.
Le titre de l’article est complètement mensonger. Mais, nous connaissons la technique de ces falsificateurs. Ce qui est le plus important pour l’auteur c’est d’écrire le titre. Le contenu n’est qu’un vague laïus dans lequel aucune preuve ne peut être trouvée.
Le style est parfaitement conforme à la littérature complotiste. L’auteur présente une révélation : Il y aurait eu un document écrit qui aurait été classé secret défense au sujet de la promesse faite de ne pas étendre l’OTAN vers l’Est. On est plongé d’emblée dans l’espionite. Le moteur de l’histoire c’est la manipulation opérée par les services secrets. Il n’est jamais question de lutte de classe. Leur leitmotiv est : « Avec de l’argent et des armes, on peut déclencher n’importe quelle révolution ». Rien de mieux comme argument que de faire état d’un document classé secret défense. Il est surtout utile d’en parler. Quant à le montrer… C’est plus difficile !
Cette révélation viendrait d’un article de Der Spiegel que l’auteur ne cite même pas. Il se contente d’affirmer que l’article en question citerait des documents d’archives découverts par un politologue américain, le professeur en relations internationales de l’Université de Boston Joshua Shifrinson. Pour l’instant, nous apprenons seulement que Bruno Odent (l’auteur) révèle que le journal Der Spiegel fait une révélation. On avance doucement.
Pourtant l’auteur affirme. Il n’insinue pas. Il ne laisse pas entendre : "des accords écrits ont bien été passés avec Moscou pour ne pas étendre la sphère d’influence et d’action de l’Alliance atlantique « au-delà de l’Elbe".
Très bien ! Alors nous voulons tous voir ces prétendus accords écrits. Déception ! Nous ne verrons rien ! Mais alors, que contiennent ces documents longtemps restés classés « secret défense ». Réponse :
"Il y est question du procès-verbal d’une réunion des directeurs politiques des ministères des affaires étrangères des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de la France et de l’Allemagne, tenue à Bonn le 6 mars 1991."
Si ce document, enfin porté à la connaissance du public, était le procès-verbal de la réunion en question nous aimerions le voir. Mais, outre que nous ne verrons rien, ce n’est même pas de cela qu’il s’agit. Dans ce document longtemps resté classé « secret défense », il serait question du procès-verbal de cette réunion dans laquelle il aurait été dit que... Il n’y a évidemment aucune preuve. L’auteur nous offre d’ailleurs une aberration supplémentaire aussi loufoque que saugrenue.. Les participants de cette réunion, dont nous n’avons même pas le procès-verbal, sont tous des occidentaux : « des directeurs politiques des ministères des affaires étrangères des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de la France et de l’Allemagne ». Comment serait-il possible qu’ils aient fait une promesse à des responsables russes alors qu’aucun d’eux n’était présent ?
Peu importe pour les poutinolâtres cela leur fait déjà deux gros-titres pour affirmer qu’ils ont une preuve. Cela suffit-il ? Non, ils en trouveront un troisième !
Le grand spécialiste des révélations complotistes-alternatives actuelles est Olivier Berruyer. C’est à lui que nous devons la vidéo avec Roland Dumas. Berruyer veut dépasser Thierry Meyssan. Nous nous souvenons qu’après les attentats du 11 septembre, il avait trouvé un créneau qui lui semblait très bon pour se faire voir dans le domaine de la contestation. Il voulait déjà faire concurrence à Meyssan. Mais, quelques temps plus tard, il s’était aperçu que ce créneau le privait de l’accès aux plateaux de télévision. Il avait donc renié toutes ses critiques. Il fait son retour sur ce nouveau créneau de la contestation qui lui semble très porteur. Il relaie la propagande du Kremlin sur son site « Les Crises » et y apporte en plus ses propres contributions.
C'est lui-même qui a réalisé l'interview de Dumas sur la vidéo. Il est bon d'y revenir pour que chacun apprécie le niveau de l'honnêteté de ce Berruyer.
Depuis que Poutine a fait de cette question d’une prétendue promesse un axe de sa propagande, ils sont nombreux les journalistes qui ont voulu aller chercher des preuves... Ils ont d’abord interrogé ceux qui étaient censés témoigner qu’on leur avait fait des promesses : Gorbatchev, Chevardnadze... En vain.
Berruyer veut faire mieux. Il choisit le pauvre Roland Dumas quelque peu vieillissant. Est-ce un hasard ? On sait que les discours ambigus et confus de Dumas ont déjà été largement et abusivement exploités par les complotistes-alternatifs. On se souvient de l’espèce de déclaration où il disait qu’on lui avait confié que quelqu’un avait dit qu’ils étaient quelques-uns à préparer quelque chose pour la Syrie et que c’était donc la preuve que les anglo-saxons voulaient envahir la Syrie.
Berruyer interview Roland Dumas avec l’intention affichée de lui faire dire qu’il y a eu les fameuses promesses. Les propos de Roland Dumas sont souvent confus et ambigus. On le perçoit fier, vu son âge avancé, qu’on lui prête de l’importance et heureux de faire une démonstration. Il répète plusieurs fois : « Je me souviens très bien... » et quand il le dit c’est vrai ! Il se souvient de faits et de détails précis. Quand il ne le dit pas c’est plus ennuyeux. Il est plus difficile de situer dans le temps les faits qu’il évoque. Il parle des années 1950-60. Il dit à un moment que Poutine a protesté. A partir de quelle date Poutine a-t-il pu intervenir dans une réunion d’ambassadeurs ? Il parle aussi du traité de Moscou (septembre 1990) et fait référence à une réunion précise où l’ambassadeur américain (Baker) est arrivé tardivement. C’est probablement la réunion à Moscou sur le traité de Moscou. Je rappelle que ce traité ne concernait que l'Allemagne qui n'était pas encore réunifiée. Toutes les discussions sur l'extension de l'OTAN à ce moment-là ne portaient que sur l'extension à l'Allemagne de l'Est. Dans l'interview Dumas fait part de son sentiment, de ses idées, de ses opinions sur ce qu’a été la politique de désarmement. C'est avec ça que Berruyer se permet de mettre en titre "Comment l'Occident a promis à l'URSS que l'OTAN ne s'étendrait pas, par Roland Dumas, ex-ministre ». Avec sur l'écran d'accueil de la vidéo cet autre titre : "La promesse non-tenue de l'OTAN".
Il reste possible d'objecter que, dans aucun de ces deux titres, il est vraiment dit que Roland Dumas affirme dans la vidéo que les promesses de non-extension de l'OTAN ont été faites. Berruyer serait-il vicelard au point de se protéger ainsi d'une éventuelle attaque en justice ?
Ce Berruyer n’a pas hésité à écrire trois articles intitulés « Expansion de l’OTAN, Les origines de la grave crise actuelle ». La vidéo fait partie de son dossier. C’est le premier de ces trois articles qui nous intéresse car il nous amène d’autres prétendues « preuves ».
Il exhibe un texte en anglais. Il le présente en écrivant simplement : « Afin de clore toute polémique inutile sur ce sujet, voici les promesses telles qu’elles figurent dans les archives occidentales ». ». Là encore, il ne s’agit que d’un effet de manche, d'un énorme bluff pour avoir l’air d’affirmer avec certitude. Dans quelles archives ? Mystère ! Nous n’avons rien vu. Comme bien d'autres poutinolâtres, il joue avec les extrapolations à partir des discussions sur la réunification de l'Allemagne. Dans ces discussions, il a été question du déplacement des troupes de l'OTAN de l'Allemagne de l'Ouest vers l'Allemagne de l'Est. Cela n'a rien à voir avec un déplacement de l'OTAN de l'Europe de l'Ouest vers l'Europe de l'Est. Berruyer joue sur cette ambiguïté pour passer de la confusion à la falsification.
Evidemment, il n’y a pas davantage de preuves ici qu’ailleurs mais en martelant encore et encore les complotistes-alternatifs finissent par se persuader eux-mêmes que Poutine dit la vérité.
Tout cela est tellement ridicule et dérisoire que ça ne sort même pas du petit cercle franco-français des poutinolâtres. Il est certain que, s’il y avait l’ombre d’un semblant de début de preuve, celle-ci serait reprise par les services d’information de Poutine. Mais la méthode est connue et elle peut être répétée à l’infini. Ne doutons pas que d’autres poutinolâtres bornés sortiront des documents classés « secret défense » enfin déclassifiés dans lesquelles ils jureront que se trouve la preuve que… Ce sera surtout, encore une fois, une preuve que nous ne verrons jamais. Mais laissons de côté ces mensonges, ces fourberies, ces manipulations de faux-culs.
Passons maintenant aux choses sérieuses : aux véritables preuves. Nous avons la preuve qu’il n’y a jamais eu de promesses d’élargissement de l’OTAN à l’Est. Cette preuve, c’est une déclaration de Mickaël Gorbatchev.
La voici :
Vous avez ici les termes exacts de la déclaration de Gorbatchev qui est bien le mieux placé pour dire si oui ou non des promesses ont été faites aux dirigeants russes pendant les années où c’était lui qui occupait la plus haute fonction. Pourquoi, dans ces conditions continuer ainsi à tergiverser pendant des heures et des heures ?
Précisons où et quand cette déclaration a été faite en espérant qu’il sera ainsi mis un terme définitif à toutes ces discutailleries.
Voici le lien du texte : « Mikhail Gorbachev : I am against all walls ». Voici maintenant, en anglais, la question qui lui a été posée et sa réponse :
RBTH : « One of the key issues that has arisen in connection with the events in Ukraine is NATO expansion into the East. Do you get the feeling that your Western partners lied to you when they were developing their future plans in Eastern Europe ? Why didn’t you insist that the promises made to you – particularly U.S. Secretary of State James Baker’s promise that NATO would not expand into the East – be legally encoded ? I will quote Baker : “NATO will not move one inch further east.” »
M.G. : « The topic of “NATO expansion” was not discussed at all, and it wasn’t brought up in those years. I say this with full responsibility. Not a singe Eastern European country raised the issue, not even after the Warsaw Pact ceased to exist in 1991. Western leaders didn’t bring it up, either. Another issue we brought up was discussed : making sure that NATO’s military structures would not advance and that additional armed forces from the alliance would not be deployed on the territory of the then-GDR after German reunification. Baker’s statement, mentioned in your question, was made in that context. Kohl and [German Vice Chancellor Hans-Dietrich] Genscher talked about it. »
Voici maintenant la traduction :
Question : « L’expansion de l’OTAN à l’Est est l’un des principaux problèmes soulevés par les événements en Ukraine. Avez-vous l’impression que vos partenaires occidentaux vous ont menti lorsqu’ils élaboraient leurs projets d’avenir en Europe de l’Est ? Pourquoi n’avez-vous pas insisté pour que les promesses qui vous ont été faites - en particulier la promesse du secrétaire d’État américain James Baker que l’OTAN ne s’étendrait pas à l’Est - soient légalement encodées ? Je citerai Baker : « L’OTAN ne se déplacera pas d’un pouce plus à l’est. »
Réponse : « Le sujet de « l’élargissement de l’OTAN » n’a pas du tout été abordé, et il n’a pas été évoqué pendant ces années. Je le dis en toute responsabilité. Pas un seul pays d’Europe de l’Est n’a soulevé la question, même après la fin du Pacte de Varsovie en 1991. Les dirigeants occidentaux ne l’ont pas non plus soulevée. Une autre question que nous avons soulevée a été discutée : s’assurer que les structures militaires de l’OTAN n’avanceraient pas et que des forces armées supplémentaires de l’alliance ne seraient pas déployées sur le territoire de ce qui était alors la RDA après la réunification allemande. La déclaration de Baker, mentionnée dans votre question, a été faite dans ce contexte. Kohl et [le vice-chancelier allemand Hans-Dietrich] Genscher en ont parlé. »
Cette preuve est irréfutable contrairement à tous les discours que nous avons examinés précédemment d’où il ne sort aucune réelle citation. Cette preuve est dans le style qu’affectionnent les complotistes-alternatifs. Ils veulent des documents sensationnels. C’est fait ! Je leur en ai donné un.
Cependant, de mon point de vue, une preuve bien plus évidente saute aux yeux. Il suffit de se replacer dans le contexte de l’époque en analysant la situation. Une question a préoccupé les gouvernements du monde entier après la chute des gouvernements staliniens de l’Europe de l’Est lorsque l’URSS a été démantelée. Ce n’était nullement la question de l’élargissement de l’OTAN. C’était celle de la prolifération des armes nucléaires. De nouveaux pays indépendants avaient des fusées à têtes nucléaires sur leur sol : l’Ukraine, le Kazakhstan et le Belarus (la Biélorussie). La question de rapatrier toutes ces armes nucléaires sur le sol de la Russie était la question urgente à régler. C’est au terme de ces négociations que les dirigeants Ukrainiens ont obtenu en contrepartie la garantie qu’il ne serait jamais porté atteinte à l’intégrité de leur territoire. Voici la seule vraie promesse signée et contresignée que ce Poutine, dénué de tout sens moral, se permet effrontément de fouler au pied.
A cette époque Gorbatchev avait déjà cédé la place à Eltsine. Auparavant, personne ne savait ce qui allait se passer. Si les évènements s’étaient déroulés tels que Gorbatchev les souhaitait, l’OTAN aurait disparu en même temps que le pacte de Varsovie car il voulait une entente parfaite entre l’Ouest et l’Est. Cela aurait rendu caduques ces regroupements (OTAN et Pacte de Varsovie). Comment et pourquoi un homme qui souhaite, à ce moment-là, la suppression de l’OTAN irait-il s’occuper de faire des promesses sur la non-extension de cette organisation ?
En 1990 personne ne savait si l’Organisation du pacte de Varsovie et l’OTAN avaient ou non un avenir.
Par exemple, en 2009, Edvard Chevardnadze déclare dans une interview accordée en allemand, que la dissolution du pacte de Varsovie et, a fortiori, l’absorption dans l’OTAN des pays de l’Est et de certaines républiques ex-soviétiques étaient tout simplement quelque chose d’inimaginable. Le journaliste qui essaie de lui faire dire qu’il y avait eu des promesses de non-extension en est pour ses frais. Chevardnadze déclare :
« A l'époque, nous ne pouvions pas croire que le Pacte de Varsovie puisse être dissous. C'était au-delà de notre domaine de compréhension. Aucun des pays participants n'avait de doute sur le Pacte de Varsovie. Et les trois États baltes, qui font maintenant partie de l'OTAN, faisaient alors encore partie de l'Union soviétique. »
Le journaliste de Spiegel insiste ensuite lourdement mais les réponses de Chevardnaze ne varient pas :
- « C’est la première fois que j’en entends parler.
- Non. Cela n’a jamais été discuté en ma présence.
- Cela a peutêtre été discuté après ma démission du ministère des Affaires étrangères en décembre 1990. Cependant, pendant mon mandat, ce n'était pas le cas.
- Gorbatchev avait cette idée (adhésion de l’URSS à l’OTAN), mais il n'a jamais pris de mesures réalistes pour y parvenir. C'est pourquoi il n'a jamais été vraiment discuté entre les dirigeants soviétiques.
- La question ne s’est jamais posée. »
Voilà bien l’état d’esprit de tous à cette époque : la sortie des pays d’Europe de l’Est du pacte de Varsovie dépassait le domaine de la compréhension. Personne ne pouvait se préoccuper d’élargissement de l’OTAN dans ces conditions.
Il est d’ailleurs intéressant de regarder pourquoi finalement l’OTAN n’a pas été supprimée. J’ai expliqué dans un autre article que l’élargissement de l’OTAN a été fait à l’initiative des pays d’Europe de l’Est qui voulaient des garanties qu’il n’y ait jamais de retour en arrière. Ils ne voulaient pas voir les chars russes arrivés chez eux comme en 1953 en Allemagne de l’Est, en 1956 en Hongrie, en 1968 en Tchécoslovaquie… et en 2022 en Ukraine. Or, ces garanties ne sont jamais venues de la Russie. La certitude qu’il n’y ait plus de conflit contre la Russie n’a jamais été acquise. L’évolution de la situation en Russie a toujours justifié qu’il y ait des craintes à ce sujet. C’est aussi ce qui explique que l’OTAN n’a jamais été supprimée.
Les « années noires » (de 1991 à 2000) ont été assurément des années d’incertitudes. Elles ont été vécues péniblement par la grande masse de la population russe alors que, notamment dans l’armée, la solution d’un retour à la situation antérieure semblait une bien meilleure solution que le maintien de l’espèce de chaos dans lequel se trouvait la Russie. C’est pourquoi tous les pays qui venaient de se séparer de la Russie craignaient un retour en arrière. La Russie est sortie économiquement de ce chaos quand Poutine est arrivé au pouvoir mais à partir de ce moment la situation était pire. Le premier « travail » de Poutine a été de raser Grozny. Depuis, il n’a pas cessé d’être en guerre pour élargir le territoire de la Russie ou pour étendre son influence. Voici un bref rappel de ses actions guerrières qui perdurent jusqu’à maintenant.
— Le 6 février 2000, Grozny, la capitale de la Tchétchénie est rasée par les troupes russes de Poutine. Avec l’aide du criminel de guerre tchétchène Kadyrov, Poutine remet la Tchétchénie au pas. Elle devra se satisfaire du nationalisme Grand-Russe.
— Août 2008, après avoir installé l’armée russe en Géorgie à l’issue d’une guerre, Poutine annexe l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie. La reconquête continue !
— Mars 2014, Poutine annexe par la force une partie du territoire ukrainien : la Crimée. Il s’agit d’une enclave peuplée artificiellement par des russes à la suite de multiples déportations opérées par Staline. Cette russification a été poursuivie par Poutine. La reconquête continue et les tatars doivent s’en satisfaire !
— Mai 2014, dans la foulée de l’annexion de la Crimée, Poutine apporte son soutien politique, économique et militaire (hommes et armes) à la Nouvelle Russie (novorossia), nommée Union des Républiques populaires du Donbass. Il s’agit d’un territoire de l’Est ukrainien, proche de la frontière russe. Poutine entend soustraire une partie de ce territoire à la souveraineté de l’Etat ukrainien. Vive la Grande-Russie !
— Le 30 septembre 2015, Poutine décide d’aider le dictateur syrien, El-Assad, afin qu’il écrase la révolution syrienne. Celle-ci avait commencé avec le printemps arabe et s’était étendue à tout le pays par la répétition du cycle mobilisation-répression. A chaque itération, mobilisation et répression prenaient de l’ampleur. La Syrie va-t-elle devenir une province russe ? En attendant El-Assad est placé sous la tutelle de Poutine qui s’impose comme un contre-révolutionnaire en concurrence avec les USA.
— 6 janvier 2022. Les troupes de Poutine viennent briser le mouvement de protestation populaire au Kazakhstan. Elles procèdent à 8 000 arrestations. Elles commencent à repartir le 13 janvier mais la porte reste ouverte. Désormais, les troupes de Poutine sont partie intégrante du dispositif de répression au Kazakhstan et Poutine renforce son statut de contre-révolutionnaire.
— Depuis janvier 2022 et sans doute même auparavant, les troupes russes se sont massées à demeure en Biélorussie où sévit d’une main de fer un satrape illégitime, allié de Poutine : Loukachenko. La Biélorussie, est ainsi devenue un état vassal de la Russie, et elle pourrait même accueillir une partie de l’arsenal nucléaire russe. A ses frontières, a été planifiée l’attaque contre l’Ukraine.
— Le 24 février 2022, Poutine décide d’annexer la totalité de l’Ukraine, et déclare le Président de l’Ukraine, Zelensky, son ennemi n°1. Outre les bombardements, il envoie 10 000 mercenaires tchétchènes sous les ordres de Kadirov, le célèbre criminel de guerre. Les commandos Wagner sont requis pour terroriser les populations civiles dans les grandes villes d’Ukraine désormais encerclées et privées de ressources en gaz et électricité. Moscou aurait préparé une liste de “personnes à tuer” dans le cadre de la “dénazification” du pouvoir ukrainien, dont le Président ukrainien élu, Volodymyr Zelensky. Rappelons que celui-ci est juif et que des membres de sa famille ont été victimes du nazisme. Pour Poutine il faut abattre ce juif afin de dénazifier… Il n’est pas à une contradiction près. Pour dénazifier il envoie le groupe Wagner dirigé par un authentique néonazi, son ami Dmitri Outkine.
Toutes ces actions guerrières expliquent pourquoi l’OTAN est restée en place alors que, sous Gorbatchev, nombreux étaient ceux qui souhaitaient sa disparition.
Certes l’URSS a disparu mais la menace de la Russie a malheureusement toujours existé.
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