La vision politique de François Bayrou révélée par le philosophe Régis Debray
Le service audiovisuel public avait réservé à ses courageux téléspectateurs, en cette fin de soirée du mardi 10 mars, l’une de ces heureuses surprises, que l’on ne peut guère voir ailleurs : un débat politico-philosophique improbable et riche en enseignement sous la conduite d’un journaliste impeccable.
Regarder le philosophe Régis Debray, l’historien contemporain Jean-François Sirinelli et le politologue Olivier Duhamel débattre avec le président du Mouvement Démocrate François Bayrou sous la houlette d’un animateur branché, en la personne de Frédéric Taddeï, ne constitue sans doute pas la fin de soirée rêvée pour la plupart de nos concitoyens. Ni la mienne d’ailleurs, a priori. Mais quand votre mère, qui souffre d’insomnie, vous appelle à votre bureau au milieu de l’après-midi pour vous demander « T’as vu Bayrou hier soir sur France 3 ? Non ? Regarde ! », vous vous dites qu’il y a peut-être anguille sous roche, et vous essayez de trouver quelques minutes pour jeter un coup d’œil sur internet à l’heure de la pause.
Bayrou sur France 3, Frédéric Taddeï, donc « Ce soir ou jamais », « l’actualité vu par la culture » comme dit son slogan. L’émission commence (enfin, recommence pour nous heureux internautes), et là, la (divine) surprise : impossible de se détacher d’un débat hors du temps. Après un retour intéressant sur le parcours politique plutôt original de son invité politique, l’animateur passe la parole à Régis Debray, auteur d’un nouveau livre sur la fraternité, et l’émission décolle. Entre le philosophe engagé, de gauche, ancien soutien de Jean-Pierre Chevènement, et le politique agrégé des lettres classiques, s’établit un dialogue passionnant sur les valeurs, sur « l’inscription culturelle du politique ». Par ses réflexions et son questionnement, le philosophe parvenait à extraire du politique le fondement de son engagement, moment rare à la télévision, éclairant ainsi pour le téléspectateur des éléments déterminants bien mieux qu’aucun journaliste politique jusqu’ici. Sous cet angle, l’oméga politique de François Bayrou, « l’humanisme », acquérait une épaisseur inattendue, et un contraste passionnant avec les visions Sarkozystes ou socialistes.
Relancé par Jean-François Sirinelli, puis de façon plus pressante par Olivier Duhamel sur ses options futures de gouvernement et de positionnement politique, François Bayrou répondait en prenant, de façon assez surprenante, un positionnement très gaulliste. Le retour sur ses différences de valeurs avec le Président de la République, sur le clivage droite-gauche, sur l’existence d’un modèle de société « des inégalités croissantes » ces 20 dernières années, ou sur le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN, laissaient à Régis Debray le mot de la fin : « Pour Sarkozy, l’occident c’est l’Amérique ; pour Bayrou, l’occident c’est l’Europe ».
A voir donc, ne fut-ce que pour avoir une idée de ce qu’une véritable émission politique devrait être...
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